Mes chers collègues, nous recevons aujourd'hui Mme Béatrice Bossard, sous-directrice de la justice pénale générale, accompagnée par Mme Ombeline Mahuzier, cheffe du pôle de l'évaluation des politiques pénales, et de M. Francis Le Gunehec, chef du bureau de la législation pénale générale, de la direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la justice.
Mesdames, monsieur, comme vous le savez, le récent procès de Jacqueline Sauvage a suscité un certain émoi dans notre pays. La Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a longuement travaillé sur le sujet des violences faites aux femmes et pris part aux débats sur la première loi consacrée à cette question, loi qui a été adoptée en 2010 puis renforcée en 2014. Aujourd'hui, il s'agit, pour nous, non pas de préparer un nouveau texte, mais de nous interroger notamment sur les raisons pour lesquelles Jacqueline Sauvage n'a pas bénéficié d'un jugement plus clément. Certes, la légitime défense, telle qu'elle est définie dans le code pénal, doit répondre à des critères cumulatifs, critères qui n'étaient pas tous réunis dans le cas que j'évoque, de sorte qu'il est permis de s'interroger sur la stratégie de défense consistant à plaider l'acquittement. Quoi qu'il en soit, on a le sentiment qu'aucune main secourable ne lui a été tendue alors que différentes alertes avaient été lancées : tentative de suicide, signalements, fugue de ses filles, plainte de la voisine à l'encontre de son mari pour menaces de mort, classée sans suite par les gendarmes…
Peut-on modifier le code pénal pour prendre en compte de telles situations qui perdurent pendant des années et aboutissent à un acte dramatique, puisqu'il consiste d'une certaine manière à se faire justice soi-même en tuant un conjoint violent ? Il ne s'agit pas du tout pour nous, contrairement à ce que certains ont pu penser, de donner un permis de tuer, mais d'améliorer éventuellement les choses. Nous avons déjà entendu des magistrats, des avocats, des juristes, notamment Catherine Le Magueresse, qui a suivi l'ensemble du procès.
Par ailleurs, lors de l'audition des représentantes de l'association SOS les mamans, nous avons recueilli deux témoignages bouleversants de mères dont les enfants subissent des maltraitances reconnues et qui sont pourtant presque considérées comme coupables. Nous avons également connaissance du cas d'une mère qui n'est pas protégée alors que les violences sont avérées et que des plaintes ont été déposées auprès des gendarmes.