Monsieur le ministre, mes chers collègues, pour avoir beaucoup travaillé sur ces questions de terrorisme et de cybercriminalité, je ferai trois remarques.
Premièrement, nos services sont totalement sourds et impuissants à déjouer les attentats, et c’est vrai pour tous les services. La totalité des informations et des communications qui circulent à l’intérieur des groupes terroristes passent par des systèmes cryptés. Les procureurs eux-mêmes le savent et ils l’ont dit publiquement.
Deuxièmement, quelle ironie, les systèmes cryptés sont généralement issus de l’armée américaine – je pense au réseau Tor et au Dark cloud en général – et la plupart des entreprises qui se livrent à ce genre de commerce sont américaines. Elles utilisent délibérément l’argument des libertés publiques pour gagner de l’argent en sachant parfaitement que le cryptage sert aux trafiquants de drogue, à la grande criminalité et surtout aux terroristes. Il est inacceptable que l’État perde le moindre contrôle sur le cryptage et, de fait, fasse l’objet de manipulations de la part de sociétés multinationales américaines.
Troisièmement, et je me tourne vers M. le ministre, ce qu’a dit Yann Galut est très juste : il faut commencer par se doter d’une loi nationale. En l’absence de loi nationale, vous ne pourrez pas donner un signal à l’Europe ni attendre des initiatives internationales. Les États savent qu’il faut un accord international pour casser ce mur que représentent les multinationales, dont certaines ont un chiffre d’affaires supérieur au PIB d’un certain nombre d’États européens ! Vous n’aurez pas de réaction européenne face à cet imperium américain sur l’internet s’il n’y a pas, ici et là, de réactions nationales fortes.
Aujourd’hui, monsieur le ministre, nous vous demandons solennellement d’envoyer ce signal. Pas question de reporter ni de retirer cet amendement. J’en avais moi-même déposé un, que malheureusement je n’ai pu présenter ce matin, en début de séance, qui visait à sanctionner la complicité de ceux qui ne collaborent pas avec la justice française dans le cadre de la lutte antiterroriste. M. Ciotti, lui, a opté pour la sanction financière, mais l’objectif est le même.
Nous pourrons rechercher avec vous les meilleurs moyens de parvenir à la finalité que nous voulons atteindre, mais il est absolument indispensable que la France envoie aujourd’hui, solennellement, le signal sans lequel nos procureurs et nos services de renseignements ne pourront avoir accès aux données dont disposent ces sociétés multinationales. Car ces sociétés, mes chers collègues, connaissent les adresses de ceux qui préparent des attentats contre notre pays. Il est insupportable d’accepter une telle situation !