Madame la secrétaire d’État, le 17 décembre dernier, l’Assemblée nationale a définitivement adopté le projet de loi de modernisation de notre système de santé. Le grand public en aura sans doute retenu les paquets de cigarettes neutres ou la généralisation du tiers-payant ; aujourd’hui, je tiens à vous alerter au sujet de l’article 107 de cette loi, qui prévoit la Constitution des groupements hospitaliers de territoire, les GHT. Cette formule suscite des inquiétudes dans de nombreux territoires.
M. Demilly a évoqué la Picardie il y a quelques instants ; pour ma part, je prendrai l’exemple du département de la Manche. Comme beaucoup de départements ruraux, la Manche est confrontée à une désertification médicale. Les dernières décisions ou réflexions de l’agence régionale de santé de Normandie ne font qu’accentuer l’inquiétude de la population. Malgré l’encombrement des services d’urgence de Cherbourg et de Saint-Lô, deux sites hospitaliers sont progressivement démantelés : celui de Valognes, dans le nord du département, semble en sursis, comme on l’a vu l’été dernier ; celui de Granville, deuxième unité urbaine manchoise, voit ses services peu à peu fermés et transférés vers d’autres sites, plus éloignés.
Heureusement, la mobilisation des élus locaux et des équipes médicales a été payante – au moins pour le moment. La fermeture du service médical d’urgence et de réanimation secondaire de Granville a été suspendue par un référé du tribunal administratif de Caen ; nous ne savons pas ce qu’il en sera au fond. Le site de Valognes semble se réorganiser : pour combien de temps ? La semaine dernière, l’annonce de la fermeture de la maternité de Coutances tombait sans prévenir – dans ce dernier cas, il est vrai, l’ARS n’est pas en cause. Bref, la désorganisation semble s’installer, cautionnée – voire suscitée – par les services de l’État. Les patients en sont, évidemment, les premières victimes.
Une mauvaise nouvelle n’arrivant jamais seule, l’application de l’article 107 de la loi de modernisation de notre système de santé cause de nouvelles inquiétudes. Les propositions de groupements hospitaliers de territoire aboutiraient en effet à chambouler l’organisation des services de santé dans le département ! Au départ, trois groupements étaient envisagés : l’un au nord, autour du site de Cherbourg, l’autre, au centre, autour du site de Saint-Lô, et le dernier, au sud, autour du site d’Avranches. Le territoire départemental serait ainsi raisonnablement couvert. Or un projet alternatif ne prévoit que deux GHT. Une autre proposition a même été formulée, qui consisterait à créer un seul GHT, couvrant la totalité du département, sur 220 kilomètres du nord au sud !
Bref, nous sommes d’accord pour concilier les impératifs de qualité, de sécurité et de proximité des soins avec la nécessité, tout aussi impérieuse, de moderniser et de rationaliser l’organisation hospitalière – nécessité mise en avant par la loi de modernisation de notre système de santé. Mais la solution ne peut consister à saucissonner les services dans un GHT unique sur le département ! Nous avons besoin de trois groupements ; des mutualisations sont tout à fait envisageables dans le domaine des systèmes d’information et des achats, sans qu’il soit besoin pour cela de constituer un GHT unique. Celui-ci causerait une dispersion excessive, qui nuirait à l’offre de soins et à l’attractivité médicale.
Madame la secrétaire d’État, je vous poserai deux questions. Premièrement, quels sont les projets du ministère et quelles directives ont été données à l’ARS en ce qui concerne les urgences et les services médicaux d’urgence et de réanimation dans la Manche ? Deuxièmement, comment entendez-vous prendre en compte la spécificité du département de la Manche dans la constitution des GHT pour assurer une répartition efficace et harmonieuse des services hospitaliers ?