Intervention de Yann Galut

Séance en hémicycle du 3 mars 2016 à 9h30
Lutte contre le crime organisé le terrorisme et leur financement — Après l'article 3

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYann Galut :

Comme Éric Ciotti, je considère que nous devons avoir ce débat. Le 11 août 2015, une tribune paraît dans The New York Times signée par François Molins, procureur de Paris, Cyrus R. Vance Jr., procureur de Manhattan, Adrian Leppard, chef de la City of London Police et Javier Zaragoza, procureur de la Haute Cour d’Espagne. Ces quatre magistrats interpellent les pouvoirs publics : actuellement, des dizaines d’enquêtes liées au terrorisme sont bloquées parce que les constructeurs de smartphones ont décidé, depuis septembre 2014, de verrouiller totalement l’accès aux téléphones et, de surcroît, de ne plus avoir la clé de déverrouillage.

Nous sommes confrontés à la volonté de multinationales de faire en sorte que les enquêtes judiciaires échouent parce qu’elles en ont décidé ainsi. C’est inadmissible !

Permettez-moi de lire ce que le procureur Molins a déclaré dans un entretien paru dans L’Express : « Dans l’affaire Sid Ahmed Ghlam, nous avons retrouvé un téléphone dans lequel nous n’avons toujours pas pu "entrer" », ajoutant : « Soit [Google et Apple] proposent un dispositif nous permettant d’accéder aux données nécessaires aux investigations, soit les pouvoirs publics devront tôt ou tard légiférer afin de les y contraindre. » C’était le 2 septembre 2015.

Le 8 janvier 2016, le même ajoute que tous les smartphones que l’on essaie d’exploiter sont verrouillés et cryptés, ce qui pose un grave problème car si la personne refuse de donner son code d’accès, on ne peut plus accéder aux données. Il reste un téléphone que l’on n’a toujours pas exploité, dans l’affaire Ghlam ! Le procureur en avait parlé en septembre : nous sommes en janvier. L’an dernier, pas moins de huit smartphones n’ont pu être explorés. Voilà la situation.

D’un côté, des multinationales ont décidé d’édicter leur propre loi, de l’autre huit téléphones en France ne peuvent être exploités dans des affaires de terrorisme ! Je suis bien conscient, mes chers collègues, des difficultés qui se posent mais nous devons prendre nos responsabilités. Nous ne pouvons accepter que règne la loi du plus fort, la loi de l’argent, surtout au prétendu nom des libertés publiques, quand on sait comment ces multinationales fonctionnent, elles, au nom des libertés publiques ! Nous devons trouver une solution technique pour les contraindre.

Mon amendement ne concernera pas tous les portables, bien entendu, mais simplement ceux pour lesquels il faudra accéder aux données, parce que l’instruction l’exige ou que le procureur de la République le demande au juge des libertés et de la détention. Je ne comprends pas que les défenseurs des libertés, dont je suis, puissent s’opposer à ce que l’on perquisitionne un portable alors que l’on peut perquisitionner une maison ou une voiture ! Il faut résoudre ce problème. Je peux comprendre les arguments que le Gouvernement ne manquera pas d’exposer mais il y a urgence à agir. Que répondons-nous aux victimes ? Aux familles qui se sont portées parties civiles dans l’affaire Ghlam ? Que nous ne pouvons pas accéder à ce téléphone portable ? Imaginez-vous la colère de ces personnes, de ces victimes ? Je comprends les difficultés mais nous devons prendre nos responsabilités, et nous le pouvons en France. J’en suis persuadé.

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