La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement sur des sujets européens.
Nous commençons par une question du groupe Les Républicains.
La parole est à M. Pierre Lequiller, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le Premier ministre, le Conseil européen de demain doit traiter de la négociation entre l’Union européenne et la Grande-Bretagne. Sur ce sujet majeur, l’opacité est totale, notamment la vôtre à l’égard de la représentation nationale. En dépit de mes questions multiples à vos ministres en commission, je n’ai pu avoir aucune réponse précise sur la position de la France.
Pour avoir été à cinq reprises à Londres ce dernier semestre à la rencontre du cabinet de David Cameron, de ministres et de députés, dont une fois avec Christian Jacob, le président du groupe Les Républicains, j’insiste sur le risque élevé du out, c’est-à-dire la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne. La campagne pour le out au référendum a déjà fortement démarré et les sondages donnent aujourd’hui 56 % en faveur de la sortie. Celle-ci provoquerait une secousse historique d’une rare violence, tant pour le Royaume-Uni, bien sûr, que pour l’Europe et donc pour la France.
Angela Merkel a pris position en toute transparence devant le Bundestag et recherche l’indispensable compromis. Une fois de plus, François Hollande est aux abonnés absents et cultive l’ambiguïté. Il se contente d’affirmer qu’il y a des lignes rouges qui ne sauraient être franchies, sans dire lesquelles. Il faut répondre précisément aux quatre demandes de la Grande Bretagne, dont toute l’Europe discute pourtant. Tout n’est pas acceptable en l’état, mais une négociation consiste à faire des contre-propositions pour aboutir.
Alors, quelle est la position de la France sur chacune de ces quatre demandes ? Approuvez-vous le préaccord présenté par M. Tusk, le président du Conseil européen ? Vous devez enfin à la représentation nationale clarté et transparence.
Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Je vous réponds bien volontiers, monsieur Lequiller, parce que c’est une manière d’éclairer le Parlement, mais, honnêtement, sur ces questions qui plus est, il me paraît totalement inutile de mettre en cause l’action du Président de la République, surtout à la veille d’un Conseil européen particulièrement important.
Nous entrons dans la dernière ligne droite des négociations. Demain et après-demain se tient à Bruxelles un Conseil européen qui sera notamment chargé de trouver un accord sur la question britannique.
Un accord est-il possible ? Nous le croyons et nous l’espérons, parce que le départ de la Grande-Bretagne serait un choc dont on a du mal à imaginer les conséquences pour l’Europe…
Si, monsieur Poniatowski. Ce serait un choc pour l’Europe mais, surtout, la crise entraînée par le départ de l’un des pays membres changerait le regard que le monde porte sur elle.
Nous espérons qu’il y aura un accord parce que, comme j’ai déjà eu l’occasion de l’expliquer ici même, l’intérêt de l’Europe, l’intérêt de la France, l’intérêt du Royaume-Uni lui-même, c’est que ce dernier reste dans l’Union.
Le paquet proposé par le Président Tusk, en lien avec la Commission européenne, contient des éléments permettant d’avancer et, même si nous ne sommes pas encore au bout de la discussion, de trouver des solutions satisfaisantes pour tout le monde, dans chacun des quatre domaines évoqués par David Cameron lui-même : la gouvernance économique, la compétitivité, la souveraineté et l’immigration. Mais, à la veille de cette échéance importante, je tiens à redire très clairement que la France, et donc le Président de la République, sera particulièrement vigilante sur les deux points les plus difficiles de la négociation, le secrétaire d’État chargé des affaires européennes a déjà eu l’occasion de le souligner.
Nous suivons un principe clair, l’Europe doit demeurer un espace de solidarité entre les États, et l’on ne peut pas choisir à la carte en fonction de ce qui arrange. L’Europe est un tout, que l’on peut adapter mais que l’on ne peut pas aménager uniquement en fonction de ses intérêts propres. Sinon, une ligne est franchie.
Le premier point sur lequel nous serons vigilants, ce sont les relations entre les pays de la zone euro et les autres. Nous pouvons comprendre les demandes britanniques : intégrité du marché intérieur, absence de discrimination ou d’exposition budgétaire des États hors zone euro. Elles sont logiques. Mais, dans le même temps, la zone euro ne doit pas être privée de la possibilité de s’intégrer davantage car elle en a besoin. Je dirai même que toute l’Europe en a besoin au nom de la stabilité financière. Nous veillerons également à garantir l’unité du marché intérieur et des services financiers.
Second point sur lequel nous serons vigilants : la libre circulation, principe fondamental qui ne peut pas être remis en cause, et l’accès aux prestations sociales.
Ce qui est aujourd’hui proposé, c’est de clarifier certaines règles, de lutter contre les abus et d’établir un mécanisme de sauvegarde pour que les États qui subissent un afflux très important de travailleurs d’autres États membres puissent supporter le choc.
Telles sont, monsieur le député, les voies possibles d’un compromis, mais ce compromis se joue à Bruxelles dans les heures qui viennent, avec un double souci pour le Président de la République, préserver les intérêts de l’Europe et ceux de la France.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen ainsi que sur plusieurs bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe écologiste.
La parole est à M. Germinal Peiro, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question, à laquelle j’associe Mme Marie-Lou Marcel, s’adresse à M. le Premier ministre au sujet de la crise de l’agriculture.
Avant toute chose, permettez-moi, mes chers collègues, de saluer la mémoire de la jeune technicienne de la chambre d’agriculture de l’Aveyron qui, ce matin, a été victime, dans une exploitation, d’une agression qui lui a coûté la vie.
Monsieur le Premier ministre, la France agricole, et notamment le secteur de l’élevage, traverse une crise d’une extrême gravité. Beaucoup d’éleveurs vendent leur lait ou leur viande au-dessous des coûts de production, ce qui les conduit tout droit vers la ruine. Les causes sont pour partie conjoncturelles : hausse de la production, rétractation du marché asiatique et embargo russe.
Mais elles sont aussi structurelles et concernent directement l’Union européenne. L’abandon des outils de régulation, comme les quotas laitiers, par l’Union européenne, a eu pour effet de livrer l’économie agricole à la brutalité de la seule loi des marchés. Par ailleurs, la guerre des prix effrénée à laquelle se livrent les enseignes de la grande distribution tire sans cesse les prix de la production vers le bas.
Face à cette crise, le Gouvernement a pris plusieurs mesures fortes pour soulager la trésorerie des exploitations, à hauteur de près d’un milliard d’euros. Vous avez annoncé, en début d’après-midi, de nouvelles mesures pour permettre à l’élevage français de surmonter cette mauvaise passe. Pouvez-vous nous en donner le détail ?
Monsieur le président, je vais prendre quelques instants pour répondre à M. Peiro. Sa question est essentielle, au moment où les éleveurs et les filières d’élevage françaises traversent une crise exceptionnelle, tant par son intensité que par sa durée. Nous avons déjà eu l’occasion, avec le ministre de l’agriculture, Stéphane Le Foll, de souligner qu’une partie de l’agriculture française traversait une crise économique, sociale, morale et de confiance.
C’est l’occasion pour nous de rappeler une nouvelle fois le rôle et la responsabilité des agriculteurs dans notre pays, qui élèvent les animaux, remplissent les assiettes de nos compatriotes et garantissent la diversité, la qualité et la sécurité de notre alimentation. Ils jouent un rôle essentiel dans notre société. Face à cette crise, causée par des prix mondiaux et européens très bas, en particulier pour le lait et le porc, mais aussi pour la viande bovine et les céréales, le Gouvernement est mobilisé sans relâche. Je veux saluer l’action du ministre de l’agriculture.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur plusieurs bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe écologiste.
En France, se sont ajoutées à cette crise économique des crises sanitaires et des conditions climatiques défavorables, pendant l’été et l’automne derniers. Le Gouvernement a adopté un plan d’urgence, ce qu’il a été le seul à faire en Europe. Ce plan a été abondé à deux reprises, en septembre et en janvier, pour tenir compte du nombre croissant des éleveurs concernés par la baisse des prix et nous avons proposé une « année blanche » bancaire, mesure qui n’avait jamais été mise en place au plus fort de la crise du lait en 2008.
Alors que la Commission peinait à reconnaître la dimension européenne de cette crise, nous avons obtenu, en septembre dernier, la création d’un plan d’aide de 500 millions d’euros pour les éleveurs européens, dont 63 millions pour la France. Le ministre avait eu l’occasion de souligner que ce ne serait pas suffisant. Nous entendons les demandes des éleveurs : les prix, des baisses de charge et moins de normes. Le Gouvernement ne peut pas fixer les prix, mais il peut agir vis-à-vis de ceux qui conduisent actuellement les négociations commerciales.
Nous avons reçu, avec Stéphane Le Foll et Emmanuel Macron, les enseignes de la grande distribution. Les ministres ont également reçu tous les acteurs des filières. Le message adressé aux industriels et aux distributeurs a été clair : il n’y a aucune raison que les négociations commerciales en cours signifient a priori une baisse des prix par rapport à 2015. Les contrôles de la DGCCRF sur le déroulement des négociations ont été intensifiés et ils le seront jusqu’à la fin.
Les sanctions prévues par la loi seront appliquées, si nécessaire par le biais de la loi Sapin 2. La loi de modernisation économique sera réexaminée pour y introduire des mesures complémentaires de rééquilibrage des relations commerciales. J’attends désormais de leur part des signaux concrets, prouvant leur volonté d’enrayer la baisse des prix. Les industriels doivent jouer la carte de la transparence avec les producteurs. Certaines enseignes ont déjà agi en ce sens et la plupart se sont engagées à éviter toute spirale déflationniste.
La Fédération des entreprises du commerce et de la distribution a annoncé que les derniers détails du projet de fonds de solidarité de 100 millions d’euros pour les éleveurs de porcs, validé par l’Autorité française de la concurrence, seront réglés dans les prochains jours. Le message adressé aux producteurs a été clair. Il faut conquérir de nouveaux débouchés, mais aussi reconquérir durablement le marché français. Nos concitoyens souhaitent que l’origine des produits soit indiquée, mais également qu’ils soient de qualité. Il faut leur donner satisfaction en matière d’étiquetage, tout en mettant en avant ce qui fait la spécificité des produits français.
Exclamations sur quelques bancs du groupe Les Républicains.
Les pays européens ont défini depuis longtemps de tels cahiers des charges. Les producteurs français doivent en être capables. Je salue l’initiative prise en Bretagne, par le président de la région, le préfet et les professionnels, pour élaborer un tel dispositif.
Le Gouvernement veut agir sur le niveau des charges. Cela est essentiel, notamment dans la concurrence existant avec d’autres pays européens. Le Président de la République a annoncé jeudi dernier une baisse des charges sociales, qui doit intervenir sans délai pour tous les agriculteurs. Un décret va donc instaurer une baisse immédiate de sept points de charges sociales, ce qui est supérieur au CICE. Elle se cumulera à la baisse de trois points des cotisations famille en vigueur depuis le 1er janvier 2015, grâce au pacte de responsabilité. Cette nouvelle mesure de 500 millions d’euros permet de faire baisser les cotisations de dix points pour les agriculteurs, ce qui est supérieur au CICE.
C’est plus que n’en demandaient les représentants du monde agricole que nous avons encore rencontrés il y a un instant, avec le ministre de l’agriculture.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Depuis le début de la crise, en 2015, c’est une baisse structurelle cumulée de charges personnelles de près de 730 millions d’euros.
Nous avons aussi arrêté une mesure pour les agriculteurs qui auraient vu…
Je prends mon temps, monsieur le député, précisément parce qu’il me semble que les agriculteurs le méritent, au-delà des polémiques, et que nous devons faire des propositions précises.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Nous avons donc arrêté, pour les agriculteurs qui auraient dégagé en 2015 un revenu très faible ou qui n’auraient pas eu de revenus, une « année blanche » sociale par report automatique d’un an, reconductible dans la limite de trois ans, sans aucune démarche de l’agriculteur, sans pénalités ni intérêts de retard, de toutes les cotisations de l’année 2016. Il faut baisser les charges, mais il faut aussi penser à ceux qui n’ont pas eu de revenus.
S’agissant des normes, il faut mettre en oeuvre ce que j’ai eu l’occasion d’annoncer le 3 septembre dernier.
C’est vrai que les agriculteurs français sont soumis à une sédimentation de normes qui sont parfois plus exigeantes que la réglementation communautaire. Dans le secteur de l’élevage, depuis le début de cette législature, nous n’avons pas ajouté de normes, mais nous en avons plutôt supprimé. Nous allons étendre aux élevages laitiers et bovins ce que nous avons déjà fait pour les créations ou les extensions d’élevages porcins ou de volaille. Nous le ferons bien sûr sans moins-disant environnemental.
Aujourd’hui, grâce à la France, le Conseil et la Commission européenne sont remobilisés depuis lundi dernier.
Le commissaire Hogan a annoncé des mesures de gestion des marchés pour le prochain Conseil. Nous sommes aussi mobilisés pour pouvoir obtenir – c’est difficile, ne faisons preuve d’aucune démagogie dans ce domaine comme dans d’autres, mais soyons responsables – la levée de l’embargo sanitaire russe, comme j’ai eu l’occasion d’en discuter avec le Premier ministre russe, Dmitri Medvedev, samedi dernier.
La grande distribution a agi pour interrompre la spirale de la baisse des prix dans les filières en difficulté. Elle a annoncé la création d’un fonds privé.
Le Gouvernement annonce une nouvelle baisse des charges sociales de sept points, immédiate et pour tous les agriculteurs, ainsi qu’une « année blanche » sociale pour tous ceux qui auront dégagé un très faible revenu en 2015. Nous venons de recevoir Xavier Beulin, président de la FNSEA, et Thomas Diemer, président des Jeunes agriculteurs. Je leur ai demandé de faire cesser les manifestations d’agriculteurs.
Avec ces crises, et plus que jamais, la profession fait face à des défis considérables. Elle doit se restructurer partout, et pas seulement en Bretagne, parce que l’État ne peut pas assurer dans une économie ouverte toutes les responsabilités. L’État et le Gouvernement assument les leurs, ils demandent à l’Europe d’assumer les siennes, mais la profession doit également assumer pleinement ses responsabilités.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
La parole est à M. Alain Tourret, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le Premier ministre, le Royaume-Uni n’a que tardivement rejoint l’Europe, en 1973, alors que l’Europe des pères fondateurs – dont Maurice Faure – a été créée en 1958. Le Royaume-Uni s’est toujours comporté de manière indépendante, représentant en réalité les intérêts américains, ceux des États-Unis d’Amérique. Le Royaume-Uni a toujours préféré, dans ces termes marins qui lui sont chers, le tangage à l’arrimage. Chacun se rappelle les foucades de Madame Thatcher, qui lui ont permis d’obtenir un statut privilégié et un chèque spécifique.
Lorsqu’il a fallu créer l’euro, principal outil de stabilisation monétaire et de lutte contre l’inflation,…
…le Royaume-Uni a préféré choisir la livre, car, en Grande-Bretagne, le pouvoir n’est pas aux Communes, mais à la City.
Aujourd’hui, M. Cameron, digne héritier de Mme Thatcher, reprend sa politique de chantage. Certes, vous avez rappelé les nouveaux défis qui nous opposent peu ou prou à la Grande-Bretagne : gouvernance économique, compétitivité, souveraineté et immigration. Il en ressort un profond euroscepticisme, alors même que la France respecte le traité de Schengen et empêche les migrants d’aller en Grande-Bretagne, notamment à Calais.
Mais bien plus, l’Europe ne pourra retrouver un second souffle qu’en disposant d’un budget conséquent, allant bien au-delà de la contribution actuelle des États et lui permettant de relancer la dynamique économique, notamment par une politique de grands travaux. Pour cela, il faut avoir des ressources et lever une taxe conséquente sur les transactions financières. Or, là encore, la Grande-Bretagne a choisi de s’inféoder à la politique de la City qui s’oppose avec une détermination farouche à toute taxe nouvelle.
Monsieur le Premier ministre, n’est-il pas opportun d’acter la volonté de départ du Royaume-Uni, de renforcer la zone euro, de lui donner une gouvernance et de mettre en place la taxation sur les transactions financières, faute de quoi c’est l’Europe tout entière qui vacillera ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
Monsieur Tourret, comme cela vient d’être dit par le Premier ministre, nous pensons que c’est l’intérêt du Royaume-Uni de rester dans l’Union européenne et que c’est celui de l’Europe de rester unie. Ce sera bien entendu aux citoyens britanniques d’en décider lors du référendum qui sera organisé dans quelques mois. Nous croyons et espérons que l’accord qui est en cours de négociation permettra de créer les conditions d’un vote favorable.
Cela ne doit pas se faire au détriment des principes et des valeurs qui fondent l’Union européenne et qui ont fait que la France, avec les autres pays fondateurs, a lancé le projet européen, rejoint ensuite par le Royaume-Uni et par beaucoup d’autres pays du continent, lorsqu’ils ont constaté que c’était dans un tel cadre que l’avenir devait se jouer.
Les propositions du président du Conseil européen, Donald Tusk, qui seront discutées lors du Conseil des 18 et 19 février, respectent les trois exigences fondamentales que la France a posées depuis le début de cette discussion : pas de révision des traités ; pas de droit de veto du Royaume-Uni sur les futures intégrations dans la zone euro ; pas de remise en cause du principe de libre circulation des citoyens et des travailleurs européens au sein de l’Union européenne.
Cependant, il reste encore du travail sur plusieurs questions qui ont été évoquées par le Premier ministre. Je veux revenir sur l’intégrité du marché intérieur concernant les services financiers. Même si le Royaume-Uni n’a pas décidé de rejoindre la zone euro, nous avons adopté ensemble, à vingt-huit, un certain nombre de règles de régulation des marchés financiers pour garantir la sécurité du système bancaire et superviser les transactions financières au sein de l’Union européenne. Ces règles doivent pouvoir s’appliquer dans l’ensemble de l’Union et la supervision s’y exercer également. Nous y serons très attentifs. Mais nous voulons surtout que l’Union européenne puisse continuer à s’approfondir, quel que soit le résultat du référendum britannique.
La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le ministre de l’agriculture, la crise que subissent nos agriculteurs est d’une extrême gravité comme le montrent les terribles tragédies qu’elle peut engendrer. Elle ne doit pas servir de prétexte à des affrontements politiciens où chacun se renvoie la responsabilité de la situation. Notre groupe a voté la loi marquant une indispensable orientation vers l’agroécologie et soutenu les mesures d’accompagnement des éleveurs. Nous soutenons aujourd’hui votre volonté de faire bouger l’Europe en rétablissant des outils de régulation.
Mais nous savons bien que toute solution durable passe par une réorientation de la politique agricole commune en sortant les produits agricoles des dogmes de la libre concurrence. La recherche sans fin de la compétitivité massacrera autant nos exploitations familiales que la qualité de nos productions et nos territoires ruraux. Il faut garantir, et dans la durée, des prix d’achat à la production rémunérant le travail paysan. Cela ne peut pas se faire simplement par des négociations avec les entreprises de la distribution et de la transformation, et pas davantage par une contractualisation qui se révèle toujours inéquitable.
Voilà pourquoi nous réclamons, avec constance, le rétablissement de mécanismes de garantie des prix et d’encadrement des marges, comme pouvait l’être jusqu’en 1986 le coefficient multiplicateur. La situation impose de fixer des prix plancher et de maîtriser les marges dans chaque filière ; elle nécessite de ne plus tirer vers le bas le prix des produits alimentaires pour masquer la baisse des revenus des consommateurs.
Dès lors, monsieur le ministre, quelle est votre action concrète au sein de l’Union européenne pour sortir l’agriculture des règles de la concurrence et faire admettre qu’un produit alimentaire n’est pas une marchandise comme une autre ? Quelles mesures législatives concrètes êtes-vous prêt à présenter pour garantir des prix d’achat aux agriculteurs, et dans quels délais ?
Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur le député, je connais la passion qui est la vôtre et la manière dont vous abordez régulièrement dans les débats la question agricole.
L’agriculture n’est pas, vous avez raison, un secteur qui peut accepter de la même manière que d’autres les règles de l’économie de marché. On sait que plusieurs théories, qui ne datent pas d’hier, expliquent les effets de la variation des prix sur la production agricole et sur la consommation alimentaire, théories qui prouvent qu’il s’agit d’un secteur où il est indispensable que jouent des mécanismes supplémentaires.
Depuis quelques années, au niveau européen, on a cherché à rapprocher l’agriculture des logiques de l’économie de marché. C’est indéniable. Cela s’est fait par étapes successives : il y a eu la réforme Mac Sharry, puis d’autres, la dernière en date étant celle du bilan de santé en 2008 avec un certain nombre de décisions qui furent prises alors et sur lesquelles je ne reviens pas. Que se passe-t-il aujourd’hui ? Sur le seul sujet du lait, il apparaît qu’il y a un emballement général de toute la production laitière, qui ne cesse d’augmenter alors que l’essor de la demande mondiale est loin d’être à la hauteur de ce que les acteurs économiques avaient prétendument anticipé. Il faut donc revenir à une coopération, à une coordination au niveau européen, et cesser d’alimenter la concurrence entre pays européens ou entre entreprises européennes. Car, au bout du compte, et vous l’avez parfaitement identifié, ce sont les producteurs, en l’espèce les éleveurs, qui payent le prix de la stratégie actuelle.
Vous me demandez quelle est mon action concrète au niveau européen : hier soir, le commissaire européen a pris l’engagement d’envoyer un courrier à tous les ministres concernés pour qu’ils lui remettent leurs propositions ;…
… j’ai déposé un mémorandum comportant un certain nombre de mesures.
Aujourd’hui, voilà une Europe qui bouge, une Europe qui doit changer pour intégrer la contrainte du marché et surtout apporter une aide aux agriculteurs.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, sur plusieurs bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur quelques bancs du groupe écologiste – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. « La maison brûle mais nous regardons ailleurs », disait Jacques Chirac à propos du climat. Aujourd’hui, nous pouvons le dire de l’Europe devant le risque des replis nationalistes, du Brexit et autres forces de désintégration à l’oeuvre dans l’Union : l’Europe brûle… Allons-nous regarder ailleurs ? Face à l’Europe de toutes les peurs et de tous les replis, le couple franco-allemand doit de nouveau montrer la direction de l’Europe de la solidarité, ce que fait Mme Merkel et que vous semblez remettre en cause, monsieur le Premier ministre.
Notre responsabilité collective est majeure : nous devons, plus que jamais, faire preuve de lucidité et de courage. Les solutions ne passent pas par un repli sur soi ; elles sont européennes. Notre Union de 500 millions d’habitants, l’ensemble le plus riche de la planète, ne serait pas capable d’accueillir deux millions de réfugiés ? Cessons de nous faire peur : cet accueil coûterait 0,2 % du PIB de l’Union !
Il faut retrouver le chemin de la solidarité et de la raison. Il s’agit non seulement d’un impératif moral et du respect du droit international, mais aussi, toutes les études le montrent, de notre intérêt économique à court et moyen termes, y compris pour éviter le travail clandestin.
Établissons dès lors un compromis à même de redonner du sens au projet européen : soutenons la chancelière Merkel dans sa politique d’accueil tout en obtenant un véritable plan de relance européen, y compris pour l’emploi et la transition énergétique, avec un desserrement de l’étau austéritaire. Un tel accord entre les peuples fondateurs, pivots de l’Union, pourrait redonner un cap et recréer de la confiance.
Pouvez-vous, monsieur le Premier ministre, dans ce moment dangereux pour la démocratie et la paix, nous préciser la position du Gouvernement à cet égard, à la veille d’un Conseil européen particulièrement crucial ?
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
Madame Auroi, face au risque de repli sur soi et aux forces de désintégration européennes, le couple franco-allemand a évidemment un rôle essentiel à jouer, vous avez raison de le souligner. C’est la conviction du Gouvernement, et le Premier ministre l’a réaffirmé lors de son déplacement à Munich à la fin de la semaine dernière. Nous pensons qu’il faut assumer avec détermination le fait que la France, l’Allemagne et les autres pays attachés à trouver des solutions européennes doivent permettre l’accueil des réfugiés qui ont besoin d’une protection internationale mais aussi assurer le contrôle aux frontières extérieures communes de l’Union car c’est l’avenir même de Schengen qui est en jeu.
Cela signifie que les décisions qui ont été prises en commun lors des conseils européens, avec la chancelière Merkel et le Président de la République, doivent maintenant être pleinement mises en oeuvre : instauration d’un système de gardes-frontières et de gardes-côtes européens ; relocalisation des réfugiés actuellement accueillis dans les centres d’enregistrement en Grèce et en Italie d’une façon solidaire dans l’ensemble des pays de l’Union européenne – et la France a pris dans ce domaine des engagements qu’elle respectera. De plus, il faut évidemment lutter contre les trafics de personnes et donc mettre en oeuvre l’accord avec la Turquie pour lutter contre les filières qui exploitent aujourd’hui la misère tout en mettant des vies humaines en danger et continuent à alimenter la route des Balkans. Cette route est aujourd’hui inacceptable parce qu’elle déstabilise toute une série de pays aux frontières de l’Europe et qu’elle a créé une situation qui, en Allemagne même, n’est pas considérée comme soutenable.
Par conséquent, nous pensons qu’il faut en effet une solidarité franco-allemande sur le sujet. Elle doit s’exercer sur des bases conformes aux valeurs européennes mais aussi réalistes pour préserver l’unité européenne, et permettre de se projeter dans une intégration plus approfondie de l’Union.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le Premier ministre, nos campagnes se meurent. Les élus ruraux peinent à investir dans leurs territoires, à cause de la baisse des dotations que vous leur imposez. Les populations, entrepreneurs et associations, luttent contre la désertification des services publics. L’agriculture, que vous abandonnez, crie sa détresse.
Pendant ce temps, M. le ministre de l’agriculture à temps partiel (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. – Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains), si peu présent à Bruxelles comme le pointe le rapport d’information de nos collègues Pierre Lequiller et Christophe Caresche, écrit sur internet, à sa sortie du Conseil européen : « Les lignes ont bougé. » Quelle légèreté ! Quelle indécence, monsieur le ministre !
L’état d’urgence agricole appelle des mesures exceptionnelles, pas de l’autosatisfaction.
Non, monsieur le Premier ministre, les lignes n’ont pas bougé dans les fermes !
C’est un affront pour nos agriculteurs qui, cette semaine, espéraient un sursaut, un réveil de votre part, et qui ne voient ce Conseil européen déboucher que sur la promesse d’une visite en France du commissaire européen.
Monsieur le Premier ministre, au-delà des annonces que vous venez de faire, c’est vous qui devriez visiter nos exploitations, pour écouter nos paysans submergés de charges, de normes et de paperasses,
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. – Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants
pour écouter nos producteurs anéantis par une politique agricole commune funeste, une PAC calamiteuse pour les zones intermédiaires ou à faible potentiel, comme la Côte-d’Or, pour lesquelles vous n’avez formulé que de vaines promesses.
L’état d’urgence agricole appelle un vrai plan d’urgence, un plan d’ampleur…
…faute de quoi, monsieur le Premier ministre, nous connaîtrons dans nos campagnes un souffle de colère, de désespoir et de drames, que vous ne contrôlerez plus.
À quand le retour de la France sur la scène européenne des négociations agricoles ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le député, je vous ai connu plus modéré et plus équilibré dans vos prises de parole.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Je connais le discours sur la baisse des dotations aux communes rurales, monsieur Delatte, mais très franchement, et sans vouloir faire de polémique, il faut que vous vous mettiez d’accord avec vos propres amis, qui annoncent, dans leur projet pour le pays en 2017, une baisse du budget de l’État et de la dépense publique à un niveau qui toucherait encore davantage les collectivités territoriales.
Cela toucherait aussi bien les agents employés dans ces collectivités territoriales que les moyens alloués à celles-ci. Vous proposez deux fois plus de réduction du budget de l’État !
On ne peut pas annoncer 100 à 150 milliards de baisses de dépenses publiques pour l’État, les hôpitaux et les collectivités territoriales et entonner, à chaque séance de questions au Gouvernement, le mardi et le mercredi, la complainte de la baisse des dotations.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe écologiste.
À chacun, monsieur le député, de faire les efforts nécessaires, du côté de l’État, de l’hôpital, des collectivités territoriales, en préservant notre modèle social.
Il y a là une contradiction, et même une forme de démagogie, qui ne vous sied guère, et nous ne devrions plus entendre de tels propos dans cette assemblée.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Et c’est la même chose, monsieur Delatte, pour ce qui concerne la crise de confiance, la crise économique, la crise sociale et morale que vit une partie de nos agriculteurs, ceux qui travaillent dans les filières que nous avons eu l’occasion de rappeler. Le ministre de l’agriculture et moi-même multiplions les rencontres avec les agriculteurs.
Plutôt que de surfer sur cette crise et de faire de la démagogie, monsieur le député, il faut dire la vérité aux éleveurs : il faut leur dire qu’il est nécessaire de réformer et de restructurer en profondeur des filières qui, aujourd’hui, sont en grande difficulté. C’est ce qui va être engagé par l’État, au côté de la région Bretagne, avec les producteurs. Eux savent, mieux que quiconque, qu’il faut changer et s’adapter, si l’on ne veut pas que la concurrence venue d’Allemagne ou d’Espagne ne soit mortelle, ce qui est déjà le cas pour certains d’entre eux.
Au niveau européen, nous agissons.
Exclamations sur quelques bancs du groupe Les Républicains.
Je pourrais rappeler les choix qui ont été faits par les majorités précédentes en ce qui concerne la PAC ou les quotas laitiers.
Je pourrais vous rappeler ce qui a été fait ici, en France, avec la loi de modernisation de l’économie, et le niveau extrêmement faible du plan qui avait été présenté par M. Bruno Le Maire.
Alors, plutôt que d’être dans la démagogie et la critique facile, faites des propositions ! Je sais que vous avez été surpris par celles que je viens d’annoncer, mais, plutôt que de faire preuve de démagogie, soutenez ce que nous avons engagé.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Franck Reynier, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le Premier ministre, dans un contexte inquiétant ponctué par la crise des migrants, les menaces terroristes et les fragilités financières de certains États membres, les résultats en matière d’emploi sont assez contrastés au sein de l’Union européenne, avec des taux de chômage se situant autour ou en dessous de 5 % pour l’Allemagne ou le Royaume-Uni, dépassant les 10 % pour la France ou l’Italie, et même les 20 % pour la Grèce ou l’Espagne.
La France est, hélas, devenue un élève moyen. Et que proposez-vous ? Vous venez de remanier votre gouvernement, mais vous nous dites que vous ne changez pas de cap et que vous allez poursuivre la politique menée. Or votre ministre de l’économie, Emmanuel Macron, a noté en janvier à quel point la promesse d’inversion de la courbe du chômage semblait loin, en déclarant : « Depuis douze mois, vingt-quatre des vingt-huit pays européens ont baissé le chômage. Nous sommes dans les quatre pays européens qui n’ont pas réussi à le faire. »
Qu’ont en commun les pays qui obtiennent des résultats ? Ils ont tous réformé profondément leur marché du travail, quand vous étiez en train de multiplier les contrats aidés et de mettre en place des usines à gaz ! Le remaniement réalisé jeudi dernier aurait dû être l’occasion de fixer un nouveau cap et de prendre enfin les décisions qui s’imposent.
Les Français qui sont touchés par le chômage ne demandent pas des indemnisations ou des formations : ils veulent avoir un emploi. Et ces créations d’emplois ne se feront qu’avec le retour de la compétitivité, de l’innovation et de la croissance.
Alors, monsieur le Premier ministre, quand allez-vous enfin admettre que votre politique mène la France dans le mur et nous isole en Europe ? Quand allez-vous enfin mener une politique économique qui fasse de la France un leader européen ?
Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains.
La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Monsieur le député, pour faire une analyse à l’échelle européenne, il faut effectivement, comme vous le faites, commencer par prendre en compte le taux de chômage. Le taux de chômage en France, au sens du Bureau international du travail, est de 10,6 % : il a donc dépassé les 10 %, en effet, mais est inférieur à celui de la zone euro et représente la moitié de celui de l’Espagne.
Il faut prendre en compte, aussi, l’évolution de la croissance : celle-ci s’est améliorée en 2015 et elle sera encore meilleure en 2016, mais elle demeure insuffisante et inférieure à celle d’autres pays européens.
Il faut prendre en compte, également, la croissance démographique : les 100 000 à 150 000 entrées annuelles sur le marché du travail sont une chance pour notre pays, mais aussi un défi pour notre économie.
Il faut prendre en considération, enfin, le taux de pauvreté et de précarité.
Si l’on prend en compte tous ces critères, il est indéniable que la situation s’améliore : il y a eu 47 000 créations nettes d’emplois en 2015, alors que les trois années précédentes avaient été marquées par des destructions d’emplois.
Mais ce n’est pas suffisant pour faire reculer le chômage. Nous devons évidemment nous inspirer d’autres modèles européens. J’irai d’ailleurs en Allemagne vendredi, pour étudier son système de formation professionnelle et son système d’apprentissage.
Il est essentiel, néanmoins, de regarder ce qui a été fait ailleurs : certains pays, comme l’Allemagne ou l’Angleterre, ont fait le choix de flexibiliser fortement leur marché du travail, avec des contrats zéro heure ou des mini-jobs à l’allemande. Je ne crois pas que ce soit le modèle que nous souhaitons ; en tout cas, ce n’est pas le modèle que je souhaite.
Regardons les types de contrats dont nous disposons déjà : sachant que près de 50 % de nos CDD sont inférieurs à une semaine, je crois que nous avons tout ce qu’il faut.
Il importe néanmoins de réformer : tel est le sens de la loi que je vous présenterai au début du mois de mars, qui vise justement à laisser plus de place à l’adaptation, au plus près du terrain, avec les organisations syndicales et les employeurs.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre de l’agriculture, la crise agricole est là, elle est terrible, elle est profonde, et à présent ce sont le doute et le désespoir qui rongent nos campagnes. Je sais que vous n’aimez pas entendre les commentaires de l’opposition sur le sujet ; alors, écoutez ce qu’on en dit dans les rangs de votre majorité depuis deux jours. Je cite : « Les aides d’urgence ne règlent rien, cela revient à arroser le sable » ; « La loi d’avenir pour l’agriculture est inefficace, elle n’a pas produit ses effets » ; « Les formalités administratives de la politique agricole commune sont ubuesques et exaspèrent les agriculteurs ». Voilà ce qu’en dit votre majorité !
Monsieur le ministre, si vos remèdes à la crise ne sont pas efficaces, c’est que les véritables réponses sont à chercher ailleurs, notamment du côté de l’Europe.
D’abord, il convient d’obtenir le feu vert de Bruxelles sur l’étiquetage des produits alimentaires : viandes et produits laitiers. Le consommateur européen a le droit de savoir ce qu’il met dans son panier. Avez-vous, monsieur le ministre, demandé à la Commission européenne son avis sur votre projet de décret ?
Ensuite, il est urgent de reconstruire une politique agricole européenne digne de ce nom. En vérité, il n’y a plus d’outils de gestion de crise. Il n’y a plus de cadre compréhensible pour la répartition budgétaire. Il n’y a plus de solidarité au sein de l’Europe. Il n’y a même pas de vision stratégique. Comment protéger nos paysans des conséquences des embargos et des conflits militaires ? Comment stabiliser les pays du pourtour méditerranéen en garantissant leur sécurité alimentaire ? Aucune réponse.
Monsieur le ministre, vous avez été reconduit dans vos fonctions rue de Varenne.
Mais l’avenir, la survie de la « ferme France » se jouent à Strasbourg et à Bruxelles. Serez-vous enfin au rendez-vous de l’Europe ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur le député, vous avez évoqué la question européenne et fait un constat. Eh bien, je suis heureux que nous partagions le même !
Je rappelle qu’au plan européen, des décisions ont été prises et qu’il est vrai que les outils de gestion et de régulation ont été considérablement réduits ; ils ont même failli disparaître ! Quand j’ai négocié la réforme de la politique agricole commune à Bruxelles, au début de l’année 2013 – ce que l’on a tendance à oublier –,…
…certains d’entre eux ont été préservés alors qu’on envisageait de les supprimer.
Quant aux autres questions que vous avez évoquées, oui, bien sûr, il y a la situation en Méditerranée, l’embargo russe, le fait que le marché chinois ne soit pas au rendez-vous, contrairement à ce que certains avaient pu penser, mais tout ça, c’est de l’ordre du constat ! Auriez-vous l’amabilité de ne pas considérer que j’en suis directement responsable ?
L’adaptation nécessaire, vous avez raison, doit être effectuée à l’échelon européen. Je l’ai dit au cours du débat de deux heures que nous avons eu hier soir en commission : le vrai problème, c’est que l’Europe n’avance pas de manière collective et cohérente, mais qu’un « chacun pour soi » s’est installé depuis la fin de la coordination des politiques, des mécanismes et des outils de régulation.
Je ne veux accuser personne, mais puisque vous faites ce constat, vous devriez aussi reconnaître que vous avez participé à la suppression de ces outils !
Vives exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
C’est là une responsabilité que vous avez !
Il va falloir remettre en place les outils de régulation, pour tisser de nouveau un lien entre les agricultures européennes. Mais je vous signale que c’est la France qui a obtenu en septembre la tenue d’un conseil extraordinaire sur la question ; et que si la France n’en avait pas fait la demande, il n’y aurait pas eu de débat lundi dernier sur la crise ! Aujourd’hui, l’Europe sait qu’elle doit bouger ; elle a entendu le message de la France.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe écologiste.
La parole est à M. Michel Liebgott, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.
La sidérurgie européenne et française subit de plein fouet une crise liée au dumping chinois. Nous sortons à peine de la crise de 2008, qui a entraîné la perte de plus de 150 000 emplois directs et indirects en Europe, dont 3 500 en France. Désormais confrontée à une baisse de sa croissance, la Chine écoule en Europe 300 000 tonnes de surplus, à prix cassés. Notre sidérurgie souffre et les manifestations de lundi à Bruxelles rassemblant patrons et salariés ont montré l’ampleur des inquiétudes.
Élu d’un bassin sidérurgique, je mesure les effets que pourraient avoir les méthodes chinoises sur nos entreprises. Nous devons nous défendre. L’Europe doit se défendre. Elle doit défendre ses producteurs, ses travailleurs, ses entreprises, ses bassins d’emploi. Alors que nous mettons en place des outils forts pour lutter contre le dumping social au sein de l’Union européenne, nous devons aussi être mieux armés face aux pratiques déloyales de nos partenaires commerciaux.
À la suite des manifestations de lundi, l’Union européenne a annoncé le relèvement des droits de douane sur certains produits chinois et lancé de nouvelles enquêtes anti-dumping. Le temps de la naïveté, consistant à croire, qu’en matière commerciale, l’Europe peut se faire marcher sur les pieds, sans réagir, n’est plus – et c’est tant mieux.
Alors que la Chine souhaite se voir reconnaître le statut d’économie de marché par l’Organisation mondiale du commerce, statut qui allégerait les obligations et les contrôles auxquels elle doit se soumettre, l’Union européenne doit défendre ses intérêts.
Monsieur le ministre, quelles sont les actions que vous avez entreprises et celles que vous entendez poursuivre auprès des instances européennes et internationales afin de restaurer des règles équitables et loyales de libre-échange et exhorter la Chine à réajuster sa production ?
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.
Monsieur le député, vous avez raison de rappeler l’importance de la sidérurgie européenne, car elle est le ciment même de l’aventure politique européenne. Aujourd’hui, ce sont 330 000 personnes qui sont directement employées par ce secteur, ce qui revient à dire que la sidérurgie concerne des millions de citoyens européens. Il y a vingt ans encore, nous produisions 50 % de l’acier mondial ; aujourd’hui, notre production n’en représente plus que 15 % : c’est la Chine qui occupe la position dominante.
Depuis un an, la Chine déverse sa surproduction sur nos marchés, en cassant les prix ; certains laminés ont perdu 50 % de leur valeur. Alors même que notre industrie sidérurgique a beaucoup souffert et qu’on lui a demandé beaucoup d’efforts au cours des dernières années, elle est aujourd’hui soumise à une concurrence profondément déloyale.
Face à cette situation, la réponse ne peut être qu’européenne.
D’abord, il faut inscrire le sujet à l’agenda du G20 – ce qui a été fait – et engager une démarche auprès de la Chine ; c’est ce qu’a fait, à notre demande, la commissaire européenne Malmström, qui a écrit aux dirigeants chinois pour leur demander de réduire leur production – ce qui est la meilleure réponse structurelle à apporter.
Ensuite, dès le mois de novembre dernier, nous avons, avec Matthias Fekl, défendu au sein de nos conseils respectifs la position française, qui consiste à réactiver les mesures anti-dumping. On peut faire beaucoup avec le droit existant, et nous avons incité la Commission européenne à agir en ce sens. J’ai moi-même écrit au début du mois de février au président de la Commission et aux commissaires compétents, en mobilisant onze autres États membres, qui ont signé cette lettre. À la suite de cette démarche, nous avons pris des mesures provisoires sur les laminés à froid, avec de premières sanctions, et la Commission a engagé d’autres démarches concernant d’autres laminés.
Matthias Fekl et moi continuerons notre action au sein des deux conseils pour que des mesures soient prises plus rapidement. Aux États-Unis, cela prend deux mois, en Europe, neuf mois : il faut aller plus vite, moderniser les choses. On demande, au nom de l’Europe, beaucoup d’efforts ; mais ceux-ci n’ont de sens que si l’Europe protège. C’est cela, notre combat !
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Demain et après-demain, monsieur le Premier ministre, un sommet européen abordera notamment la question de l’accueil des réfugiés. La politique allemande était, je vous cite, « temporairement justifiée », mais elle « n’est pas tenable dans la durée. »
Vous avez ainsi poursuivi, monsieur le Premier ministre : « Nos capacités d’accueil limitées, les tensions de ces dernières semaines – en Allemagne mais aussi ailleurs en Europe – nous obligent à dire les choses clairement : l’Europe ne peut pas accueillir tous les migrants en provenance de Syrie, d’Irak ou d’Afrique. » De même, vous avez dit : « Leur dire : "Venez tous" peut finir par détruire les fondements de l’Europe. »
C’est ce que vous avez déclaré, monsieur le Premier ministre, à Munich, lors d’une conférence sur la sécurité. Permettez-moi, en qualité de député de l’opposition, de vous féliciter pour ces propos réalistes, qui correspondent aux intérêts de la France, et au sentiment général de nos compatriotes.
En qualité de député des Français établis hors de France, et qui vivent au Proche-Orient, je peux vous assurer qu’ils sont très inquiets. MM. Georges Clooney et John Kerry soutiennent Mme Merkel ; j’ai envie de leur répondre : « What else ? » (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
C’est aussi ce que j’ai envie de répondre à certains d’entre vous !
Vous n’ignorez pas, monsieur le Premier ministre, que selon nos services de renseignement, confirmés par les autorités européennes, mais aussi par des ministres de votre gouvernement, l’État islamique s’apprête à lancer vers l’Europe une déferlante migratoire en provenance des côtes libyennes, dès les premiers jours du printemps, accompagnée – bien évidemment – d’un cortège de djihadistes.
Monsieur le Premier ministre, quelles mesures proposerez-vous afin de parer à une telle offensive, notamment lors du sommet de demain ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le député, du fait de la déstabilisation du Moyen-Orient, l’Europe est soumise à une pression migratoire sans précédent. Face à cela, il faut tenir un langage de vérité et de clarté vis-à-vis des gouvernements européens, et vis-à-vis de nos concitoyens qui s’inquiètent légitimement. C’est dans l’intérêt même de ceux qui fuient les persécutions et qui ont droit à notre protection, car il est nécessaire de faire la différence, à chaque fois, entre ceux qui ont droit à l’asile et ceux qui sont des migrants économiques. C’est cette confusion qui peut mettre en cause le régime même du droit d’asile.
Tenir ce langage de vérité oblige à reconnaître que l’Europe n’a pas la capacité d’accueillir tous les migrants, tous les réfugiés : elle ne le peut pas. Il suffit de regarder la situation en Allemagne – j’y reviendrai –, mais aussi en Suède : ce pays avait décidé d’accueillir des réfugiés sans limites, et a été amené à rétablir le contrôle aux frontières.
L’urgence est donc de trouver une réponse à ces flux migratoires : telle est la position que défend la France depuis plusieurs mois. Le ministre de l’intérieur a eu l’occasion de s’en expliquer ici même. C’est ce message que j’ai voulu faire passer à Munich, tout en indiquant le respect que nous inspire la décision des autorités allemandes. J’ai aussi fait part, une nouvelle fois, de mon admiration pour l’effort exceptionnel accompli par le peuple allemand, par les Länder, pour l’accueil des réfugiés et des migrants.
Il faut être cohérent. Compte tenu de qui se passe en Syrie – les bombardements russes sur des populations civiles du côté d’Alep, et les initiatives d’un certain nombre de pays de la région –, la situation ne s’arrangera pas, et des réfugiés continueront à fuir les zones de combats. Nous savons que la solution est d’abord politique, diplomatique et militaire, en Syrie comme en Irak.
Dès à présent, il faut appliquer le plan d’action conclu le 22 novembre par l’Union européenne et la Turquie. Une enveloppe de 3 milliards d’euros est prévue pour aider les réfugiés syriens qui se trouvent sur le territoire turc. La Turquie doit désormais tenir pleinement ses engagements. Il faut également assurer un contrôle effectif aux frontières extérieures de l’Union européenne, comme le prévoient les accords de Schengen. Pour cela, il faut adopter dans les plus brefs délais les deux propositions faites par la Commission : d’abord, créer un véritable système de gardes-frontières européens, ensuite, mettre en place des contrôles systématiques à l’entrée de l’espace Schengen.
Enfin, sur le territoire européen, les décisions concernant les centres d’accueil et les relocalisations doivent être appliquées.
Ne posez pas cette question au gouvernement français, monsieur Lequiller : avec le gouvernement allemand, par la voix de Bernard Cazeneuve et de Thomas de Maizière, nous ne cessons de demander la mise en oeuvre de ces décisions, car elles n’ont que trop tardé. Le Conseil européen des 18 et 19 février sera l’occasion de faire un point précis sur la mise en oeuvre de toutes les décisions qui ont été prises ou annoncées. Je rappelle que la responsabilité, dans cette affaire, est d’abord collective.
Comme elle le fait depuis le début de la crise, la France continuera évidemment à travailler de manière très étroite avec l’Allemagne. Nous devons le faire avec une exigence de réalisme et de vérité : c’est essentiel pour identifier ensemble les solutions efficaces et sortir de cette crise qui frappe l’Europe tout entière, et qui risque de lier le terrorisme et la crise des migrants. Cette crise oblige l’Europe, et donc la France, à défendre un véritable projet concernant les relations entre l’Europe et l’Afrique – vous y serez sensible, monsieur Marsaud.
À l’avenir, l’immigration viendra essentiellement d’Afrique – c’est déjà le cas aujourd’hui –, notamment d’Afrique de l’Ouest et du Sahel. Les pays du Sahel comptent 80 millions d’habitants aujourd’hui ; ils seront 150 millions demain.
Ces populations francophones se dirigeront logiquement vers la France. C’est ce grand projet avec l’Afrique que l’Europe et la France doivent défendre.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Jean Launay, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre des finances, depuis 2012, notre majorité est engagée dans un combat important contre l’optimisation fiscale des multinationales. Ce combat, la France le mène dans toutes les instances internationales où elle siège ; elle est en train de le remporter.
Au mois d’octobre 2015, déjà, nous avions obtenu une grande victoire à l’OCDE. La fin de la récréation avait été sifflée, avec le remplacement de la concurrence entre États par la coopération fiscale. Fin janvier 2016, ce fut au tour de la Commission européenne de dévoiler un plan ambitieux visant à contraindre chaque multinationale à dévoiler ses résultats et ses charges, pays par pays. Comme l’a justement indiqué Pierre Moscovici, le commissaire en charge du dossier, l’optimisation abusive – qui n’est rien d’autre qu’une forme d’évasion – « prive les États de 50 à 70 milliards d’euros chaque année. »
Ces pratiques doivent vivre leurs dernières heures.
Notre collègue Pascal Terrasse vient de remettre un rapport au Premier ministre, consacré à l’économie collaborative, dans lequel il rappelle que les plateformes doivent contribuer, à leur juste mesure, à la solidarité nationale. Si la question de la fiscalité des nouvelles activités économiques se pose pour les plateformes, une question plus générale se pose pour les grands groupes : celle de l’optimisation fiscale dont certains sont devenus experts. La question n’est pas tant de faire payer des impôts à des entreprises qui se développent brillamment, que de savoir comment financer la vie quotidienne des Français, si les sources de financement sont déviées avant même l’entrée dans notre pays.
Oui, la gauche gouverne, oui, la lutte contre les abus de la finance et contre l’impunité fiscale est ouverte, oui, la voix de la France a été entendue. À ce stade du processus, que pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, de la lutte contre l’optimisation fiscale, et de ses résultats ?
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le député, vous dénoncez l’optimisation fiscale : chacun voit bien de quoi il s’agit. Des entreprises organisent, de manière souvent très complexe, un système qui leur permet non pas de payer moins d’impôts, mais de ne plus payer d’impôts nulle part, ni en France, ni ailleurs en Europe, ni même dans le monde ! Cette situation est insupportable.
Tout d’abord, elle est insupportable moralement : quand on a à payer des impôts, il faut payer ses impôts ! Ensuite, elle est insupportable économiquement, car cela crée des distorsions de concurrence entre les entreprises que je qualifierais d’honnêtes, qui payent des impôts en fonction de leurs bénéfices, et celles qui font tout pour éviter d’en payer. Enfin, ce n’est pas admissible aujourd’hui car tous les pays demandent des efforts à l’ensemble des contribuables pour lutter contre les déficits publics.
Vous l’avez souligné : depuis 2012, les gouvernements successifs de la France, avec l’appui constant de la majorité à l’Assemblée nationale, ont lutté pour mettre fin à cette optimisation, à tous les niveaux : mondial, européen, national. C’est d’abord au niveau du G20 que nous avons agi, lors du sommet de Los Cabos, qui a abouti au sommet d’Antalya, qui a eu lieu à la fin de l’année dernière. Tous les grands pays du monde ont ainsi adopté un corpus de principes pour lutter contre l’optimisation fiscale.
Au niveau national, dans la loi de finances pour 2015, nous avons adopté ce que l’on appelle le reporting pays par pays, c’est-à-dire la transparence de la situation des entreprises dans chacun des pays concernés, pour permettre aux administrations fiscales de faire leur travail. Nous sommes l’un des premiers pays à l’avoir fait.
À présent, c’est évidemment au niveau européen que nous agissons, car contre l’optimisation fiscale, il est inutile de se battre dans un seul pays. Vous avez souligné la qualité du travail accompli par Pierre Moscovici, commissaire européen chargé de ces questions. Il a déposé un certain nombre de propositions : je souhaite qu’avant la fin du premier semestre, nous les ayons toutes adoptées, afin que l’Europe se batte contre l’optimisation fiscale.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour le groupe Les Républicains.
Ma question s’adresserait à M. le Premier ministre, s’il n’avait quitté nos bancs.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen
; elle porte sur le TAFTA – Transatlantic free trade area –, le fameux Traité transatlantique. Je suis heureux de confirmer à l’ensemble de nos collègues que les documents portant compte rendu des dix premiers rounds de négociations sont disponibles et consultables par les parlementaires français.
Ils le sont néanmoins dans des conditions tout à fait spéciales, puisqu’il faut se rendre dans un service du Premier ministre, dans une salle fermée,…
…escorté par un fonctionnaire de Matignon qui sert de surveillant, après avoir pris soin de déposer son téléphone portable à l’entrée pour ne pas s’en servir en consultant les documents, qui par ailleurs sont en anglais ; des sanctions pénales sont même prévues pour tout parlementaire qui divulguerait des informations recueillies.
M’étant étonné, hier après-midi, de ces conditions, il m’a été répondu que des directives très précises de la Commission européenne…
…et du Gouvernement des États-Unis d’Amérique les imposent, et que l’on ne pouvait donc procéder autrement.
J’ai deux choses à dire, monsieur le Premier ministre. La première est que, avec tout le respect que nous avons pour la Commission européenne et le Gouvernement américain, ils n’ont ni l’un ni l’autre, s’agissant de cette consultation, à donner des consignes aux membres du Parlement français.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La consultation de ces documents doit se faire librement, dans l’espace public et sans aucune espèce de limite.
Ma deuxième question, monsieur le Premier ministre, est donc simple : quand présenterez-vous, comme nous vous l’avons demandé, un bilan d’étape des négociations du Traité transatlantique ? Quand porterez-vous dans l’espace public tous ces sujets qui concernent la vie quotidienne des Français, et non des affaires de technocrates installés à Bruxelles ou ailleurs ? Quand ferons-nous de ce traité un enjeu politique et non un enjeu de spécialistes ? Le Parlement l’attend, et les Français aussi.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger.
Je veux d’abord vous féliciter, monsieur le député, d’avoir effectué la démarche de consulter ces documents. Un certain nombre d’autres parlementaires l’ont fait : j’en parlais hier avec M. Hervé Pellois.
Vous avez parfaitement raison de dire que la transparence est un sujet majeur dans ces négociations.
« Alors ? » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Nous préférons d’ailleurs vous savoir dans les locaux de l’administration française, au nom de cette même transparence, que dans le bureau de M. Al-Assad pour je ne sais quelle diplomatie parallèle.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen – Vives protestations sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains.
Sur le fond – car le sujet est sérieux –, dès le lendemain de ma nomination, j’ai fait de la transparence le coeur des enjeux. Le premier aspect consiste à rendre compte de ces négociations devant le Parlement, devant vous, mesdames et messieurs les députés, au sein des commissions compétentes comme dans l’hémicycle, et ce régulièrement.
Pour la première fois a d’ailleurs été présenté, à mon initiative, un rapport sur le commerce extérieur français : il expose publiquement et auprès de la représentation nationale les grandes stratégies nationales en la matière.
Exclamations persistantes sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
La transparence, c’est aussi la publication du mandat de négociation, et c’est l’ouverture, à la demande du Gouvernement français, d’une salle de lecture qui permet aux parlementaires de prendre connaissance des documents.
La France a été parmi les premiers pays à le demander, et même la première à rendre cette salle opérationnelle pour vous en ouvrir l’accès. J’invite d’ailleurs tous les parlementaires à s’y rendre.
Mêmes mouvements.
Vous avez, mesdames et messieurs les députés, accès aux documents dans les mêmes conditions que tous les parlementaires européens.
Je me suis battu pour cela, en le demandant à l’ambassadrice des États-Unis, au représentant spécial du Président Obama sur le commerce extérieur et à la commissaire européenne concernée. Il s’agit d’un pas très important, même si le besoin de transparence ne peut s’y résumer : cette transparence doit être renforcée ;…
…elle est un enjeu pour le commerce extérieur de demain. Mais un pas essentiel a clairement été accompli.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le Premier ministre, voici une semaine vous déclariez que la Commission européenne agissait « trop peu ou trop tard » pour résoudre la crise agricole. Au passage, vous vous exonériez de toute responsabilité dans la détresse vécue par nos éleveurs.
Oui, la réponse est en grande partie européenne, mais c’est avant tout à votre Gouvernement de la promouvoir. Malheureusement il n’en est rien, puisque votre ministre de l’agriculture est une nouvelle fois revenu les mains vides de Bruxelles. Pire, il s’est laissé dicter, par la Commission européenne, un calendrier totalement déconnecté de la souffrance de nos éleveurs.
Cette crise, monsieur le Premier ministre, appelle des réformes structurelles, là où vous vous bornez à formuler de simples réponses conjoncturelles.
Notre compétitivité dépend, tout d’abord, d’une baisse significative des charges sociales. Nous n’avons cessé de défendre, depuis 2013, l’extension du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – CICE – aux indépendants agricoles et non-agricoles.
Enfin, le Gouvernement vient d’annoncer une baisse de sept points supplémentaires des charges sociales pour les exploitants agricoles. Mais comment entend-il financer ces 730 millions d’euros de dépenses supplémentaires ?
L’UDI, elle, a toujours soutenu l’instauration d’une TVA sociale, laquelle présente l’avantage de faire contribuer financièrement les importations. Mais la compétitivité, c’est aussi d’aider les producteurs à positionner les produits agricoles français sur le milieu et le haut de gamme. Quant à la distribution, son extrême concentration permet-elle une concurrence saine ? La réponse est négative. À quand, donc, une politique de la concurrence digne de ce nom ?
Ensuite, il faut avoir le courage d’instaurer un véritable mécanisme de sécurisation des marges et des revenus, sur le modèle agricole américain. Osons mettre en place des « target prices », dans le cadre de la réforme de la PAC, lesquels permettront d’assurer un revenu décent à nos agriculteurs en cas de chute des prix. Le poids des normes doit également être allégé, sans oublier la question de l’étiquetage.
Monsieur le Premier ministre, le groupe UDI s’est toujours montré actif quand il s’agissait de défendre l’intérêt de nos agriculteurs. Êtes-vous prêt à reprendre ses propositions pour éviter…
Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Merci, monsieur le député.
La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
Si j’ai bien compris, vous avez d’abord envoyé, monsieur le député, une petite pique sur la question européenne. Je veux à cet égard vous rappeler que, en septembre dernier, 500 millions d’euros ont été débloqués, et ils l’ont été grâce à la demande de la France de réunir un Conseil extraordinaire.
Faut-il par ailleurs revenir sur la réforme de la PAC et sur le budget qui devait lui être alors alloué, soit près de 200 millions d’euros en moins ? L’engagement de la France, salué par tous, a pesé en faveur de notre agriculture.
Vous avez aussi évoqué la question des charges et celle de la TVA sociale, depuis longtemps défendue par l’UDI. Selon une enquête réalisée avec des professionnels du secteur des fruits, l’addition du pacte de responsabilité et du CICE représente, en termes de baisse des charges, davantage que ce que vous aviez voté – mais pas mis en oeuvre – avec la TVA sociale,…
…et ce dans tous les domaines, qu’il s’agisse du travail permanent ou saisonnier.
On peut toujours considérer qu’il faut aller plus loin. Aussi le Premier ministre vient-il de proposer qu’en plus de ce que nous avons mis en oeuvre – et qui est donc déjà plus favorable que ce que vous aviez voté mais jamais appliqué –, soient prévues, pour le secteur agricole, de nouvelles baisses des cotisations : aux trois points du pacte de responsabilité s’ajouteront sept autres points. Nous allons donc au-delà de ce que représente le CICE, à savoir six points de baisse des cotisations salariales jusqu’à 2,5 SMIC.
Monsieur de Courson, aucun argument ne justifie votre position, fondée sur une mesure que vous aviez envisagée mais jamais appliquée, puisque, je le répète, nous allons au-delà de ce qu’elle aurait représenté.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, disons-le clairement : en matière d’emploi, la France évolue totalement à l’inverse de ses partenaires européens.
En 2015, en France, le chômage a explosé, alors que, dans le même temps, il a, dans beaucoup de pays européens, baissé. Je veux, pour en faire prendre conscience, rappeler quelques chiffres : moins 104 000 chômeurs en Allemagne ; moins 239 000 au Royaume-Uni ; moins 354 000 en Espagne et moins 479 000 en Italie.
Chez nous, malgré vos promesses, l’inversion de la courbe du chômage n’est pas au rendez-vous. Depuis l’élection de François Hollande en mai 2012, près de 700 000 chômeurs supplémentaires ont poussé la porte de Pôle emploi.
Toutes catégories confondues, le nombre de demandeurs d’emploi s’élève à 6,5 millions de personnes. Ce chiffre est bien évidemment très éloigné de celui – 3,5 millions de personnes – affiché par votre gouvernement qui a l’art de manipuler l’opinion en excluant du calcul du chômage les catégories B, C, D et E, ainsi que l’outre-mer, qui n’ont jamais été pris en compte.
Nos voisins européens ont, eux, mis en oeuvre d’ambitieuses réformes structurelles qui ont clairement fait baisser le nombre de chômeurs. À l’inverse, en France, vous jouez avec les statistiques en basculant 500 000 demandeurs d’emploi vers la case formation.
D’autre part, vous annoncez la création de 42 000 nouveaux contrats aidés qui sont des emplois précaires, publics et financés par les contribuables. Or ils ne constituent en aucun cas une réponse au chômage. Nous le savons tous, la vraie réponse au chômage est la création d’emplois par les entreprises de France.
Madame la ministre, l’inversion de la courbe du chômage ne se décrète pas. Pour créer de l’emploi pérenne, il faut arrêter de matraquer fiscalement les entrepreneurs et réformer le code du travail. Allez-vous prendre les mesures qui s’imposent ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Monsieur le député, vous comparez la situation de l’emploi dans différents pays européens. Je me permets, de ce point de vue, de vous rappeler quelques éléments essentiels, que pour certain d’entre eux j’ai déjà évoqués tout à l’heure : au sens du Bureau international du travail, le BIT, un demandeur d’emploi qui travaille ne serait-ce qu’une heure par mois n’est plus comptabilisé comme chômeur.
Vous comptabilisez les catégories A, B et C. Mais savez-vous que 40 % des personnes comptabilisées dans la catégorie C occupent un emploi à temps plein mais souhaiteraient en changer ?
Comparons donc ce qui est comparable, en prenant comme référence les chiffres du BIT, qui donnent, pour la France, un taux de chômage de 10,6 %. En outre, le chômage des jeunes a, en 2015, et pour la première fois depuis 2010, baissé : il me semble essentiel de le rappeler.
Deuxième élément : il faut bien évidemment réunir deux conditions préalables afin que le chômage baisse. La première est la croissance : elle ne s’élevait qu’à 1,1 % en 2015, et il est prévu qu’elle atteigne 1,5 % en 2016. C’est mieux qu’en 2015, et cette croissance permettra de créer davantage d’emplois.
Troisième élément : l’économie crée de l’emploi. Notre coût du travail, notamment dans l’industrie, est inférieur à celui constaté en Allemagne : je pense qu’il constitue un facteur de compétitivité de notre économie.
Enfin, vous voulez faire des comparaisons : inspirons-nous donc de ce qui marche en Europe ! La question de la formation des demandeurs d’emploi est, à cet égard, un sujet essentiel.
En effet, quand la France forme un demandeur d’emploi sur dix, l’Allemagne en forme deux sur dix et l’Autriche quatre. De ce point de vue, oui, notre pays a un problème : le chômage frappe d’abord des personnes peu ou pas qualifiées, ce qui ne veut pas dire qu’elle n’ont pas de compétences, mais plutôt qu’elles manquent de qualification et que, de ce fait, elles restent sur le bord du chemin.
C’est pour cette raison que le plan de 500 000 formations pour les demandeurs d’emploi est essentiel.
En outre, l’aide « Embauche PME » a d’ores et déjà débouché sur 16 000 demandes en moins de quinze jours. Vous le voyez, le Gouvernement accélère et, avec le projet de loi sur le droit du travail qui sera débattu dans quelques semaines, réforme.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à Mme Marie-Françoise Bechtel, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre des finances et des comptes publics, nous avons, le 8 juin dernier, dans cet hémicycle, adopté la résolution relative à la juste appréciation des efforts faits en matière de défense et d’investissements publics dans le calcul des déficits publics.
Par celle-ci, l’Assemblée nationale a demandé au Gouvernement de parvenir à un accord avec la Commission de Bruxelles, afin notamment qu’il soit tenu compte, dans l’évaluation de la règle dite des 3 % de déficit budgétaire, de l’effort militaire très particulier consenti par la France sur certains théâtres d’opérations extérieures.
Nous voyons bien, aujourd’hui, que cet effort n’est pas prêt de cesser et, également, que les mécanismes de solidarité européenne sont extrêmement faibles.
À l’heure où vous préparez le budget de la France pour 2017, je vous demande donc, monsieur le ministre, si le Gouvernement a entendu la demande de l’Assemblée nationale.
Je vous demande également, et surtout, si vous avez donné suite à cette demande à l’occasion des procédures d’allers et retours entre le Gouvernement et la Commission lors de la préparation de ce budget.
Il n’est pas besoin d’insister sur l’utilité de l’oxygène qui serait ainsi donné à notre budget de la défense et de la sécurité, à l’heure où un effort sans précédent est demandé tant au ministère de la défense qu’au ministère de l’intérieur pour affronter des périls tant extérieurs qu’internes.
Je n’ignore pas que des moyens supplémentaires ont, au prix d’un gros effort que je salue, été dégagés. Mais nous pourrions aller au-delà : nous avons, pour le faire, d’excellents arguments.
Monsieur le ministre, le moment est venu – nous vous avons donné l’outil qui le permettra – de donner une traduction concrète, dans le budget de la France, à la parole du Président de la République devant le Congrès : « le pacte de sécurité doit l’emporter sur le pacte de stabilité ».
Dans le contexte de menace grave et de longue portée rappelé avec éloquence et conviction avant-hier encore, à l’occasion de l’examen du projet de loi prorogeant l’application de la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence, par le Premier ministre, il est temps de s’engager dans une démarche volontariste. En effet, l’outil budgétaire doit se conjuguer avec l’outil juridique.
C’est pourquoi je vous demande, monsieur le ministre, de dire à la représentation nationale où en est le Gouvernement vis-à-vis de la demande qu’elle lui a faite, il y a quelques mois, sur le fondement de l’article 88, alinéa 4, de la Constitution.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
Madame la députée, vous soulevez une question très importante : celle de l’effort de défense et de sa prise en compte par l’Union européenne. Comme vous l’avez rappelé, le contexte géopolitique et géostratégique européen a, au cours des dernières années, été complètement bouleversé, tant à l’est du continent qu’au Moyen-Orient, en Méditerranée ou dans la zone sahélienne, et notre pays a toujours assumé ses responsabilités internationales. Il continue de le faire, mais il ne peut le faire seul : c’est pour cette raison que nous invitons en permanence nos partenaires à prendre également leurs responsabilités. Ils le font d’ailleurs, de plus en plus, à nos côtés. En outre, nous avons besoin de l’appui de l’Union européenne.
Nous devons poursuivre notre action dans le sens d’une Europe de la défense. Nos objectifs sont clairs : il s’agit à la fois de redresser les budgets de défense au sein de l’Union européenne, de renforcer les capacités militaires européennes, de consolider la base industrielle de défense, et de faire en sorte que le coût des opérations extérieures soit davantage pris en charge sur une base européenne.
Le traitement des dépenses de défense dans le calcul des déficits publics est, bien entendu, une question importante : elle a d’ailleurs fait l’objet de la résolution que vous avez, madame la députée, présentée.
Mais nous souhaitons, avant tout, que tous nos partenaires consacrent un niveau de dépenses suffisant à la défense et utilisent au mieux leurs ressources.
Le Conseil européen de juin 2015 a, d’ailleurs, permis de faire passer ce message : Jean-Yves Le Drian s’est battu, de réunion des ministres de la défense en réunion des ministres de la défense, pour qu’il devienne une priorité.
Cela dit, se pose la question de savoir comment le Pacte de stabilité et de croissance peut prendre en compte les dépenses exceptionnelles en matière de sécurité.
Nous avons obtenu que l’interprétation de la Commission elle-même prenne précisément en compte la flexibilité de ce pacte, compte tenu, notamment, des urgences en matière de sécurité.
Nous pensons que cette réflexion doit se poursuivre, non pas en vue d’échapper à nos obligations en matière de réduction des déficits publics et de la dette, mais afin d’inciter tous les États membres à contribuer à l’effort de défense et à prendre en compte l’effort particulier assumé par quelques-uns d’entre eux.
La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de Mme Sandrine Mazetier.
L’ordre du jour appelle le débat de contrôle sur la politique nationale en matière d’enseignement supérieur.
La conférence des présidents a décidé d’organiser ce débat en deux parties. Dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes, puis le Gouvernement. Nous procéderons dans un second temps à une séquence de questions-réponses.
Je vous rappelle que la durée des questions, ainsi que celle des réponses, est limitée à deux minutes.
La parole est à Mme Sandrine Doucet, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la présidente, madame la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, monsieur le secrétaire d’État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui de notre politique nationale en matière d’enseignement supérieur, dont les principaux objectifs consistent à démocratiser l’accès à cet enseignement et à favoriser la réussite de nos étudiants, tout en renforçant sa visibilité internationale et son incidence sur la compétitivité globale de notre économie.
La stratégie nationale de l’enseignement supérieur – StraNES – doit être un projet, une composante-clé de la nouvelle approche de notre majorité pour l’État stratège, concernant l’enseignement supérieur. Il ne s’agit pas d’un exercice pour un secteur particulier, mais d’une stratégie dont les effets concernent toute la société.
Le rôle de l’État n’est pas de réguler un marché concurrentiel de l’enseignement supérieur où, sous couvert d’excellence, la mise en compétition tiendrait lieu de seule vision stratégique.
C’est dans cette perspective, faire de la France « une société apprenante », que le ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche a conduit ses travaux afin de lancer les premiers chantiers de mise en oeuvre de la StraNES.
Parce que celle-ci pose des objectifs ambitieux pour 2025, c’est dès aujourd’hui qu’il convient d’agir. Cette stratégie peut se décliner au niveau des apprenants, au niveau des sites et dans le cadre de projets d’ambition internationale.
Il s’agit d’oeuvrer à ces trois niveaux pour que la démocratisation ne soit pas la massification, que l’excellence ne soit pas un élitisme exclusif et que l’ambition mondiale ne se limite pas à une âpre concurrence entre chercheurs et universitaires.
La meilleure des réponses, qui émane du rapport, s’appelle l’innovation.
Innovation pour les apprenants par le biais de la révolution numérique, notamment via les massive open online courses, les MOOC. Pas moins d’1,2 million d’étudiants y sont inscrits, dont 18 % hors de France.
Innovation et simplification dans la lisibilité des formations, en passant par exemple de 322 mentions de licence à 45.
Innovation et ambition en faisant de l’enseignement supérieur le lieu fort de la formation tout au long de la vie. Dans le cadre de la stratégie 2020, la Commission européenne a fixé un objectif : 15 % d’adultes en formation. En 2011, cinq pays européens avaient dépassé ce chiffre. La France n’en était qu’à 6 %.
Innovation et excellence encore en favorisant le recrutement de docteurs par la loi de 2013.
Innovation enfin avec la politique de site, affirmée et institutionnalisée par la loi de juillet 2013. L’enjeu est de disposer d’ensembles visibles et compétitifs au niveau mondial, dans un environnement de concurrence accrue.
Attention cependant : nous ne devons pas oublier que ce qui donne du sens à la politique de site, c’est le projet, au service des étudiants, des partenariats, de la recherche. Ce projet ne doit pas se limiter à concourir uniquement aux investissements d’avenir. L’innovation pédagogique doit être le nouveau paradigme de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Voilà qui me conduit à évoquer, après les apprenants et les sites, l’internationalisation de notre politique éducative.
L’Europe a choisi, depuis longtemps, de placer la société de la connaissance au coeur de sa vision politique. Ainsi, un objectif a été fixé en 2000 à Lisbonne pour porter l’intensité de la recherche en Europe à 3 % du PIB.
Cet objectif, s’il n’est pas atteint, a néanmoins constitué une référence importante pour les pays européens. En revanche, aucun objectif n’existe pour l’enseignement supérieur.
On doit donc au rapport de la StraNES d’avoir proposé que l’objectif soit que l’Europe consacre 2 % de son PIB à l’enseignement supérieur, afin que l’Union constitue un ensemble visible du point de vue international.
À la suite de la résolution européenne que nous avons adoptée en juin 2015, il a également été décidé d’oeuvrer pour que ces investissements soient exclus des dépenses d’investissements qui engendrent des effets budgétaires positifs, ce qui est bien le cas de l’enseignement supérieur.
Mais cette ambition de toujours se maintenir au plus haut rang par un financement adéquat doit aussi se conjuguer, dans un objectif de rayonnement, à une mobilité entrante et sortante dynamique des étudiants qui ont fait de notre sol le lieu de leur savoir.
Il y a aujourd’hui 4 millions d’étudiants en mobilité dans le monde, et il est prévu que ce nombre atteigne 7,5 millions en 2025. La France doit donc travailler à cet objectif en permettant à tous les apprenants du supérieur – j’emploie à dessein le mot d’« apprenants » pour bien signifier que l’université ne doit pas s’ouvrir aux seuls étudiants, mais aussi à tous ceux qui veulent y trouver une formation tout au long de la vie – de trouver la meilleure formation qui soit par des pratiques innovantes et reliées à l’emploi. En faisant de l’enseignement supérieur, grâce à la politique de site, le lieu qui conjugue démocratisation, simplification et efficacité, et en améliorant sa visibilité à l’international, la StraNES renoue avec une vision démocratique et ambitieuse de l’enseignement supérieur.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.
Mme Laurence Dumont remplace Mme Sandrine Mazetier au fauteuil de la présidence.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans ce débat sur l’enseignement supérieur, je mettrai l’accent sur trois aspects qui sont, pour nous, autant de questions : les aspects budgétaires, les aspects juridiques et, plus largement, la question du devenir de notre enseignement supérieur et de notre recherche.
En matière budgétaire, tout d’abord, force est de constater que l’ambition affichée par le candidat Hollande lors de l’élection présidentielle de 2012 ne se retrouve pas dans les budgets qui ont été votés depuis. Vous-même, monsieur le secrétaire d’État, aviez déclaré à la presse en octobre qu’« un milliard d’euros de plus pour l’enseignement supérieur, c’est possible ». Nous sommes très loin du compte !
Pis, plusieurs priorités budgétaires ont été rognées. C’est le cas du financement de la recherche par projet et de l’ANR, l’Agence nationale de la recherche, mais aussi des budgets consacrés aux CPER, les contrats de plan État-région.
De toute évidence, l’écart est important entre déclarations et réalisations !
Par ailleurs, un modèle d’allocation et de répartition des moyens des établissements supérieurs, développé il y a quelques années, prévoyait qu’une partie serait attribuée en fonction de l’activité et une autre partie en fonction de la performance. Force est de constater, là aussi, que ce second volet a été écarté. On se demande bien pourquoi, d’autant que la Cour des comptes a plusieurs fois mis l’accent sur ce point, indiquant que le Gouvernement se trouvait là en retrait par rapport à ce que l’on pouvait attendre.
J’en viens aux aspects juridiques.
Il en est un qui nous préoccupe particulièrement après l’avis que le Conseil d’État a rendu il y a quelques jours au sujet des dispositifs de sélection en master et, plus précisément, de la sélection opérée entre le master 1 et le master 2. Comment comptez-vous procéder pour sécuriser les dispositifs, sachant que cet avis fait surgir un problème auquel les universités n’étaient pas confrontées jusqu’à présent. Ce problème, il se posera dès la rentrée 2016. Vous avez évoqué la piste d’un décret. Il faudra qu’il comporte une liste des formations concernées par la sélection à l’entrée, et que cette liste soit conforme à la réalité. Vous avez certainement relevé que les sections 01, 02 et 03 du Conseil national des universités, c’est-à-dire les sections regroupant les disciplines juridiques, se sont prononcées à l’unanimité pour demander que les masters de droit bénéficient tous de ce dispositif de sélection. Il serait pertinent de leur donner satisfaction.
Je conclurai par les questions d’avenir.
Nous avons plus que jamais besoin d’une ambition pour notre enseignement supérieur et notre recherche. Or celle-ci, hélas, fait défaut aujourd’hui.
Cette ambition doit s’exprimer dans la place accordée à la question de l’insertion professionnelle de nos étudiants, qui est particulièrement délaissée depuis quelque temps.
De même, que comptez-vous faire pour alléger la gouvernance des universités et leur donner plus d’autonomie ? La loi Fioraso a en effet contribué à alourdir certaines procédures et les établissements réclament de la simplification. Monsieur le secrétaire d’État, vous qui étiez précédemment chargé de la simplification administrative, quand allez-vous appliquer celle-ci à l’enseignement supérieur ? Comment inciterez-vous les établissements à obtenir des financements ouverts, notamment en provenance du privé ? Les outils existent – fondations, fonds de dotation, chaires – mais, là non plus, aucune dynamique ne s’enclenche.
Plus que jamais, nous devons gagner la bataille mondiale du savoir. Que comptez-vous faire pour gagner cette bataille ? Pour l’instant, je constate en creux que l’ambition n’est pas au rendez-vous !
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à M. Laurent Degallaix, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, pendant la campagne présidentielle, le candidat Hollande avait décrit la jeunesse comme sa grande priorité. Quatre ans après, la stratégie du Gouvernement en la matière peine à convaincre.
Qu’il s’agisse de la diffusion des connaissances dans leur diversité, de la lutte contre les discriminations, de la réussite des étudiants ou de l’attractivité des territoires à l’échelon local, régional et national, la mission de l’enseignement supérieur est depuis 2012 un patchwork de concepts qui s’accumulent les uns aux autres. Les idées sont certes ambitieuses, mais, en matière d’éducation comme ailleurs, les bonnes intentions conduisent rarement à une politique cohérente et efficiente.
Alors qu’il convenait d’approfondir la loi LRU – loi relative aux libertés et responsabilités des universités – pour lutter prioritairement contre l’échec universitaire des étudiants, la loi de 2013 a échafaudé un meccano institutionnel trop complexe, trop lourd et qui s’inscrit à rebours des évolutions fondamentales de l’enseignement supérieur et de la recherche en Europe et dans le monde. À vouloir satisfaire chacun, vous avez surtout réussi à éloigner les études supérieures des étudiants, et les jeunes de l’emploi.
Les défis sont pourtant nombreux, surtout quand on pense que l’enseignement supérieur accueillait 300 000 jeunes en 1960 et que nous avoisinons aujourd’hui les 2,5 millions. C’est avec regret que nous constatons année après année que la stratégie du Gouvernement ne cible ni les bons enjeux ni les bonnes priorités.
En 2015, François Hollande a fixé l’objectif d’une proportion de 60 % de diplômés de l’enseignement supérieur dans une classe d’âge. Trente ans avant lui, Jean-Pierre Chevènement voulait amener 80 % d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat. Dans l’enseignement supérieur comme dans d’autres domaines, on le voit, les statistiques n’ont jamais fait une bonne politique ! Orienter les élèves vers les filières d’avenir afin de préparer au mieux leur insertion sur le marché du travail : tel devrait être l’unique objectif de l’enseignement supérieur.
Ainsi, à défaut de chiffres, le groupe UDI souhaiterait voir instaurer une procédure transparente d’orientation pour conduire les étudiants vers les filières où ils ont de réelles chances de réussir et de trouver, à terme, un emploi. Toutes les enquêtes le soulignent : le diplôme reste la meilleure arme contre le chômage. Encore faut-il sortir de l’université avec le précieux sésame !
Comment se satisfaire que le taux de passage entre la première et la deuxième année de licence soit en moyenne de 40 %, et même de seulement 20 % pour la première année commune aux études de santé ? Pourquoi seuls 27,2 % des étudiants réussissent-ils leur licence en trois ans ? Voilà les questions réelles auxquelles il nous faut répondre !
Et après la licence, que dire de la réussite en master et du serpent de mer de la sélection des étudiants ? Le 10 février dernier, le Conseil d’État a rappelé que la sélection ne peut être organisée pour l’accès aux formations de première ou de deuxième année de master à l’université. Après cette décision, allez-vous briser le tabou de la sélection en master ?
Une fois le diplôme obtenu, quelles perspectives offrons-nous aux jeunes diplômés ? Une récente étude de l’APEC – Association pour l’emploi des cadres –, publiée en octobre 2015, rappelle que l’inégalité quant à la nature du contrat d’embauche est liée à la formation initiale. Les ingénieurs diplômés et les titulaires d’un diplôme d’école de commerce sont embauchés en contrat à durée indéterminée à plus de 70 % alors que les étudiants issus de l’université sont majoritairement en poste sur des contrats non pérennes. Ce n’est pas la qualité du diplôme qui est en jeu, mais bien la facilité d’insertion dans le monde professionnel qu’offrent les écoles de commerce ou d’ingénieurs. Tout converge pour que l’enseignement supérieur s’oriente davantage vers les formations en alternance. Aussi, comment ne pas regretter qu’il soit si peu fait mention de ce type de formation dans la stratégie nationale que vous nous avez communiquée ?
Depuis des années, le groupe UDI propose de lancer un grand plan pour un enseignement supérieur en alternance, construit en lien avec les entreprises afin de faire de cette formation un véritable vivier d’emplois pour les jeunes. À ce jour, nos propositions sont restées sans réponse.
Dans la stratégie poursuivie par le ministère de l’enseignement supérieur, la qualité de vie des étudiants occupe une place importante. Au groupe UDI, nous estimons également qu’il s’agit là d’un élément important dans la réussite des élèves. C’est pourquoi nous soutenons le plan « Bibliothèques ouvertes » lancé il y a quelques semaines par la ministre de l’éducation nationale et le secrétaire d’État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche. Pour autant, au-delà de l’élargissement des horaires, il faudrait également garantir à chaque étudiant qui le souhaite une place assise !
En matière d’éducation comme ailleurs, les dossiers et les idées ne manquent pas. Malheureusement, depuis 2012, votre gouvernement a fait le choix de défaire ce qui a été fait sous la précédente législature, sans s’inspirer des réussites passées ni écouter nos propositions. Cela vous amène aujourd’hui à dresser le même bilan que nous, le constat d’un système trop complexe, d’une innovation trop souvent bridée, d’injonctions parfois contradictoires. Il est temps, je crois, de nous employer ensemble à infléchir la feuille de route.
Monsieur le secrétaire d’État, je vous félicite pour votre reconduction dans votre poste. J’aurais été bien embêtée de devoir tout reprendre à zéro avec un quatrième ministre ou secrétaire d’État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche, alors que vous, vous pouvez vous souvenir de notre échange du 27 octobre 2015 !
Sourires.
Je vous avais alors lu une lettre ouverte, à vous adressée, qui avait pour sujet le délabrement de notre université et qui se terminait par une invitation à visiter des locaux vétustes, dégradés et dangereux. Quatre mois plus tard, vous souvenez-vous de cette lettre ouverte ? Si je vous pose la question, c’est parce que vous ne m’avez jamais répondu !
Je sais bien que vous êtes très occupé et qu’il vous serait difficile de répondre positivement à chaque demande de déplacement émanant d’un chercheur. Mais il ne s’agissait pas de la demande d’un simple chercheur : il s’agissait d’une interpellation d’un membre du Gouvernement – vous – par une députée chargée par la Constitution française du contrôle de l’action de l’État – moi.
Je vais donc reprendre la déclaration de ma collègue Gilda Hobert : « Concernant le patrimoine immobilier de nos établissements d’enseignement supérieur, comme l’a souligné la rapporteure pour avis Anne-Christine Lang, sa situation est préoccupante. En effet, 40 % des locaux se trouvent dans un état de dégradation que la rapporteure qualifie d’inquiétante, voire de franchement préoccupante pour 12 % d’entre eux. » Vous avez balayé d’un revers de la main ce rapport parlementaire, prétendant que parler d’université en ruines, c’est porter préjudice à nos universités. C’est pourtant tout le contraire, monsieur le secrétaire d’État ! Nommer honnêtement les choses, c’est regarder la réalité en face. Cacher la misère sous un coup de peinture, traiter nos chercheurs en souffrance de menteurs, voilà ce qui porte préjudice à nos universités !
Je m’interroge donc, et j’interroge l’ensemble de mes collègues. Pourquoi sommes-nous là aujourd’hui ? Nous sommes douze dans l’hémicycle, et j’espère avoir l’immense honneur de retenir votre attention cette fois-ci.
Très récemment, l’historien Christophe Granger, dans son ouvrage titré La destruction de l’université française, évoquait la soumission de l’université à la logique de l’économie capitaliste et du marché du travail. Il est vrai que depuis 2012, on ne cesse de marteler les mots « compétitivité », « classement de Shanghai », « rentabilité », « course à l’excellence », et surtout le mot « transfert », le plus important de la loi de 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche.
Les cours doivent aujourd’hui répondre aux besoins du marché pour former de futurs travailleurs. Terminées les notions de transmission des savoirs, d’apprendre à apprendre, de se préparer par une culture large à des métiers qui n’existent pas encore.
Les enseignements ne doivent plus, je cite, « fournir des savoirs mais bien des compétences ». « Les études ne sont plus un temps à part permettant de se former un esprit critique, mais une antichambre du temps de travail ».
Je le clame depuis 2013, nous avons bien deux visions de l’enseignement supérieur diamétralement opposées. J’ai peur de savoir quelle est celle de votre gouvernement, mais si je me trompe, je vous en prie, dites-le moi.
J’ai commencé mon intervention par les bâtiments, car ils sont la partie émergée de l’iceberg qu’est l’abandon des universités publiques. Sous l’eau, il y a les innombrables précaires : contractuels, temporaires, mal payés, de plus en plus nombreux à être recrutés par les universités.
Christophe Granger rappelle que 16 % des docteurs en chimie sont au chômage. Twitter, je suppose que cela ne vous a pas échappé, regorge de messages tristes et résignés de docteurs qui, après un post-doc à l’étranger, abandonnent recherche et enseignement pour chercher un emploi. Quel gâchis, monsieur le secrétaire d’État !
Mais cette précarité, ce délabrement et ce gâchis ne sont pas une fatalité ou une conséquence de la crise. Ils résultent d’un vrai choix politique – choix qui n’est pas uniquement le vôtre.
Alors oui, l’université française attire encore les étudiants étrangers, vous nous l’avez rappelé, car nous vivons toujours sur l’image d’une gloire passée. Le choc du contraste leur saute d’autant plus au visage une fois arrivés sur place. Dans le même esprit, j’ai moi-même eu honte de recevoir des chercheurs étrangers dans mon laboratoire vétuste…
…alors que des médaillés du Centre national de la recherche scientifique – CNRS – , y travaillaient et participaient par leurs publications à la gloire de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Monsieur le secrétaire d’État, que pouvez-vous faire pour répondre à cet appel au secours, et voulez-vous y répondre ?
Sachez enfin que les universitaires ne se laisseront pas faire sans rien dire. Comme le slow food a répondu à la malbouffe, la « désexcellence » répondra à la compétitivité sans transmission des savoirs et, je l’espère, un nouveau modèle de l’enseignement supérieur verra rapidement le jour.
La parole est à M. Gérard Charasse, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’investissement de la France dans l’enseignement supérieur et la recherche est la marque d’une ambition forte. Avec près de 26 milliards d’euros, c’est le troisième budget de l’État après ceux de l’enseignement scolaire et de la défense.
Ce marqueur fort est un levier essentiel pour le redressement de notre pays, qui traverse une période économique difficile et connaît une montée du chômage dont la courbe peine à s’inverser.
Depuis le début de ce quinquennat, l’emploi constitue une préoccupation majeure de ce gouvernement. Or, l’obtention d’un diplôme reste la meilleure arme contre le chômage. Une récente étude, menée conjointement par la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques – DARES – et France Stratégie, démontre que les métiers très qualifiés compteront parmi les plus gros créateurs d’emploi d’ici 2022. Assurer un accès à l’enseignement supérieur et à la recherche constitue donc un enjeu national essentiel.
S’appuyant sur la loi de juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, le Gouvernement a dévoilé en septembre dernier sa stratégie nationale de l’enseignement supérieur, qui dessine avec précision les choix de notre pays pour ses universités et sa recherche.
Une direction est donnée : faire de notre pays « une société apprenante », selon l’expression de Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie, avec l’objectif de porter à 60 % le nombre de diplômés de l’enseignement supérieur dans une classe d’âge.
À cette fin, plusieurs pistes sont engagées ou vont l’être : donner aux bacheliers professionnels un accès prioritaire aux sections de technicien supérieur – STS ; permettre aux bacheliers technologiques d’accéder en priorité aux instituts universitaires de technologie – IUT ; développer les stages en entreprise ; améliorer l’orientation et l’information des étudiants sur les débouchés associés à chaque formation ; assurer la continuité entre l’enseignement scolaire et l’enseignement supérieur avec, notamment, la généralisation du conseil anticipé dès la classe de première ; mettre en place un parcours d’excellence pour les collégiens des réseaux d’éducation prioritaire, à l’instar des expérimentations concluantes qui ont été menées dans les instituts d’études politiques – IEP ; permettre aux 10 % des meilleurs bacheliers au sein de chaque filière d’accéder à une formation sélective publique – initiée en 2014, cette mesure, qui a déjà bénéficié à 2000 jeunes, permet de lutter contre le phénomène de l’autocensure sociale.
La loi de juillet 2013 a en outre eu le mérite de clarifier la nomenclature et les intitulés des diplômes.
Cette simplification améliore d’ores et déjà la lisibilité des filières de l’enseignement supérieur : c’est un élément des plus positifs pour les employeurs potentiels qui, jusque-là, étaient perdus dans la jungle des diplômes présentés par les candidats à l’embauche. Les chiffres sont édifiants, puisque nous sommes passés de 322 mentions de licences à 45, de quelque 1800 intitulés de licence professionnelle à 173, et de près de 5000 spécialités de master à 255 intitulés de mention.
Enfin, autre point positif, nos universités et notre recherche connaissent une forte attractivité internationale – cela a été dit, mais il est bon de le répéter. La France se classe, selon l’UNESCO, en troisième position pour l’accueil des étudiants étrangers et en deuxième position pour la participation des étudiants français au programme Erasmus. Il s’agit là d’une chance pour notre pays, qu’il convient de dynamiser encore davantage. Car favoriser la mobilité des étudiants et des enseignants-chercheurs tend à accroître dans de fortes proportions les échanges de biens et de services avec notre pays. Il y a donc là un intérêt économique certain, de même qu’un intérêt culturel.
Le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste se félicite de ce que l’ouverture à l’international ait été renforcée depuis 2012. Par ailleurs, les établissements d’enseignement supérieur développent le e-learning, l’enseignement par internet. Pour la première fois, la loi de juillet 2013 valorise explicitement la dimension numérique de l’enseignement dans la formation supérieure. De fait, les formations en ligne ouvertes à tous attirent quelque 18 % d’inscrits hors de France.
Les cursus et les cours en langues étrangères sont un autre élément qui participe à l’attractivité de nos établissements d’enseignement supérieur et de recherche à l’international.
Enfin, adoptée le 26 janvier dernier, la loi relative aux droits des étrangers en France permettra de faciliter le séjour des chercheurs doctorants étrangers dans notre pays, notamment par le biais d’une carte de séjour pluriannuelle.
Cependant, la situation de nos universités et de notre recherche reste préoccupante sur plusieurs points.
Je tiens ici à citer le rapport sur la situation critique du patrimoine immobilier des universités que notre collègue Anne-Christine Lang a remis en octobre dernier à la commission des affaires culturelles. Ce rapport dresse un état des lieux très sombre du patrimoine immobilier de nos établissements d’enseignement supérieur : 40 % des locaux se trouvent dans un état de dégradation qu’il qualifie d’inquiétant, et même de franchement préoccupant pour 12 % d’entre eux.
Il s’agit aujourd’hui de trouver des solutions pour accueillir convenablement les étudiants, dont le flux de nouveaux inscrits chaque année est passé de 25 000 au début des années 2000 à quelque 65 000 depuis 2014, ce dont il faut nous réjouir.
Par ailleurs, l’offre de logements étudiants ainsi que les tarifs des transports publics révèlent de grandes disparités territoriales. Nombre d’étudiants n’ont souvent pas d’autre choix que de se tourner vers le parc locatif privé pour se loger, ce qui ajoute au coût de leurs études.
Enfin, l’accès aux soins est également problématique, les étudiants étant de plus en plus nombreux à renoncer à souscrire à une complémentaire santé – nous savons pourquoi. Le régime des mutualités étudiantes devra donc être clarifié.
L’accompagnement social et la qualité des services offerts aux étudiants sont deux conditions essentielles à la pérennité de l’attractivité de nos établissements de recherche et d’enseignement supérieur.
Le Gouvernement doit accélérer son action pour combler l’insuffisance du parc de logements sociaux étudiants. Certes, la construction de 40 000 nouveaux logements étudiants de 2013 à 2017 a été engagée, il faut s’en féliciter, et près de 21 000 places avaient été créées au 31 décembre 2015.
Ce mouvement doit s’amplifier, car 16 % des étudiants rencontrent des difficultés pour trouver un logement dans le parc locatif privé, faute de garant. Il y va de l’égalité sociale devant l’accès aux études supérieures, égalité que le Gouvernement appelle de ses voeux.
Car l’inégalité sociale est réelle. Le rapport StraNES de septembre dernier souligne une forte différence entre le taux des enfants de cadres diplômés de l’enseignement supérieur – 65 % – et celui des enfants d’ouvriers ou d’employés, qui n’est que de 28 %, soit un écart de 37 points. C’est évidemment beaucoup trop !
Dans l’objectif de permettre à tous d’accéder aux formations dans l’enseignement supérieur, un effort accru de l’État doit être consenti en direction des bourses étudiantes. Les députés radicaux de gauche se félicitent néanmoins du ciblage mis en place en 2013 pour l’attribution des bourses afin d’optimiser son efficacité. Les bourses sont désormais dirigées en priorité vers trois catégories d’étudiants : ceux issus des familles les plus modestes, ceux, nombreux, contraints de travailler pendant leurs études, et ceux en situation d’autonomie relative. Ce ciblage a contribué à augmenter sensiblement le nombre des étudiants boursiers, dont le taux est passé à 35 %.
Concernant l’accès aux études supérieures, je veux revenir sur la décision du Conseil d’État du 10 février dernier. La plus haute juridiction administrative a en effet rappelé que la sélection à l’université, phénomène répandu et admis dans la pratique depuis une quinzaine d’années pour les étudiants en première et deuxième année de master, restait illégale tant qu’une disposition réglementaire ne la rendrait pas légale. Ce même 10 février, vous avez annoncé que le Gouvernement prendrait « dans les prochains jours un décret permettant de sécuriser le fonctionnement actuel du cycle de master » qui serait mis en oeuvre dès la prochaine rentrée universitaire. Le contenu de ce décret fera l’objet d’une question que je vous poserai tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État.
Enfin, nos universités et nos établissements de recherche connaissent de réelles difficultés économiques. Pourtant, en tant que dispensateurs de formations professionnelles continues destinées aux adultes, ils pourraient s’insérer davantage dans le dispositif de formation de grande ampleur annoncé récemment par le Président de la République.
En effet, les établissements d’enseignement supérieur ne représentent que 3 % du marché de la formation continue en France. Le potentiel de développement de ce type de formation est indéniablement très important, et votre objectif de porter à 1,5 milliard d’euros d’ici à 2020 le développement de son chiffre d’affaires va dans la bonne direction. La mise en place d’un déploiement de formations à destination des adultes dans ces proportions nous incite à l’optimisme. Quand la politique de l’emploi et celle menée en direction des établissements d’enseignement supérieur et de recherche ont des intérêts communs, cet optimisme ne peut être que renforcé.
L’enseignement supérieur et la recherche constituent un chantier porteur et représentent un investissement pour l’avenir en faveur duquel le Gouvernement s’engage résolument. Il y va de l’attractivité de notre pays sur la scène internationale, de notre capacité à agir pour l’égalité des chances et de notre politique en faveur de l’emploi, en particulier de l’emploi pérenne. Ce chantier, notre groupe le soutient car il s’agit aussi de bâtir, en ces temps troublés, une société plus forte économiquement et plus armée intellectuellement pour lutter contre la crise économique, sociale et citoyenne que nous traversons.
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.
La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’occasion du débat budgétaire concernant la mission « Enseignement supérieur et recherche », j’avais souhaité mettre en avant le paradoxe existant entre les ambitions affichées par M. le secrétaire d’État et les moyens réellement attribués à notre université.
Ce budget avait donné lieu à des manifestations et rassemblements d’universitaires, de chercheurs et d’étudiants, qui réclamaient une augmentation de 3 milliards d’euros pour faire face à l’augmentation des effectifs. Ils n’ont pas été satisfaits.
Ce paradoxe a été mis en lumière par le rapport remis au ministère par Mme Béjean et M. Monthubert sur la définition d’une stratégie nationale de l’enseignement supérieur suite à la mission qui leur a été confiée en vertu de la loi du 22 juillet 2013.
Si ce rapport présente les atouts dont dispose notre système pour relever les grands défis de la connaissance, de l’élévation des qualifications et du rayonnement de notre pays, il décrit aussi les barrières à franchir pour y parvenir. Il nous invite à trouver les moyens d’investir dans la société apprenante en affirmant que les dépenses d’enseignement supérieur et de recherche doivent être reconnues comme un investissement pour l’avenir.
Le rapport se fixe l’objectif ambitieux de porter en 2025 60 % d’une classe d’âge en licence, 25 % en master et de promouvoir 20 000 docteurs par an. Mais, pour cela, il faut agir sur un des fléaux qui pèsent lourdement sur le développement de notre système universitaire : son incapacité à permettre une véritable démocratisation de l’université.
Certes, le nombre d’étudiants est en forte augmentation, mais l’objectif de démocratisation bute sur la difficulté d’assurer à tous et à toutes les conditions de la réussite. Un étudiant sur deux échoue en première année ; 17 % des étudiants sortent de l’université sans diplôme.
La sélection sociale est bien là ! Dans la génération 2010, seuls 28 % d’enfants d’ouvriers étaient diplômés de l’enseignement supérieur, pour 68 % d’enfants de cadres. Un étudiant issu d’un milieu favorisé a vingt fois plus de chances qu’un étudiant issu d’un milieu populaire d’intégrer une grande école, et l’on sait que le taux d’échec est plus élevé parmi les étudiants salariés.
Selon l’Observatoire de la vie étudiante, 45 % des étudiants – près d’un sur deux – sont contraints à un travail salarié, dont 19 % dans des activités considérées par cet organisme comme concurrentes à leurs études.
En outre, si l’on peut se satisfaire d’une augmentation du nombre des bourses, le compte n’y est pas. Les crédits alloués aux oeuvres universitaires ne cessent de baisser, et je pense que l’attribution de la prime d’activité aux étudiants conforte la pérennisation de deux sortes d’étudiants : ceux qui ont les moyens de ne pas se salarier et les autres. Aussi, pour créer les conditions de la réussite pour tous et toutes, quelle que soit leur origine sociale, ne faut-il pas avancer enfin vers une réelle allocation d’autonomie ?
La loi Fioraso a défini une voie de l’excellence. Mais permettez-moi d’insister : l’excellence ne peut pas se fonder sur l’élimination. Comment justifier une sélection organisée par l’université entre le master 1 et le master 2 ? Il faut viser au contraire la promotion du plus grand nombre et l’élévation des qualifications de tous et toutes.
Or l’encadrement des étudiants perd chaque année des moyens. Entre 2012 et 2014, on dénombre 688 équivalents temps plein en moins pour 150 000 étudiants de plus.
En 2013, je n’ai pas approuvé la loi sur l’enseignement supérieur et la recherche, parce que, malgré la volonté affichée de voir les étudiants réussir, elle suivait une logique qui visait surtout à la compétitivité, à la concurrence entre établissements, enseignants et étudiants – notions bien éloignées du partage et de la collaboration indispensables dans le domaine du savoir, de la connaissance et de la recherche.
Vous nous proposez de poursuivre sur ces pistes que je juge contradictoires avec les ambitions affichées dans le rapport de la StraNES.
Permettez-moi une remarque sur le lien entre université et recherche. L’une comme l’autre doivent pouvoir se développer ensemble pour mieux se développer chacune. Je pense que c’est à la nation d’assumer cette responsabilité, et non à d’éventuels mécènes.
Mon souhait est donc qu’aujourd’hui, à l’occasion de notre débat, vous puissiez nous dire comment vous allez travailler pour atteindre l’ambition affichée dans le rapport de référence, et combler les attentes ou les besoins qui se manifestent dans notre pays à l’égard du système universitaire et d’une recherche publique conséquente.
Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe écologiste.
La parole est à M. Emeric Bréhier, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, avec plus de 2,2 millions d’étudiants – un chiffre multiplié par huit en seulement cinquante ans –, notre système d’enseignement supérieur a, reconnaissons-le, réussi sa massification.
Mais si, comme les orateurs précédents, on s’attarde à observer les détails, tant en matière d’accès à certaines filières que de profils des diplômés, force est de constater que la réussite n’est pas la même en ce qui concerne sa démocratisation.
C’est tout le sens du défi à relever : faire en sorte d’accompagner, sinon chaque étudiant, du moins le plus grand nombre vers la réussite, non par souci d’un affichage statistique qui satisferait chacune et chacun d’entre nous, mais bien parce que la formation et la qualification sont des sujets qui concernent et impactent tous les pans de notre société.
En effet, même en mettant de côté les dimensions liées à la construction citoyenne ou à l’émancipation intellectuelle – que nul sur ces bancs n’imagine minorer –, on constate que, dans les pays qui connaissent un fort dynamisme économique, la tendance est à l’élévation rapide du niveau de qualification. J’ajouterai qu’elle en est une condition essentielle, notamment en ce qui concerne les questions d’innovation.
Aujourd’hui, en France, seuls 32 % des plus de vingt-cinq ans sont diplômés de l’enseignement supérieur, contre une moyenne de 36 % dans les autres pays de l’OCDE. Nous sommes donc en retard. Élu de la Seine-et-Marne, département dont le taux de poursuite dans le supérieur est un des plus faibles de France, je ne méconnais pas ce sujet essentiel.
L’objectif affiché, ou plutôt repris par le Président de la République – 60 % d’une classe d’âge diplômés du supérieur – est certes un objectif à long terme, mais qui symbolise une volonté forte.
Celle-ci est d’autant plus importante que nous savons toutes et tous que, dans certaines filières, notamment en raison du contournement des logiques d’accès à des formations courtes, le taux d’échec en première année universitaire est trop important. Face à ce gâchis, certains préconisent de restreindre l’accès à l’enseignement supérieur. Ce n’est pas seulement un non-sens, c’est une faute.
Depuis 2012, beaucoup a déjà été fait,…
…qu’il s’agisse des moyens supplémentaires pour l’emploi, du financement des établissements, des moyens dédiés à la recherche, à l’innovation pédagogique, à la vie étudiante – on l’oublie parfois, n’est-ce pas, monsieur Apparu ? –, notamment à travers la revalorisation des bourses sur critères sociaux, la hausse de plus de 5% du nombre d’étudiants boursiers et la caution locative pour favoriser l’accès au logement, ce qui peut intéresser un certain nombre de territoires, sans parler de l’instauration de quotas réservés aux bacheliers techniques et professionnels dans les instituts universitaires de technologie et les sections de technicien supérieur. Je pourrais continuer ainsi longuement.
Pourtant, chacun le sait, les difficultés bien réelles persistent. Il reste encore beaucoup à entreprendre. La démocratisation et l’accompagnement de chaque étudiante et étudiant vers la réussite reposent sur de nombreux ressorts, tels que l’orientation ou le renforcement du continuum lycée-enseignement supérieur.
Je me félicite à cet égard que le rapport de la StraNES donne une place importante à cet enjeu en s’attaquant explicitement au rôle du lycée et à son implication en matière d’accès au supérieur à travers des propositions telles que la refondation de notre système d’orientation ou l’association des enseignants du secondaire aux conseils de perfectionnement des formations supérieures et, de manière réciproque, celle des enseignants du supérieur pour expliciter auprès des lycéens les attendus et les requis de l’enseignement supérieur.
Mais si l’entrée dans l’enseignement supérieur doit jouer un rôle prépondérant dans la poursuite de l’objectif des 60 % d’une classe d’âge diplômés du supérieur, il ne faut pas éluder la question de la sortie. Je ne peux m’empêcher à ce titre d’aborder très brièvement un paradoxe français : le taux d’insertion des docteurs est plus faible que celui des diplômés de master.
À ce titre, monsieur le secrétaire d’État, la constitution d’un corps d’ambassadeurs issus du monde de l’entreprise afin de mettre en relation des doctorants et des entreprises est une initiative à saluer, qui ne peut qu’améliorer l’insertion des docteurs dans le secteur privé.
Mais qu’en est-il des conventions de branche prévues dans la loi de Mme Pécresse, puis de Mme Fioraso sur la reconnaissance du doctorat ? Et qu’en est-il de l’ouverture de l’accès des docteurs à la haute fonction publique, dont nous avions longuement débattu en juillet 2013 ?
Du chemin reste à parcourir, indéniablement. La voie empruntée est assurément la bonne. Il nous appartient désormais d’accélérer afin d’en atteindre le bout le plus rapidement possible, dans l’intérêt de chacune et chacun, pour l’émancipation de nos jeunes concitoyens et – ce n’est pas un gros mot – pour la compétitivité de notre pays.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, c’est un plaisir que de nous retrouver cet après-midi pour ce débat autour de la stratégie nationale pour l’enseignement supérieur.
Je crois que, fondamentalement, quel que soit le banc où nous ayons pris place, une conviction nous anime tous, qui animait autrefois ceux qui, comme Jean Zay, Jean Jaurès ou Jules Ferry, ont défendu l’émancipation par l’école, par l’éducation et par la connaissance.
Cette conviction, Sandrine Doucet l’a bien exprimée : donner à nos concitoyens la possibilité d’accéder au savoir et à la connaissance, c’est donner à notre pays davantage de force et à nos existences davantage de sens.
Oui, l’avenir de la France dépend de son enseignement supérieur et de sa recherche. Ceux-ci déterminent notre capacité à avancer ensemble pour relever les défis qui sont les nôtres. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement en a fait un axe essentiel de sa politique.
Il n’est pas le seul. Partout où l’on tourne le regard, vers les puissances économiques actuelles comme vers les pays émergents, un même phénomène est à l’oeuvre : le niveau de qualification s’élève.
La Corée du Sud, avec 59 millions d’habitants, soit à peu près le même nombre qu’en France, compte 40 % d’étudiants de plus que nous, soit 3,3 millions d’étudiants en tout. Ce qui est vrai en Corée du Sud l’est aussi en Chine, aux États-Unis, en Inde ou au Brésil. Ce n’est pas un hasard. C’est un choix.
Ce choix est partagé par le Président de la République. Alors que 43,5 % des jeunes Français accèdent actuellement à un diplôme de l’enseignement supérieur, François Hollande a fixé l’objectif de 60 % d’une classe d’âge dans l’enseignement supérieur.
Aux questions d’aujourd’hui, cet objectif apporte des réponses fortes, qui prennent en compte les exigences du présent, les apports du passé et les perspectives de l’avenir.
Voilà pourquoi il y a au coeur de la stratégie nationale de l’enseignement supérieur, dont nous avons voulu débattre avec vous, un vaste mouvement de démocratisation et d’élévation du niveau des études dans notre pays.
Parce que je crois qu’une certaine confusion règne lorsque l’on évoque la démocratisation, à l’école comme dans l’enseignement supérieur, je veux commencer par être très précise : quand je dis « démocratisation », je ne dis pas « nivellement par le bas ».
Il est d’ailleurs étrange, quand on y pense, que, dans une démocratie comme la nôtre, le mot « démocratisation » provoque des réactions épidermiques. La démocratisation devrait être une ambition partagée par le peuple et par ses élus.
D’autant que, si l’on peut concevoir qu’en partageant un gâteau entre 10 000 personnes au lieu de vingt, on diminue nécessairement la taille de chaque part, je ne vois pas en quoi une telle logique peut s’appliquer au savoir. Avons-nous épuisé nos réserves de connaissances ? Connaissons-nous une pénurie de savoirs ?
Non, justement parce que le savoir est un bien public : tout le monde peut en profiter. Et le fait que l’on en profite n’engendre aucun effet sur la quantité disponible pour les autres, bien au contraire, celle-ci augmente. C’est ce qui fait la richesse de nos bibliothèques, de nos universités et de nos écoles.
Cessons donc d’opposer systématiquement démocratisation et exigence ! Cessons de considérer que la rareté est la condition d’un haut niveau de qualité ! Cessons de chercher, aux problèmes contemporains, des solutions d’un autre temps !
Car j’entends, contre la démocratisation, des voix s’élever, et réclamer la sélection – cela s’est encore produit à l’instant –, comme s’il s’agissait d’un remède miracle.
Sur cette question de la sélection et pour le cycle master, puisque le sujet est d’actualité, revenons à ce qu’a dit le Conseil d’État il y a quelques jours. Celui-ci a été très clair : il a précisé la portée de l’article L. 612-6 du code de l’éducation et a rappelé « qu’en vertu de cet article, l’admission à une formation relevant du deuxième cycle ne peut faire l’objet d’une sélection […] que si cette formation figure sur une liste limitative établie par décret ».
Ce faisant, il a rappelé la lettre de la loi, qui vaut aussi pour le premier cycle. Vous pouvez compter sur moi pour m’assurer que ladite liste sera très limitative. Je le précise en particulier pour répondre à Patrick Hetzel.
Cette liste sera très limitative car la sélection, profondément rétrograde, s’oppose non seulement à la démocratisation et au nécessaire renouvellement de nos élites, mais aussi, frontalement, à ce qui fait la force de l’enseignement supérieur.
Elle s’oppose à une idée qui anime chaque enseignant, à l’école, au collège, au lycée ou dans l’enseignement supérieur. Elle s’oppose à ce qui fonde l’instruction, l’éducation et l’émancipation. Elle s’oppose au progrès.
Tout d’abord, parce que la sélection n’est pas une idée neuve. C’est au contraire une réalité passée, contre laquelle la République s’est toujours battue, car la sélection ne résout rien. Elle masque. Elle abandonne. Elle laisse des millions de jeunes hors de l’enseignement supérieur.
Et à ces jeunes, elle ne propose rien : elle se contente de les exclure, en espérant qu’ils se tiendront tranquilles, et qu’ils accepteront leur sort. Je ne pense pas que l’époque où régnaient l’inégalité et la reproduction sociale soit un modèle viable face aux défis actuels.
Mais, plus fondamentalement encore, la sélection repose sur ce qui est et non sur ce qui pourrait être. Elle ne voit pas de potentiel. Elle ne voit pas de progression possible pour les jeunes en question. Elle fige, au lieu de favoriser une évolution. En donnant à ceux qui ont déjà, elle n’ouvre aucune perspective et ne laisse aucune chance de progresser.
Bien sûr, je n’ignore pas les difficultés rencontrées par l’enseignement supérieur, mais je ne crois pas que nous les surmonterons en revenant à d’anciennes lubies, et les vieilles lunes ne m’intéressent pas : ce sont les solutions pérennes et durables dont la politique doit aujourd’hui s’emparer. Ce sont celles-ci que nous inventons, en nous appuyant sur les ressources qui ont toujours été celles du savoir, de la pensée et de la réflexion.
Il n’y a pas de fatalité : une démocratisation qui concilie une nécessaire ouverture et un haut degré d’exigence est possible. Car ce qui a si souvent empêché d’accorder démocratisation et exigence, ce n’est pas une opposition de nature entre ces deux termes, c’est simplement la méconnaissance des évolutions qu’un tel mouvement entraîne, et qui exigent en effet, de notre part, une politique cohérente.
Le nombre d’étudiants s’élève aujourd’hui à 2,4 millions, soit huit fois plus qu’il y a cinquante ans. Cette augmentation se poursuit d’année en année : il y a en moyenne 30 000 étudiants supplémentaires par an dans l’enseignement supérieur français. Depuis 2013 – il faut s’en réjouir – l’enseignement supérieur public a retrouvé une réelle attractivité, avec plus de 2 % de croissance annuelle, alors que l’enseignement supérieur privé, lui, stagne.
Démocratiser, cela suppose d’aider les étudiants – vous l’avez dit, cher Emeric Bréhier –, de les aider tels qu’ils sont, et d’agir contre les inégalités sociales et économiques. Tel est l’objet du travail que nous avons entrepris sur l’orientation et la meilleure information des collégiens et des lycéens sur l’après-bac.
Aider les étudiants, c’est faire en sorte que le nombre d’étudiants boursiers progresse. De fait, c’est le cas : en trois ans, il s’est accru de 5,4 %, et nous connaissons, cette année, vous l’avez rappelé, un taux de boursiers qui atteint 35 % de l’ensemble des étudiants, ce qui constitue un chiffre inédit. À côté de ces bourses étudiantes, nous avons engagé un ambitieux programme de construction de logements étudiants : au 31 décembre 2015, ce sont 21 000 places supplémentaires qui ont été créées. De fait, offrir à nos étudiants des conditions de vie décentes, c’est tout simplement favoriser leur réussite.
Cette réussite doit, qui plus est, se nourrir d’ambition. C’est la raison pour laquelle nous voulons élargir, en particulier, l’horizon des élèves des milieux les plus modestes, en mettant en place une série de dispositifs que vous avez, les uns et les autres, rappelés. Vous avez parlé des « 10 % meilleurs bacheliers », programme qui permet désormais aux élèves ayant obtenu les meilleurs résultats, dans chaque lycée de France, quel que soit le territoire où il est installé, de pouvoir prétendre au meilleur, aux filières sélectives, dans lesquelles nous leur réservons des places.
Nous pourrions parler aussi des parcours d’excellence, que nous venons de créer, pour faire en sorte que, dès la rentrée prochaine, des élèves des classes de troisième en éducation prioritaire puissent être suivis de la troisième à la terminale au moyen d’un tutorat personnalisé, pour les accompagner jusqu’au terme de leur projet, de leurs réalisations et de leurs ambitions.
Nous pourrions enfin évoquer un autre dispositif que nous avons souhaité mettre en place : l’accès prioritaire des bacheliers professionnels aux STS, et des bacheliers technologiques aux IUT.
Bref, nous oeuvrons pour que chaque élève puisse trouver une voie adaptée à son parcours, à ses objectifs et à ses capacités. Nous dessinons ainsi de nouveaux chemins vers la réussite. Nous veillons, ce faisant, à renouveler et à élargir nos élites, car cela aussi, c’est un projet politique. Voilà ce qu’est, à mes yeux, une démocratisation exigeante. Elle produit bien des effets bénéfiques, à commencer par ce simple constat : les diplômés du supérieur ont cinq fois moins de risques d’être au chômage. Dès lors, comment pourrions-nous souhaiter autre chose pour nos jeunes que d’être diplômé du supérieur ?
Cette démocratisation, je le disais, est essentielle pour l’avenir économique de notre pays. Le Forum sur l’avenir de l’emploi, qui s’est tenu à l’OCDE en janvier dernier, nous l’a rappelé : il n’y a pas que les technologies qui évoluent, c’est aussi le cas de l’emploi. Entre 1995 et 2010, en France, les emplois moyennement qualifiés ont baissé de 20 %, tandis que les emplois hautement qualifiés augmentaient de 20 % et que les emplois faiblement qualifiés s’accroissaient de 8 %. Ce phénomène connaît une accélération. Plutôt que de ne voir que les 20 % de baisse, je crois qu’il faut regarder les 20 % de hausse que connaissent les emplois hautement qualifiés, car c’est à ceux-ci que l’enseignement supérieur prépare.
De fait, nous avons fait en sorte de préparer le mieux possible nos étudiants à ces emplois hautement qualifiés, et cela passe notamment, vous l’avez dit, par l’approfondissement et le renforcement de la relation entre l’enseignement supérieur et le monde de l’entreprise. La question de l’alternance dans l’enseignement supérieur a été évoquée par l’un d’entre vous : je réaffirme ici que notre ambition est grande en la matière. Le nombre d’alternants, au sein de notre enseignement supérieur, s’élève actuellement à près de 135 000, soit 25 % de plus qu’il y a dix ans. Notre ambition, j’y insiste, est grande, puisque nous souhaitons porter leur nombre à 150 000 en 2020 et à 200 000 en 2025. Par ailleurs, je rappelle que la loi sur l’enseignement supérieur et la recherche de 2013 a fait de l’alternance, enfin – c’est inédit – une voie de formation à part entière dans l’enseignement supérieur.
Faire en sorte de renforcer cette relation entre l’enseignement supérieur et le monde de l’entreprise, cela passe aussi par des diplômes plus lisibles, plus transparents sur les débouchés, adaptés aux exigences et aux évolutions du monde socio-économique. Vous avez eu l’amabilité de le rappeler, cher Gérard Charasse, c’est ce que nous avons voulu faire avec cette simplification des diplômes introduite par la loi Fioraso.
Renforcer et rapprocher le monde de l’entreprise et l’université, c’est ce que nous faisons avec les campus des métiers et qualifications, qui sont aujourd’hui plus d’une trentaine. Ils regroupent, dans un même pôle, lycées professionnels, centres d’apprentissage, établissements d’enseignement supérieur et laboratoires de recherche, au service d’un secteur professionnel donné, qui fait la vitalité d’un territoire. Ils créent une synergie au service de politiques territoriales de développement économique et social. Ces campus des métiers et qualifications, qui permettent à chacun de trouver sa place et d’être tiré vers le haut, seront encore amenés à se développer.
Rapprocher le monde du travail et l’enseignement supérieur, c’est également l’objectif du statut d’étudiant-entrepreneur que nous avons créé, cher Laurent Degallaix. Il faut avoir conscience que, depuis la rentrée 2014, 654 dossiers de projets d’entreprise ont été déposés par des étudiants auprès des pôles étudiants pour l’innovation, le transfert et l’entrepreneuriat, les PEPITE.
Enfin, ayez à l’esprit que 20 millions d’euros ont été investis, en 2015, dans un plan d’investissement d’avenir dédié à la culture entrepreneuriale chez les jeunes.
Mais nous allons encore plus loin, car nous faisons face à une transformation profonde de notre société. Nous devons construire ensemble, comme l’a dit l’un de vous, une société « apprenante », selon les termes de Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie. Une société apprenante est toujours en apprentissage, en formation, en remise en question de ses savoirs et de ses connaissances. Il n’y a plus, d’un côté, le temps des études et, de l’autre, celui du métier : les deux temps sont liés. La formation doit pouvoir se déployer véritablement tout au long de la vie. Une société apprenante est une société en action, dont les centres de savoir, comme les universités, sont ancrés au coeur des cités, avec des portes toujours ouvertes, qui permettent à tout un chacun, quel que soit son âge, de venir se former ou se reformer. Voilà pourquoi nous voulons résolument développer le rôle de l’université dans la formation continue, et nous lui en donnons les moyens.
Avec cette dynamique que je viens de vous décrire, il ne s’agit pas de préférer la professionnalisation au « savoir pour le savoir ». Je fais ici référence à une inquiétude exprimée par Isabelle Attard. Il existe, en réalité, une véritable complémentarité entre ces deux domaines : l’enseignement supérieur forme tout autant un professionnel qu’un citoyen responsable. Si nos étudiants doivent acquérir les compétences nécessaires à leur insertion professionnelle, il est tout aussi essentiel, en effet, que nos établissements d’enseignement supérieur demeurent ce qu’ils ont toujours été : des lieux de savoir, de culture, de recherche. Un diplôme du supérieur, d’ailleurs, ne garantit pas seulement un savoir-faire : il témoigne aussi d’un savoir-être. Or, nous avons grand besoin, aujourd’hui, des réponses que la littérature, les arts, la sociologie, l’histoire ou les langues peuvent nous apporter. Pour faire avancer notre pays, nous avons besoin de femmes et d’hommes qui sauront opposer aux discours mensongers, des arguments forgés par la connaissance et le savoir, qui ne penseront pas que la lecture d’un livre écrit au XVIIIe siècle ne sert à rien, qui savent qu’entre ce qui est immédiatement utile et ce qui enrichit sur le long terme, il n’y pas à choisir : il faut évidemment mobiliser les deux.
Nous avons besoin de tout cela, car le monde dans lequel nous sommes a lui aussi changé. Un engagement fort a été pris par la France et par les autres pays lors de la COP21. Mais cet accord ne se résume pas à des ajustements techniques. Un mouvement d’ampleur doit l’accompagner, le porter, qui adviendra grâce à l’enseignement supérieur et à la recherche. Oui, nous devons repenser notre rapport au monde. Nous devons repenser notre développement, en y ajoutant un adjectif – « durable » –, anodin en apparence, mais qui constitue une véritable révolution. Le progrès doit sortir de la seule logique quantitative, pour mettre enfin l’accent sur le qualitatif. L’enseignement supérieur n’est pas la garantie du plus, c’est la garantie du mieux. Nous formerons ainsi des personnes qui penseront à ces mots trop souvent sacrifiés au profit des chiffres et des courbes, des mots comme « bien-être », comme « humanité », comme « avenir », des mots qui doivent aussi retrouver toute leur place dans l’enseignement supérieur, pour que la réussite académique soit aussi une réussite et un épanouissement personnel.
En France, trop longtemps, le diplôme a masqué la personne. Dans un curriculum vitae, une année non inscrite dans un cursus était vue comme une année perdue. Quant au bénévolat, c’était, au mieux, du temps perdu, au pire, une aberration. Là où certains perçoivent une forme de naïveté dans le fait de s’engager sans être payé, je vois quant à moi, au contraire, une très belle force à développer. Nous avons décidé de lutter contre la méconnaissance dont souffre l’engagement de notre jeunesse. Favoriser l’engagement étudiant, c’est aussi amener davantage d’étudiants à s’engager. Voilà pourquoi nous voulons que tous les établissements d’enseignement supérieur reconnaissent enfin les compétences acquises dans le cadre d’un engagement. Dans le cadre de la mise en oeuvre du plan national de vie étudiante, l’engagement des étudiants dans la vie associative et les fonctions électives au sein de leur établissement seront valorisés par l’élaboration d’un statut de l’étudiant responsable associatif et de l’élu étudiant.
Mais l’engagement, cela demande aussi du temps. Dans environ 40 % des pays couverts par l’étude « Eurostudent V 2012-2015 », que vous connaissez, il s’avère qu’au moins 10 % des étudiants ont interrompu leurs études pendant au moins un an entre leur entrée dans l’enseignement supérieur et leur diplôme. Or, cette interruption n’est pas une rupture. Elle est souvent une continuation de leur formation et de leur aventure intellectuelle par d’autres moyens. La circulaire que nous avons prise en juillet 2015 permet désormais aux étudiants qui le souhaitent de réaliser une période d’un an de césure, pendant leur parcours, tout en conservant leur statut d’étudiant et la sécurité juridique qui lui est attachée.
Vous le voyez, il faut cesser de penser en termes de choix exclusif – soit l’un, soit l’autre ; c’est d’ailleurs ce à quoi nous invite la StraNES. Contre la division, remettons en évidence la force du « et », qui est capable d’unir : démocratisation et exigence, professionnalisation et savoir pour le savoir, réussite académique et épanouissement personnel. Tournons-nous vers le passé, non par une fascination nostalgique fantasmée, mais pour y trouver de l’inspiration pour l’avenir. Car, si nous défendons une vision exigeante de l’enseignement supérieur, si nous défendons l’innovation contre le recours aux vieilles recettes de la sélection et de l’inégalité, c’est parce que les enjeux auxquels nous faisons face demandent, en somme, de choisir. Entre quoi et quoi ? Voulons-nous apporter des solutions pérennes, qui favorisent la cohésion de notre société, et qui s’appuient sur une mobilisation au service du bien commun ? Ou entendons-nous continuer à accroître les inégalités économiques et sociales et à danser sur un volcan, en espérant qu’il ne se réveille pas trop tôt ?
Notre héritage, celui de la France, ne nous laisse pas le choix. Il nous faut nous montrer à la hauteur de ce que nous ont légué l’humanisme, les Lumières et la République, qui a placé l’éducation au coeur de son projet. C’est cet héritage qui nous conduit à inscrire cet effort dans un ensemble plus vaste que la seule France, un ensemble européen, international. Non seulement parce que la France, troisième destination mondiale des étudiants, accueille 300 000 étudiants étrangers, issus de tous les continents – il y a de quoi en être fier et vouloir leur faciliter la tâche ; non seulement parce que notre stratégie nationale de recherche s’inscrit aussi dans le cadre d’appels d’offres européens, avec le programme Horizon 2020 ; non seulement parce que nous avons conduit une politique de regroupement de nos universités et de nos écoles pour leur donner une plus grande visibilité internationale, mais parce que, tout simplement, l’Europe, avant d’être une union économique et monétaire, a d’abord été, dès la Renaissance, une Europe des universités. Voilà pourquoi nous voulons, à travers cette StraNES, porter un objectif européen, que nous avons chiffré : il s’agit de consacrer 2 % du PIB européen à l’enseignement supérieur.
De fait, l’enseignement supérieur est, à notre époque, un enjeu majeur. C’est le sens de la politique que nous conduisons. C’est aussi ce que nous défendrons au niveau européen. Telle est la conception générale de notre politique. Je laisse maintenant la parole à M. Thierry Mandon, secrétaire d’État à l’enseignement supérieur et à la recherche.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, à mon tour, à la suite de Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, je souhaiterais vous faire part du plaisir que ce débat me procure, et je tiens à remercier ceux qui ont proposé qu’il se tienne ; il était prévu par la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, il a enfin lieu aujourd’hui.
Je veux féliciter et remercier celles et ceux qui ont élaboré la StraNES, un travail collectif d’une très grande ampleur pour lequel se sont associés des étudiants, des enseignants-chercheurs, des présidents d’université, des partenaires sociaux, des représentants des écoles, afin de proposer une stratégie de long terme pour notre enseignement supérieur.
Je me réjouis en outre qu’un tel débat se tienne ici, dans cette assemblée, sous la tapisserie reproduisant l’École d’Athènes, la fresque de Raphaël qui illustre à elle seule les valeurs de l’université que la StraNES prétend nourrir, revitaliser, celles d’une université ouverte sur le monde. Cette représentation réunit des visions différentes, à l’image de celles qu’ont exposées les orateurs des divers bancs de l’hémicycle qui se sont exprimés voilà quelques instants : la vision parfois pessimiste incarnée par Héraclite, que vous reconnaîtrez facilement, isolé, seul et sombre, et la vision de ceux qui croient dans les vertus du rationalisme, de l’empirisme, du progrès, toutes valeurs portées par l’université, et figurées principalement sous les traits d’Aristote et de Platon.
Ce défi que pose la StraNES et auquel nous avons décidé de répondre à l’instigation du Président de la République, qui a demandé que cette stratégie constitue la feuille de route du Gouvernement pour le quinquennat et au-delà, est un défi formidable. Sandrine Doucet rappelait à juste titre que, avant même le lancement de la StraNES, le Gouvernement avait posé des jalons pour une démocratisation exigeante de notre enseignement supérieur et de notre système de recherche. Les avancées accomplies grâce aux assises de l’enseignement supérieur et de la recherche en 2012, puis à la loi Fioraso en 2013 constituent le socle sur lequel nous pouvons bâtir d’autres actions et relever de nouveaux défis : une meilleure orientation des étudiants, la modernisation de la gouvernance des universités, la structuration du paysage de l’enseignement supérieur au travers des regroupements d’établissements, qui sont essentiels tant pour maintenir une très grande diversité sur le territoire que pour améliorer l’efficacité collective de notre système d’enseignement supérieur.
Aujourd’hui, très concrètement, la StraNES nous adresse deux défis formidables : celui de l’innovation, et celui d’une interrogation en profondeur de notre vision de l’État, de son rôle et de la modernisation de ses outils. C’est sur ces deux points que je concentrerai mon propos.
Parce qu’elles sont des lieux de liberté de pensée, parce qu’elles sont des lieux où l’on fertilise l’esprit critique, les universités sont par nature des lieux ouverts à l’innovation.
Aujourd’hui, plusieurs facteurs contraignent les établissements d’enseignement supérieur à innover : les innovations technologiques, avec la généralisation du numérique, qui en est à ses débuts mais qui montera en puissance très rapidement dans les années à venir ; les innovations pédagogiques, avec les nouveaux modes d’apprentissage que permettent de déployer les technologies et les avancées de la recherche en sciences cognitives ; les innovations organisationnelles, avec le mouvement de structuration de l’enseignement supérieur et de la recherche. Pour remplir les objectifs fixés par la StraNES, démocratiser et mener les étudiants à la réussite, nous devons consacrer de nouvelles énergies à ces innovations.
Il s’agit d’abord de mettre la révolution numérique au service de formations de qualité pour tous, au service, surtout, de l’égalité des chances.
Les étudiants d’aujourd’hui n’apprennent déjà plus comme ceux d’il y a vingt ou quarante ans. Les besoins des étudiants changent, leurs usages aussi. Il suffit d’aller dans une université pour s’en rendre compte. Face à un parterre d’étudiants tous connectés – les amphithéâtres sont remplis d’étudiants qui disposent d’un ordinateur personnel –, le rôle des enseignants, la conception des formations ne peuvent qu’évoluer, et doivent évoluer. Il serait vain d’opposer ces nouveaux usages aux anciens. Il faut au contraire conjuguer la tradition et les nécessités induites par la modernité, mesurer les opportunités que cette nouvelle donne crée.
Nous engageons aujourd’hui un travail systématique et méthodique sur plusieurs opportunités. D’abord, la possibilité de personnaliser davantage les formations et de flexibiliser les parcours est essentielle. La démocratisation s’accompagne en effet de l’hétérogénéisation des publics, ce qui rend nécessaire de personnaliser davantage les enseignements. Face à des étudiants plus nombreux et dont les parcours sont de plus en plus différents, la meilleure prise en compte des besoins de chaque étudiant est un élément essentiel de la réussite de chacun et de celle de notre système d’enseignement supérieur.
Les nouvelles opportunités numériques rendent également possible le développement de formations hybrides associant formation à distance et formation en présentiel, y compris pour les diplômes nationaux. C’est un enjeu essentiel pour la mobilité sociale ; je pense ici en particulier aux étudiants qui travaillent ou à ceux qui, ayant déjà effectué un début de carrière professionnelle, souhaiteraient reprendre leurs études.
Le numérique, c’est encore la facilitation de nouveaux modes de travail plus collaboratifs, en réseau, qui rapprochent et associent les différents types d’acteurs et favorisent l’innovation et l’entrepreneuriat. Nous allons lancer dans les prochains mois, notamment au travers du programme d’investissements d’avenir, une mobilisation d’une puissance sans précédent pour développer ces potentialités offertes par le numérique, qui peuvent nous aider à remplir un certain nombre d’objectifs fixés par la StraNES.
Autre innovation, l’innovation pédagogique ne se réduit pas à la seule dimension numérique. Nous mobilisons désormais pleinement la recherche sur la pédagogie. Nous le faisons au travers du premier institut Carnot de l’éducation, actuellement en expérimentation en Auvergne-Rhône-Alpes. Nous le faisons également au travers des ESPE, les écoles supérieures du professorat et de l’éducation, dont l’activité vient de démarrer mais qui monteront en régime dans les années qui viennent. Ces lieux de formation des enseignants devront à terme marier beaucoup plus qu’aujourd’hui la formation et les avancées en matière de recherche pédagogique.
Nous le faisons aussi au travers d’initiatives visant à mieux diffuser les résultats de la recherche, telles que les premières journées nationales de l’innovation pédagogique dans l’enseignement supérieur organisées les 31 mars et 1er avril 2016 prochains. À cet égard, je tiens à remercier l’administration d’avoir pleinement saisi la nécessité de valoriser ces innovations pédagogiques, d’y travailler et de les scénariser. C’est aussi la raison pour laquelle nous avons créé un prix de l’innovation pédagogique du supérieur, autre moyen pour parvenir à cette fin.
L’innovation ne concerne pas uniquement le numérique et la pédagogie ; elle doit également toucher la structuration de nos établissements d’enseignement supérieur et leurs relations avec les organismes de recherche. Cela a été évoqué voilà quelques instants au cours des interventions des orateurs inscrits, ces dernières années ont été marquées par des transformations d’une grande ampleur, qui ont demandé beaucoup d’énergie aux équipes des universités, des écoles et des organismes. Ces rapprochements, ces nouvelles façons de travailler ensemble sont un des grands atouts pour réussir demain les défis que nous pose la StraNES.
La mutualisation est en effet une évidence : parce que le doctorat a été mutualisé par les universités dans le cadre des COMUE, les communautés d’universités et d’établissements, de plus en plus d’étudiants des écoles poursuivent leurs études jusqu’au doctorat. Émeric Bréhier avait raison de nous interpeller sur la nécessité de faire plus encore pour aider ces docteurs à trouver un emploi, soit dans la recherche – c’est toute la question de l’emploi scientifique –, soit, s’ils le souhaitent, dans les entreprises. Simultanément, on peut observer que les passerelles entre universités et écoles n’ont jamais été aussi nombreuses : la faille séculaire dans notre système d’enseignement supérieur entre les universités d’un côté et les grandes écoles de l’autre est en train d’être comblée. La fusion de grandes écoles avec des universités est même en projet. C’est une révolution silencieuse qui se produit sous nos yeux ; il faut le souligner, il faut s’en satisfaire et l’encourager. Enfin, les organismes de recherche sont devenus désormais inséparables de l’activité des laboratoires qui fonctionnent au sein des universités.
J’ai évoqué l’innovation numérique, l’innovation pédagogique et l’innovation organisationnelle. Je tiens à présent à dire un mot tout particulier sur les acteurs du système : les présidents d’université, les personnels BIATSS – bibliothécaires, ingénieurs, administratifs, techniciens, de service et de santé –, les enseignants-chercheurs, les étudiants qui s’investissent et sans lesquels la puissance des transformations de ces dernières années n’aurait pas pu s’exprimer.
J’en viens au deuxième point de mon propos : à côté des innovations, le changement de paradigme nous oblige à repenser le rôle de l’État.
Nos actions s’inscrivent dans une vision de l’enseignement supérieur où l’État stratège et les établissements, désormais autonomes – il faudra consolider cette autonomie sur un certain nombre de points –, agissent main dans la main. Nous ne pouvons donc plus piloter l’État et notre administration de manière pyramidale en envoyant moult directives, circulaires, consignes qui brident l’action d’acteurs autonomes. Il faut au contraire faire confiance à ces acteurs, leur permettre de développer leurs initiatives tout en les contrôlant a posteriori, bien sûr. Tenir le pari de la confiance nécessite de définir des objectifs très précis qui permettent à ces acteurs de s’inscrire dans le cadre d’une politique qui demeure et doit demeurer une politique nationale.
La ministre et moi-même avons décidé d’engager un chantier absolument majeur en ce sens : la réforme, la modernisation de l’administration du ministère, qui s’appuie sur une réflexion sur l’évolution de ses missions et de ses outils d’intervention. Cette réflexion est collective et pilotée par la DGESIP, la direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle, que je remercie très chaleureusement. Elle montre que nous devons bâtir une administration capable de piloter un système d’acteurs autonomes, une administration qui s’appuie beaucoup plus qu’auparavant sur la collecte et le traitement des données, sur les ressources que constituent les données, sur le pilotage par objectif, sur la contractualisation, et qui place au coeur de ses procédures la « débureaucratisation » et la simplification.
Le travail que nous faisons sur l’expérimentation est un autre aspect de cette vision nouvelle du rôle de l’État. Mme la ministre évoquait tout à l’heure le soutien que nous avons apporté à douze universités pour montrer qu’il est possible de faire rapidement des progrès considérables en matière de formation professionnelle et de ressources, et d’intensifier ainsi les relations entre les universités et les entreprises.
Les expérimentations se développent dans de très nombreux champs : les horaires d’ouverture des bibliothèques universitaires, l’évaluation en continu, les interfaces à bâtir entre l’université et l’entreprise, l’immobilier universitaire. Il y a certes des retards en matière d’immobilier, et un important effort budgétaire doit encore être fourni, mais nous travaillons à un nouveau modèle d’évolution du patrimoine de nos universités qui nous permettra de répondre à ces défis.
Faire évoluer le rôle de l’État, c’est également se préoccuper davantage des conditions de vie des personnes au quotidien. C’est la raison d’être du chantier de la simplification que nous avons lancé et qui fait l’objet d’une grande consultation nationale. C’est également la visée du plan national de vie étudiante, qui se traduit par des actions très concrètes en matière de bourses, de lieux de vie étudiante, de santé des étudiants, d’encouragement à l’entrepreneuriat, qui sont autant de chantiers extrêmement importants.
En écoutant certaines interventions tout à l’heure, j’ai estimé que justice n’était pas rendue aux acteurs du système de l’enseignement supérieur et de la recherche. Il y a, bien sûr, des difficultés, notamment budgétaires, et Mme Buffet avait raison de les évoquer. Il est très probable que quand la nation décide d’augmenter de plus de dix points son taux de scolarisation dans l’enseignement supérieur, elle s’apprête à donner plus de moyens à son système d’enseignement supérieur. On ne peut pas se fixer l’objectif de 60 % d’une classe d’âge diplômée de l’enseignement supérieur sur une période de dix ans en laissant le budget inchangé. Je réaffirme que des efforts financiers supplémentaires de l’État sont nécessaires ; d’ailleurs, le Président de la République nous avait demandé de travailler à la déclinaison budgétaire des objectifs de la StraNES, ce que nous en sommes en train de faire.
Il faudra fournir des efforts complémentaires et développer de ressources propres, mais le mouvement de transformation de l’enseignement supérieur, porté par des acteurs autonomes et par des équipes très diverses, qui ne se réduisent pas à une poignée de présidents d’université éclairés, mais qui concerne toute une collectivité, engagée dans un effort sur elle-même pour s’adapter, doit être souligné, doit être valorisé. C’est aussi ce travail-là que Mme la ministre et moi-même avons voulu souligner au travers de ce débat.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Mme Sandrine Mazetier remplace Mme Laurence Dumont au fauteuil de la présidence.
Nous en venons aux questions, en commençant par le groupe socialiste, républicain et citoyen. Je rappelle que les questions comme les réponses sont limitées à deux minutes.
La parole est à Mme Maud Olivier.
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, la démocratisation de l’enseignement supérieur a, depuis le début des années quatre-vingt, permis à notre pays d’atteindre le taux de 42 % de jeunes Français poursuivant des études supérieures. Le rapport Aschieri d’octobre 2012 montre ainsi que 43 % des 25-34 ans sont aujourd’hui diplômés du supérieur, contre 18 % des 55-64 ans.
Si nous devons poursuivre nos efforts pour atteindre l’objectif de 65 % d’une classe d’âge diplômée du supérieur en 2025, nous devons également nous interroger sur la nature de ces diplômes. En effet, il semble, d’une part, que l’enseignement supérieur se soit essentiellement démocratisé au niveau de ses premiers cycles, et, d’autre part, que les inégalités aient changé de caractère et concernent désormais la nature des études suivies. Si, en théorie, tout bac donne accès à une formation supérieure, une hiérarchisation s’opère dans les faits entre filières courtes et filières longues et entre grandes écoles et universités.
L’enjeu est aujourd’hui non seulement de poursuivre, bien sûr, la démocratisation de l’enseignement supérieur, mais aussi et surtout de démocratiser l’excellence, quelle que soit l’origine sociale des étudiants ; vous l’avez rappelé, madame la ministre. L’université du vingt et unième siècle doit être celle de la création de véritables pôles d’excellence accessibles à tous. C’est ce qui est fait sur le plateau de Saclay, avec la création du premier centre universitaire de recherche et d’enseignement supérieur d’Europe, l’Université Paris-Saclay, qui rassemble deux universités, dix grandes écoles et sept établissements de recherche.
Il est indispensable que l’université de Paris-Saclay donne l’exemple réussi du rapprochement des universités et des grandes écoles au profit d’une université pleinement intégrée rassemblant ses atouts et dessinant pour l’avenir un nouveau projet d’enseignement et de recherche à la hauteur des moyens que la nation lui a confiés. Mes questions sont donc les suivantes, madame la ministre : quelle vision de la démocratisation de l’enseignement supérieur entendez-vous promouvoir ? Sur quels constats en matière de recherche, de formation et d’enjeux sociétaux pouvons-nous nous appuyer pour élaborer des projets comme celui de l’université Paris-Saclay ? Plus précisément et plus localement, comment pouvez-vous contribuer à résorber les résistances de certaines écoles historiques à partager l’objectif d’une université intégrée ?
Vous soulevez la question de la démocratisation véritable de l’enseignement supérieur, madame Olivier, qui ne consiste pas en une simple massification de nos établissements mais en une vraie élévation du niveau de qualification de tous les jeunes concernés. Vous évoquez notamment les relations entre les universités, les grandes écoles et les organismes de recherche. Il est indispensable de poursuivre le mouvement de rapprochement entre ces trois entités. Pendant longtemps, notre système d’enseignement supérieur a été éclaté entre ses composantes. Il ne s’agit pas de perdre la richesse propre à chacun de ces pôles mais de faire en sorte qu’ils travaillent davantage ensemble et mettent en commun ce qu’ils ont de meilleur.
Tel a été l’objectif des COMUE créées par la loi du 22 juillet 2013. Lorsque Thierry Mandon et moi-même nous déplaçons sur le terrain, nous constatons que ces rapprochements ont d’ores et déjà lieu, ce qui va dans le bon sens. Le cas de Saclay que vous évoquez est particulièrement emblématique. Vous soulignez les difficultés et les résistances que nous avons rencontrées. Je n’ai pas l’intention de les minimiser ni de les nier car elles sont bien réelles, mais elles sont peu de chose par rapport à ce qui a été réalisé. C’est sur ce point que j’insisterai. Les établissements de Saclay ont fusionné leurs doctorats en un seul, délivré par la COMUE, ainsi que 80 % de leurs masters. Je me réjouis que de plus en plus de jeunes ingénieurs s’inscrivent à ce doctorat.
De même, on ne peut que saluer la multiplication des passerelles entre les grandes écoles et les universités à Saclay. Quant aux résistances de certaines écoles historiques, j’observe que nous avons réussi à les surmonter. Le projet IDEX a été signé par les dix-huit membres de Saclay sans exception. Ainsi, par-delà les divergences et les débats, qui sont normaux, l’ambition de l’université de Paris-Saclay, qui concentre tout de même 20 % de notre potentiel de recherche, est bien partagée par tous les acteurs. Je tenais à vous rassurer sur ce point.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, ma question porte sur les innovations pédagogiques dans l’enseignement supérieur. Je vous remercie d’ailleurs d’avoir insisté sur ce point tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État, en rappelant que la dynamique innovante est consubstantielle à l’histoire de l’université. Votre évocation de Platon et d’Aristote était tout à fait convaincante ! De nombreux rapports institutionnels ont mis en évidence la nécessité d’utiliser les opportunités numériques pour améliorer les conditions de diffusion du savoir à l’université.
En raison du développement des MOOC, formations ou cours en ligne ouverts à tous, les institutions universitaires se sont largement approprié ces nouvelles méthodes pour engager la révolution de la formation continue, comme le montre le cas de la plateforme FUN. Toutefois, le réductionnisme numérique peut rapidement s’avérer être une impasse. On constate dans les pays anglo-saxons une tendance croissante à la généralisation de la pratique de la pédagogie inversée ou flipped classroom. Les étudiants ont ainsi la possibilité de travailler autrement, par exemple chez eux. Ces pratiques ne sont pas les seules et d’autres sont au coeur des innovations pédagogiques actuelles.
Il conviendrait plutôt de favoriser l’hybridation des pratiques pédagogiques afin de mêler les approches de l’éducation formelle et informelle telle que l’entendait un certain Célestin Freinet. Cela suppose de replacer les sciences de l’éducation au centre du développement professionnel des enseignants-chercheurs afin qu’ils mettent en place de nouveaux outils pédagogiques indexés sur la recherche-action. Celle-ci met les savoirs humains en prise directe avec leur objet en vue de dynamiser et anticiper les changements sociaux, comme le montrent les conceptions développées par des chercheurs comme René Barbier. Le processus de Bologne a créé un marché de l’éducation aux diplômes standardisés. Il importe de résister à cette bureaucratisation envahissante et de renouveler l’approche institutionnelle en impliquant les étudiants dans de nouveaux questionnements.
Je me félicite que Mme la ministre ait évoqué, à la suite de notre collègue, la notion de « société apprenante » forgée par Joseph Stiglitz. Tel est exactement l’objectif des sciences sociales : adapter les questionnements aux institutions. Les sciences de la nature et les sciences environnementales sont adaptées à ces pédagogies de recherche-action où l’apprentissage et la recherche sont susceptibles de modifier la perception des présupposés initiaux. Est-il possible, monsieur le secrétaire d’État, dans le cadre d’une stratégie de l’enseignement supérieur français, de mettre davantage l’accent sur le développement spécifique de la recherche-action dans les innovations pédagogiques au lieu de se référer systématiquement aux méthodes de la pédagogie inversée ? Si oui par quels moyens, à quelle échéance et à quel coût ?
Je vous rappelle, chers collègues, que le temps de parole pour les questions est de deux minutes, pas davantage.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
J’ajouterai deux compléments à mes propos relatifs à l’innovation pédagogique et numérique. Tout d’abord, je vous confirme, monsieur Premat, que nous comptons placer au coeur du prochain programme d’investissements d’avenir des moyens supplémentaires pour les établissements, universités et grandes écoles, qui s’engageront puissamment en faveur de l’innovation pédagogique etou numérique, qui est un sujet absolument majeur. Nous sommes à l’aube d’un bouleversement considérable qui doit beaucoup aux apports de sciences nouvelles, le numérique mais aussi les sciences cognitives et le traitement de masse des données dont le caractère prédictif permet de lutter contre les scolarisations ratées. Nous souhaitons vraiment faire un effort tout particulier sur ce point.
Deuxièmement, il importe de valoriser ce qui est déjà fait quotidiennement dans les universités et les grandes écoles et qui est absolument considérable. Il existe énormément d’initiatives très intéressantes portant sur la réussite en première année de licence, l’orientation, la pédagogie inversée ou encore l’évaluation des enseignements par les étudiants. Il y a là une voie sur laquelle il faut s’engager et que nous avons cherché à mieux valoriser grâce au prix de l’innovation, non seulement pour féliciter les pionniers mais aussi pour organiser les conditions du transfert de ces initiatives dans toute l’organisation de l’enseignement supérieur.
Nous en venons aux questions du groupe Les Républicains.
La parole est à M. Benoist Apparu.
Vous avez longuement évoqué la sélection, madame la ministre. Le sujet divise la France et le mot est tabou dans notre vocabulaire politique. Il ne s’agit pas selon moi de savoir si on doit ou non sélectionner. Le système français est probablement l’un des plus sélectifs qui soient. En effet, 54 % des étudiants français sont sélectionnés à l’entrée et les autres le sont en cours ou en fin d’année lors du passage d’une année à l’autre. Il s’agit de savoir si la sélection telle qu’elle est organisée en France fonctionne bien ou pas. L’actualité du moment m’amène à évoquer la sélection entre le master 1 et le master 2. En effet, il me semble que vous devez publier très bientôt un décret fixant la liste des diplômes que vous autorisez à sélectionner les étudiants entre le M1 et le M2.
Ne faudrait-il pas profiter de cette occasion pour essayer de mieux accorder le système français et les standards internationaux ? Nous avons engagé le processus de Bologne également appelé LMD ou 3-5-8. Il faudrait organiser un système français cohérent avec le système européen comportant des niveaux de sortie clairs après trois, cinq ou huit ans d’études. Le système français demeure décalé et présente toujours des sorties après deux, trois, quatre, cinq et huit ans. Ne faut-il pas profiter de l’occasion pour clarifier les choses en plaçant la sélection à l’entrée après trois ans d’études, c’est-à-dire entre la licence et le master ?
Je ne reprendrai pas les propos qu’a tenus tout à l’heure Mme la ministre sur la méthode et le calendrier. Le nouveau décret sera publié au mois d’avril et la méthode consiste à associer les présidents d’université à son élaboration. Je réponds ainsi indirectement à M. Hetzel qui a évoqué tout à l’heure l’identification des formations déjà existantes. L’objet de ce décret est de faire ni plus ni moins. Quant à votre question, monsieur Apparu, s’il s’agit de mettre en place une sélection généralisée à l’entrée du master, cette option ne nous semble pas souhaitable au regard des objectifs que la nation doit se fixer en matière de qualification de ses jeunes.
S’il s’agit d’instaurer un moment de réflexion après la licence et avant le passage en master des étudiants en leur donnant des outils, un peu comme cela se fait après le bac lorsqu’ils entrent en première année de licence, nous y sommes favorables. En effet, il s’agit d’un choix dans un parcours étudiant. On ne fait pas mécaniquement une licence puis un master et un doctorat. En termes d’orientation, de projet personnel et de trajectoire dans la vie, cette étape doit être outillée. On peut donc envisager d’assigner aux étudiants, à l’issue de la licence, un travail complémentaire d’information, d’orientation et de conseil. Nous disons non à la sélection mais oui à une orientation en master 1 plus outillée qu’elle ne l’est actuellement.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, le comité indépendant chargé par le Gouvernement d’établir la stratégie nationale de l’enseignement supérieur a rendu ses travaux en septembre 2015. Ses propositions sont devenues la feuille de route du Gouvernement. On y trouve la réponse à une commande gouvernementale caractérisée en particulier par l’objectif de 60 % de diplômés de l’enseignement supérieur dans une classe d’âge. Ce pourcentage n’est pas encore atteint et la situation est déjà très critique. En effet, la rentrée universitaire a vu un afflux massif d’étudiants dont je rappelle que le nombre a été multiplié par huit en un demi-siècle, soit 2,5 millions d’étudiants actuellement.
Cet afflux pose un certain nombre de problèmes, comme le montre la popularité du site Ma salle de cours va craquer. Il mène aussi à de nombreuses absurdités comme celle qui consiste à priver certaines filières d’étudiants motivés auxquels les études seraient profitables pour des étudiants égarés dans des cursus auxquels ils ne sont pas adaptés ou pour lesquels ils n’ont pas atteint le niveau requis. Dès lors, comment résoudre la quadrature du cercle consistant à élargir l’accès à l’université et accueillir de plus en plus d’étudiants dans de bonnes conditions, de bonnes formations et de bonnes universités où les moyens manquent, surtout après la ponction de 100 millions d’euros sur le fonds de roulement des universités les mieux gérées, et où la sélection est impossible comme vient de le décréter le Conseil d’État et refusée par vous comme vous venez de le rappeler en réponse à la question de notre collègue Benoist Apparu ?
J’espère que vous avez bien entendu ma question, monsieur le secrétaire d’État, car je ne vous l’ai pas transmise avant ce débat. Dans ces conditions, l’objectif de 60 % est-il crédible ? La démocratisation ne peut avoir un sens uniquement quantitatif. Encore faut-il assurer à chaque étudiant des conditions d’obtention de diplômes à la qualité reconnue ! Or l’échec des étudiants en licence progresse régulièrement, comme vous le savez. Le taux d’échec dépasse 70 % après trois ans et 60 % après une année de redoublement. L’échec universitaire est donc un sujet essentiel et je m’étonne qu’il n’ait pas encore été véritablement évoqué dans ce débat. Comment atteindre l’objectif de 60 % ? Quelle est votre stratégie pour lutter contre ce gâchis humain et financier ?
Madame la députée, je vous ai écoutée avec la plus grande attention, comme à mon habitude…
Il ne vous aura pas échappé que passer de 42 % à 60 % d’une classe d’âge diplômée de l’enseignement supérieur, ainsi que nous l’ambitionnons, ne se fait pas du jour au lendemain. Nous pensons atteindre dans dix ans cet objectif, dont je ne doute pas que vous le partagiez.
Il est vrai que nous avons déjà connu une augmentation des effectifs étudiants à l’université. Nous en avons d’ailleurs tiré les conséquences budgétaires : 165 millions d’euros supplémentaires sont venus abonder cette année le budget de la mission interministérielle Recherche et Enseignement – MIRES – pour faire face à cette hausse. Les efforts importants que nous avons consentis en matière d’accompagnement de ces nouveaux étudiants – bourses, logements – devront se poursuivre.
Par ailleurs, les chantiers que nous avons lancés, notamment ceux de l’orientation et de l’Admission Post Bac – APB –,apporteront une partie de la solution au problème de ces jeunes placés dans une filière qu’ils n’ont pas choisie. Pour optimiser leurs chances d’obtenir la filière de leur choix, les lycéens pourront désormais faire des voeux groupés, se verront davantage accompagnés dans leur mobilité géographique, et devront toujours faire figurer une filière non sélective, afin de ne pas se trouver « balancés » là où ils ne le souhaitaient pas. L’information sur les filières, enfin, est importante : on entraîne les étudiants dans le mur si on ne leur explique pas que le taux de réussite dans telle licence est très faible après tel bac.
J’en viens à la question budgétaire. L’augmentation de la diplomation – à 60 % d’une classe d’âge – sera obtenue en partie par la formation continue, qui émarge à d’autres budgets que celui de la MIRES. Il conviendrait donc de prendre en compte ces crédits. Enfin, je souhaite que nous soyons nombreux sur tous les bancs à demander que la part des dépenses européennes consacrées à l’enseignement supérieur et à la recherche atteigne 2 % du PIB : c’est ainsi que nous obtiendrons les moyens qu’exige notre ambition.
La parole est à M. Laurent Degallaix, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, alors que nous débattons de la politique nationale en matière d’enseignement supérieur, me vient à l’esprit le mot d’un géographe : « Les Français sont souvent en avance, parfois en retard, mais jamais à la même heure que les autres ». Il est vrai que notre pays a une capacité à innover, à être à la pointe, donc à se démarquer, en étant parfois – souvent – en avance sur son temps.
Dans ma circonscription, et plus particulièrement à Valenciennes, nous avons inauguré il y a quelques mois une serre numérique. Il s’agit d’un complexe unique, dédié à la recherche appliquée, à l’innovation, à la création, mais aussi à l’accueil et au développement d’entreprises pour la création numérique. Il compte notamment un pôle de formation composé de trois écoles d’excellence – Institut supérieur du design, Supinfocom et Supinfogame – connu et reconnu mondialement, avec une antenne en Inde, à Pune, et une autre, très prochainement, au Canada, à Montréal.
Les pôles de formation supérieure, les pépinières de talents comme celle-ci fonctionnent car la dynamique créée entre les écoles d’excellence et les entreprises novatrices est évidente. Les intérêts sont multiples, y compris pour les territoires concernés. À Valenciennes, la Serre numérique prend place dans un projet de grande ampleur, qui vise à assurer la reconversion et l’attractivité d’un territoire riche de talents et de potentiels, mais que l’arrêt progressif des activités minières et industrielles a abandonné au chômage et qu’il faut réinventer.
Je souhaite savoir si des mesures pour encourager ou accompagner la création de pôles de formation d’excellence, notamment tournés vers les filières innovantes, seront envisagées à l’avenir. Je souhaite également savoir si un effort de décentralisation dans l’enseignement supérieur est prévu, afin de donner sa chance à chaque territoire.
Monsieur le député, vous avez raison de souligner le travail considérable accompli à l’université de Valenciennes et du Hainaut-Cambrésis sur le numérique, mais aussi sur les transports. Grâce à la loi de 2013 et aux politiques de sites, à travers les communautés d’universités et établissements – COMUE –, nous cherchons à consolider des regroupements territoriaux marqués par la diversité, la qualité, voire l’excellence des établissements d’enseignement supérieur et des organismes de recherche. Les pôles d’excellence ou de compétitivité entrent dans cette logique.
Dans le Nord, qu’il s’agisse des transports durables – avec i-trans – ou du numérique, les écoles, les établissements de formation, les collectivités territoriales et les entreprises ont su travailler en commun, obtenir un soutien important de l’État et bénéficier de dispositifs institutionnels particuliers, comme l’institut de recherche technologique – IRT – sur les transports.
C’est une politique que nous voulons consolider. Nous ne pensons pas que l’excellence soit liée à la métropolisation du territoire national. L’enseignement supérieur et la recherche français tirent justement leur force de l’implantation territoriale, du maillage fin, de la diversité des savoirs et de la volonté, partagée par les acteurs économiques, les collectivités territoriales, les écoles et les organismes de recherche, d’utiliser ces potentialités d’excellence. C’est cela que nous voulons. Nous résistons à ceux qui, parfois, nous poussent à créer des pôles d’excellence dans les plus grandes villes et à déserter le reste du territoire. Notre politique est inverse. L’excellence est partout, même si elle demande des efforts d’organisation spécifique : c’est ce à quoi nous avons travaillé, notamment avec la loi de 2013.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, je ferai une remarque et poserai trois brèves questions. Contrairement à vous, je ne pense pas que l’université soit intrinsèquement destinée à préparer au monde de l’entreprise. Elle permet la transmission des savoirs, la formation de citoyens éclairés, l’apprentissage de l’esprit critique. C’est après, et seulement après cela, que chacun pourra trouver sa place. L’université n’est pas censée fournir une armada de travailleurs adaptés aux besoins immédiats de l’entreprise. Le monde du travail évolue tellement vite que cela serait totalement contre-productif ! L’année de césure est effectivement la bienvenue pour l’épanouissement des étudiants, une préoccupation qui nous est commune, madame la ministre.
Ma première question porte sur la précarité, que nous devons en priorité nous attacher à résorber dans l’enseignement supérieur et la recherche. J’aimerais vous entendre sur ce sujet que vous n’avez pas évoqué, tout en sachant que le combat pour réduire la précarité est général et ne se cantonne pas, malheureusement, aux seuls domaines de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez parlé, comme Christophe Premat, des possibilités offertes par le numérique. J’y vois la seule façon de parvenir à accueillir tous les étudiants à l’université – notre objectif à tous. Les tirages au sort et les concours se multiplient pour l’accès à de nombreuses filières, et beaucoup de jeunes sont condamnés à changer de voie avant même d’avoir pu commencer leurs études. Monsieur le secrétaire d’État, j’aimerais connaître votre avis sur ce sujet.
Enfin, je ne sais toujours pas comment vous comptez vous attaquer au problème du délabrement des bâtiments. Vous avez évoqué une « réflexion sur le patrimoine des universités » : pourriez-vous nous en dire davantage ?
Madame la députée, j’entends vos inquiétudes quant au délabrement des bâtiments. Il existe effectivement des situations difficiles ; nous recherchons actuellement des financements et le moyen que l’immobilier soit dévolu aux universités afin qu’elles puissent plus rapidement résoudre ces questions. Ce dossier progresse ; n’ayez crainte, il aboutira assez rapidement.
Pour autant, il ne faut pas sombrer dans une vision exagérément négative, qui desservirait l’image de l’enseignement supérieur. Un tiers de l’immobilier universitaire date de moins de dix ans, un autre tiers, plus ancien, est aux normes. C’est dans le dernier tiers que se concentrent les difficultés, particulièrement en matière de performance énergétique et d’adaptation des bâtiments aux usages pédagogiques issus de la révolution numérique.
Nous avons d’ores et déjà dégagé des moyens importants, notamment dans le cadre des contrats de plan État-région. L’État, je le rappelle, apporte près de 1 milliard d’euros, orientés presque exclusivement sur les travaux de réhabilitation des bâtiments d’enseignement supérieur. D’autres contributions, venant des régions ou du FEDER, s’y ajoutent. Par ailleurs, des moyens ont été dégagés dans le cadre des plans Campus.
La précarité concerne tout autant les étudiants que les personnels. J’ai détaillé nos actions en faveur des logements et des bourses destinés aux étudiants. Je rappelle que la nouvelle prime pour l’activité, et nous nous sommes beaucoup battus pour cela, concerne aussi les étudiants. Ils seront plusieurs centaines de milliers à en bénéficier. Je pourrais également mentionner l’implantation d’une trentaine de centres universitaires de santé sur le territoire, un objectif que nous sommes sur le point de l’atteindre. Quant au plan « bibliothèques ouvertes », il permet aux étudiants, et notamment à ceux qui travaillent, de pouvoir étudier le soir ou le week-end.
S’agissant de la précarité des personnels, nous travaillons avec les organisations syndicales à un agenda social. Tous les sujets sont abordés, aucun n’est mis sous le tapis ! Les conclusions seront tirées en septembre ou en octobre. Sur ce point aussi, nous avançons.
La parole est à M. Gérard Charasse, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement est attaché, comme les députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, à l’égalité d’accès aux études supérieures. Depuis une quinzaine d’années, les établissements d’enseignement supérieur pratiquent une sélection pour l’inscription des étudiants en première et en deuxième années de master, révélant, par cette pratique, le caractère inabouti de la réforme de l’organisation licence-master-doctorat – LMD.
Après que de nombreux cas ont été portés devant les tribunaux administratifs concernant des étudiants recalés en deuxième année de master, soit au niveau bac +5, le Conseil d’État a statué, le 10 février, sur ce phénomène à la fois admis et répandu. Il a estimé qu’une telle sélection resterait illégale tant qu’une mesure réglementaire ne serait pas prise.
À cette même date, vous avez annoncé, monsieur le secrétaire d’État, que le Gouvernement prendrait dans les prochains jours un décret permettant de sécuriser le fonctionnement actuel du cycle de master, dès la prochaine rentrée universitaire. Ce décret fixera-t-il la liste des formations dans lesquelles l’admission pourra être soumise à conditions, telles que le dossier de l’étudiant ou la capacité d’accueil des enseignants ? Ces précisions sont très attendues du milieu étudiant ; il s’agit aussi de conforter l’autonomie de gestion des établissements d’enseignement supérieur et le cadre national des diplômes.
Je pense, monsieur le député, que vous avez déjà eu la quasi-totalité des réponses à la question tout à fait légitime que vous posez dans l’intervention de Mme la ministre et dans celles que j’ai faites ensuite. Je veux simplement préciser la méthode et le calendrier.
Nous sommes en phase d’identification des masters 2 dits sélectifs avec l’aide de la CPU afin de nous en tenir à ce qui existe, ni plus ni moins, et de sécuriser juridiquement le cadre de la prochaine rentrée universitaire de septembre, ce qui sera fait en gros d’ici au mois d’avril.
Une réflexion plus générale sur les outils d’orientation se prolongera au-delà de la parution du décret mais, en tout cas, la rentrée 2016 sera sécurisée sur la base des pratiques existantes, certaines d’ailleurs depuis plusieurs années.
Pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, enfin, la parole est à M. André Chassaigne.
C’est une question que je pose pour M. Gabriel Serville, qui ne peut être présent aujourd’hui.
La stratégie nationale de l’enseignement supérieur s’est fixé des objectifs ambitieux en matière de lutte contre les inégalités, avec une volonté manifeste de diviser par deux l’écart social concernant l’obtention des diplômes, mais qu’en est-il des objectifs en matière d’écart territorial ?
En effet, alors que la France affiche l’un des meilleurs taux parmi les jeunes des pays de l’OCDE, près d’un jeune sur deux sortant d’une formation initiale avec un diplôme de l’enseignement supérieur, ces bons résultats cachent en réalité d’énormes inégalités territoriales. Une fois n’est pas coutume, ces inégalités se jouent particulièrement au détriment des territoires d’outre-mer, qui, paradoxalement, comptent parmi les régions où l’on trouve les populations les plus jeunes du territoire national.
Ainsi, pour la Guyane, sur les 35 000 jeunes en âge de faire des études supérieures, seuls 2 720 étudiants ont effectué leur rentrée universitaire en septembre dernier.
Le Gouvernement a annoncé un renforcement des parcours d’excellence pour les collégiens des réseaux d’éducation prioritaire, et c’est une très bonne nouvelle puisque, pour l’instant, ces collégiens, qui devraient être au coeur du dispositif, représentent moins de 30 % des bénéficiaires des cordées de la réussite, mais, au-delà de ce dispositif à destination des élèves de troisième, quels sont les objectifs et les mesures envisagés par le Gouvernement pour réduire significativement les inégalités territoriales en matière d’obtention de diplômes ?
Je vous remercie, monsieur le député, d’avoir posé la question de M. Serville mais je sais que le sujet vous intéresse aussi.
Vous avez tout à fait raison de parler, au-delà de la nécessité de réduire les inégalités sociales, de la nécessité de réduire les inégalités territoriales, d’autant, qu’elles se recoupent souvent évidemment. Nous y sommes attachés et nous le traduisons dans notre politique en veillant toujours à dynamiser le maillage territorial de l’enseignement supérieur. J’insiste vraiment sur ce point parce que c’est pour nous une réflexion constante. Quand nous prenons par exemple des décisions concernant la carte des formations, l’ouverture de classes préparatoires aux grandes écoles, d’ESTS ou d’IUT, nous veillons à ce que l’ensemble du territoire soit bien dynamisé en la matière.
Nous voulons aussi faire une place aux différentes universités dans le nouveau paysage de l’enseignement supérieur et de la recherche. Pendant des années, pour résumer, la politique conduite par la majorité précédente consistait à distinguer dix grands pôles universitaires sur le territoire, au risque d’ailleurs de créer des déserts universitaires ailleurs, alors que la loi de 2013 a fait clairement le choix de réorganiser l’enseignement supérieur et la recherche autour de vingt-cinq regroupements ou COMUE, qui sont partout sur le territoire et dans lesquels chaque établissement trouve sa place, pour pouvoir à la fois affronter la compétition internationale et en même temps soutenir l’équilibre du territoire.
Oui, nous sommes très sensibles à la question que vous soulevez et la création de l’université de Guyane avait précisément pour objectif de permettre aux étudiants de ce territoire d’accéder plus facilement à l’enseignement supérieur.
On répond aux inégalités de base notamment en veillant à ce que, pour l’accompagnement des étudiants par exemple, nous ayons le même niveau de qualité et d’exigence partout sur le territoire.
Ainsi, la caution locative étudiante, ce mécanisme permettant à des étudiants qui n’ont pas trouvé de logement étudiant d’accéder à un logement privé même s’ils n’ont pas de garant suffisant, grâce à la caution de l’État, cela marche du tonnerre, 7 000 étudiants en bénéficient cette année et ce sera exponentiel. Nous avons veillé à ce que cela s’applique aussi aux territoires d’outre-mer pour cette rentrée, ce qui n’était pas le cas dans la version expérimentale.
Quant à tout ce que vous évoquiez, les parcours d’excellence, le dispositif concernant les 10 % des meilleurs bacheliers etc., il faut veiller bien sûr à ce que tous les territoires en bénéficient.
L’université de Guyane sera inaugurée très officiellement le 9 mars prochain par Thierry Mandon. Ce sera une belle occasion de la valoriser.
Je vous remercie tous, c’était un débat de belle qualité. Je crois que nous pouvons dire en sortant de cette séance que nous sommes en tout cas d’accord sur la nécessité pour notre nation de consacrer les moyens nécessaires à un enseignement supérieur et à une recherche qui sont aussi l’une des clés pour l’avenir.
Applaudissements.
La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-huit heures trente.
L’ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi relatif aux réseaux des chambres de commerce et d’industrie et des chambres de métiers et de l’artisanat.(no 3488 rectifié)
La parole est à Mme Marie-Hélène Fabre, rapporteure de la commission mixte paritaire.
Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires économiques, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je me réjouis de vous présenter aujourd’hui le texte auquel a abouti la commission mixte paritaire, réunie le mercredi 10 février, pour proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux réseaux des chambres de commerce et d’industrie – CCI – et des chambres de métiers et de l’artisanat – CMA.
Le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques avait fait l’objet d’un amendement permettant d’adapter les réseaux des chambres de commerce et d’industrie et des chambres de métiers et de l’artisanat à la nouvelle carte régionale instituée par la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République – NOTRe – et comprenant des mesures propres à favoriser leur rationalisation. Censurées par le Conseil constitutionnel, en tant que cavalier législatif, ces mesures n’en revêtaient pas moins un caractère urgent, lié à l’entrée en vigueur, au 1er janvier 2016, d’une nouvelle organisation administrative et à la tenue d’élections consulaires au cours de cette année.
C’est pourquoi l’Assemblée nationale, en cohérence avec sa position sur les amendements adoptés sur le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, avait approuvé le projet de loi déposé par le Gouvernement, en n’y apportant que des modifications rédactionnelles.
Lors de son examen par le Sénat, le volet de ce projet de loi concernant les chambres de métiers et de l’artisanat a été voté conforme. Toutefois, celui portant sur les chambres de commerce et d’industrie a fait l’objet de plusieurs modifications substantielles. Tout d’abord, les sénateurs ont entendu apporter une garantie supplémentaire au maintien du statut de chambre territoriale de certaines CCI d’Île-de-France.
Ensuite, ils ont souhaité prévoir la présence d’une délégation de la chambre de région par département, dans le cas où la création d’une CCI de région serait décidée, ou d’une CCI territoriale par département, dans les régions où cette fusion n’aurait pas lieu. Les sénateurs ont également instauré un fléchage de la moitié du fonds de modernisation et de solidarité des CCI vers les établissements situés dans des zones hyper-rurales. Les parlementaires de la Haute assemblée ont enfin prévu la non-opposabilité des schémas directeurs régionaux adoptés, avant l’entrée en vigueur de la présente loi.
Ces amendements témoignaient du désir du Sénat de préserver l’équité du traitement des territoires dans un maillage fin du réseau des CCI. Toutefois, certains ne prenaient pas en compte la logique des réorganisations en cours, décidées par les chambres elles-mêmes. En effet, elle prévoit le maintien d’une organisation essentiellement départementale du réseau des CCI, tout en autorisant une organisation plus conforme à la structuration économique des territoires, dans les régions où elle est nécessaire.
Les débats en commission mixte paritaire ont permis de dissiper certains malentendus et d’apporter des précisions au texte adopté par l’Assemblée nationale. C’est ainsi qu’il a été prévu, à l’articleI 1er, que les schémas directeurs régionaux, qui déterminent le nombre et la circonscription des chambres de niveaux territorial et local, tiendraient compte du maintien de services de proximité aux entreprises dans les départements et les bassins économiques.
Cette rédaction équilibrée permet d’assurer à toutes les entreprises un service territorialisé, proche de leurs préoccupations, tout en offrant la possibilité de décider d’une organisation différente du réseau, lorsque la carte économique ne coïncide pas avec la carte administrative. Les réorganisations en cours dans les régions Normandie et Nord-Picardie, ainsi que dans la métropole de Lyon, pourront ainsi se poursuivre.
À l’articleI 1erI bis, les débats en CMP ont débouché sur l’affectation d’un quart du fonds de modernisation et de solidarité des CCI vers les CCI hyper-rurales qui connaissent des difficultés spécifiques, tout en y adjoignant les CCI d’outre-mer. Cette proportion correspond plus précisément à l’aide dont ces CCI ont besoin.
Elle permet aussi de ne pas remettre en cause les projets de modernisation de l’ensemble du réseau que doit également financer ce fonds, aux termes de la loi de finances pour 2016. Un mécanisme de reversement du reliquat éventuel des fonds dédiés aux CCI hyper-rurales et d’outre-mer a également été adopté, afin de garantir le meilleur emploi de ces fonds.
Enfin, l’articleI 1er ter, ajouté par le Sénat, qui prévoyait que les schémas directeurs adoptés après l’entrée en vigueur de la loi ne seraient pas opposables, a été supprimé.
Les aménagements apportés au texte par la commission mixte paritaire respectent l’esprit du projet de loi déposé par le Gouvernement et adopté par notre assemblée. Ils y apportent un léger correctif, propre à permettre un juste accompagnement des chambres qui connaissent le plus de difficultés financières.
L’entrée en vigueur de cette réforme est attendue avec impatience par les réseaux consulaires, car elle doit leur permettre de mener à bien les réorganisations qu’ils ont décidées. Les élections, déjà reportées, des représentants consulaires ne doivent plus être retardées. Les réseaux attendent de nous que nous nous prononcions rapidement sur cette réforme à laquelle ils ont contribué et qu’ils ont appuyée avec constance.
C’est pourquoi je vous inviterai à voter en faveur de ce texte qui constitue un compromis équilibré, à même de permettre aux CCI et aux CMA de parachever les efforts de modernisation qu’elles ont entrepris.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire.
Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires économiques, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les députés, le projet de loi qui vous est présenté aujourd’hui est un texte équilibré, qui aura fait l’objet d’un débat approfondi et ouvert. C’est aussi, je le rappelle, un texte attendu par les réseaux consulaires, les chambres de commerces et d’industrie et les chambres de métiers et de l’artisanat.
Ce texte leur permettra, si vous le votez, de disposer de tous les outils nécessaires pour mener à bien leur réorganisation avant les élections prévues pour la fin de cette année, avec pour objectif final de mieux servir encore les acteurs économiques qui font la vitalité de nos territoires.
Il ne faut en effet pas perdre de vue que, si nous menons cette réforme, c’est pour permettre aux entreprises, aux entrepreneurs, aux artisans, aux commerçants, aux apprentis, aux salariés et aux demandeurs d’emploi de s’appuyer sur des réseaux consulaires modernisés, grâce à une réorganisation adaptée à la nouvelle carte territoriale issue de la loi NOTRe, pour plus de lisibilité, et grâce à une gestion optimisée des ressources publiques pour plus d’efficience.
L’année 2016 doit être une année de transition efficace pour que, dès 2017, les réseaux consulaires puissent se concentrer sur les seules questions qui vaillent : comment soutenir l’activité économique et créer de l’emploi ? Comment accompagner les entrepreneurs et favoriser l’innovation ?
Les CCI et les CMA sont des acteurs centraux des politiques publiques, que ce soit en matière d’apprentissage, de formation et d’aide aux entreprises, de leur création jusqu’à leur transmission, et je souhaite que la réforme les conforte dans ce rôle. L’effort de modernisation que les chambres sont en train de réaliser doit servir d’impulsion pour un service aux entreprises plus en phase avec les mutations économiques et encore plus efficace. C’est la raison pour laquelle je vous invite aujourd’hui à voter le texte qui vous est présenté.
Concernant les CMA, ce texte, je le rappelle, doit permettre d’opérer des mutualisations là où cela sera nécessaire. Il ouvre ainsi aux chambres départementales la possibilité de se regrouper en chambre des métiers et de l’artisanat interdépartementale. Les chambres régionales de métiers et de l’artisanat pourront donc disposer de chambres de métiers et de l’artisanat départementales et de chambres de métiers et de l’artisanat interdépartementales.
Par ailleurs, suite aux amendements adoptés au Sénat, les travaux menés en commission mixte paritaire ont permis d’aboutir à un accord satisfaisant s’agissant de l’articleI 1er du projet de loi concernant les CCI.
Je tenais à saluer les parlementaires pour leurs propositions et pour la production d’un texte qui respecte les grands principes devant guider la réforme : le libre choix des chambres consulaires pour définir une organisation adaptée aux besoins des entreprises sur les territoires ; mais aussi la mise en place de mécanismes facilitant l’aboutissement des réorganisations.
Des compromis ont été trouvés sur trois points. Tout d’abord, les futurs schémas directeurs pourront tenir compte du maintien de services de proximité dans les départements et les bassins économiques. Ensuite, le sort des schémas directeurs adoptés avant la loi est clarifié. Dès lors que les dispositions actuelles du code du commerce auront été respectées, ces schémas seront bien opposables pour que les réorganisations déjà engagées puissent suivre leur cours et aboutir.
Enfin, concernant le fonds de modernisation, de rationalisation et de solidarité financière, la commission mixte paritaire s’est accordée sur une solution équilibrée. Les CCI de région devront allouer au moins un quart de ce fonds aux CCI territoriales…
…dont le périmètre comprend une proportion substantielle de communes ou de groupements de communes classés en zone de revitalisation rurale et aux chambres des régions et départements d’outre-mer. Cette disposition doit permettre un meilleur ciblage des moyens sur des projets structurants et sur les CCI en difficulté, conformément à l’objectif de solidarité poursuivi par ce fonds.
Mesdames et messieurs les députés, alors que de plus en plus de Français font le choix de créer leur propre activité en montant une entreprise, en ouvrant un commerce ou en devenant artisans, alors que le Président de la République a de nouveau fait de la formation continue et de l’apprentissage des priorités absolues, dans le cadre du plan d’urgence pour l’emploi, et alors que les réseaux s’apprêtent à élire de nouvelles équipes à la fin de cette année 2016, il est plus que jamais temps de permettre aux réseaux consulaires de se réformer, de se réorganiser et de mutualiser leurs services pour pouvoir mener à bien leurs missions en faveur du développement économique de nos territoires.
C’est la raison pour laquelle je vous invite à voter le projet de loi soumis aujourd’hui à vos suffrages.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires économiques, madame la rapporteure, mes chers collègues, le projet de loi que vous nous présentez, amendé par le Sénat et examiné en commission mixte paritaire, permet, comme nous l’avions souligné au cours de nos débats, l’adaptation de l’ensemble de l’organisation des chambres consulaires et de métiers aux conditions économiques d’aujourd’hui.
Elles sont particulièrement exigeantes et nécessitent, pour le réseau des petites entreprises et des entreprises de taille intermédiaire – ETI –, de s’adapter aux exigences d’une concurrence permanente et aux nouvelles technologies qui s’imposent dans l’organisation de la production, mais aussi à une gestion attentive des ressources humaines, laquelle suppose de disposer d’organisations et de moyens supplémentaires, mais surtout de conseils.
Ces conseils sont apportés par les chambres consulaires et par les chambres des métiers. Il faut faire en sorte que la représentation économique de ces entreprises puisse jouer pleinement son rôle dans des territoires réorganisés par la loi NOTRe, ce qui a modifié l’organisation politique et administrative des chambres consulaires et leur rôle en matière de conseil et d’organisation économique.
La loi que vous proposez va permettre, je l’avais souligné lors des débats en première lecture, de donner un cadre directeur prenant en compte les propositions qui avaient déjà été faites, mais aussi d’apporter de la souplesse dans l’organisation des réseaux consulaires.
Le Sénat a fait des propositions complémentaires et, fidèle à ce qu’il est, pris en compte davantage les territoires et la proximité qui est nécessaire. Ses propositions ont été retenues par la CMP. De même, le schéma directeur que vous avez présenté nous est apparu indispensable pour assurer la qualité de la réorganisation. Il est incontournable et devra s’imposer à tous. Enfin, s’agissant des moyens, il fallait que le fonds de péréquation soit réparti équitablement, et le Sénat a considéré que l’équité suppose de prendre aussi en compte les territoires ruraux pour leur assurer un minimum de ressources, 25 % du fonds devant leur être affectés.
Grâce au débat qui a eu lieu dans les deux assemblées, nous sommes arrivés à un texte particulièrement équilibré et qui permettra, s’il est voté tel quel aujourd’hui, aux élections consulaires de se dérouler dans le cadre de l’organisation souhaitée par l’ensemble de celles et ceux qui participent ainsi à l’organisation de la vie de nos entreprises. C’est pourquoi l’ensemble des membres du groupe socialiste que je représente ce soir votera le texte issu de cette CMP.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires économiques, madame la rapporteure, chers collègues, nous abordons aujourd’hui la dernière étape de l’examen du projet de loi relatif aux réseaux des chambres de commerce et d’industrie et des chambres des métiers et de l’artisanat. Les articles de ce projet de loi visent à tirer les conséquences de la réforme territoriale en renforçant la régionalisation des réseaux. Il s’agit d’adapter le territoire d’intervention et les modalités d’organisation, de fonctionnement et de financement des chambres consulaires au niveau régional.
Ces dispositions ont suivi un long chemin semé d’embûches. Initialement prévues dans la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques d’août 2015 – dite « Loi Macron » –, elles ont été censurées par le Conseil constitutionnel pour des raisons de procédure. Elles sont aujourd’hui reprises dans deux textes : ce projet de loi mais aussi l’ordonnance du 26 novembre 2015, prise sur le fondement de l’article 136 de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République. Cette ordonnance est elle-même ratifiée par le présent projet de loi dans son article 3.De manière générale, ces textes procèdent essentiellement à des aménagements techniques et juridiques qui font l’objet d’un consensus au sein de chaque réseau consulaire. Le groupe les Républicains n’a donc, a priori, pas de raison de s’y opposer, d’autant plus que ce projet de loi n’est en lui-même pas critiquable puisqu’il ne fait que tirer les conséquences de la réforme territoriale.
Nous pouvons néanmoins regretter que le Gouvernement n’ait pas saisi cette occasion pour engager une réforme plus large des réseaux consulaires, notamment en reprenant les préconisations de Monique Rabin et de Catherine Vautrin, issues de leur rapport du 16 septembre dernier au nom de la mission d’évaluation et de contrôle sur les chambres consulaires, leurs missions et leurs financements.
Par ailleurs, je veux rappeler notre perplexité devant la réforme territoriale issue de la loi NOTRe. Cette réforme, qui entraîne de lourdes conséquences pour toute l’organisation administrative de notre pays, risque de déstabiliser nos territoires, d’augmenter la confusion sur les compétences de chaque collectivité et d’éloigner un peu plus les citoyens des centres décisionnels et institutionnels. En créant des régions aux périmètres beaucoup plus importants, elle ne va donc pas répondre aux besoins de proximité des professionnels. Or c’est bien à ce besoin de proximité que le Sénat a souhaité répondre en adoptant deux amendements, à l’initiative de sénateurs du groupe Les Républicains. Le Sénat a souhaité ainsi imposer la présence d’une entité du réseau local des CCI dans chaque département selon les modalités suivantes : si le schéma directeur régional décide d’une fusion des CCIT en une CCIR, une délégation de la CCIR devra être instituée dans chaque département de la région, sans personnalité morale ;
si le schéma directeur régional décide que la CCIR coexistera avec les CCIT, une CCIT devra être instituée dans chaque département. De même, afin de ne pas oublier les territoires ruraux, le Sénat a souhaité que la moitié des 18 millions d’euros du fonds de péréquation créé par la loi de finances pour 2016 soit fléchée en direction des CCIT des zones rurales.
La commission mixte paritaire n’a certes pas balayé d’un revers de main ces avancées mais les a largement atténuées.
Ainsi, la CMP a substitué à la présence dans le département une prise en compte, au moment de l’élaboration du schéma régional, « du maintien des services de proximité d’appui aux entreprises dans les départements et les bassins économiques ». Elle a par ailleurs modifié la part de la somme allouée au fonds de péréquation qui doit être fléchée vers les CCIT en zone rurale – le quart au lieu de la moitié – et y a ajouté les territoires ultramarins. Mais les députés du groupe Les Républicains ont considéré que ce projet de loi dans sa rédaction finale entrouvre une porte pour les territoires ruraux. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes abstenus. Madame la secrétaire d’État, nous vous encourageons vivement à ne pas refermer la porte entrouverte par ce texte : les CCI et les CMA ont un rôle essentiel à jouer auprès des entrepreneurs ; il est donc indispensable que l’élaboration de chaque schéma régional se fasse dans la concertation entre les différents échelons du réseau local. Il ne serait pas acceptable que les entreprises en milieu urbain bénéficient facilement de services de qualité alors que les entreprises en milieu rural devraient s’engager dans un véritable parcours du combattant. Il en va de l’économie locale, de l’emploi et de l’attractivité de nos territoires ruraux. Je peux vous assurer que ces territoires ont aujourd’hui un sentiment d’abandon des pouvoirs publics.
Le besoin de proximité est donc réel et croissant.
Aussi, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe Les Républicains s’abstiendra lors du vote sur le texte issu de la CMP, considérant que vous auriez pu aller plus loin dans la prise en compte des territoires ruraux.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, chacun connaît l’importance de la présence territoriale des chambres de commerce et d’industrie et des chambres de métiers et de l’artisanat, acteurs indispensables du développement économique.
Elles jouent un rôle dans l’attractivité, dans la création d’entreprises, dans la transmission, dans l’innovation, mais aussi dans l’export – on ne le rappelle pas souvent. Leur rôle est reconnu par les acteurs des territoires, et les parlementaires le savent bien. Disposant de 250 établissements et de plus de 4 milliards d’euros de budget, les CCI et les CMA constituent un maillage territorial très fort et indispensable pour le développement de nos entreprises au moment où nous faisons tous oeuvre commune pour inverser la courbe. Leur modernisation est donc un gage d’efficacité, contribuant directement au dynamisme des territoires. En 2010 une première loi a été votée à cet effet, permettant de réorganiser les chambres consulaires en accentuant leur régionalisation.
Au groupe UDI, nous n’avons pas changé de discours : nous sommes favorables à une dimension économique à l’échelle régionale, sans oublier, cela a été dit à l’instant par Jean-Claude Mathis et je sais que Pierre-Morel-A-L’Huissier et Laurent Degallaix y sont très sensibles, la proximité et l’échelon territorial.
Le nouveau texte s’inscrit donc dans la continuité en visant à adapter les réseaux des CCI et des CMA à la nouvelle carte régionale qui sort de la loi NOTRe, mais regardons les monstres qui ont alors été créés : s’il y a uniquement une représentation régionale, que faire quand on se trouve à 400 kilomètres de la capitale de la région ?
Le sentiment d’abandon est très important chez nos commerçants, chez nos artisans et chez nos prestataires de services, vous le savez tous. Depuis plusieurs années, notre groupe alerte le Gouvernement, suite aux coupes budgétaires sans précédent : 130 millions d’euros en moins pour les chambres de commerce et d’industrie et les chambres de métiers et de l’artisanat… On leur avait fait les poches, il fallait bien leur laisser une petite poire pour la soif : 18 millions d’euros du nouveau fonds de péréquation. Même des CCI qui, dans le cadre des programmes d’investissement d’avenir – comme en Eure-et-Loir par exemple –, avaient à la demande de l’État accompagné des centres de formation par alternance pour les apprentis, ont été lâchés en rase campagne.
On dit toujours qu’il y a aussi des CCI très riches. C’est vrai qu’il y a plus de richesse à Paris, mais 715 emplois pourraient tout de même être supprimés à la CCI de Paris, ayons cela en tête. J’ajoute que l’assiette des recettes des chambres de commerce et d’industrie, vous le savez fort bien, madame la secrétaire d’État, est différente selon qu’elles gèrent ou non des infrastructures portuaires ou aéroportuaires.
Les sénateurs ont fait oeuvre utile en essayant de mieux flécher ces 18 millions d’euros, proposant que la moitié de ce montant soit réservée aux CCI connaissant de grandes difficultés, Jean-Claude Mathis l’a fort judicieusement rappelé à l’instant. Malheureusement et j’aimerais savoir pourquoi, madame la rapporteure, on est passés de 18 millions à 4,5 millions. C’est Gillette G4 puisqu’on coupe par quatre l’enveloppe de départ.
Il ne reste plus que quatre millions et demi pour soutenir les entreprises. Les chiffres ont la tête dure, madame la rapporteure.
Notre inquiétude est d’autant plus importante que l’ajustement des réseaux consulaires est en train d’avoir lieu au moment que se met en place la réorganisation territoriale dont nul n’ignore qu’elle va tout de même rencontrer quelques difficultés.
N’oubliez pas le rôle des chambres de métiers et de l’artisanat, madame la secrétaire d’État. Vous étiez présente aux artisanales de Chartres, je m’en souviens très bien, et dans votre discours, vous aviez reconnu le dynamisme des chambres de métier et de l’artisanat. Demain, les artisanales seront plus compliquées à organiser si c’est uniquement à l’échelle régionale. N’oubliez pas non plus le rôle que jouent les chambres de métiers et de l’artisanat dans les centres de formation d’apprentis et dans la gestion de l’apprentissage, au moment où la France constate une baisse du nombre d’apprentis et qu’il faut relever ce défi.
J’appelle aussi votre attention sur l’importance des réseaux pour la ruralité et pour les territoires suburbains, qui ont besoin d’être soutenus. Je regrette évidemment que la proposition du Sénat de créer une délégation dans chaque département de la chambre régionale nouvellement formée n’est pas été reprise.
Pour conclure, je fais une proposition : il faut développer, madame la secrétaire d’État, la triconsulaire. Certains départements l’ont déjà fait depuis longtemps. je citerai l’exemple de la Haute-Loire : dès les années 80, la triconsulaire fonctionnait très bien, et dans mon département, les trois chambres consulaires se réunissent très régulièrement. Je le dis à un moment où il faut avoir une stratégie de développement économique partagée par tous les acteurs, y compris par les régions. Mais celles-ci ne feront pas tout. Elles commencent d’ailleurs à se tourner depuis quelques semaines vers les chambres de métiers et de l’artisanat et vers les chambres de commerce et d’industrie pour savoir comment gérer la proximité,…
… l’export, la transmission. Ce n’est d’une capitale régionale, Lyon par exemple, qu’on va gérer ce qui se passe à Maurs, dans le Cantal – je le dis pour ceux qui connaissent magnifique petite ville.
Ce n’est pas M. Chassaigne qui me contredira parce qu’il connaît merveilleusement bien les contours de l’Auvergne.
Vous avez bien compris, mes chers collègues, qu’on doit encourager ces actions communes. Je sais que les budgétaires de Bercy n’ont qu’un truc en tête : comment piquer quelques dizaines de millions d’euros de plus, mais attention de ne pas massacrer ce maillage territorial indispensable, porteur de proximité et d’efficacité.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires économiques, madame la rapporteure, chers collègues, après l’accord obtenu en commission mixte paritaire la semaine dernière, nous sommes réunis pour l’ultime étape du parcours législatif du projet de loi visant à adapter l’organisation des réseaux de CCI et de CMA à la nouvelle carte des régions, qui sont chefs de file en matière de développement économique. Pour ces réseaux, il y a eu la loi de 2005, la grande réforme de 2010 et, depuis deux ans, l’exigence d’un effort budgétaire massif.
Au-delà de la loi, les réseaux ont évolué substantiellement au cours de ces dernières années pour accompagner les transformations de leurs ressortissants. Même si des efforts restent à faire dans certaines chambres, nos réseaux ont globalement connu un vaste mouvement de modernisation et de rationalisation. Par ailleurs, une unanimité s’est dégagée pour reconnaître l’utilité de l’immense majorité de ces chambres dans notre pays.
Les CCI et les CMA jouent un rôle important dans nos territoires. Ce sont des organes pertinents pour la concertation entre la sphère économique et les pouvoirs publics, et les chambres apportent un soutien précieux aux entreprises. À travers l’apprentissage, elles assurent aussi une part significative de la formation et de l’insertion professionnelle de nos jeunes. Aussi, les chambres consulaires ont pris leur part dans les efforts de maîtrise des dépenses publiques et d’assainissement des finances de la nation – je pense aux prélèvements opérés sur leurs fonds de roulement et à la baisse de la taxe pour frais de chambre.
Ces efforts ont accéléré les phénomènes de mutualisation des fonctions, de recentrage sur les missions prioritaires et d’adaptation aux besoins essentiels de leurs ressortissants. Toutefois, plusieurs chambres regrettent une concertation insuffisante, une lisibilité pluriannuelle imparfaite, un manque de reconnaissance et l’absence d’accompagnement de la part des pouvoirs publics. Aujourd’hui, beaucoup de chambres sont confrontées à des problèmes de gouvernance, de représentativité et de financement, à des niveaux et des degrés certes très divers.
Nous devons aussi entendre le mécontentement des personnels des chambres, dont le statut mériterait d’être amélioré, et qui doivent faire face à de nombreuses vagues de licenciements. De plus, l’application des différentes dispositions législatives, et notamment de la loi de 2010, pose plusieurs problèmes, mis en lumière par le rapport des sénateurs Jean-Claude Lenoir et Claude Bérit-Débat.
Les incertitudes qui ont entouré la mise en place de la nouvelle taxe pour frais de chambre et l’absence de précision des textes réglementaires d’application ont retardé la mise en oeuvre d’une réforme complexe et compromis l’appropriation des changements par les acteurs eux-mêmes. Les réseaux consulaires continuent par ailleurs de connaître une hétérogénéité et un éclatement, qui sont préjudiciables en termes d’efficacité et de coût, pour les entreprises, comme pour les finances publiques.
Le présent projet de loi vise à répondre à ces enjeux. Il reprend d’ailleurs la plupart des dispositions qui, adoptées lors de l’examen de la loi dite « Macron », avaient ensuite été censurées par le Conseil constitutionnel en tant que cavaliers législatifs. Au Sénat, plusieurs modifications relatives à l’organisation territoriale du réseau des CCI et à la prise en compte des territoires ruraux ont été adoptées, conformément aux souhaits du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste. Au sein de la commission mixte paritaire, ces modifications n’ont pas toutes été reprises, en particulier pour des raisons juridiques, mais un compromis satisfaisant a été trouvé.
Pour les députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, il est primordial de prévoir les conditions d’un maillage territorial efficace de l’ensemble du territoire national, afin de préserver le lien de proximité entre les chambres et les entreprises. Nous craignons en effet une perte de connaissance des spécificités locales, avec l’éloignement inévitable de la CCI régionale.
Dans ces conditions, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste soutient ce projet de loi clair et concis, mais nous comptons sur votre vigilance pour soutenir les chambres des territoires ruraux et montagnards, dont la fragilité exige une attention toute particulière.
Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, depuis 2010, les réseaux consulaires sont réorganisés autour de l’échelon régional. La loi a étendu les possibilités de regroupement de chambres et de mutualisation de fonctions en renforçant les pouvoirs de gestion et d’animation des chambres de région et en leur attribuant un monopole en matière de perception des ressources fiscales.
Le projet de loi que vous nous proposez d’approuver ce soir s’inscrit dans la continuité de cette réforme et reprend certaines des dispositions adoptées dans le cadre de la discussion du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques – à laquelle je crois qu’on donne aussi un autre nom.
S’agissant des chambres de commerce et d’industrie – CCI –, le texte rend opposables les schémas directeurs élaborés par les chambres de région, crée un nouveau schéma régional d’organisation des missions, également opposable, et étend les possibilités de fusion entre les CCI départementales.
Pour les chambres de métiers et de l’artisanat – CMA –, le projet de loi autorise la création de chambres interdépartementales, résultant de la fusion de chambres départementales, et précise les modalités de regroupement des chambres de niveau infrarégional en chambres de région. Ces mesures doivent permettre, selon leurs promoteurs, d’améliorer l’intégration régionale du réseau. Qu’en termes élégants ces choses-là sont dites !
Ce projet de loi se présente, comme tant d’autres, comme une entreprise de rationalisation, de modernisation, de simplification, de mutualisation. Richesse de la langue française ! Derrière ces mots se cache, depuis des années, une autre réalité, celle de la mise en cause de notre réseau consulaire : toujours moins de proximité et toujours plus d’austérité ! Nous considérons pour notre part qu’il est dangereux de poursuivre dans cette voie. Nous nous accordons tous à souligner l’importance des missions menées par les CCI auprès des entreprises et des territoires, en termes de formation, d’accompagnement, ou encore de gestion d’infrastructures.
Cela n’a malheureusement pas été un frein à l’asphyxie progressive du réseau, qui s’est traduite par l’érosion des ressources des CCI et des CMA. Les recettes issues de la taxe pour frais de chambre ont ainsi reculé de 35 % en quatre ans. Cette réduction du financement public du réseau des CCI a déjà conduit les chambres à abandonner, au 1er septembre 2015, 349 millions d’euros d’investissements et à mettre en place de véritables plans de suppression d’emplois concernant 1 750 salariés sous statut. Cette réduction des effectifs est appelée à se poursuivre. Il en est de même pour les CMA, dont la taxe pour frais de chambre a baissé de 12,5 % entre 2013 et 2016.
Avec la réduction du nombre d’établissements des deux réseaux – CCI et CMA –, vous nous proposez de franchir une étape supplémentaire dans la dégradation du service de proximité nécessaire au soutien des entreprises, d’une part, et d’accélérer leur mise en conformité territoriale avec les nouvelles régions issues de la loi NOTRe, d’autre part. Vous connaissez nos réserves sur cette recentralisation régionale, qui ignore complètement les territoires et leurs spécificités.
Nous estimons en effet que le territoire des nouvelles régions est beaucoup trop étendu pour que cela n’ait pas de conséquences sur la qualité des prestations offertes aux petites et moyennes entreprises. Imaginez le territoire que représente par exemple la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui va de Maurs dans le Cantal à la frontière suisse – pour ne citer qu’une région que je connais parfaitement.
On peut légitimement craindre qu’un éloignement accru nuise à la réactivité des chambres. Cet éloignement n’est évidemment pas de nature à améliorer les relations avec le milieu économique. Nous, élus, avions avec les chambres des réunions et des rencontres régulières très enrichissantes. Cela a quasiment disparu, et le travail de terrain, indiscutablement, n’est plus le même. On peut habiller la réforme comme on veut, mais c’est une réalité ! Or, dans ce domaine non plus, l’habit ne fait pas le moine.
Cette réforme des réseaux consulaires est aussi, comme l’ont souligné plusieurs de nos collègues en commission, la conséquence de la réduction des moyens de ces réseaux et de la réforme territoriale. À l’image des politiques libérales – mais n’est-ce qu’une image ? – vous faites une nouvelle fois des économies, au détriment du service public et de l’aménagement des territoires, en privant d’assise territoriale forte les chambres de commerce et d’industrie et les chambres de métiers et de l’artisanat.
En cohérence avec notre vote en première lecture, et en cohérence avec notre hostilité de principe au nouveau découpage des régions, qui transforme les métropoles en pompes aspirantes, nous voterons, une nouvelle fois, contre ce projet de loi. Je vous remercie par avance de vos applaudissements.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains.
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.
L’ensemble du projet de loi est adopté.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Questions sur la politique de l’emploi.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures dix.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly