Lecture définitive en effet car, à l’issue de nos débats, subsistent des points sur lesquels nous ne parvenons pas à nous mettre d’accord. Autant nous devons accorder du respect à la position qui est la vôtre, autant je crois avoir constaté que vous ne manquez pas de le faire à l’égard des positions qui ont été les nôtres et celles du Sénat – et sur lesquelles je vais me permettre de revenir.
Le Sénat nous avait suivis pour faire un certain nombre de propositions alternatives qui, d’après nous et contrairement à ce qui vient d’être dit, auraient véritablement permis l’adoption d’un texte d’équilibre entre droits et devoirs des étrangers que nous souhaitons accueillir sur notre territoire.
Ainsi, nous aurions souhaité que vous nous rejoigniez sur la tenue d’un débat annuel au Parlement sur nos choix en matière de politique d’immigration – vous ne l’avez pas fait, préférant la version individualisée, alors que nous souhaitions une vision plus globale et annuelle.
Vous avez refusé de nous rejoindre sur le maintien des conditions de délivrance du titre de séjour aux étrangers malades. Le dispositif actuel permet de refuser ce titre de séjour lorsque le traitement existe dans le pays d’origine. Vous avez préféré remplacer ces dispositions par une autre qui sera difficile, voire impossible à mettre en oeuvre, car elle est fondée sur l’effectivité de la possibilité de recevoir un traitement.
Vous avez également refusé notre proposition sur la transformation de l’aide médicale d’État en une aide médicale d’urgence, afin de mettre fin aux dérives actuelles que vous ne pouvez pas nier. Non seulement, le volume des crédits consacrés à l’AME a plus que doublé, mais nos concitoyens, à juste titre, sont interpellés et hérissés par les constats qu’ils font s’agissant des dérives évidentes de ce dispositif.
Vous avez en outre refusé de traiter comme nous le souhaitions la question de l’allongement du délai imposé pour demander le regroupement familial. Vous avez altéré le pouvoir d’appréciation du préfet pour délivrer les titres de séjour. Contrairement à ce que nous prônions, vous avez préféré le régime de l’assignation à résidence plutôt que le placement en rétention administrative. Enfin, et dans la période que nous vivons – il faut faire beaucoup d’efforts pour comprendre votre démarche et l’accepter –, vous avez mis fin au caractère exceptionnel qu’il convenait, d’après nous, de réserver à la carte pluriannuelle, en la destinant aux titres de séjour bénéficiant aux étrangers qui viennent pour travailler sous contrat en France, l’ensemble des autres titres restant délivrés pour une année et renouvelables.
À toutes nos propositions, à toutes nos réserves, à toutes nos tentatives pour améliorer le texte, à toutes nos mises en garde, vous avez préféré faire la sourde oreille.
Ce projet de loi, tel qu’il ressort des débats, ne contient aucune disposition qui permette de répondre aux failles qui pénalisent notre politique migratoire. Car si votre principal objectif consiste à mieux accueillir et à mieux intégrer les étrangers qui vivent légalement sur notre sol, ce que tout le monde peut partager, nous devons faire le constat que votre second grand objectif consiste bel et bien à renforcer l’attractivité de notre pays pour les étrangers. Est-ce bien utile par les temps qui courent ?
C’est la raison pour laquelle vous avez créé un passeport talent, sur lequel le ministre a apporté les informations qu’il croyait nécessaires ; c’est la raison pour laquelle vous avez souhaité la simplification du passage du statut d’étudiant à celui de salarié, ce qui ne manquera pas de poser quelques problèmes.
Ainsi, sous couvert d’intentions sans doute louables, que nous n’avons pas à contester, vous menez une politique qui peut s’avérer dangereuse et, pourquoi pas, mensongère, parce que la France n’en a probablement pas les moyens.
Enfin, vous n’ignorez pas que le Sénat, et probablement nous avec lui, demandera au Conseil constitutionnel de censurer certaines dispositions que l’Assemblée a ajoutées en nouvelle lecture, après l’échec de la commission mixte paritaire, sans qu’elles trouvent à se justifier par la nécessité de coordination ou de correction d’une erreur matérielle – ainsi en est-il de l’ouverture aux étrangers du service civique. Le Conseil constitutionnel sera là pour dire le droit et déterminer qui, de nous ou de vous, a raison.
Nous regrettons que nos points de vue n’aient pas pu se rapprocher afin d’aboutir à un meilleur texte, alors que cela aurait été possible. Vous comprendrez donc que les députés du groupe Les Républicains voteront, sans aucun état d’âme et sans la moindre hésitation contre le texte que vous nous proposez.