Le présent projet de loi vise à approuver un protocole de 2012 qui amende l'accord initial, remontant à 1998, qui créait le « Groupe aérien européen ». Bien que cet accord initial, c'est à noter, n'ait pas alors été soumis à l'approbation du Parlement, il me faut présenter brièvement ce Groupe aérien européen.
Celui-ci est un état-major qui regroupe une trentaine d'officiers et sous-officiers provenant de ses sept membres, à savoir la France et le Royaume-Uni, qui en sont à l'origine, et l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne, l'Italie et les Pays-Bas, qui les ont ensuite rejoints. Le Groupe aérien européen est donc l'une des diverses institutions qui ont été établies dans les années 1990 au temps ou un certain nombre de pays européens s'efforçaient de construire l'Europe de la défense.
La mission du Groupe aérien européen est de développer l'interopérabilité des armées de l'air de ses membres, c'est-à-dire leur capacité à conduire des missions militaires conjointes. C'est un organisme qui réalise des études dans ce domaine, travaille à l'harmonisation des procédures des différentes armées, organise des exercices communs et des stages de formation.
Il faut saluer au moins l'une de ses réalisations concrètes : il a joué un rôle moteur dans la constitution progressive de ce qui est devenu le Commandement européen du transport aérien (EATC-European Air Transport Command), qui est quant à lui un organisme opérationnel, basé à Eindhoven aux Pays-Bas, destiné à faciliter la mise à disposition d'appareils de transport militaire aérien entre pays européens. L'EATC a notamment fourni des appareils pour les évacuations de ressortissants européens en Côte d'Ivoire et en Libye en 2011 et pour l'opération Serval au Mali. C'est donc une institution qui a un rôle concret et a permis à nos voisins européens de contribuer, à leur manière, à certaines de nos opérations militaires.
J'en reviens au Groupe aérien européen. Ce petit organisme bénéficie d'un budget commun annuel très modeste, 140 000 livres sterling, réparti à parts égales entre ses membres, qui lui sert notamment à rémunérer les services généraux fournis par la base britannique de High Wycombe où il est localisé. La quote-part française de ce budget est de l'ordre de 20 000 livres, soit environ 26 000 euros. Comme une allocation spécifique est en plus ouverte aux personnels français affectés au Groupe pour couvrir leurs frais de déplacement et des dépenses non prises en charge par le budget commun, la dépense annuelle pour la France est de l'ordre de 50 000 euros.
Si j'évoque ces enjeux budgétaires, aussi minimes soient-ils, c'est parce que le protocole que nous examinons porte sur eux. En effet, ce texte a seulement deux objets. Le premier, traité à ses articles 1er et 2, est de rectifier la dénomination d'un état-major britannique mentionné dans l'accord initial, car cette dénomination a changé. Le second, traité à ses articles 3 et 4, est de modifier les règles de financement du Groupe aérien européen. Jusqu'à présent, les factures communes étaient présentées aux États membres et payées par eux, selon leur quote-part, trimestriellement. Il est proposé d'avoir désormais un budget annuel alimenté par une dotation annuelle des États, pour simplifier cette gestion.
La question est donc la suivante : acceptons-nous que la dotation de la France au budget commun du Groupe aérien européen, soit environ 26 000 euros par an, soit versée en une seule fois en début d'exercice, plutôt que déboursée en quatre fois à trimestres échus – le tout sans changer le montant de la dépense ?
Si la Représentation nationale est saisie de cette question fondamentale, c'est en raison de ses pouvoirs budgétaires et de l'interprétation très stricte qu'en a donnée le Conseil d'État. Je suis, comme vous tous, attaché à ces prérogatives budgétaires. Mais il faut bien admettre que, dans certains cas, nous en arrivons à devoir approuver des arrangements administratifs aux enjeux très minimes. Cela encombre notre ordre du jour et retarde l'entrée en vigueur, au moins formelle, des accords en cause.
Je voudrais partager avec vous une réflexion plus personnelle. Dans le même temps, il me semble que l'évolution des instruments de la diplomatie conduit de plus en plus souvent à ce que des textes diplomatiques importants ne soient pas soumis à ratification parlementaire. Je ne remets pas en cause les prérogatives que notre Constitution reconnaît à l'exécutif en matière de politique étrangère. Mais quand un engagement international important sur le plan diplomatique et formalisé, juridiquement contraignant, est pris, il est légitime que l'on demande l'approbation du Parlement.
Or, du fait du développement des compétences de l'Union européenne et de la diversification des formes des actes internationaux, ce n'est plus toujours le cas. Quand il est décidé de sanctionner économiquement un grand pays comme la Russie ou l'Iran, c'est une décision européenne sur laquelle nous ne sommes pas consultés. Quand il est décidé de vendre des armements majeurs, comme des navires de guerre ou des avions de combat, à tel ou tel pays, ce n'est pas seulement un accord commercial, c'est aussi un geste diplomatique fort, qui donne souvent lieu d'ailleurs à la signature d'un accord intergouvernemental pour chapeauter le contrat commercial. Or, les accords de ce type ne nous sont pas soumis.
Il y a eu en 2015 deux accords internationaux majeurs dans lesquels la diplomatie française s'est beaucoup investie. L'accord de Paris, conclu au terme de la COP21, nous sera renvoyé. Mais qu'en sera-t-il de l'accord de juillet avec l'Iran, dit « Joint Comprehensive Plan of Action » ?
Cette question dépasse largement le cadre du débat d'aujourd'hui, mais je souhaitais tout de même la poser.