Intervention de Olivier Dussopt

Séance en hémicycle du 9 mars 2016 à 15h00
Droit individuel à la formation pour les élus locaux — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Dussopt, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, la commission des lois a procédé à une adoption conforme du texte voté par nos collègues du Sénat le 3 février dernier. Nous partageons l’objectif que vient de rappeler Mme la secrétaire d’État : sécuriser les dispositions relatives au droit individuel à la formation et permettre leur entrée en vigueur, mais aussi sécuriser le versement d’indemnités aux élus responsables de syndicats de communes – lorsqu’il s’agit de syndicats dont le périmètre est inférieur à celui d’un EPCI à fiscalité propre – ou de syndicats mixtes ouverts.

Le texte a donc pour objet, en premier lieu, de compléter la loi du 31 mars 2015 visant à faciliter l’exercice, par les élus locaux, de leur mandat. Cette loi importante fut proposée par nos collègues de Sénat, mais directement inspirée du rapport de nos collègues députés Philippe Doucet et Philippe Gosselin. Elle a permis plusieurs avancées. La charte de l’élu local, la clarification des règles relatives à l’accès au congé tant pour l’exercice de fonctions électives qu’à l’occasion de campagnes électorales, la validation des acquis de l’expérience, ou encore le droit à la suspension du contrat de travail, sont autant de points qu’il faut souligner.

Il en va de même de l’accès à la formation, non seulement par la valorisation des acquis de l’expérience mais aussi par le droit individuel à la formation, avec, comme le prévoyait la loi de mars 2015, un DIF à hauteur de vingt heures par an et par élu, renouvelable et utilisable soit pour améliorer les compétences en matière d’exercice du mandat local, soit pour préparer un reclassement ou une reconversion professionnelle.

Il était prévu que ce DIF soit financé par une cotisation assise sur les indemnités des élus, fixée à 1 % et gérée par un organisme collecteur. La loi de mars 2015 renvoyait le choix de l’organisme collecteur et des modalités de la contribution à un décret en Conseil d’État. Ce décret, pourtant annoncé pour septembre 2015, n’ayant pas été publié par le pouvoir réglementaire, nos collègues du Sénat, et en l’occurrence Jean-Pierre Sueur, ont pris l’initiative de déposer le présent texte afin que ce droit, dont on prévoyait qu’il puisse être exercé dès le 1er janvier 2016, entre rapidement en vigueur.

Ainsi, les articles 1er et 2 de cette proposition de loi désignent la Caisse des dépôts et consignations comme organisme collecteur de la cotisation pour le droit individuel à la formation et précisent les modalités de ladite cotisation, tout comme on avait désigné la Caisse des dépôts comme organisme collecteur en matière d’allocation différentielle de fin de mandat.

Par ailleurs, si la loi de mars 2015 comporte plusieurs avancées en matière de sécurisation de l’exercice du mandat des élus locaux et de reconnaissance de leur formation et de leur expérience, elle ne saurait en aucun cas représenter l’aboutissement du travail que nous avons à mener en matière de statut de l’élu local. Il faut le rappeler sans cesse, l’exercice de mandats locaux et de fonctions locales ne permet ni d’accéder à une protection sociale digne de ce nom ni de bénéficier d’une réelle allocation de retour à l’emploi, et encore moins de percevoir à la fin de sa carrière une indemnité de retraite, comme cela peut être le cas dans d’autres activités. Beaucoup de travail reste à faire pour ouvrir l’exercice des mandats locaux à des candidats et des élus issus de toutes les couches de la société et pour faciliter ainsi le renouvellement que beaucoup de concitoyens et nous-mêmes appelons de nos voeux.

Le deuxième objectif poursuivi par le texte est la sécurisation du versement des indemnités que les syndicats de communes dont le périmètre est inférieur à celui d’un EPCI à fiscalité propre ou les syndicats mixtes ouverts sont en droit de verser aux élus locaux.

L’article 42 de la loi NOTRe visait à supprimer la possibilité de verser ces indemnités uniquement dans le cas des syndicats de communes dont le périmètre est inférieur à celui d’un EPCI à fiscalité propre, et ce à partir du 1erjanvier 2017, c’est-à-dire dans le cadre de l’application des nouveaux schémas départementaux de coopération intercommunale, afin d’accompagner le mouvement de rationalisation du nombre de syndicats intercommunaux. Cependant, un sous-amendement présenté en séance par le Gouvernement lors de l’examen de cette loi a conduit à un défaut de coordination dont la conséquence est, d’une part, l’application de ces dispositions dès le 9 août 2015, date d’entrée en vigueur de la loi, d’autre part, leur extension aux syndicats mixtes ouverts pouvant regrouper des régions, des départements, des intercommunalités et des communes.

Conscients de ces difficultés, le Gouvernement a demandé que les indemnités concernées continuent d’être versées en attendant une correction législative. Il a effectué une première tentative à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances rectificative, mais, comme l’a indiqué Mme la secrétaire d’État, l’article ainsi introduit par amendement gouvernemental a fait l’objet d’une censure du Conseil constitutionnel, qui l’a considéré comme un « cavalier ». Avec cette proposition de loi issue du Sénat, le véhicule législatif semble largement mieux adapté. Lors de l’examen en séance publique au Sénat, le Gouvernement a donc déposé un amendement visant à permettre le versement des indemnités dans les syndicats concernés, non pas jusqu’au 1er janvier 2017 comme le proposait initialement la loi NOTRe, mais jusqu’au 1er janvier 2020, date limite du transfert obligatoire des communes vers les intercommunalités de l’exercice des compétences en matière d’eau et d’assainissement. C’est en effet dans ce domaine que de très nombreux syndicats de communes, notamment les syndicats de petite taille, exercent leurs compétences. Il est donc cohérent que l’extinction de la possibilité de verser des indemnités coïncide avec le transfert total vers les intercommunalités.

Pour ces deux raisons – sécurisation et effectivité du droit individuel à la formation des élus locaux, sécurisation du versement des indemnités des élus qui administrent des syndicats de communes de petite taille –, la commission des lois a fait le choix d’une adoption conforme, afin que ces dispositions entrent en vigueur le plus rapidement possible.

Je fais miens les propos de Mme la secrétaire d’État au sujet des amendements déposés en commission et pour le débat en séance publique. La commission en a repoussé certains soit pour des raisons de fond, soit, précisément, pour préserver la possibilité d’une adoption conforme. Il s’agit en particulier des amendements qui visent à modifier les dispositions de la loi du 31 mars 2015 fixant le montant des indemnités dans les communes de moins de 1 000 habitants – nous y reviendrons –, et, plus encore, des amendements qui portent sur les dates de mise en oeuvre des nouveaux schémas départementaux de coopération intercommunale ou qui tendent à supprimer les conseils économiques et sociaux régionaux.

Chacun de ces débats pourrait nous occuper de longues heures. Chacun a une pertinence, voire une opportunité. Mais l’adoption de ces amendements interdirait un vote conforme et laisserait perdurer une situation d’insécurité juridique en matière de droit individuel à la formation et de versement des indemnités.

Voilà pourquoi, vous n’en serez pas surpris, la commission des lois, réunie en application de l’article 88 du règlement, a repoussé l’ensemble des amendements déposés en vue de l’examen en séance publique. J’aurai l’occasion de le rappeler au cours de la discussion : nous souhaitons que ce texte soit voté conforme et entre en vigueur très rapidement.

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