Intervention de Barbara Pompili

Réunion du 23 janvier 2013 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBarbara Pompili, rapporteure :

Nous examinons aujourd'hui une proposition de résolution visant à modifier le Règlement de l'Assemblée nationale, que j'ai cosignée avec l'ensemble des membres du groupe écologiste.

Il s'agit de permettre aux groupes parlementaires de se doter d'une coprésidence paritaire. J'insiste bien sur chacun de ces termes, sur lesquels je vais revenir.

Cette nouvelle possibilité constituerait une innovation importante dans la gouvernance de notre régime représentatif et contribuerait au développement d'une pratique différente du pouvoir. Elle serait en phase avec les transformations profondes que connaît notre société, dans laquelle la personnalisation de l'exercice du pouvoir est en déclin face à des exigences croissantes de collégialité et de partage des responsabilités.

La proposition de résolution s'inscrit, en outre, dans une logique d'extension de l'application du principe de parité au plus grand nombre d'échelons de décision possible, qu'il s'agisse de la politique, de l'administration ou de la vie économique et sociale.

Ancien, le combat en faveur de l'amélioration de la représentation des femmes en politique est, en effet, toujours d'actualité. À ce titre, je me réjouis du volontarisme du Gouvernement sur cette question, qui a institué la parité en son sein et s'est doté d'un ministère des Droits des femmes.

Dans ce contexte, l'Assemblée nationale se doit de donner l'exemple dans son fonctionnement interne. Elle a l'occasion ici de montrer sa capacité d'innovation et de modernité.

D'abord, le texte tend à « permettre » – premier terme important – aux groupes parlementaires de se doter d'une coprésidence paritaire, non de le leur imposer.

La coprésidence serait donc une simple faculté, un droit supplémentaire offert aux groupes parlementaires, sur le fondement de la première phrase de l'article 51-1 de la Constitution, laquelle prévoit que « Le règlement de chaque assemblée détermine les droits des groupes parlementaires constitués en son sein ».

Aucun groupe ne serait tenu de mettre en oeuvre cette nouvelle possibilité. Cette proposition de résolution ne contraint donc personne et ne remet pas en cause la liberté d'organisation des groupes. Ceux-ci peuvent parfaitement continuer à être dirigés par un seul président ou – mais c'est plus rare ! – une seule présidente.

J'ajoute que cette modification du Règlement ne créerait aucune différence de situation entre les groupes, puisque ceux qui opteront pour la coprésidence n'obtiendront aucun droit supplémentaire par rapport à ceux qui ne compteraient qu'un seul président. Ainsi, les premiers n'auraient qu'un seul siège en Conférence des présidents et la coprésidence n'offrirait aucun temps de parole supplémentaire ni aucun « droit de tirage » de plus.

Deuxième terme important à définir : la coprésidence.

Pour les groupes qui feraient le choix de se doter d'une coprésidence, l'objectif premier serait de privilégier un fonctionnement plus collégial, fondé sur le partage des responsabilités.

C'est d'ailleurs le choix que le groupe écologiste a fait dès sa constitution, en juin 2012, en portant à sa tête M. François de Rugy et moi-même.

Mais, dans sa rédaction actuelle, le Règlement de notre assemblée ne connaît qu'un seul et unique président. La conséquence est double.

D'une part, le fonctionnement de cette coprésidence informelle n'est possible en pratique qu'en « bricolant », en marge du Règlement – ce qui n'est pas très satisfaisant et pourrait un jour être source d'incertitude juridique.

D'autre part, en droit strict, les groupes qui souhaitent être « codirigés » sont contraints de s'en remettre à un pis-aller : la présidence alternée. Ainsi, au plan juridique, seul M. François de Rugy a été président du groupe écologiste jusqu'au 14 janvier 2013, date à partir de laquelle je lui ai succédé.

Notre proposition de résolution permettrait donc de remédier à cette situation et, au-delà du seul groupe écologiste, de reconnaître une culture plus collective de l'exercice du pouvoir.

Concrètement, chacun des deux députés à la tête de cette coprésidence aurait les mêmes prérogatives que tout président de groupe. Dans l'amendement CL l, je vous proposerai d'ailleurs de les qualifier tous deux de « président », et non de « coprésident » comme le prévoit le texte initial – cela pour bien montrer qu'il ne s'agit aucunement de « demi-présidents ».

Surtout, le texte de la proposition de résolution organise une véritable solidarité entre les deux présidents, en affirmant qu'ils « sont réputés exercer conjointement les prérogatives attachées à la présidence de groupe ». En conséquence, chacun d'eux sera réputé agir avec l'accord de l'autre. Et cette présomption ne pourra être renversée.

Cette proposition de résolution ne crée donc ni insécurité juridique, ni « usine à gaz ». Je précise à cet égard que l'amendement CL 2 à l'article 2, qui peut sembler à première vue un peu complexe, est purement rédactionnel.

Une seule exception à ce principe de solidarité devrait, à mon sens, être réservée : celle qui touche à la composition même du groupe. C'est la raison pour laquelle je vous proposerai, dans l'amendement CL l, de prévoir que l'accord des deux présidents est expressément requis pour l'application de l'article 21 du Règlement qui régit les adhésions et les apparentements à un groupe et les radiations d'un groupe.

Pour l'exercice de toutes les autres prérogatives, la présomption – irréfragable – d'accord de l'autre président de groupe s'appliquerait. Je vous proposerai en effet, dans mon amendement, de supprimer les exceptions qui avaient été prévues pour tout ce qui concerne les commissions spéciales – article 31 du Règlement – et pour le « droit de tirage » visant à créer une commission d'enquête – article 141 alinéa 2. La suppression de ces deux références permettrait ainsi d'aller jusqu'au bout de la logique de la proposition de résolution.

Que se passerait-il alors en cas de désaccord entre les deux présidents d'un même groupe ?

De mon point de vue, ce désaccord ne pourrait être réglé que par la voie politique. Il n'appartient pas au Règlement de l'Assemblée nationale de s'immiscer dans le fonctionnement interne des groupes pour prétendre, à l'avance, faire face à d'éventuels différends. Si jamais un président faisait usage d'une prérogative attachée à la présidence de groupe en dépit de l'opposition de l'autre président, il va de soi que c'est le groupe lui-même qui serait amené à trancher le conflit.

À Berlin, dont je reviens, j'ai eu l'occasion de discuter avec les coprésidents du groupe écologiste du Bundestag : cette pratique, qui existe depuis très longtemps en son sein, n'a jamais posé aucun problème.

Troisième et dernier point : cette coprésidence serait paritaire.

La première préoccupation de cette proposition de résolution est de promouvoir un exercice partagé des responsabilités. La parité homme-femme est un objectif supplémentaire.

Le texte qui vous est proposé prévoit en effet que la coprésidence serait exercée « par une députée et un député ».

Certes, la représentation des femmes à l'Assemblée nationale a progressé lors des dernières élections législatives : notre assemblée compte aujourd'hui 152 femmes sur 577 députés, soit plus de 26 %, à comparer aux 107 femmes – soit 18,5 % – de la précédente législature.

Mais l'application effective de la parité passe également par un plus large accès des femmes à des postes de responsabilité.

Cette proposition de résolution participe donc d'une volonté plus générale, largement partagée par le Gouvernement et sa majorité, qui consiste à étendre la parité femme-homme au maximum d'échelons de décision possible.

En conclusion, permettre aux groupes d'être dirigés par un binôme constitué d'une femme et d'un homme constituerait à la fois une réalisation supplémentaire de l'objectif de parité en politique et une nouvelle avancée démocratique. Pour ces deux raisons, je vous demande d'adopter cette proposition de résolution, telle que modifiée par les deux amendements que je vous ai présentés.

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