Intervention de Gérard Charasse

Séance en hémicycle du 17 février 2016 à 15h00
Débat de contrôle sur la politique nationale en matière d'enseignement supérieur

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Charasse :

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’investissement de la France dans l’enseignement supérieur et la recherche est la marque d’une ambition forte. Avec près de 26 milliards d’euros, c’est le troisième budget de l’État après ceux de l’enseignement scolaire et de la défense.

Ce marqueur fort est un levier essentiel pour le redressement de notre pays, qui traverse une période économique difficile et connaît une montée du chômage dont la courbe peine à s’inverser.

Depuis le début de ce quinquennat, l’emploi constitue une préoccupation majeure de ce gouvernement. Or, l’obtention d’un diplôme reste la meilleure arme contre le chômage. Une récente étude, menée conjointement par la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques – DARES – et France Stratégie, démontre que les métiers très qualifiés compteront parmi les plus gros créateurs d’emploi d’ici 2022. Assurer un accès à l’enseignement supérieur et à la recherche constitue donc un enjeu national essentiel.

S’appuyant sur la loi de juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, le Gouvernement a dévoilé en septembre dernier sa stratégie nationale de l’enseignement supérieur, qui dessine avec précision les choix de notre pays pour ses universités et sa recherche.

Une direction est donnée : faire de notre pays « une société apprenante », selon l’expression de Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie, avec l’objectif de porter à 60 % le nombre de diplômés de l’enseignement supérieur dans une classe d’âge.

À cette fin, plusieurs pistes sont engagées ou vont l’être : donner aux bacheliers professionnels un accès prioritaire aux sections de technicien supérieur – STS ; permettre aux bacheliers technologiques d’accéder en priorité aux instituts universitaires de technologie – IUT ; développer les stages en entreprise ; améliorer l’orientation et l’information des étudiants sur les débouchés associés à chaque formation ; assurer la continuité entre l’enseignement scolaire et l’enseignement supérieur avec, notamment, la généralisation du conseil anticipé dès la classe de première ; mettre en place un parcours d’excellence pour les collégiens des réseaux d’éducation prioritaire, à l’instar des expérimentations concluantes qui ont été menées dans les instituts d’études politiques – IEP ; permettre aux 10 % des meilleurs bacheliers au sein de chaque filière d’accéder à une formation sélective publique – initiée en 2014, cette mesure, qui a déjà bénéficié à 2000 jeunes, permet de lutter contre le phénomène de l’autocensure sociale.

La loi de juillet 2013 a en outre eu le mérite de clarifier la nomenclature et les intitulés des diplômes.

Cette simplification améliore d’ores et déjà la lisibilité des filières de l’enseignement supérieur : c’est un élément des plus positifs pour les employeurs potentiels qui, jusque-là, étaient perdus dans la jungle des diplômes présentés par les candidats à l’embauche. Les chiffres sont édifiants, puisque nous sommes passés de 322 mentions de licences à 45, de quelque 1800 intitulés de licence professionnelle à 173, et de près de 5000 spécialités de master à 255 intitulés de mention.

Enfin, autre point positif, nos universités et notre recherche connaissent une forte attractivité internationale – cela a été dit, mais il est bon de le répéter. La France se classe, selon l’UNESCO, en troisième position pour l’accueil des étudiants étrangers et en deuxième position pour la participation des étudiants français au programme Erasmus. Il s’agit là d’une chance pour notre pays, qu’il convient de dynamiser encore davantage. Car favoriser la mobilité des étudiants et des enseignants-chercheurs tend à accroître dans de fortes proportions les échanges de biens et de services avec notre pays. Il y a donc là un intérêt économique certain, de même qu’un intérêt culturel.

Le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste se félicite de ce que l’ouverture à l’international ait été renforcée depuis 2012. Par ailleurs, les établissements d’enseignement supérieur développent le e-learning, l’enseignement par internet. Pour la première fois, la loi de juillet 2013 valorise explicitement la dimension numérique de l’enseignement dans la formation supérieure. De fait, les formations en ligne ouvertes à tous attirent quelque 18 % d’inscrits hors de France.

Les cursus et les cours en langues étrangères sont un autre élément qui participe à l’attractivité de nos établissements d’enseignement supérieur et de recherche à l’international.

Enfin, adoptée le 26 janvier dernier, la loi relative aux droits des étrangers en France permettra de faciliter le séjour des chercheurs doctorants étrangers dans notre pays, notamment par le biais d’une carte de séjour pluriannuelle.

Cependant, la situation de nos universités et de notre recherche reste préoccupante sur plusieurs points.

Je tiens ici à citer le rapport sur la situation critique du patrimoine immobilier des universités que notre collègue Anne-Christine Lang a remis en octobre dernier à la commission des affaires culturelles. Ce rapport dresse un état des lieux très sombre du patrimoine immobilier de nos établissements d’enseignement supérieur : 40 % des locaux se trouvent dans un état de dégradation qu’il qualifie d’inquiétant, et même de franchement préoccupant pour 12 % d’entre eux.

Il s’agit aujourd’hui de trouver des solutions pour accueillir convenablement les étudiants, dont le flux de nouveaux inscrits chaque année est passé de 25 000 au début des années 2000 à quelque 65 000 depuis 2014, ce dont il faut nous réjouir.

Par ailleurs, l’offre de logements étudiants ainsi que les tarifs des transports publics révèlent de grandes disparités territoriales. Nombre d’étudiants n’ont souvent pas d’autre choix que de se tourner vers le parc locatif privé pour se loger, ce qui ajoute au coût de leurs études.

Enfin, l’accès aux soins est également problématique, les étudiants étant de plus en plus nombreux à renoncer à souscrire à une complémentaire santé – nous savons pourquoi. Le régime des mutualités étudiantes devra donc être clarifié.

L’accompagnement social et la qualité des services offerts aux étudiants sont deux conditions essentielles à la pérennité de l’attractivité de nos établissements de recherche et d’enseignement supérieur.

Le Gouvernement doit accélérer son action pour combler l’insuffisance du parc de logements sociaux étudiants. Certes, la construction de 40 000 nouveaux logements étudiants de 2013 à 2017 a été engagée, il faut s’en féliciter, et près de 21 000 places avaient été créées au 31 décembre 2015.

Ce mouvement doit s’amplifier, car 16 % des étudiants rencontrent des difficultés pour trouver un logement dans le parc locatif privé, faute de garant. Il y va de l’égalité sociale devant l’accès aux études supérieures, égalité que le Gouvernement appelle de ses voeux.

Car l’inégalité sociale est réelle. Le rapport StraNES de septembre dernier souligne une forte différence entre le taux des enfants de cadres diplômés de l’enseignement supérieur – 65 % – et celui des enfants d’ouvriers ou d’employés, qui n’est que de 28 %, soit un écart de 37 points. C’est évidemment beaucoup trop !

Dans l’objectif de permettre à tous d’accéder aux formations dans l’enseignement supérieur, un effort accru de l’État doit être consenti en direction des bourses étudiantes. Les députés radicaux de gauche se félicitent néanmoins du ciblage mis en place en 2013 pour l’attribution des bourses afin d’optimiser son efficacité. Les bourses sont désormais dirigées en priorité vers trois catégories d’étudiants : ceux issus des familles les plus modestes, ceux, nombreux, contraints de travailler pendant leurs études, et ceux en situation d’autonomie relative. Ce ciblage a contribué à augmenter sensiblement le nombre des étudiants boursiers, dont le taux est passé à 35 %.

Concernant l’accès aux études supérieures, je veux revenir sur la décision du Conseil d’État du 10 février dernier. La plus haute juridiction administrative a en effet rappelé que la sélection à l’université, phénomène répandu et admis dans la pratique depuis une quinzaine d’années pour les étudiants en première et deuxième année de master, restait illégale tant qu’une disposition réglementaire ne la rendrait pas légale. Ce même 10 février, vous avez annoncé que le Gouvernement prendrait « dans les prochains jours un décret permettant de sécuriser le fonctionnement actuel du cycle de master » qui serait mis en oeuvre dès la prochaine rentrée universitaire. Le contenu de ce décret fera l’objet d’une question que je vous poserai tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État.

Enfin, nos universités et nos établissements de recherche connaissent de réelles difficultés économiques. Pourtant, en tant que dispensateurs de formations professionnelles continues destinées aux adultes, ils pourraient s’insérer davantage dans le dispositif de formation de grande ampleur annoncé récemment par le Président de la République.

En effet, les établissements d’enseignement supérieur ne représentent que 3 % du marché de la formation continue en France. Le potentiel de développement de ce type de formation est indéniablement très important, et votre objectif de porter à 1,5 milliard d’euros d’ici à 2020 le développement de son chiffre d’affaires va dans la bonne direction. La mise en place d’un déploiement de formations à destination des adultes dans ces proportions nous incite à l’optimisme. Quand la politique de l’emploi et celle menée en direction des établissements d’enseignement supérieur et de recherche ont des intérêts communs, cet optimisme ne peut être que renforcé.

L’enseignement supérieur et la recherche constituent un chantier porteur et représentent un investissement pour l’avenir en faveur duquel le Gouvernement s’engage résolument. Il y va de l’attractivité de notre pays sur la scène internationale, de notre capacité à agir pour l’égalité des chances et de notre politique en faveur de l’emploi, en particulier de l’emploi pérenne. Ce chantier, notre groupe le soutient car il s’agit aussi de bâtir, en ces temps troublés, une société plus forte économiquement et plus armée intellectuellement pour lutter contre la crise économique, sociale et citoyenne que nous traversons.

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