Intervention de Nikolaus Meyer Landrut

Réunion du 10 février 2016 à 9h45
Commission des affaires étrangères

Nikolaus Meyer Landrut, ambassadeur de la République fédérale d'Allemagne en France :

Je regrouperai mes réponses par sujet, plutôt que de procéder dans l'ordre des interventions.

En ce qui concerne les réfugiés, je voudrais premièrement rappeler quelques faits et quelques chiffres. L'impression a pu s'installer que la chancelière Angela Merkel a fait venir un million de réfugiés de sa propre initiative. Mais non, c'est tout simplement faux. Longtemps avant ce fameux week-end du mois de septembre 2015, en juin, en juillet et en août 2015, le nombre de personnes en route était déjà passé à des centaines de milliers. Sur cette base, le ministre de l'intérieur a établi une prévision selon laquelle, à ce rythme, il y aurait entre 800 000 à 1 000 000 de réfugiés sur l'ensemble de l'année. Cela fait une grande différence. L'Allemagne n'a jamais dit qu'elle allait accueillir de son plein gré un million de réfugiés, en criant « Venez mes enfants ! ». C'est tout simplement faux de le dire.

Deuxièmement, concernant ce prétendu appel d'air, il y a beaucoup de faits à prendre en compte. Au cours de l'année 2014, très peu de personnes sont venues vers la Turquie et vers la Grèce. Au début de l'année 2015, des changements d'attitude sont survenus en Grèce et en Turquie. Ils ne procédaient ni du souhait du gouvernement allemand, ni de celui de quelque autre gouvernement européen. Mais ils ont provoqué un appel d'air important.

Troisièmement, nous avons recueilli des informations très précises auprès des réfugiés, qui nous ont déclaré s'être mis en route en juillet. Or il faut quatre à cinq semaines pour faire la route entre la Syrie et l'Europe centrale. Tels sont les faits. Les gens arrivés en juillet et en août nous ont dit être partis parce que la Hongrie commençait à construire un mur et qu'ils voulaient arriver avant que celui-ci soit construit. Il peut y avoir une multitude de raisons qui ont amené les gens à partir. Ils se trouvaient dans des situations assez désastreuses.

La Turquie offre un problème complexe à l'analyse. Dans ce pays, les réfugiés n'avaient pas le droit de travailler. Ils étaient dans une situation où ils n'avaient aucun moyen de s'intégrer, après quatre à cinq années sur place. Par ailleurs, la communauté internationale a réduit les fonds alloués à l'Agence des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR), qui a dû réduire la ration de nourriture que l'on pouvait donner aux réfugiés. Et vous vous étonnez qu'ils partent ! Dire que des millions de personnes sont arrivées en Europe parce que la chancelière Angela Merkel a prononcé une fois une phrase, c'est tout simplement faux. Je tiens à dire que c'est faux.

Que s'est-il passé ce week-end de septembre ? Des dizaines de milliers de personnes se trouvaient entre Budapest et Bratislava, marchant sur l'autoroute en direction de l'Allemagne, qui n'avait le choix qu'entre les accueillir ou… les accueillir. Sommes-nous un État ouvert ou un État fermé ? Où se trouvait l'alternative ? Qu'auriez-vous fait ? Il faut relire les déclarations de la chancelière Angela Merkel, non ce que les journaux en ont fait. C'était une décision très particulière dans des circonstances qui l'étaient tout autant. Nous avons aussi interrogé les personnes qui sont venues de Hongrie. Elles nous ont déclaré que traverser la Hongrie avait été un calvaire pire que la situation qu'elles avaient connue en Grèce, en Turquie et en Syrie. Est-ce l'Europe qu'on veut ? Merci pour les valeurs, merci pour leur défense ! Il faut tout de même faire un tout petit peu attention quand on dit que les choses ont été faites à la légère et uniquement pour complaire à tel ou tel.

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