Intervention de Christophe Premat

Séance en hémicycle du 17 février 2016 à 15h00
Débat de contrôle sur la politique nationale en matière d'enseignement supérieur

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Premat :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, ma question porte sur les innovations pédagogiques dans l’enseignement supérieur. Je vous remercie d’ailleurs d’avoir insisté sur ce point tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État, en rappelant que la dynamique innovante est consubstantielle à l’histoire de l’université. Votre évocation de Platon et d’Aristote était tout à fait convaincante ! De nombreux rapports institutionnels ont mis en évidence la nécessité d’utiliser les opportunités numériques pour améliorer les conditions de diffusion du savoir à l’université.

En raison du développement des MOOC, formations ou cours en ligne ouverts à tous, les institutions universitaires se sont largement approprié ces nouvelles méthodes pour engager la révolution de la formation continue, comme le montre le cas de la plateforme FUN. Toutefois, le réductionnisme numérique peut rapidement s’avérer être une impasse. On constate dans les pays anglo-saxons une tendance croissante à la généralisation de la pratique de la pédagogie inversée ou flipped classroom. Les étudiants ont ainsi la possibilité de travailler autrement, par exemple chez eux. Ces pratiques ne sont pas les seules et d’autres sont au coeur des innovations pédagogiques actuelles.

Il conviendrait plutôt de favoriser l’hybridation des pratiques pédagogiques afin de mêler les approches de l’éducation formelle et informelle telle que l’entendait un certain Célestin Freinet. Cela suppose de replacer les sciences de l’éducation au centre du développement professionnel des enseignants-chercheurs afin qu’ils mettent en place de nouveaux outils pédagogiques indexés sur la recherche-action. Celle-ci met les savoirs humains en prise directe avec leur objet en vue de dynamiser et anticiper les changements sociaux, comme le montrent les conceptions développées par des chercheurs comme René Barbier. Le processus de Bologne a créé un marché de l’éducation aux diplômes standardisés. Il importe de résister à cette bureaucratisation envahissante et de renouveler l’approche institutionnelle en impliquant les étudiants dans de nouveaux questionnements.

Je me félicite que Mme la ministre ait évoqué, à la suite de notre collègue, la notion de « société apprenante » forgée par Joseph Stiglitz. Tel est exactement l’objectif des sciences sociales : adapter les questionnements aux institutions. Les sciences de la nature et les sciences environnementales sont adaptées à ces pédagogies de recherche-action où l’apprentissage et la recherche sont susceptibles de modifier la perception des présupposés initiaux. Est-il possible, monsieur le secrétaire d’État, dans le cadre d’une stratégie de l’enseignement supérieur français, de mettre davantage l’accent sur le développement spécifique de la recherche-action dans les innovations pédagogiques au lieu de se référer systématiquement aux méthodes de la pédagogie inversée ? Si oui par quels moyens, à quelle échéance et à quel coût ?

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