Nous sommes très heureux de vous recevoir, madame Mangin. Vous êtes, depuis quelques mois, directrice de l'Europe continentale au ministère des affaires étrangères et du développement international. Nous allons consacrer cette audition, fermée à la presse, à deux sujets principaux : la situation en Ukraine et nos relations avec la Russie.
En Ukraine, la situation politique est très compliquée. Le président Porochenko ne dispose pas de la majorité requise à la Rada – 300 voix – pour faire voter la révision constitutionnelle qui doit donner un statut d'autonomie au Donbass. Il a de nouveau proposé d'organiser les élections locales avant que le statut d'autonomie soit accordé, mais les Russes ne sont, bien évidemment, pas d'accord. Par conséquent, le processus de Minsk apparaît bloqué. Les responsabilités en la matière sont sans doute partagées. Quelle est votre analyse à cet égard ? Où en sommes-nous réellement de la mise en oeuvre du processus de Minsk ? Comment le débloquer ?
D'autre part, la situation intérieure est très préoccupante. En 2015, le pays a subi une nouvelle année de récession – la croissance aurait chuté de 9 à 12 % selon les estimations – et la population souffre beaucoup. Les réformes patinent. En matière de lutte contre la corruption, point crucial pour l'avenir du pays, la Rada vote des textes, mais nous n'en voyons guère l'application concrète.
À cela s'ajoute la guerre économique avec la Russie. Kiev a coupé l'électricité à la Crimée et mis en place un embargo sur un certain nombre de biens à destination de la péninsule. En représailles, la Russie a suspendu certaines livraisons de gaz à l'Ukraine, et le système de préférences commerciales mutuelles a pris fin. Jusqu'où cela peut-il aller ? Les deux pays peuvent-ils trouver un terrain d'entente sur ces questions ?
En Russie aussi, la situation économique est très difficile, avec, dit-on, une récession de près de 4 % en 2015. Cependant, le consensus national sur la politique étrangère demeure apparemment assez solide. Cela va-t-il durer ?
Le débat au sein de l'Union européenne sur l'opportunité de lever ou non les sanctions à l'égard de la Russie s'amplifie. En décembre dernier, les vingt-huit ont décidé de les reconduire jusqu'au 31 juillet prochain, mais la discussion a été difficile. À votre avis, ces sanctions ont-elles un effet ? Sont-elles de nature à infléchir les décisions prises à Moscou ?
Dans ce contexte, la France conserve une relation bilatérale de bonne qualité avec la Russie. La question des bâtiments de projection et de commandement (BPC) Mistral a été résolue de manière très convenable. Plusieurs accords ont été signés. Les visites ministérielles reprennent. Le ministre de l'économie, notamment, s'est récemment rendu à Moscou. Selon vous, comment la relation bilatérale va-t-elle évoluer ? Mes collègues vous poseront probablement d'autres questions à ce sujet, ainsi que sur le rôle international de la Russie, notamment au Moyen-Orient.