Intervention de Laurent Degallaix

Séance en hémicycle du 17 février 2016 à 15h00
Débat de contrôle sur la politique nationale en matière d'enseignement supérieur

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Degallaix :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, pendant la campagne présidentielle, le candidat Hollande avait décrit la jeunesse comme sa grande priorité. Quatre ans après, la stratégie du Gouvernement en la matière peine à convaincre.

Qu’il s’agisse de la diffusion des connaissances dans leur diversité, de la lutte contre les discriminations, de la réussite des étudiants ou de l’attractivité des territoires à l’échelon local, régional et national, la mission de l’enseignement supérieur est depuis 2012 un patchwork de concepts qui s’accumulent les uns aux autres. Les idées sont certes ambitieuses, mais, en matière d’éducation comme ailleurs, les bonnes intentions conduisent rarement à une politique cohérente et efficiente.

Alors qu’il convenait d’approfondir la loi LRU – loi relative aux libertés et responsabilités des universités – pour lutter prioritairement contre l’échec universitaire des étudiants, la loi de 2013 a échafaudé un meccano institutionnel trop complexe, trop lourd et qui s’inscrit à rebours des évolutions fondamentales de l’enseignement supérieur et de la recherche en Europe et dans le monde. À vouloir satisfaire chacun, vous avez surtout réussi à éloigner les études supérieures des étudiants, et les jeunes de l’emploi.

Les défis sont pourtant nombreux, surtout quand on pense que l’enseignement supérieur accueillait 300 000 jeunes en 1960 et que nous avoisinons aujourd’hui les 2,5 millions. C’est avec regret que nous constatons année après année que la stratégie du Gouvernement ne cible ni les bons enjeux ni les bonnes priorités.

En 2015, François Hollande a fixé l’objectif d’une proportion de 60 % de diplômés de l’enseignement supérieur dans une classe d’âge. Trente ans avant lui, Jean-Pierre Chevènement voulait amener 80 % d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat. Dans l’enseignement supérieur comme dans d’autres domaines, on le voit, les statistiques n’ont jamais fait une bonne politique ! Orienter les élèves vers les filières d’avenir afin de préparer au mieux leur insertion sur le marché du travail : tel devrait être l’unique objectif de l’enseignement supérieur.

Ainsi, à défaut de chiffres, le groupe UDI souhaiterait voir instaurer une procédure transparente d’orientation pour conduire les étudiants vers les filières où ils ont de réelles chances de réussir et de trouver, à terme, un emploi. Toutes les enquêtes le soulignent : le diplôme reste la meilleure arme contre le chômage. Encore faut-il sortir de l’université avec le précieux sésame !

Comment se satisfaire que le taux de passage entre la première et la deuxième année de licence soit en moyenne de 40 %, et même de seulement 20 % pour la première année commune aux études de santé ? Pourquoi seuls 27,2 % des étudiants réussissent-ils leur licence en trois ans ? Voilà les questions réelles auxquelles il nous faut répondre !

Et après la licence, que dire de la réussite en master et du serpent de mer de la sélection des étudiants ? Le 10 février dernier, le Conseil d’État a rappelé que la sélection ne peut être organisée pour l’accès aux formations de première ou de deuxième année de master à l’université. Après cette décision, allez-vous briser le tabou de la sélection en master ?

Une fois le diplôme obtenu, quelles perspectives offrons-nous aux jeunes diplômés ? Une récente étude de l’APEC – Association pour l’emploi des cadres –, publiée en octobre 2015, rappelle que l’inégalité quant à la nature du contrat d’embauche est liée à la formation initiale. Les ingénieurs diplômés et les titulaires d’un diplôme d’école de commerce sont embauchés en contrat à durée indéterminée à plus de 70 % alors que les étudiants issus de l’université sont majoritairement en poste sur des contrats non pérennes. Ce n’est pas la qualité du diplôme qui est en jeu, mais bien la facilité d’insertion dans le monde professionnel qu’offrent les écoles de commerce ou d’ingénieurs. Tout converge pour que l’enseignement supérieur s’oriente davantage vers les formations en alternance. Aussi, comment ne pas regretter qu’il soit si peu fait mention de ce type de formation dans la stratégie nationale que vous nous avez communiquée ?

Depuis des années, le groupe UDI propose de lancer un grand plan pour un enseignement supérieur en alternance, construit en lien avec les entreprises afin de faire de cette formation un véritable vivier d’emplois pour les jeunes. À ce jour, nos propositions sont restées sans réponse.

Dans la stratégie poursuivie par le ministère de l’enseignement supérieur, la qualité de vie des étudiants occupe une place importante. Au groupe UDI, nous estimons également qu’il s’agit là d’un élément important dans la réussite des élèves. C’est pourquoi nous soutenons le plan « Bibliothèques ouvertes » lancé il y a quelques semaines par la ministre de l’éducation nationale et le secrétaire d’État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche. Pour autant, au-delà de l’élargissement des horaires, il faudrait également garantir à chaque étudiant qui le souhaite une place assise !

En matière d’éducation comme ailleurs, les dossiers et les idées ne manquent pas. Malheureusement, depuis 2012, votre gouvernement a fait le choix de défaire ce qui a été fait sous la précédente législature, sans s’inspirer des réussites passées ni écouter nos propositions. Cela vous amène aujourd’hui à dresser le même bilan que nous, le constat d’un système trop complexe, d’une innovation trop souvent bridée, d’injonctions parfois contradictoires. Il est temps, je crois, de nous employer ensemble à infléchir la feuille de route.

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