Intervention de Pierre Lellouche

Réunion du 2 février 2016 à 17h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Lellouche :

Ensuite, on s'est effectivement mis à parler à M. Poutine, et il y a désormais un consensus sur l'idée qu'il faut avancer, d'autant que tout cela a un coût économique, dont M. Le Foll est bien conscient.

Or les Ukrainiens nous disent qu'ils réuniront peut-être la majorité de 300 voix dans six mois, et se sont donc donné six mois supplémentaires. Pour connaître l'Ukraine depuis une quinzaine d'années, je ne suis pas sûr que l'on puisse accorder beaucoup de crédit à ces promesses. Vous savez comment les députés ukrainiens sont élus. Qui paiera dans six mois ? Quel sera le vote ?

À vous écouter, j'ai l'impression que l'on fait traîner le processus en longueur. Pendant ce temps, les relations politiques et économiques avec la Russie sont paralysées, alors que les enjeux sont très importants, notamment en matière de coopération spatiale ou dans le secteur agricole, sans parler des navires de guerre. Je ne comprends pas très bien où nous en sommes : la dernière fois que le Président de la République s'est exprimé sur la question, cet été, il a indiqué que les nouvelles étaient bonnes, que les choses semblaient aller dans la bonne direction, que nous allions sortir de cette situation. Ensuite, la question des Mistral a été réglée – les relations étant bonnes, elle aurait d'ailleurs pu l'être autrement. Puis l'on est retombé dans une phase où rien n'avance : la fameuse « grande coalition » en Syrie, annoncée à l'ONU en septembre, n'a jamais vu le jour ; les initiatives françaises qui devaient amener à la formation d'une coalition après les événements du 13 novembre n'ont pas été suivies d'effet. Tout est au point mort, et je ne vois pas quel est le cap.

Certes, les décisions de cette nature ne se prennent pas au niveau du directeur de l'Europe continentale, mais, compte tenu de votre spécialité, que conseilleriez-vous à votre ministre du point de vue opérationnel ? Qu'est-ce qui vous garantit qu'il y aura un accord dans six mois et que, par conséquent, il est raisonnable de ne rien faire avec les Russes pendant cette période ? Compte tenu de ce que vous savez de la situation sur le terrain, plutôt que d'être otages des petits jeux politiciens internes à la Rada – dont je sais d'expérience qu'ils sont inextricables – et de perdre ainsi du temps, la solution raisonnable ne serait-elle pas d'engager un processus politique pour sortir de la crise avec la Russie, tout en poursuivant les discussions au niveau des experts, notamment au sein du groupe de travail présidé par l'ambassadeur Morel, et d'attendre que les Ukrainiens se mettent d'accord entre eux – ce qui, à mon avis, peut prendre un certain temps – tout en demandant aux Russes de ne pas trop s'en mêler, dans la mesure du possible ?

Bref, continuons-nous à nous faire balader de six mois en six mois ou bien changeons-nous de braquet et faisons-nous autre chose ? Telle est la question qui se pose.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion