En tant que rapporteur sur le projet de loi autorisant la ratification de l'accord d'association entre l'Union européenne et la Moldavie, je souhaite alerter la commission sur la situation dans ce pays, qui fait partie de la zone de compétence de la directrice de l'Europe continentale. Un quasi-coup d'État est en train de s'y produire, et le silence de l'Europe est, à mon avis, totalement scandaleux. M. Vladimir Filat, ancien premier ministre, avec lequel l'Union européenne a signé cet accord, a été emprisonné sous des prétextes assez bizarres, et ses conditions de détention sont hallucinantes : il n'a pas l'électricité, n'est autorisé à prendre qu'une seule douche par semaine… L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe s'en est émue la semaine dernière. L'honnêteté de M. Filat est sans doute comparable à celles des autres acteurs politiques locaux, mais nous devrions au moins intervenir à propos de ses conditions de détention, qui sont d'un niveau rarement atteint, même dans les pays les moins recommandables.
Certes, la France ne cautionne rien de ce qui se passe actuellement en Moldavie, mais, sur place, c'est l'ambassadeur des États-Unis qui parle, et l'ambassadeur finlandais qui exerce la présidence locale de l'Union européenne. Nous donnons l'impression d'être totalement à la remorque. J'ai rencontré toutes les personnes qui comptent à Chisinau avec notre ambassadeur ce week-end, et je sais que vous êtes parfaitement informée de la situation, madame la directrice. Si nous ne faisons rien, nous allons avoir affaire à un cas unique : un pays ayant conclu un accord d'association avec l'Union européenne va être pris en main par un seul oligarque. Ou alors, deuxième hypothèse, il va y avoir une sorte de coup d'État dans les quinze jours, qui risque d'avoir des conséquences graves, y compris physiques, pour certaines personnes.
Je ne suis pas d'accord avec mes collèges : j'ai trouvé votre exposé équilibré, madame la directrice. J'aurais d'ailleurs aimé entendre plus souvent des propos aussi équilibrés de la part de nos ministres, car les propos publics sont largement défavorables à la Russie – ce n'est un secret pour personne. Pourtant, j'ai présidé plusieurs groupes d'amitié, dont celui avec l'Ukraine pendant cinq ans, notamment au moment de la révolution Orange, et je n'ai jamais vu plus voyous que les députés ukrainiens – même les députés moldaves n'atteignent pas ce niveau.
Je reprends vos propos, madame la directrice : incapacité des Ukrainiens à faire des pas en avant ; paralysie de l'exécutif ukrainien. Je partage l'avis de Pierre Lellouche : qu'est-ce qui nous garantit que les Ukrainiens seront moins paralysés dans six moins ? Vous connaissez le dossier mieux que moi, et vous savez très bien que ce sera pire ! Actuellement, les désaccords entre le président Porochenko et le premier ministre Iatseniouk sont légion, et on se demande qui va remplacer ce dernier : un Suédois ? M. Saakachvili ? La situation est hallucinante !
Pour résumer, les Ukrainiens sont responsables du blocage institutionnel, et la partie pro-russe de la majorité des violations du cessez-le-feu. Mais, là aussi, la situation est hallucinante : ceux qui bloquent le processus ne se voient appliquer aucune sanction, alors que ceux qui ne le bloquent pas en subissent.
Lors de sa visite à Moscou il y a dix jours, M. Macron s'est exprimé très clairement en faveur d'une levée des sanctions. Je vous interroge à mon tour, madame la directrice : qu'allons-nous faire au mois de juillet ? La France va-t-elle faire preuve d'indépendance ou bien va-t-elle suivre une fois de plus les Polonais, les Baltes, etc. ?