Intervention de Ombeline Mahuzier

Réunion du 9 février 2016 à 17h00
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Ombeline Mahuzier, cheffe du pôle d'évaluation des politiques pénales, à la direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la justice :

La véritable question est celle de savoir s'il est pertinent de comparer ces éléments, qui sont très différents. Les données concernant les dépôts de plainte sont collectées par le ministère de l'intérieur ; or, le ministère de la justice n'a pas accès à ces bases de données. Quant à ses propres statistiques, elles sont construites à partir du casier judiciaire national ou du logiciel d'enregistrement des procédures, qui reflètent l'activité réelle des juridictions. Ses données concernent donc les affaires transmises au parquet, qu'elles soient ou non poursuivies. C'est ainsi que nous avons pu vous indiquer quels étaient le nombre d'affaires de violences conjugales et la structure de la réponse des parquets : classement sans suite et motif de ce classement, poursuite et voies de poursuite... Ces données sont non seulement complètes et précises mais également fiables. On peut en effet disposer d'un appareil statistique ; encore faut-il savoir comment les données sont construites afin de déterminer si elles ont un sens par rapport au contentieux que l'on cherche à évaluer.

S'agissant du lien que vous établissez entre le nombre de plaintes et le nombre de condamnations, il ne peut être fait ni au niveau statistique, ni au niveau juridique. En effet, non seulement une plainte n'aboutit pas forcément à une condamnation – même si, en matière de violences conjugales, toutes les affaires sont en principe élucidées, puisque l'auteur est connu –, mais elle n'entraînera pas non plus systématiquement des poursuites, en raison d'un manque de preuves par exemple.

En ce qui concerne le suivi statistique, c'est-à-dire l'évaluation du nombre des plaintes reçues par les services enquêteurs et celui des affaires transmises aux parquets – et non celui des condamnations –, le service statistique du ministère de la justice participe avec celui du ministère de l'intérieur à un groupe de travail destiné à étudier notamment la manière dont le contentieux des violences conjugales est identifié par les policiers. Le ministère de l'intérieur dispose en effet, contrairement à celui de la justice, d'un système de comptage purement statistique, qui repose sur le logiciel de rédaction des procédures et sur des index statistiques remplis par les policiers eux-mêmes au moment où ils enregistrent une plainte. Ce faisant, ils précisent un contexte, qui ne correspond pas forcément à une infraction, dès lors que l'appréciation n'est pas portée par un magistrat. Ce système de comptage n'est donc pas parfaitement fiable. En effet, il se peut que, lors du dépôt de plainte, le policier qualifie les faits de violences sans retenir la circonstance aggravante, qui n'est pas requise à ce stade de la procédure, mais en précisant tout de même dans l'index statistique qu'il s'agit de violences conjugales.

Les statistiques du ministère de la justice et celles du ministère de l'intérieur sont donc parfaitement compatibles, leurs ordres de grandeur sont comparables. En revanche, elles ne sont pas construites de la même façon, car les outils, les méthodes et les ressources sont différents.

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