Comment se fait-il qu'en quatre ans on se soit « planté » à ce point en annonçant chaque mois la fin de Bachar el-Assad pour le mois suivant ? Depuis la fermeture de l'ambassade de France à Damas, cela a été constant et moi-même je m'y suis laissé prendre puisque je me souviens avoir signé un article avec notre collègue Marc Le Fur où, la fin de Bachar étant annoncée, nous invitions à penser au sort des minorités. Comment penser que les intérêts conjugués de l'Iran et de la Russie n'allaient pas amener ces deux pays à s'engager lorsque Bachar, ou tout au moins l'armée syrienne, semblait en fin de course, l'appui du Hezbollah se révélant insuffisant ?
Vous avez évoqué l'encerclement d'Alep. Il s'agit en fait du second siège. Lors du premier, que j'ai vécu douloureusement, j'avais obtenu des visas du consulat général de France à Beyrouth pour une famille, en partie toulousaine, et dont un des membres avait été tué le jour de Pâques par des bombardements sur les quartiers chrétiens d'Alep ; cette famille n'a pas pu quitter la ville, encerclée, d'un côté, par le Front al-Nosra et, de l'autre, par l'État islamique. On a moins parlé, à l'époque, de ce siège et cela explique peut-être aussi que nous nous acharnions à commettre certaines erreurs autour de la personne de Bachar el-Assad. Lorsqu'on a fait la paix au Cambodge, on s'est bien assis à la table des négociations avec des dirigeants khmers rouges ; lorsqu'on a fait la paix avec Milošević, on a bien discuté avec lui avant de le traduire, éventuellement avec d'autres, devant le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie ! Pourquoi donc s'acharner sur la personne de Bachar el-Assad alors qu'on sait très bien que la décision appartient à la Russie et à l'Iran et que, quoi qu'il en soit, il ne s'agit pas d'un problème de personne mais bien de la tragédie d'un peuple qu'il faut s'efforcer d'arrêter le plus vite possible ?