La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
M. le président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, nous a annoncé hier qu’il assisterait aux obsèques de notre collègue députée de la première circonscription de Corrèze. C’est à ce titre que je préside cette séance.
Nous aurons tous au cours de ces questions au Gouvernement une pensée amicale, respectueuse et tendre pour Sophie Dessus et sa famille.
Applaudissements sur tous les bancs.
Je suis heureux de souhaiter, en votre nom, la bienvenue à une délégation du groupe d’amitié Kenya-France de l’Assemblée nationale de la République du Kenya conduite par Mme la vice-présidente de l’Assemblée nationale de la République du Kenya, Mme Joyce Laboso.
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.
Je suis également heureux de souhaiter, en votre nom, la bienvenue à une délégation du groupe d’amitié Roumanie-France de la Chambre des députés de la Roumanie.
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.
La parole est à M. Patrice Carvalho, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le Premier ministre, au moment où je m’adresse à vous, des milliers de jeunes et de salariés manifestent dans les rues de nos villes contre votre projet de démantèlement des droits du travail ; et ce mouvement n’en est qu’à ses débuts.
Vous leur opposez une méconnaissance du texte. Cet argument méprisant avait déjà été utilisé en 2006 pour le contrat première embauche – CPE. Vous connaissez la suite !
Votre projet serait moderne, nous dites-vous. La précarisation des carrières et des vies n’est sûrement pas un gage de modernité ! Dans notre histoire, c’est la conquête de droits nouveaux pour les salariés qui a permis le développement et la prospérité. Le contraire nourrit la récession, en même temps que la désespérance.
Votre projet, en détricotant le code du travail, faciliterait les embauches. Soyons sérieux ! Demain, un employeur pourra allonger la durée du temps de travail et sous-payer à 10 % les heures supplémentaires, ce qui est un encouragement aux bas salaires. Dans ces conditions, pourquoi voulez-vous qu’il crée de nouveaux emplois ?
Avec votre définition du licenciement économique, qui sera rendu plus aisé avec ce dispositif, les salariés de Continental, dans ma circonscription, auraient vu leur entreprise fermer encore plus rapidement. Et la justice prud’homale, qui a jugé que les licenciements avaient été « sans cause réelle et sérieuse », aurait donné raison à la multinationale. Les salariés n’auraient touché aucune indemnité, même dans la version allégée du texte que vous proposez. Pire, ils auraient été déboutés et condamnés à verser des dommages et intérêts à ceux qui les ont jetés comme des kleenex !
Après le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi et le pacte de responsabilité, votre projet, c’est du pâté d’alouette ! Un cheval pour le MEDEF, une alouette pour les salariés !
Pas un seul emploi n’en sortira, et la croissance ne reviendra pas sur fond d’appauvrissement. Retirez votre texte, monsieur le Premier ministre !
Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Monsieur le député, le texte que vous évoquez est un avant-projet de loi, qui n’a pas encore été présenté en Conseil des ministres. Et c’est bien parce que nous sommes dans un esprit de dialogue, notamment avec l’ensemble des organisations syndicales, que nous avons souhaité attendre quinze jours supplémentaires avant de le présenter, de manière à lui apporter des améliorations. L’avant-projet de loi sera présenté en Conseil des ministres le 24 mars prochain.
Il y a entre nous une divergence de fond, que je souhaiterais relever. Nous avons conçu cet avant-projet de loi comme un acte de confiance dans la négociation collective, qui est aussi un acte de confiance en direction des syndicats.
Nous considérons en effet que si le code du travail a tant grossi au fil des années, c’est qu’il y a eu des dérogations, bien souvent demandées par les organisations patronales, afin de couvrir toutes les situations, et que ce système est aujourd’hui arrivé à bout de souffle. Et si nous souhaitons décentraliser la négociation à l’échelon de l’entreprise, c’est précisément pour redynamiser le dialogue social dans notre pays, en développant de nouvelles formes de régulation.
C’est pour cela qu’il y a, je le répète, une divergence de fond entre nous. Ce texte de loi possède une cohérence, il porte une philosophie. Aujourd’hui, vous pouvez moduler le temps de travail avec un accord à 30 % ; demain, vous pourrez moduler le temps de travail avec un accord à 50 %.
Il faut respecter la hiérarchie des normes : c’est une conquête du Front populaire !
Cette confiance envers les organisations syndicales, en effet, elle n’est pas partagée : certains sont pour le contournement des organisations syndicales, certains sont pour la fin du monopole syndical. Ce n’est pas notre conception : dans ce texte, nous augmentons de 20 % les moyens des organisations syndicales.
« Non ! » sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Voilà quelle est la philosophie de notre projet. Je pense qu’aujourd’hui, notre pays est mûr pour un tel cadre et je crois qu’il est essentiel, notamment sur les questions relatives au temps de travail, d’avancer.
Mais bien sûr que nous écoutons le peuple ! Bien sûr que nous écoutons les organisations syndicales ! Et c’est précisément la raison des améliorations que nous souhaitons porter.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Jacques Moignard, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, les deux dernières décennies ont favorisé et consolidé le développement des structures intercommunales, par l’adoption de plusieurs lois, notamment celle du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République. Dans la continuité de ces textes, la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République – dite loi NOTRe – amorce une nouvelle étape de l’intercommunalité.
À cet effet, la loi introduit de nouvelles dispositions. Elle procède d’abord au relèvement des seuils de constitution des EPCI à fiscalité propre, et à l’octroi à leur bénéfice de nouvelles compétences. Elle prévoit ensuite l’adoption ou la révision, avant le 31 mars 2016, des schémas départementaux de coopération intercommunale – que nous connaissons sous le sigle SDCI. Avec la consultation des commissions départementales de coopération intercommunale, le mois de mars s’annonce décisif pour l’avenir de nos intercommunalités. Nous y sommes !
Aussi, monsieur le ministre, à quelques jours de l’adoption ou de la révision des schémas départementaux de coopération intercommunale, tel un placomusophile disposant ses pièces, quelles garanties pouvez-vous apporter en matière de fusion de communautés de communes ? Quelles réponses pouvez-vous donner à l’inquiétude portant sur les conséquences de la fusion de communautés de communes, notamment en matière de compétences ? En quoi ces nouvelles intercommunalités seront-elles plus aptes à répondre aux défis de la société moderne et aux nouvelles attentes des citoyens, auxquelles les communes isolées peuvent de plus en plus difficilement faire face ?
Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
La parole est à M. le ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales.
Monsieur le député, la France, vous le savez, compte 36 000 communes, c’est-à-dire autant que le reste de l’Europe.
C’est une force. Nous en sommes fiers, et nous sommes attachés à l’existence des communes, car elles sont la légitimité et le creuset de la démocratie locale.
Il faut leur donner les moyens d’exister, de se développer et de fonctionner.
Pour ce faire, les différents gouvernements de la France mènent, depuis vingt-cinq ans déjà, un vaste mouvement d’intercommunalité. Aujourd’hui, avec la loi NOTRe, nous franchissons une nouvelle étape, avec les schémas départementaux de coopération intercommunale, qui permettent de revoir les périmètres des intercommunalités, pour les rendre plus puissantes, plus pertinentes par rapport aux bassins de vie et plus efficaces – ce qui est une nécessité absolue.
Les préfets ont donc pour instruction de clôturer avant la fin du mois ces schémas départementaux. J’ai organisé, au sein de mon ministère, un comité de suivi, et je constate que la plupart des schémas sont adoptés à une large majorité.
Nous avons donné instruction aux préfets de se montrer compréhensifs envers les quelques difficultés qui peuvent subsister, et nous continuerons à faire en sorte que les compétences soient appliquées dans les meilleures conditions, qu’il s’agisse des compétences obligatoires, pour lesquelles il y aura des possibilités de conventionnement, ou des compétences facultatives, pour lesquelles les délais seront un peu allongés, afin que les choses se mettent en place dans les meilleures conditions.
Voilà, monsieur le député, ce que nous sommes en train de faire. Cela se passe dans de bonnes conditions. Je suis sûr que pour les élus et pour les communes, cela sera profitable très rapidement.
Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le Premier ministre, au terme d’une mission d’information sur la mise en oeuvre, par l’Union européenne, du dispositif SOPHIA contre l’activité des réseaux de traite des êtres humains à partir des côtes libyennes vers l’Europe, je souhaite appeler votre attention sur le caractère singulier pris par cette opération à laquelle la France participe.
Le dispositif SOPHIA mobilise, depuis juillet 2015, des moyens militaires, maritimes et aériens de plusieurs États européens. Il a pour mission d’intercepter, dans sa phase actuelle, hors des eaux territoriales libyennes, les embarcations utilisées par les organisations criminelles qui exportent vers l’Europe des migrants illégaux originaires des États subsahariens.
Si l’on ne déplore plus de pertes de vies humaines en mer, c’est parce que les trafiquants conduisent leurs embarcations surchargées de migrants à la limite des eaux territoriales libyennes, après avoir épuisé leur carburant. À ce moment-là, ils déclenchent, par téléphone satellite, l’intervention des secours en mer, c’est-à-dire celle des navires de l’opération SOPHIA, lesquels prennent en charge les migrants.
Les trafiquants n’ont plus qu’à empocher leur bénéfice : 400 000 euros pour un bateau de pêche, et près de 100 000 euros pour un canot pneumatique. L’Union européenne tend donc à se muer en associé d’un trafic de migrants clandestins, pour le plus grand bénéfice des organisateurs de ce trafic.
Les responsables de l’opération SOPHIA estiment que le nombre de migrants qui attendent en Libye est compris entre 500 000 et 1 million. Selon les mêmes sources, le chiffre d’affaires du trafic de migrants s’élève annuellement à 4,5 milliards d’euros. Une telle manne ne peut laisser Daech indifférent, alors qu’il étend son emprise sur la côte libyenne concernée par ce trafic.
Monsieur le Premier ministre, qu’entend faire votre gouvernement pour redonner du sens à l’intervention européenne avant que le trafic de migrants illégaux reprenne avec la fin de l’hiver, et avant que Daech en prenne le contrôle – et les profits ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le député, vous vous préoccupez, avec raison, des trafics en Méditerranée.
En 2015, plus de 153 000 migrants sont arrivés sur les côtes italiennes, et 90 % d’entre eux provenaient de Libye. Compte tenu de ce constat, l’Union européenne a décidé – vous l’avez rappelé – en avril 2015 de déclencher rapidement l’opération EUNAVFOR MED, appelée SOPHIA. Cette opération vise à empêcher les trafics d’êtres humains depuis la Libye. C’est d’autant plus nécessaire aujourd’hui car depuis lors, Daech a pris le contrôle d’une partie du territoire libyen.
Cette opération comporte trois phases. La première consiste en la collection et la fusion de renseignements : la France, comme vous le savez, y contribue. Nous sommes à présent entrés dans la deuxième phase, qui consiste en l’arraisonnement et la fouille de navires en haute mer. Mais tout cela sera dénué de sens si nous ne passons pas rapidement à la troisième phase : l’interpellation, à la fois dans les eaux territoriales, mais aussi sur le littoral libyen. La France y contribue par des moyens aériens et par la mise à disposition d’une frégate.
Mais il nous faut, au préalable, la garantie du droit international ; pour cela, nous devons être sollicités soit par le gouvernement libyen…
…soit par le Conseil de sécurité des Nations unies. C’est pourquoi nous soutenons le processus politique en cours en Libye – ce sujet a encore été évoqué hier soir à Venise lors de la rencontre entre le président du Conseil Matteo Renzi et le Président de la République François Hollande – afin qu’un gouvernement d’union nationale soit formé le plus vite possible. Alors nous pourrons passer très rapidement à la troisième phase, ce que vous souhaitez.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Laurent Grandguillaume, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adresse à Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Après deux années de combats pour dépasser tous les conservatismes et parfois même une certaine forme de glaciation, la loi d’expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée, que j’ai portée avec bon nombre d’entre vous, a été enfin promulguée le 1er mars, après avoir été adoptée à l’unanimité de notre assemblée et par le Sénat.
Je tiens à saluer l’investissement de tous mes collègues, sur tous les bancs, quels qu’ils soient, pour défendre cette belle idée, née dans la société civile avec ATD Quart Monde, puis avec le soutien d’Emmaüs France, du Secours catholique, du Pacte civique, de la FNARS et de Bleu Blanc Zèbre. La société civile a inspiré la loi, elle a soutenu son idée dans les débats, elle sera encore mobilisée demain avec la création d’un comité destiné à en suivre l’application, que nous lancerons fin mars.
Comme quoi, il est possible, parfois, de sortir des clivages, sans aboutir à la confusion – qui en est le principal antonyme –, en portant tout simplement des utopies réalistes, des communs qui rassemblent plus qu’ils ne différencient.
L’objectif est d’expérimenter pendant cinq ans, dans dix territoires différents – urbains, périurbains ou ruraux –, l’idée selon laquelle on peut créer des emplois durables, en CDI, dans l’économie sociale et solidaire, pour répondre à de nouveaux besoins, grâce aux économies réalisées dans les coûts du chômage de longue durée par le fait que les personnes sortent de cette situation. Dans nos territoires, on ne manque pas de travail mais on manque d’emplois ! Et on n’a pas tout essayé pour combattre ce chômage de longue durée. Faisons confiance aux territoires pour fédérer les énergies et tester de nouvelles solutions en raisonnant sur les coûts évités pour la société par des actions positives.
Aussi, afin de mettre en oeuvre rapidement cette loi et compte tenu de l’urgence sociale, madame la ministre, comment comptez-vous mettre en place le fonds national qui sera chargé de financer les expérimentations, et à partir de quand pourrons-nous mettre en oeuvre les premières expérimentations ?
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Monsieur le député Laurent Grandguillaume, vous soulignez avec raison l’urgence de la situation des demandeurs d’emploi de longue durée et les espoirs créés par l’association ATD Quart Monde, dont je salue également l’efficacité de l’action au plus près du terrain.
Je tiens ici à saluer la qualité des débats et la capacité qu’a su manifester le Parlement pour se rassembler et adopter ce texte à l’unanimité. Nous sommes donc dès à présent dans une nouvelle phase, celle de la mise en oeuvre de cette expérimentation qui entrera en vigueur le 1er juillet prochain. Voici donc quelques éléments concrets de calendrier, pour bien vous répondre.
Vous le savez, un décret en Conseil d’État doit fixer les modalités de fonctionnement de l’expérimentation. Il intégrera également la question – qui a fait l’objet de débats – de l’évaluation de cette expérimentation. Ce décret est actuellement en cours de rédaction, et fera bien sûr l’objet des concertations et des consultations nécessaires. Il sera publié au plus tard au mois de juin.
De plus, l’association qui devra gérer le fonds sera rapidement créée, dès le mois d’avril, avant même la publication du décret. Sa première décision sera d’élaborer le cahier des charges de l’appel à projets, pour que le processus de sélection des territoires puisse s’engager dans les meilleurs délais.
J’ai eu l’occasion de le souligner lors des débats parlementaires, la désignation des territoires – et je le dis devant tous les députés, puisque je sais qu’il y a beaucoup de demandes qui émergent sur les territoires – sera conduite avec équité, je m’y engage.
Pour suivre cette démarche se tiendra dans les quinze prochains jours un comité de pilotage, qui permettra d’articuler efficacement les travaux des différents acteurs qui mettent en place l’expérimentation et garantira un suivi des différentes étapes.
Je souhaite donc que cette expérimentation soit rapidement mise en place, et que vous puissiez constater, mesdames et messieurs les députés, le résultat de votre belle unanimité.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à Mme Luce Pane, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, mes chers collègues, au nom de notre groupe, je souhaite délivrer un message d’amitié au peuple tunisien, victime de la barbarie terroriste avant-hier.
Applaudissements sur tous les bancs.
L’attaque perpétrée à Ben Guerdane est une nouvelle abomination. Douze membres des forces de l’ordre et sept civils ont été touchés par les djihadistes dans une ville qui se trouve tout près de la frontière libyenne. Près d’un an après l’attentat du musée du Bardo, la France est comme toujours aux côtés du peuple tunisien, touché par une nouvelle épreuve redoutable.
Monsieur le ministre de la défense, la lutte contre Daech se poursuit. La France est engagée avec ses alliés en Syrie et en Irak pour repousser l’offensive djihadiste qui tente d’imposer son joug aux peuples de ces deux pays. Mais Daech cherche de nouveaux points d’appui, notamment en Afrique. La Libye et l’Afrique de l’Ouest sont des terrains sur lesquels Daech tente de s’implanter pour semer le chaos. L’attaque de Ben Guerdane participe de cette stratégie funeste.
Pour Daech, la Tunisie est un symbole à abattre : le symbole d’une nation qui a refusé la tyrannie lors de la Révolution de jasmin et qui, depuis, souhaite tracer son chemin démocratique en tournant le dos à l’obscurantisme sous toutes ses formes. Oui, la Tunisie est une cible et a besoin de notre soutien. Aider la Tunisie, c’est nous aider nous-mêmes.
Pour toutes ces raisons, le Président de la République a annoncé, au mois de janvier, un plan de soutien de 1 milliard d’euros pour venir en aide à ce peuple ami. Nous allons intensifier notre soutien à la Tunisie sur la sécurité, bien sûr, mais aussi en matière de développement économique, de tourisme ou encore d’éducation.
Monsieur le ministre de la défense, que pouvez-vous nous dire des projets de coopération militaire entre la France et la Tunisie au cours des prochains mois ?
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la députée Luce Pane, il faut soutenir le peuple tunisien et les autorités tunisiennes : je le dis après les incidents et les combats de Ben Guerdane ; je le dis aussi parce que, ce matin encore – peut-être ne le savez-vous pas –, d’autres accrochages ont eu lieu entre Daech et les forces tunisiennes. Ce n’est pas un hasard : comme vous l’avez souligné, ce pays est le symbole de ce que combat farouchement Daech, le symbole de la démocratie. Aussi je souhaite vraiment que nous soutenions avec beaucoup de force les autorités tunisiennes en ce moment.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste et sur quelques bancs du groupe Les Républicains.
Nous avons engagé, avec les autorités tunisiennes, une coopération importante. Plus de 20 millions d’euros ont été affectés à la modernisation des forces tunisiennes, et la coopération concerne aussi les domaines du renseignement, de la formation des unités spéciales destinées à agir contre le terrorisme. Ce sont ces unités qui ont agi avec efficacité, mais aussi beaucoup de courage et de sacrifice, lors des violences qui ont eu lieu il y a deux jours et ce matin encore.
Nous poursuivrons cet effort, comme nous le poursuivons ailleurs. Il faut combattre Daech partout et le détruire : c’est ce que nous faisons au Levant, avec 550 frappes depuis le mois de novembre dernier ; c’est aussi ce que nous faisons en appuyant les initiatives des Nations unies pour avoir, en Libye, une autorité légitime qui nous permettrait d’y continuer le combat contre Daech, et de protéger ainsi la Tunisie.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le garde des sceaux, nous assistons en France, depuis quelques semaines, dans les cours d’appel comme dans les tribunaux de grande instance, à de profonds mouvements de grève et de protestation.
Ils ont pour cause le manque de moyens de nos juridictions. On constate, au siège comme au parquet, que des postes ne sont pas pourvus et que les délais sont trop longs, notamment pour le paiement des frais d’expertise. D’ailleurs, vous avez vous-même pointé ces retards et ces manquements dans le rapport annuel de performances qui a été communiqué à la commission des finances.
Nous avons, dans ce même rapport, constaté une dégradation très sensible des indicateurs. Par exemple, les délais d’audiencement augmentent, ce qui retarde les procédures, tout comme les délais de jugement, ce qui retarde l’issue des procédures concernées. On peut également constater des difficultés très importantes dans les délais et dans les rythmes d’exécution des peines.
Comment expliquer une telle situation ? Cela tient évidemment à l’écart considérable entre les annonces faites dans le cadre de la loi de finances initiale et les résultats constatés en fin d’année.
À titre d’exemple, monsieur le garde des sceaux, nous comptons en 2015 quarante-cinq magistrats de moins qu’en 2012, et autant de greffiers qu’en 2009, alors que l’augmentation des postes dans le domaine de la pénitentiaire s’est quasiment tarie. On peut également noter que nos investissements sont en baisse de 22 %.
Dans ces conditions, monsieur le garde des sceaux, ma question est simple : comment imaginez-vous honorer en un an les engagements nos 52 et 53 du Président de la République, qui visaient à donner des moyens importants à la justice afin de la moderniser et d’en faire une institution solide au service de la République ? Comment allez-vous, monsieur le garde des sceaux, rattraper en un an ce qui n’a pas été fait en quatre ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ainsi que sur certains bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le député, cher Étienne Blanc, je crois comprendre que d’une certaine façon il s’agit, puisque vous avez annoncé votre démission, de votre dernière intervention dans l’hémicycle. Comme vous allez quitter ces bancs, je veux saluer le travail que vous avez effectué depuis 2002, notamment dans le cadre du budget de la justice, que vous connaissez bien puisque vous en avez été le rapporteur spécial.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants, ainsi que sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Cela étant dit, monsieur le député, vous posez des questions donc vous connaissez les réponses : bien sûr qu’il y a moins de magistrats aujourd’hui qu’il n’y en avait en 2012, mais c’est parce que la majorité à laquelle vous apparteniez a supprimé des postes ! Ce n’est pas moi qui le dit : vous-même, année après année, l’avez constaté dans vos rapports spéciaux.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le député, cela figure dans votre dernier rapport spécial, que j’ai consulté il y a dix minutes : 104 postes de magistrats ont été supprimés entre 2007 et 2012.
Je n’ai pas, en ce qui me concerne, pour habitude de rejeter sur les autres la responsabilité de mes actes.
Je vais donc vous dire ce que nous faisons depuis 2012, et que vous connaissez fort bien car vous l’avez noté dans votre rapport spécial. Nous avons créé 1 582 postes de magistrats.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La promotion qui va intégrer l’École nationale de la magistrature en 2016 va former 373 magistrats. Je crois savoir qu’un dirigeant de l’opposition propose qu’il y ait demain encore moins de fonctionnaires. Eh bien, monsieur le député, ce ne sera pas le cas avec cette majorité. En effet, la justice fait partie des domaines prioritaires.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Vous parlez des greffiers ; nous avons créé 700 postes en trois ans. Vous parlez des surveillants de prison ; je vous invite à m’accompagner, à la fin du mois d’avril, à l’École nationale de l’administration pénitentiaire d’Agen afin de saluer la promotion de surveillants de prison, qui compte 868 personnes.
Voilà ce que nous allons faire, monsieur le député : réparer ce que vous avez un peu abîmé.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, ainsi que sur certains bancs du groupe écologiste.
Je profite de l’occasion qui m’est donnée de saluer M. Jacques Moignard, qui s’est exprimé tout à l’heure, et dont c’était également la dernière participation aux travaux de notre assemblée.
Applaudissements sur tous les bancs.
La parole est à Mme Anne-Christine Lang, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République porte de grandes ambitions pour l’école, dont celle, essentielle à nos yeux, de réduire drastiquement les inégalités qui entravent encore très massivement la réussite scolaire des enfants issus de milieux défavorisés.
Car oui, il faut le marteler ici, notre pays ne donne pas les mêmes chances de réussite à tous ses élèves et les inégalités sociales se transforment presque toujours en inégalités scolaires.
C’est tout le sens de la réforme des rythmes éducatifs, qui a été conçue d’abord et avant tout pour lutter contre l’échec scolaire des plus pauvres, qui fait honte à notre pays.
En effet, cette réforme des rythmes est d’abord une réforme du temps scolaire dont l’objectif est de permettre à tous les enfants de mieux apprendre en concentrant les apprentissages sur cinq demi-journées consécutives, c’est-à-dire au moment où les élèves sont les plus attentifs.
Sa mise en place a nécessité la mobilisation de tous : des équipes d’enseignants, des associations, des familles et des collectivités. Aujourd’hui, 80 000 projets éducatifs de territoires – les PEDT – ont été signés. Dès l’année scolaire 2013-2014, l’État a accompagné la mise en oeuvre des nouveaux rythmes par la création du Fonds d’amorçage de la réforme des rythmes scolaires, le FARRS. À l’automne 2014, vous avez fait adopter la pérennisation de l’aide de l’État à travers le Fonds de soutien aux communes pour le développement des activités périscolaires.
Dimanche dernier, conformément aux engagements pris par le Premier ministre lors du 97e congrès de l’Association des maires de France, l’AMF, vous avez publié deux décrets qui permettent de pérenniser le niveau des aides du fonds de soutien aux communes éligibles à la dotation de solidarité rurale cible, la DSR cible, ou à la dotation de solidarité urbaine cible, la DSU cible. Cela représente 90 euros par enfant et par an au lieu de 50 euros, et cette aide sera maintenue pendant trois ans.
De nombreuses communes s’inquiétaient – légitimement – de la pérennisation de cette aide. La publication de ces décrets est donc une très bonne nouvelle pour elles : elles réclamaient en effet, et à juste titre, une visibilité financière sur plusieurs années.
Pouvez-vous, madame la ministre, nous donner les détails du versement de ces aides et préciser les communes auxquelles elles seront destinées ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Madame la députée, la réforme des rythmes scolaires restera comme l’une des grandes réformes de ce quinquennat.
Rires et exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Certes, sa mise en place a engendré, au début, un certain nombre de difficultés, mais la réalité – mes nombreux déplacements sur le terrain ces derniers jours ont achevé de m’en convaincre – est qu’il s’agit de l’une de nos grandes réformes, et ce pour deux raisons au moins, que vous avez rappelées.
La première est qu’avec une matinée supplémentaire consacrée aux apprentissages, ceux-ci se déroulent mieux pour les enfants, et l’on en voit les effets sur leurs résultats scolaires.
La deuxième tient dans l’offre périscolaire de très nombreuses activités de loisir, culturelles et sportives, qui est désormais accessible à tous les enfants, quelle que soit leur condition sociale.
Lorsque nous avons mis en place cette réforme, les mairies nous ont, à juste titre, dit que la mise en place de ces activités scolaires leur coûtait de l’argent.
Alors, l’État a mis en place le fonds d’amorçage, qui n’était dans un premier temps destiné à ne verser des aides que de façon transitoire.
Nous avons décidé de le pérenniser. Je le dis ici afin que tout le monde le comprenne bien : 420 millions d’euros sont versés chaque année par l’État à toutes les communes pour financer les activités périscolaires.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Quand d’autres veulent qu’il y ait 300 000 fonctionnaires de moins !
En contrepartie, j’ai demandé aux communes de bien vouloir signer avec le ministère un projet éducatif territorial, en vue d’améliorer la qualité des activités périscolaires.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Aujourd’hui, 92 % des communes ont signé un tel document. Quels sont les objectifs des décrets publiés ce week-end ? D’abord, il s’agit de faire en sorte que les communes qui ont fait cet effort aient de la visibilité, pendant les trois années qui viennent, en ce qui concerne l’argent qu’elles touchent – et qu’elles vont donc continuer à toucher.
Même celles qui ne sont plus éligibles à la DSU cible ou à la DSR cible, c’est-à-dire l’aide majorée destinée aux communes les plus en difficulté, continueront à toucher l’aide dont elles bénéficiaient jusqu’à présent, c’est-à-dire 90 euros par enfant et par an. Il s’agit d’une aide très importante de l’État qui vise à soutenir une réforme à laquelle nous sommes très attachés et qui, je le redis ici, est dans l’intérêt des enfants.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Mes chers collègues, je pense que nous pouvons, les uns et les autres, nous écouter et nous respecter.
Monsieur Ciotti sera très heureux de ne pas entendre de bruit pendant son intervention.
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre, et j’y associe le député-maire de Menton, Jean-Claude Guibal.
Un drame a eu lieu lundi soir à Menton, un déséquilibré a été abattu par les policiers de la brigade anticriminalité. Le forcené, qui a menacé les policiers avec une machette, avait pris l’autoroute en sens inverse et son périple s’est terminé tragiquement.
Cet individu était bien connu des services. Il avait été hospitalisé d’office en octobre 2010 pour des faits similaires. Il avait poursuivi des passants avec une tronçonneuse et avait été interpellé dans les mêmes conditions dramatiques, blessé par les policiers.
Je vois que certains rigolent mais je pense que c’est plutôt tragique.
Son hospitalisation d’office a été levée le 2 juin dernier. Les policiers qui ont intercepté courageusement cette personne et auxquels je veux rendre hommage
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains
ont été placés en garde à vue.
Aujourd’hui, se pose la question de la responsabilité de ceux qui décident de lever l’hospitalisation d’office, qui assurent le suivi psychiatrique de personnes connues et identifiées pour être particulièrement dangereuses. On sait qu’il y a des problèmes majeurs, on sait qu’il y a un déficit de moyens, on sait que des personnes sont placées en détention alors qu’elles relèvent d’un suivi psychiatrique.
Monsieur le Premier ministre, je veux attirer votre attention sur cette question, sans polémique,…
Tu parles !
…celle de la responsabilité qu’on fait assumer aux policiers par la faute des autres, celle du suivi de personnes extrêmement dangereuses et des moyens mis en oeuvre pour suivre le profil de ces personnes qui menacent la société.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Ce qui s’est passé lundi dernier à Menton est tragique, monsieur le député, et je veux à mon tour saluer le sang-froid des forces de l’ordre et des policiers qui ont été agressés par un déséquilibré armé d’une faucille ou d’une machette.
Moi, je ne veux pas opposer les professionnels les uns aux autres. Il n’y a pas, d’un côté, les policiers et, de l’autre, les médecins et les soignants, qui, chaque jour, dans les hôpitaux psychiatriques, font un travail difficile et remarquable.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Cet homme, déséquilibré, avait quitté le centre hospitalier dans lequel il était soigné après deux avis médicaux favorables. Il avait un traitement que l’on qualifie de faible intensité. Une enquête administrative est en cours au sein du centre hospitalier et une enquête judiciaire est également engagée.
Face à des événements aussi dramatiques, nous ne devons pas donner le sentiment qu’il y a des professionnels de santé qui n’accomplissent pas leur devoir.
Ce n’est pas ce qu’il a dit !
Ils ont aussi la volonté de protéger la société.
Au-delà du cas particulier qui s’est produit à Menton, qui est tragique, je le répète, je veux une fois de plus rendre hommage aussi à celles et ceux qui travaillent dans les hôpitaux psychiatriques parce que leur mission est indispensable, difficile, exigeante, et doit être saluée.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la ministre de l’énergie, la démission du directeur financier d’EDF constitue un signal d’alarme de plus sur la situation préoccupante de l’entreprise.
L’opposition des écologistes au projet Hinkley Point est connue, mais, quand ce sont le directeur financier et les syndicats qui, pour la première fois de l’histoire, s’opposent à un investissement nucléaire, quand le rapport d’audit interne et les agences de notation soulignent qu’il y a de gros risques pour l’entreprise, peut-être est-il temps de remettre à plat ce dossier, et ce d’autant plus que la crise que connaît EDF ne se limite pas, loin s’en faut, à ce seul projet.
Le monde de l’énergie traverse une profonde mutation. Les vieilles énergies, charbon, pétrole, gaz, uranium, subissent un double choc : elles sont mises en concurrence par les énergies renouvelables compétitives et leurs business models, fondés sur une croissance éternelle de la consommation, sont remis en cause par l’efficacité énergétique.
EDF, dépendant à 80 % de la même énergie, est très vulnérable. Le vieillissement du parc suscite de fortes inquiétudes, y compris à l’étranger. Il conduit à un triplement des coûts de maintenance, à un mur d’investissement pour l’entreprise et à une forte vulnérabilité aux décisions de l’ASN sur les quarante ans.
Pourtant, c’est notre conviction, il est encore possible de sauver EDF, à condition que l’entreprise regarde vers l’avenir et pas seulement vers son glorieux passé et qu’elle investisse en conséquence car, au moment où le nucléaire est contraint à de douloureuses suppressions d’emplois, les renouvelables embauchent chaque année des milliers de personnes. C’est un signe de plus que la transition énergétique est une chance, à condition qu’on sécurise les parcours professionnels dans cette mutation rapide.
Madame la ministre, vous avez piloté la loi relative à la transition énergétique. Comment allez-vous agir pour qu’EDF comprenne enfin que c’est une formidable opportunité pour elle ?
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.
La parole est à Mme la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat.
Monsieur le député, EDF est une grande entreprise nationale à vocation internationale.
Pour accompagner la mutation de cette entreprise, il faut tenir des propos positifs qui l’encouragent et ne pas systématiquement la victimiser ou mettre le doigt sur un certain nombre de points qui doivent évoluer.
EDF, aujourd’hui, investit autant dans les énergies renouvelables que dans le nucléaire. Sa branche consacrée aux renouvelables a dégagé des bénéfices et créé des emplois en 2015. Au cours des deux dernières années, c’est-à-dire depuis le début du débat sur la loi de transition énergétique, le nombre de raccordements d’énergie en photovoltaïque a augmenté de 40 %.
EDF se bat donc pour redresser la situation en investissant dans les énergies renouvelables mais aussi en exportant. C’est le cas de l’opération Hinkley Point, qui a été pourtant contestée. À chaque fois qu’EDF vend un EPR à l’étranger, ce sont 4 000 emplois qui sont créés sur le territoire français.
Nous accompagnons cette mutation. Aujourd’hui, vous l’avez rappelé, le cadre est clair : c’est la loi de transition énergétique. Les investissements peuvent donc être projetés vers le futur.
EDF est encouragée à continuer la montée en puissance en énergies renouvelables pour contribuer à atteindre l’objectif de 40 % d’énergies renouvelables dans le mix électrique…
…et à abaisser la part du nucléaire en programmant à la fois la prolongation d’un certain nombre de réacteurs et l’arrêt d’un certain nombre d’autres,…
…dans le cadre du débat démocratique que nous avons eu et que nous continuerons à avoir pour élaborer la programmation pluriannuelle de l’énergie.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le garde des sceaux, un décret du 26 février dernier révèle la liste des tribunaux de commerce spécialisés issus de la loi Macron.
Au risque de pécher par immodestie, qu’il me soit permis de rappeler que ma collègue Cécile Untermaier et moi-même avons mené une mission en 2013 sur l’évolution de notre justice commerciale. Nous préconisions dans nos conclusions l’avènement de juridictions commerciales spécialisées pour les procédures collectives les plus complexes.
Des études ont été faites. Les tribunaux de commerce s’y sont également attelés. Un postulat était incontournable, celui de la mise en concordance de ces tribunaux de commerce spécialisés avec des bassins d’emploi. Le 27 novembre dernier, votre prédécesseure, lors du congrès national des tribunaux de commerce, a donné la liste des tribunaux de commerce spécialisés. Besançon venait en tête dans l’ordre alphabétique, ce qui n’était pas un hasard à considérer que le nord Franche-Comté est le premier bassin industriel de France, avec PSA, Alstom, General Electric ou encore le pôle des microtechniques à Besançon.
Le 22 février, vous avez reçu le Conseil national des tribunaux de commerce, et aucune observation sur cette liste n’a été faite. Quatre jours après, Besançon disparaissait au profit de Dijon. Il ne s’agit pas d’opposer des territoires au sein d’un même espace régional, mais cette radiation de Besançon crée l’émoi, d’autant que la presse a révélé que ce changement de décor et d’élus était le fait d’une personnalité politique dijonnaise proche du chef de l’État.
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre, les arguments de dernière heure qui ont été avancés sont contrariés par la réalité. Ils procèdent d’un prisme déformant. Quand vous étiez président de la commission des lois, nous avons salué votre sens de l’intérêt général et de l’analyse. Je vous demande solennellement et sans passion de bien vouloir rouvrir la porte des négociations.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le député, ce que vous dites est vrai. Il est toujours difficile de faire un choix entre deux villes, comme je l’ai dit à Catherine Vautrin la semaine dernière. Mais en l’espèce, écartez l’argument politique !
« Oh ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.
Ces deux communes ont, sauf erreur de ma part, des maires socialistes. Ce n’est donc pas un problème politique, mais un problème de choix.
Vous avez très justement rappelé que Christiane Taubira, le 27 novembre dernier, est intervenue au Congrès national des tribunaux de commerce pour lequel elle avait préparé une allocution filmée que j’ai regardée tout à l’heure. Elle n’y donne pas la liste, laquelle n’a été communiquée que par la suite, en précisant que certains points restaient soumis à discussion. Ce n’était pas une liste reflétant des décisions.
Je vais vous dire pourquoi j’ai retenu Dijon sur l’arrêté que j’ai signé, tout comme je l’ai dit à Catherine Vautrin. Je me suis fondé – et je l’assume – sur des critères. En l’espèce, le nombre de magistrats en capacité de faire face aux procédures collectives est plus important à Dijon, où il y en a vingt-huit, qu’à Besançon, où ils sont dix-neuf ; le bassin économique de Dijon est également plus important, puisque quatre-vingt-neuf entreprises implantées dans son ressort comportent plus de 250 salariés, quand on en compte cinquante-neuf à Besançon. Enfin, l’expérience du tribunal de Dijon est très forte, puisqu’il a connu des procédures collectives de grandes entreprises, comme vous le savez pour être député du département, qu’il s’agisse du groupe Belvédère qui a 4 000 salariés ou des sociétés Cleia, Céole et Teletech.
Éric Alauzet est aussi intervenu sur ce sujet et a écrit au Président de la République. Je vous le dis, comme à tous les parlementaires, parce que vous avez été très nombreux à m’écrire au sujet de ces tribunaux : il faut faire des choix, et j’assume ceux que j’ai faits dans cet arrêté. Je suis désolé, monsieur le député.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Pascal Terrasse, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, il y a quelques jours, à Barjac, près de 15 000 Ardéchois, Drômois et Vauclusiens révoltés se sont retrouvés pour dire non au gaz de schiste. Cette manifestation importante est la conséquence de la décision du tribunal administratif de Cergy-Pontoise annulant l’abrogation du permis sur les gaz de schiste dit « de Montélimar ». Si ce permis, qui concerne de nombreux départements du sud-est de la France, devait être accepté, ce serait une véritable catastrophe économique et écologique pour ces territoires.
L’exploitation des gaz de schiste est contraire à la loi sur la transition énergétique que nous avons votée il y a quelques semaines et, plus encore, aux engagements internationaux que nous avons pris lors de la COP21. On sait que les énergies fossiles ont un impact très fort sur le dérèglement climatique.
Sans le pétrole et le nucléaire, comment feriez-vous pour vous chauffer ?
Avec mes collègues du groupe SRC, j’avais déposé il y a quelques années une proposition de loi visant à interdire ces exploitations. Celui-ci avait été rejeté par l’ancienne majorité au profit de la proposition devenue « loi Jacob », au prétexte qu’elle aurait été appropriée à la situation. On voit aujourd’hui que ce texte n’y répond en rien. Pis encore, une partie des Républicains – je pense au numéro deux de cette formation politique – considèrent qu’ils sont le parti du gaz de schiste, ce qui est totalement scandaleux.
Avec mes collègues Bruno Le Roux, Sabine Buis, Fabrice Verdier ou William Dumas, nous avons déposé il y a quelques jours un nouveau texte. Madame la ministre, nous arrivons au terme de cette législature et le calendrier législatif est dense. Pouvez-vous nous assurer que nous voterons un texte de loi pour mettre définitivement fin au gaz de schiste ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à Mme la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat.
Monsieur le député, je vous remercie de votre question. Vous avez été l’un des tout premiers élus à alerter contre les gaz de schiste. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de venir dans votre circonscription.
Nous ne donnerons plus d’autorisations de recherche de gaz de schiste. Les recherches d’hydrocarbures sont regardées de très près. Il est en effet aberrant de donner gratuitement des autorisations de recherche – la France est d’ailleurs le seul pays à le faire. C’est pourquoi j’ai demandé à mes services d’évaluer le prix à faire payer pour de telles recherches.
Par ailleurs, nous venons de signer, avec le ministre de l’industrie, trente et un refus de recherche d’hydrocarbures. Ce n’est donc pas le moment de donner des autorisations pour les recherches de gaz de schiste. Cela dit, vous avez soulevé une vraie question sur la nécessité de préciser le droit en ce domaine. Je ne verrais donc que des avantages à ce que votre proposition de loi vienne à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, dans le cadre des niches réservées à votre groupe.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le Premier ministre, le sommet extraordinaire qui s’est tenu lundi entre l’Union européenne et la Turquie a acté un triple renoncement, d’une gravité sans précédent : celui d’une Europe qui renonce au droit d’asile en refoulant les migrants faute d’avoir su s’accorder sur une politique migratoire et sécuritaire commune ; celui d’une Europe qui marchande la relance du processus d’adhésion en échange d’un rempart illusoire contre les victimes de conflits que nous n’avons pas su gérer ; enfin, celui d’une France dont le silence est coupable. Ce triple renoncement est d’autant plus grave que le régime de M. Erdogan est en train de fouler au pied l’État de droit et les principes mêmes de la démocratie. Désormais, il piétine la liberté de la presse puisqu’il vient de mettre sous tutelle deux journaux. Sur de telles bases, l’Europe n’a pas à négocier. Le groupe UDI s’est toujours opposé résolument à l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne, et, aujourd’hui, c’est la relance du processus d’adhésion qui nous est imposée.
La régulation des flux migratoires passe par le développement d’une véritable politique européenne de voisinage et par la mise en oeuvre d’accords de coopération plus étroits. Nous devons également poser les jalons d’une politique d’asile commune. L’Europe ne doit pas renoncer à ses valeurs ; bien au contraire, elle doit, plus que jamais, les affirmer haut et fort.
Monsieur le Premier ministre, la France doit enfin faire entendre sa voix et demander expressément l’arrêt des négociations relatives à l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne. Nous aimerions connaître votre position.
Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur plusieurs bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
Monsieur le député, il n’y a eu aucun renoncement. L’ordre du jour lors de la réunion du sommet des vingt-huit chefs d’État ou de Gouvernement avec le Premier ministre turque lundi comportait trois objectifs : tout d’abord, le renforcement du contrôle de la frontière extérieure commune de l’Union européenne ; deuxièmement, oui, le partenariat avec la Turquie dans la lutte contre les filières de l’immigration illégale : troisièmement, le renforcement de l’aide à la Grèce, aujourd’hui confrontée à un afflux de migrants qui ne peuvent plus franchir les frontières des pays des Balkans.
La Turquie a proposé, au terme de discussions qui durent depuis maintenant plusieurs mois, la réadmission des migrants qui se trouvent sur des bateaux affrétés par les clandestins, en mer Égée, dans le cadre d’un accord avec la Grèce. Pour renforcer le contrôle de cette frontière maritime, l’OTAN a la mission de renforcer l’action de FRONTEX pour identifier ces bateaux et faire en sorte que la Turquie, membre de l’OTAN comme la Grèce, accepte que les migrants concernés puissent être réadmis en Turquie. Il faut vérifier les conditions dans lesquelles cette politique va être compatible avec le droit d’asile, avec la Convention de Genève et avec la directive européenne sur le droit d’asile.
De plus, la Turquie, c’est vrai accueille 2,5 millions de réfugiés syriens,…
…et nous avons donc convenu de l’aider pour que les réfugiés de la guerre de Syrie puissent rester au plus proche de leur pays, en Turquie, au Liban ou en Jordanie. Nous sommes prêts à aider la Turquie non pas en abondant son budget mais en donnant de l’argent au Haut-commissariat aux réfugiés, aux organisations humanitaires et aux agences des Nations unies concernées.
Concernant l’ouverture de chapitres de négociation, aucune adhésion n’est prévue. Il y a des critères à respecter. Vous avez ouvert des chapitres, nous en ouvrons. Mais de toute façon, comme le Président de la République l’a rappelé, il ne peut y avoir d’adhésion sans une consultation du peuple français. La position de la France sur ce point est connue.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Je veux revenir sur l’urgence libyenne, sur une situation qui n’est plus seulement une menace mais un danger imminent, déclaré, réel pour notre sécurité collective. La Libye est devenue la base arrière du djihadisme, ce qui vise directement notre sécurité comme cela affecte la transition, déjà fragile, des pays de la région. Les récents attentats qui viennent de frapper la Tunisie, à l’égard de laquelle nous sommes évidemment tout à fait solidaires, ainsi que l’instabilité des autres pays de la région, qu’il ne faut pas oublier, rappellent s’il en était besoin que la croissance de Daech constitue un danger nouveau absolument déterminant aux portes de l’Europe.
On aurait pu imaginer que la présence de Daech réveillerait positivement le nationalisme libyen et éteindrait les rivalités locales. Ce n’est pas le cas. Aujourd’hui, le Gouvernement d’unité nationale reste une fiction légale alors que sa validation institutionnelle est nécessaire à la légitimité et à l’efficacité de toute action internationale politique, économique, voire militaire.
Je vous demande, monsieur le Premier ministre, quelles sont les initiatives politiques immédiates que compte prendre la France aux côtés de la communauté internationale et de la mission Kobler pour consolider le processus politique et institutionnel qui s’impose comme une véritable urgence. L’Union européenne, face au conflit syrien et à la crise migratoire, n’a fait preuve ni d’autorité, ni d’organisation, ni d’anticipation, ni de coordination. Peut-on espérer, aux lendemains du sommet de Venise, que nous allons corriger cette trajectoire dans l’intérêt même de la France et des autres États européens ? Pouvons-nous aussi imaginer que les États européens, je pense entre autres à l’Italie et à ceux du sud de l’Europe, puissent former une task force susceptible de prendre utilement le leadership sur cette partie de la Méditerranée où l’on voit naître malheureusement les prémices d’un nouveau conflit.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
Madame la députée, comme l’a dit le ministre de la défense et comme vous venez de le rappeler, la situation en Libye est l’objet de toute notre attention parce qu’elle a un impact sur la sécurité de la région, en particulier en Tunisie mais aussi au Sahel, et qu’elle représente une menace pour l’Europe. Le groupe Daech prospère aujourd’hui, notamment autour de la ville de Syrte ; il profite de l’absence d’État unitaire en Libye et de l’absence d’unité du peuple libyen.
Vous avez donc raison, madame la députée, de rappeler que la priorité de la France comme de la communauté internationale, c’est la constitution d’un gouvernement d’union nationale en Libye. Nous soutenons les efforts du médiateur des Nations unies, M. Kobler, pour aboutir à la constitution de ce gouvernement qui a d’ores et déjà reçu le soutien d’un très grand nombre de parlementaires de l’Assemblée de Tobrouk, même si celle-ci n’a pas pu se réunir. Ce gouvernement doit pouvoir s’installer à Tripoli, récupérer la souveraineté sur l’intégralité du territoire libyen et avoir l’appui de la communauté internationale, en particulier de la France et de ses partenaires européens.
Le ministre des affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault, dès sa nomination, a rencontré à Munich ses principaux homologues des pays concernés et le représentant des Nations unies.
Hier, lors de la rencontre entre le Président de la République et le Président du conseil italien, Matteo Renzi, les deux pays ont décidé de renforcer leur coopération sur ce sujet qui concerne directement notre sécurité.
Dimanche, à Paris, le ministre des affaires étrangères recevra, outre John Kerry, les représentants de l’Allemagne, de la Grande-Bretagne, de l’Italie, de l’Union européenne, et le sujet libyen sera évidemment à l’ordre du jour.
Il faut donc absolument que tous les acteurs qui ont une influence sur ce pays, en particulier plusieurs pays de la région, fassent pression sur les Libyens pour que soit institué ce gouvernement d’union nationale et que la communauté internationale soit évidemment prête à tout faire pour empêcher que le groupe Daech ne prenne le contrôle de la Libye.
La parole est à M. Bertrand Pancher, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le Premier ministre, la SNCF va déprécier ses actifs d’un montant considérable : 12 milliards d’euros. Ce n’est pas la première fois de son histoire qu’elle procède à une dépréciation, mais celle-ci n’avait jamais atteint ce niveau.
Je ne m’en prendrai pas aux dirigeants de la société nationale, cela serait trop facile. On passe en effet notre temps à charger une barque qui finira bientôt par couler. Je m’en prendrai plutôt au pseudo-État stratège, qui brille depuis tant d’années par ses fautes lourdes, trop lourdes en matière de transports. La liste est longue.
D’abord, l’État n’offre aucune vision sur les financements nécessaires à l’équilibre de dizaines de projets pharaoniques qu’il a annoncés. Parce qu’il n’a pas l’idée du début du début d’un quelconque financement, il continue à faire porter le fardeau aux acteurs ferroviaires : l’équilibre de la liaison Tours-Bordeaux ou l’entrée dans le capital du Charles-de-Gaulle-Express n’en sont que des exemples parmi tant d’autres. L’État continue à faire croire au passage, heureusement, à de moins en moins d’élus naïfs que tous ces projets démarreront.
Par ailleurs, aucun moyen engagé n’est à la hauteur de l’entretien urgent du réseau. Alors que 2 à 3 milliards d’euros de plus par an seraient nécessaires pour éviter que le réseau secondaire ne se dégrade, on l’abandonne méthodiquement.
En outre, les autocars dits Macron et la SNCF commencent à se livrer une concurrence catastrophique, qui contraint notre opérateur à casser ses prix. C’est une des raisons de la dépréciation de ses actifs.
Enfin, le transport de marchandises – le fret ferroviaire – est quasiment abandonné. Monsieur le Premier ministre, alors que le Haut Comité du système de transport ferroviaire, qui doit examiner les contrats d’objectifs des trois établissements publics à caractère industriel et commercial – EPIC – est sans cesse repoussé, que la dette ferroviaire est évaluée à 70 milliards d’euros à l’horizon 2020, que la Cour des comptes évalue à 50 milliards d’euros les besoins de financement pour le seul projet du Grand Paris, quelle est votre vision pour éviter une catastrophe, qui est à présent clairement annoncée ?
Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Monsieur le député, le conseil d’administration de SNCF Mobilités examine en effet aujourd’hui ses résultats. Il s’agit tout d’abord de son résultat d’exploitation, qui s’élève à 377 millions d’euros, puis d’une décision comptable, celle d’une diminution de la valeur de son actif, notamment pour SNCF Réseau, dont l’actif passera de 43 à 33 milliards d’euros. La SNCF, comme d’autres entreprises, est en effet soumise à des obligations en matière de bilan, selon lesquelles les résultats doivent générer une appréciation de la valeur de l’actif. Cette décision n’a cependant pas beaucoup de conséquences sur l’activité.
Les autres questions sont plus importantes car elles ont trait à l’avenir. Nous avons voté la règle d’or, afin de ne pas continuer à augmenter la dette actuelle, déjà élevée, de SNCF Réseau, pour financer ses projets. Nous croyons à ces projets, ce qui nous conduit à trouver un financement, qui ne peut venir que de l’État, de l’Europe et des collectivités locales.
S’agissant de l’Europe, vous nous avez silencieusement félicités d’avoir obtenu des financements élevés, pour ce qui concerne notamment les grands projets que vous avez évoqués. Il est très encourageant d’avoir obtenu 40 % de financements européens pour le financement du canal Seine-Nord ou de la liaison Lyon-Turin. Il reste cependant à trouver des financements, notamment pour l’Agence de financement des infrastructures de transport de France. La question est posée : nous l’avons déjà abordée dans le débat budgétaire. Une décision financière devra être prise pour que les recettes de l’Agence puissent répondre à ses objectifs. Le Gouvernement ne croit toutefois pas qu’il faille prendre aujourd’hui la décision d’arrêter ces projets.
La France a besoin de ces grands investissements, notamment lorsqu’ils permettent de nourrir les relations européennes. Il y a là un enjeu économique, un enjeu stratégique, mais aussi un enjeu politique.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre de l’intérieur, il y a deux jours, lors de votre audition devant la commission d’enquête relative aux moyens mis en oeuvre par l’État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier 2015, vous nous avez informés que, lors des attentats de Paris du 13 novembre dernier, pas moins de 125 véhicules de police et de secours avaient dû être mobilisés en urgence.
Or vous n’êtes pas sans savoir que Mme la maire de Paris a décidé et fait voter, sans la moindre concertation – ni avec les Parisiens ni avec les élus, parisiens ou franciliens –, qu’à compter de l’été prochain, la voie express Georges Pompidou sera définitivement fermée à la circulation.
Sourires.
La totalité du trafic d’ouest en est, le long de la Seine, passera donc sur les quais hauts, entre la Concorde et la Bastille, qui sont déjà, comme vous le savez, totalement embouteillés, une situation aggravée par les travaux de la Samaritaine et le chantier des Halles, au coeur de Paris.
La question que je vous pose, au nom de tous mes collègues Les Républicains du Conseil de Paris – Philippe Goujon, Nathalie Kosciusko-Morizet –…
…concerne la sécurité de la capitale, dans une période où nous savons que, malheureusement, d’autres attentats terroristes vont se produire. Comment allez-vous gérer l’intervention des forces de l’ordre et des secours, surtout si plusieurs attentats se produisent simultanément, avec des quais qui sont déjà totalement bouchés ?
La sécurité de la capitale, monsieur le ministre de l’intérieur, est de votre responsabilité. Vous avez la tutelle directe sur le préfet de police de Paris, lequel est pénalement responsable en cas d’erreurs dans la préparation du dispositif de sécurité et de secours à Paris.
Ma question est donc simple : monsieur le ministre de l’intérieur, autoriserez-vous la maire de Paris à imposer son projet dès cet été, quoi qu’il arrive,…
…ou bien êtes-vous prêt, comme vous le suggère l’opposition à envisager un moratoire, qui permettra d’étudier les formules alternatives, et de s’assurer que cette dimension vitale de la sécurité soit désormais pleinement intégrée dans les plans de circulation de la ville ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le député, les débats au sein du Conseil de Paris sont tellement passionnants que vous voulez nous en faire partager le plaisir. (Rires.)
Je vous en remercie d’ailleurs car la question ne manque pas d’intérêt. Elle relève pour partie de ma compétence, ce qui justifie que vous me l’adressiez. J’y répondrai bien volontiers. Mais puisque vous faites référence aux informations que j’ai données devant la commission d’enquête parlementaire, voici quelques jours, il est impossible que vous ne vous souveniez pas de m’avoir déjà posé la question et, par conséquent, d’avoir déjà reçu une réponse.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La pédagogie étant un art de la répétition, je répondrai volontiers à votre question, monsieur le député, dans les mêmes termes que ceux que j’avais déjà employés car, dans le cas contraire, vous pourriez me reprocher d’avoir un discours à géométrie variable.
Sourires.
J’ai arrêté avec la maire de Paris un dispositif assez simple et tout à fait conforme aux responsabilités que vous avez indiquées. Lorsque des aménagements sont prévus à Paris, outre les études d’impact qui doivent avoir lieu, ils sont examinés par la préfecture de police de Paris pour évaluer leur impact sur la sécurité. Le préfet de police a d’ailleurs dû vous recevoir vendredi à ce sujet, monsieur Lellouche, à moins qu’il ne le fasse la semaine prochaine, pour vous confirmer en tout point ce que je viens de vous dire.
Les projets de Mme la maire de Paris seront donc étudiés avec beaucoup d’attention par la préfecture de police. Si elle constate dans ces aménagements des éléments qui contrarient l’intervention des équipes de secours, nous demanderons à la maire de Paris de bien vouloir procéder à la modification de son projet.
Naturellement, notre action vise à faire en sorte que ces projets environnementaux puissent aboutir, dans le respect des principes de sécurité.
Nous ne sommes pas là pour entraver ces projets mais pour les rendre possibles,…
…dans le respect des prérogatives qui sont les nôtres.
Je rendrai compte à la représentation nationale et à tous les députés de Paris, de la majorité et de l’opposition, qui sont mobilisés sur une grande cause des décisions que j’aurai été amené à prendre sur la base du rapport du préfet de police de Paris.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Denis Baupin.
L’ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, de la proposition de loi relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs (no 3494).
La parole est à M. Rémi Pauvros, suppléant M. Gilles Savary, rapporteur de la commission mixte paritaire.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé des transports, mes chers collègues, vous comprendrez que seules des raisons supérieures peuvent expliquer l’absence de Gilles Savary pour la présentation du rapport de la commission mixte paritaire, tant il s’est engagé dans ce travail, auquel il a apporté une importante contribution, jusque dans ses conclusions. Je tiens à lui adresser de cette tribune un message très amical.
J’ai donc l’honneur de vous faire part des réflexions du rapporteur pour présenter le texte qui nous occupe aujourd’hui.
Ardemment souhaitée par nos deux grands opérateurs publics de mobilité, la SNCF et la RATP, cette proposition de loi, initialement axée sur la lutte contre la fraude dans les transports publics, a été rattrapée par l’effroi de l’attentat manqué du Thalys Amsterdam-Paris du 21 août 2015.
Son texte final, qui compte quinze articles contre neuf initialement, témoigne de son inflexion en faveur de la lutte contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs. Alors qu’elle avait été déposée tardivement sur le bureau de l’Assemblée nationale le 7 octobre 2015 à partir d’un travail engagé sur le fond à compter d’avril 2015, cette proposition de loi a connu un parcours législatif remarquablement véloce. Il a été opportunément enrichi par la collaboration étroite du rapporteur avec les ministères concernés ; celui de l’intérieur, chef de file, mais aussi ceux des transports et de la justice, avec le concours vigilant de Matignon. Elle a bénéficié de l’apport inestimable de l’expertise juridique de la commission des lois de l’Assemblée nationale pour avis et de celle du Sénat au fond.
Je voudrais ici, au nom du rapporteur, exprimer ma très profonde reconnaissance à M. le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve pour son engagement et celui de ses équipes dans l’élaboration de ce texte, et saluer le concours constant qu’y ont apporté le secrétaire d’État chargé des transports Alain Vidalies et son administration. J’aimerais également remercier tout particulièrement, toujours au nom de M. Savary, notre collègue Sébastien Pietrasanta, rapporteur pour avis de la commission des lois, qui a contribué à dénouer les difficultés juridiques redoutables en portant une scrupuleuse attention à la préservation des libertés publiques, notamment la liberté imprescriptible d’aller et venir. Il a évidemment trouvé dans nos collègues de la commission des lois du Sénat, MM. François Bonhomme et Alain Fouché, de remarquables contributeurs à la rédaction finale par l’ajout de dispositions majeures et de précisions rédactionnelles particulièrement opportunes.
Je ne voudrais pas oublier l’apport singulier et tenace de Marie Le Vern en matière d’implication des exploitants de transports publics de voyageurs dans la prévention des agressions sexistes dont les femmes se déclarent victimes à 100 % dans les enquêtes auprès des usagers.
Ce texte aura donc été débattu et amendé en commission des lois de l’Assemblée nationale sous la haute et diligente présidence de Jean-Jacques Urvoas le 8 décembre 2015, pour être adopté le même jour en commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sous la présidence de Jean-Paul Chanteguet, retenu en ce moment par la discussion du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. L’année parlementaire civile de 2015 s’est close par son adoption en première lecture de l’Assemblée nationale le 16 décembre 2015. Le Sénat n’a pas été moins prompt que l’Assemblée. Dans le cadre de la procédure accélérée engagée par le Gouvernement, ce texte a été adopté par la commission des lois le 20 janvier dernier, puis en séance le 28 janvier à l’issue d’un débat qui l’a très significativement enrichi. Ce travail conjoint des députés et des sénateurs, bien qu’il ait été mené à marche forcée, a trouvé son aboutissement dans une commission mixte paritaire conclusive, réunie au Sénat le 10 février sous la présidence du sénateur Philippe Bas. Il nous appartient donc aujourd’hui d’adopter définitivement, à l’Assemblée nationale, le texte issu de la commission mixte paritaire adopté par le Sénat le 2 mars.
Finalement, cette grande loi de sécurité dans les transports publics, née d’une ambition législative qui visait plus modestement à améliorer notre arsenal juridique contre la fraude, a été initiée, élaborée, écrite, débattue, adoptée par les deux chambres en moins d’un an ; six mois seulement se sont écoulés depuis son enregistrement officiel à l’Assemblée nationale. Je crois que c’est un travail qui honore notre Parlement et dont il faut féliciter tous ceux qui, parlementaires, administrateurs, conseillers ministériels, collaborateurs, y ont participé, sans oublier le rapporteur M. Gilles Savary, bien évidemment.
Ce texte, tel qu’il vous est proposé, chers collègues, repose sur deux principes essentiels. Le premier est de renforcer et de sécuriser les bases juridiques qui permettent aux agents de sûreté des transports publics à la fois de prévenir des risques d’atteinte grave à l’ordre public et à la sécurité des usagers dans les transports et de mieux lutter contre la fraude comportementale en renforçant très significativement les moyens de la confondre et de la sanctionner. Le second est certes d’étendre leurs moyens d’interpellation, d’alourdir les sanctions, et de conforter leurs moyens de recouvrement des amendes, mais en veillant à ne jamais franchir les limites qui distinguent leurs prérogatives de sûreté de celles de la force publique placées sous le contrôle de la police judiciaire, c’est-à-dire du procureur de la République.
Dans ces strictes limites, deux problèmes cruciaux et particulièrement sensibles ont finalement été résolus. Le premier concerne le contrôle de l’identité : les agents de sûreté ne peuvent procéder qu’à des relevés d’identité non coercitifs, et sont aujourd’hui dans l’impossibilité juridique de maintenir un contrevenant s’y refusant et donc de le tenir à disposition d’un agent de police ou de gendarmerie le temps de le requérir. Nous n’avons pas souhaité transformer les agents de sûreté en officiers de police judiciaire, mais l’article 8 bis, adopté à l’initiative de Sébastien Pietrasanta, et qui introduit le délit de tentative de soustraction à un relevé d’identité, leur permet désormais de maintenir une personne récalcitrante le temps nécessaire à sa prise en charge par un officier de police judiciaire, seul habilité à procéder à un contrôle ou à une vérification d’identité.
Le second problème concerne les possibilités de vérification d’une domiciliation afin de pouvoir poursuivre un contrevenant et de l’obliger à acquitter une contravention constatée par un agent vérificateur. Désormais, un centre d’interrogation, indépendant et assermenté, placé sous le contrôle de la CNIL – la Commission nationale de l’informatique et des libertés –, pourra transmettre aux agents de recouvrement d’un exploitant ses coordonnées après vérification sur des fichiers qui leur seront inaccessibles directement. Cette disposition de l’article 9 devrait permettre d’améliorer très significativement le taux de recouvrement des amendes, qui se situe actuellement autour de 10 % tant pour la SNCF que pour la RATP.
À des fins de lutte contre la fraude comme de protection des risques de trouble à l’ordre public ou d’attaque terroriste, ce texte étend les prérogatives d’investigation des agents de sûreté. Il leur permet désormais de procéder à des inspections visuelles de bagages, à des fouilles, voire à des palpations de sécurité, sous des conditions de durée et de lieu très strictement encadrées par l’autorité administrative et judiciaire. Pour autant, ils ne disposent pas, comme les forces de l’ordre, de la faculté de coercition ; en revanche, ils peuvent refuser l’accès aux transports aux personnes qui n’y consentent pas, au même titre que les stadiers ou les agents de sûreté de certaines grandes enseignes commerciales. Les agents de sûreté retrouvent également la faculté d’agir en civil, à la condition de porter un brassard distinctif dans le cadre d’une opération ponctuelle et de devoir exciper de leur carte d’identification professionnelle à la demande de tout usager.
Sur proposition du Sénat, ils peuvent, à titre expérimental, pendant deux ans après la promulgation de la présente loi, intervenir avec une caméra-piéton identifiée. La proposition de loi dispose en outre qu’à l’initiative d’un exploitant ou d’une autorité organisatrice de transports, les forces de l’ordre peuvent filmer, à l’aide de caméras fixes, un site de transport, emprise ou véhicule de transport, menacés d’atteintes graves à la sécurité des biens et des personnes – article 6 bis AA – sous couvert d’une convention conclue entre l’exploitant et le représentant de l’État dans le département ou le préfet de police en région parisienne. Enfin, le procureur de la République peut autoriser les forces de l’ordre à procéder à des inspections visuelles de bagages et fouilles de véhicules individuels ou de transport collectif, sur la voie publique ou dans les emprises de transports collectifs, sous des conditions strictes de durée et de présence des occupants ou propriétaires des véhicules concernés.
Le principe selon lequel un usager sans titre de transport valide doit pouvoir justifier de son identité à un contrôleur vérificateur est sécurisé par la possibilité donnée à ce contrôleur de requérir le concours d’un agent de sûreté susceptible de le maintenir pour transmission à un officier de police judiciaire en vue d’un contrôle ou d’une vérification d’identité. En permettant aux exploitants de recouper l’identité d’un usager avec un titre de transport nominatif, la loi introduit donc dans les transports terrestres, essentiellement les trains à grande vitesse, en l’état actuel des choses, une disposition courante dans le transport aérien.
L’un des grands apports de la loi est de poser le principe selon lequel tous les exploitants de transports publics de personnes, notamment les réseaux de province, sont tenus d’assurer la sûreté des personnes et des biens, en recourant à trois solutions laissées à leur libre choix : celle de s’accorder le concours de sociétés de sécurité privées, placées sous le contrôle du Conseil national des activités privées de sécurité – CNAPS –, comme c’est le cas actuellement ; celle de créer leur propre service de sûreté interne, à l’identique de la SNCF et de la RATP, mais sous contrôle du cahier des charges du même conseil national ; celle de donner compétence de police, sur tout ou partie d’un réseau local, aux polices municipales sous contrôle du préfet de département.
Pour donner une cohérence d’ensemble à ces nouvelles dispositions, nous proposons que ces mesures soient mises en place sous une double garantie conventionnelle : entre l’autorité organisatrice de transport ou AOT et l’exploitant dans le cadre du cahier des charges élaboré par l’AOT d’une part, et, d’autre part, entre l’AOT opérant dans le même ressort départemental et le responsable de l’État dans le département, au travers d’un contrat d’objectif départemental de sûreté dans les transports élaboré sous la responsabilité de ce dernier.
L’un est un contrat de nature commerciale, juridiquement opposable entre autorités organisatrices de transports et exploitants. L’autre est un contrat d’objectif public visant à la coordination d’ensemble, dans le ressort territorial du département, de la politique de sûreté dans les transports publics de voyageurs. Ce dispositif inédit consiste à introduire les politiques de sûreté dans tous les transports collectifs et non uniquement à la SNCF et la RATP qui en sont déjà dotées par la loi.
Enfin, pour que le dispositif soit complet et adapté au contexte de notre époque, non seulement la proposition de loi aggrave les sanctions applicables au délit de fraude d’habitude – caractérisé à partir de cinq occurrences annuelles et non plus dix – et à la vente à la sauvette dans les emprises immobilières des transporteurs, mais crée de nouveaux délits sévèrement sanctionnés tels que le délit de mutuelle de fraudeurs et le délit de fraude collectivement organisée visant à prévenir les usagers des contrôles.
Sur ces derniers points, Gilles Savary souhaite éclairer nos intentions. Il s’agit là de viser plus particulièrement les applications numériques qui tendent à dépersonnaliser la sanction en assurant collectivement les sanctions pécuniaires punissant la fraude ou en permettant de se soustraire au contrôle, c’est-à-dire en encourageant la fraude individuelle par une forme de prise en charge collective. Quant aux mutuelles de fraudeurs, il s’agit de réprimer une modalité commerciale organisée d’encouragement à la fraude qui fait ostensiblement commerce de la fraude aux services publics aux dépens des autres usagers et du contribuable.
Mes chers collègues, cette proposition de loi est destinée à s’inscrire dans le champ juridique avec un objectif sans précédent, mais néanmoins limité et modeste : définir des bases juridiques permettant aux exploitants et aux AOT d’accentuer les pressions sur les fraudeurs et les fauteurs de troubles. Son efficacité dépendra donc des conditions de sa mise en oeuvre dans nos transports publics. La loi permet de réaliser bien des choses auparavant inaccessibles, mais à condition de déployer les moyens matériels, financiers et humains nécessaires. Certaines technologies en particulier, relatives à la billettique ou à la traçabilité des usagers, méritent que les exploitants et les AOT y investissent progressivement.
C’est la raison pour laquelle votre rapporteur a introduit, à des fins de bonne gouvernance et de transparence, un article 6 quinquies sollicitant du Gouvernement un rapport sur les conditions de financement de la sûreté dans les transports terrestres. À nouveau, en effet, il faudra choisir entre l’usager et le contribuable. Dans les transports aériens, le choix de l’usager a prévalu. Dans les transports terrestres, la France s’honorera, avec ce texte, d’être à l’avant-garde d’une problématique qui demeure, malgré l’exposition aux risques, totalement ignorée des instances internationales, en particulier de l’Union européenne. Gilles Savary vous invite donc à l’adopter définitivement.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, chacun comprendra que mes premiers mots consistent en un message amical à l’attention de Gilles Savary qui, pour des raisons personnelles, ne peut être parmi nous cet après-midi.
La commission mixte paritaire a abouti à un accord sur la proposition de loi relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs. Ce texte est l’aboutissement d’un travail initié par le ministre de l’intérieur et moi-même dans le cadre du comité national pour la sécurité dans les transports en commun – CNSTC. Il a pour objet de traiter deux préoccupations majeures et récurrentes en matière de transport collectif de personnes, la fraude et les risques de sécurité, ceux-ci étant particulièrement d’actualité.
Chaque jour, sur l’ensemble du territoire national, des millions de Français et de visiteurs étrangers empruntent nos transports en commun. Ceux-ci constituent un élément central de la vie quotidienne de nos concitoyens qui les utilisent pour leurs déplacements privés et professionnels. L’une des priorités de l’action du Gouvernement en matière d’ordre public consiste à garantir partout en France le droit fondamental à la sécurité dont chaque Français doit jouir lors de ses déplacements. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a pleinement soutenu la proposition de loi présentée par Gilles Savary au nom du groupe socialiste, républicain et citoyen et apparentés.
Nous avons la responsabilité de faire en sorte que nos concitoyens utilisant les transports en commun le fassent en toute tranquillité, sans craindre d’être victimes de la délinquance ni a fortiori d’une entreprise terroriste. Cependant, si la prévention des actes terroristes est notre priorité, nous devons continuer à mener une lutte inflexible contre les agressions et les violences du quotidien. En effet, le nombre d’agressions commises contre les voyageurs comme les personnels a nettement augmenté. Des décisions s’imposaient pour inverser cette tendance, tout comme il était nécessaire de mettre en place des outils juridiques visant à lutter contre la fraude et poursuivre les fraudeurs qui pénalisent gravement les transporteurs et contribuent à nourrir le sentiment d’insécurité et d’injustice parmi les usagers des transports en commun.
Rappelons à cet égard que le texte est d’abord le résultat de nombreux échanges particulièrement riches et fructueux menés pendant plusieurs mois entre le Gouvernement et les opérateurs de transports. En effet, dès le 16 décembre 2014, le comité national de la sécurité dans les transports en commun a proposé, après un long travail, un premier train de mesures contre la fraude que la proposition de loi reprend. Elle a donc largement bénéficié du dialogue que le Gouvernement a su renouer avec l’ensemble des transporteurs. Dès le mois de juin 2014, le Gouvernement a réactivé, sous l’impulsion du ministre de l’intérieur, le CNSTC qui, depuis sa création en 2008, ne s’était réuni qu’une seule fois, en décembre 2011, et n’avait jamais été sollicité depuis.
En lien avec les opérateurs de transports, nous avons précisément évalué les besoins en matière de sécurité avant d’identifier les évolutions juridiques nécessaires pour que l’action des forces de l’ordre et celle des services de sécurité internes – la Surveillance générale, dite SUGE, à la SNCF et le groupe de protection et de sécurisation des réseaux, GPSR, à la RATP – gagnent en efficacité. L’ampleur de la tâche était importante : il fallait simultanément lutter contre la fraude, qui selon un rapport de la Cour des comptes coûte environ 500 millions d’euros par an, et donner aux services internes de sécurité des transporteurs des signes forts en faveur d’un renforcement de leurs pouvoirs et de la réaffirmation de leur autorité. Je salue tout particulièrement l’implication de Gilles Savary qui a rendu ces évolutions possibles en défendant la proposition de loi et le rôle déterminant de Sébastien Pietrasanta, rapporteur pour avis de la commission des lois, qui a enrichi le texte.
Nous avons travaillé de concert dans un climat de confiance mutuelle, ce qui nous a permis de formuler, dans un délai relativement bref eu égard à l’importance des enjeux, plusieurs solutions juridiques susceptibles d’aider à lutter plus efficacement contre tous les types de phénomènes criminels et délinquants dans les transports en commun. Le rapporteur de la proposition de loi a notamment souhaité, à juste titre, qu’elle ne concerne pas seulement les services de sécurité internes de la SNCF et de la RATP et par là même pas seulement l’Île-de-France. Il a ainsi soumis tous les opérateurs de transports publics urbains à l’obligation d’assurer la sûreté de leur réseau où qu’il se trouve sur le territoire national. Il est en effet indispensable que tout usager des transports collectifs bénéficie de solides garanties de sécurité dans tout le pays.
Par conséquent, les transporteurs devront ou bien mettre en place un service de sécurité privée placé sous le contrôle du conseil national des activités privées de sécurité, le CNAPS, ou bien signer une convention avec les communes concernées afin que les polices municipales, qui sont en mesure de constater les infractions au code des transports, assurent la sûreté des réseaux. J’insiste sur ce point très important : la proposition de loi ne concerne pas seulement les Franciliens mais s’adresse bien à tous nos concitoyens, où qu’ils vivent sur notre territoire. Elle précise notamment le cadre dans lequel les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP seront désormais autorisés, au même titre que les agents de sécurité privés, à procéder après consentement des passagers à l’inspection visuelle des bagages, le cas échéant à leur fouille et si les circonstances l’exigent à des palpations de sécurité.
Afin de mieux lutter contre la fraude, la proposition de loi instaure un droit de communication entre les exploitants de transports publics et les administrations publiques, en particulier les finances et les organismes sociaux. Il permettra de fiabiliser les adresses des contrevenants une fois ceux-ci verbalisés afin d’améliorer le recouvrement des amendes. L’abaissement du seuil du délit de fraude d’habitude de dix à cinq contraventions pour défaut de titre de transport participe également de la politique de lutte contre la fraude. La proposition de loi habilite les agents de police municipale à constater les infractions au code des transports. À l’initiative de la commission des lois, le texte crée le délit de soustraction à un relevé d’identité qui supprime toute échappatoire à un contrôle ou à une vérification d’identité.
Enfin, je salue l’accord conclu en commission mixte paritaire à propos de l’article relatif à la lutte contre les violences et harcèlements à caractère sexiste dans les transports. Sa nouvelle version prévoit que ces faits fassent l’objet d’un rapport annuel transmis au défenseur des droits, à l’observatoire national des violences faites aux femmes et au Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes. Quant à la lutte contre de tels agissements et à leur prévention, j’ajoute pour conclure que les agents de la SUGE et du GPSR seront désormais sensibilisés lors de leur formation, grâce à un amendement initialement présenté par Marie Le Vern, à la lutte contre les violences faites aux femmes dans les transports en commun.
En définitive, le Gouvernement soutient pleinement l’adoption de la proposition de loi dans la mesure où elle renforce la sécurité des usagers des transports publics sur l’ensemble du territoire national dans un contexte de menace terroriste particulièrement élevée.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, chers collègues, j’ai tout d’abord une pensée amicale pour notre collègue Gilles Savary. J’aimerais moi aussi saluer le travail de la commission mixte paritaire qui a su trouver un accord sur la proposition de loi. Après les événements tragiques qui ont ébranlé notre pays en janvier et novembre 2015, nous avions la responsabilité de nous montrer unis sur un sujet aussi primordial pour le quotidien des Français. En effet, les récentes attaques terroristes n’ont fait que mettre en lumière la terrible vulnérabilité de nos transports publics empruntés chaque jour par des millions d’usagers. Un sondage réalisé fin 2014, quelques mois avant les attentats terroristes qui ont frappé le pays, montrait déjà que près de la moitié des voyageurs ne se sent pas en sécurité dans les transports publics.
La menace terroriste devenant de plus en plus prégnante, il était donc urgent d’agir pour préserver la tranquillité des voyageurs et plus généralement de notre pays. Certes, le texte a un peu l’aspect d’un fourre-tout, allant de la fraude dans les transports en commun à la lutte contre le terrorisme en passant par la vente à la sauvette et le harcèlement. Il recouvre des problématiques à l’importance très inégale pour la sécurité des Français et la sûreté du pays. Bien entendu, nous comprenons que l’attentat manqué dans le Thalys en août dernier ait incité le Gouvernement à agir vite et donc à utiliser ce véhicule législatif pour faire adopter un certain nombre de dispositions. Pour autant, nous regrettons toujours l’absence d’une grande loi relative à la sécurité publique dans les transports qui aurait eu le mérite de fixer un cadre mais aussi un cap plus clairs.
Malgré cette réserve, le groupe UDI réaffirme son soutien à l’essentiel des mesures, lesquelles vont dans le bon sens. Je tiens à saluer le travail complémentaire de l’Assemblée nationale et du Sénat, qui a permis, au fil des lectures, de densifier cette proposition de loi. Les deux chambres sont parvenues à trouver un juste équilibre entre les nouvelles prérogatives accordées aux agents de la SNCF et de la RATP et le renforcement des contrôles afin d’éviter tout débordement.
Ce texte contient donc des mesures qui devraient contribuer à l’amélioration du quotidien des Français. Je pense à l’autorisation donnée aux agents de la SNCF et de la RATP d’inspecter et de fouiller les bagages à main, au renforcement des contrôles en civil, à la généralisation de la caméra-piéton. Je pense aussi à l’instauration d’enquêtes administratives en amont du recrutement ou de l’affectation des personnes au sein des sociétés de transport de personnes, au renforcement des sanctions en cas de fraude, notamment à rencontre des mutuelles de fraudeurs, à la possibilité, pour la police municipale, d’intervenir sur le territoire d’une autre commune de l’agglomération afin d’assurer la sécurité complète du réseau. Je pourrais également citer l’établissement d’un bilan annuel des atteintes à caractère sexiste.
Pour autant, les députés du groupe de l’Union des démocrates et indépendants estiment qu’il aurait été souhaitable d’adopter des dispositions plus ambitieuses. Il est regrettable que cette proposition de loi n’aille pas plus loin dans la lutte contre les violences dans les transports, notamment contre les violences faites aux femmes. L’article 14 traite ainsi des atteintes à caractère sexiste, sans évoquer les agressions ou les violences que les femmes peuvent subir. Nous déplorons l’absence de la généralisation de la vidéosurveillance, alors qu’elle constitue un outil indispensable – je peux, en tant que maire, en témoigner – pour dissuader les contrevenants et aider les forces de l’ordre dans leurs missions quotidiennes.
Nous exprimons à nouveau notre perplexité à l’égard de la mesure autorisant l’inspection visuelle des bagages et les palpations de sécurité, seulement si la personne concernée y consent. Le Sénat a fait le choix, plutôt surprenant, de supprimer la possibilité donnée aux agents de fouiller les bagages d’un voyageur fraudeur sans son consentement. Pourtant, face à une problématique sécuritaire aussi importante, les mesures de ce genre sont loin d’être disproportionnées.
Une réflexion plus aboutie aurait dû être menée sur le renforcement des contrôles avant la montée à bord, à l’image de ce qui a été fait en Espagne. Des complications logistiques sont prévisibles, mais il ne faut pas pour autant exclure tout débat sur ce sujet. En outre, il aurait été plus judicieux de prendre des dispositions plus strictes sur le contrôle d’identité : aujourd’hui, le contrôleur doit attendre l’officier de police judiciaire pour réaliser un relevé d’identité !
Enfin, alors qu’il aborde une multitude de problématiques, ce texte fait l’impasse sur le devoir d’exemplarité de la SNCF et de la RATP. Certes, les incivilités des voyageurs doivent être combattues, mais encore faut-il que les services proposés soient irréprochables ! Dans mon département, les annulations et les retards réguliers des TER ont poussé de nombreux voyageurs à la fraude. Ne faudrait-il pas réfléchir à un système de dédommagement plus efficace, qui prendrait en compte l’usager ?
Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, malgré ces quelques réserves, le groupe de l’Union des démocrates et indépendants soutiendra cette proposition de loi, qui marque de toute évidence une avancée nécessaire pour la sécurité dans les transports publics de voyageurs.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, si certains textes, examinés présentement en commission du développement durable, peuvent connaître des parcours parlementaires un peu chaotiques, et sur plusieurs années, cette proposition de loi aura, elle, connu un cheminement express. Examinée en commission pour la première fois le 8 décembre à l’Assemblée, elle sera probablement promulguée trois mois plus tard. Au nom du groupe radical républicain démocrate et progressiste, je voudrais saluer cette célérité ; elle démontre la qualité du travail préparatoire de notre excellent rapporteur Gilles Savary, expert des questions relatives aux transports et négociateur remarquable pour l’obtention de consensus solides.
L’esprit d’union nationale, apparu après les terribles attentats du 13 novembre, soutient la lutte la plus efficace possible contre le terrorisme. Nous savons par ailleurs que les transports constituent des points de vulnérabilité. L’examen de ce texte à l’Assemblée nationale et au Sénat et l’accord obtenu en commission mixte paritaire montrent que nous pouvons nous rassembler pour légiférer rapidement sur ces sujets graves, en dépit de quelques désaccords – somme toute marginaux.
Cette proposition de loi traite à la fois des faits d’incivilités, de fraudes et d’agressions physiques, et de la lutte contre le terrorisme. Toutes les composantes de ce texte portent donc sur la sécurité et l’ordre public dans les transports, qu’il s’agisse de faits quotidiens gênants pour les utilisateurs et les opérateurs, ou de faits exceptionnels et gravissimes.
L’encadrement législatif de la sécurité, à tous ces niveaux, avait besoin d’être rénové et modernisé. Il s’agissait d’abord de maximiser la limitation des risques et d’améliorer ainsi la prévention du terrorisme, puisque – faut-il le rappeler ? – le risque zéro n’existe pas et n’existera jamais. Il s’agissait aussi de rendre plus confortable la vie quotidienne des millions de nos concitoyens utilisateurs de transports en commun.
L’immense majorité des mesures contenues dans le texte issu de la CMP vont dans le bon sens. Je pense par exemple à l’abaissement de dix à cinq du nombre de contraventions pour défaut de présentation d’un titre valable caractérisant le délit de fraude d’habitude, à la possibilité donnée aux personnels des transporteurs de constater eux-mêmes les ventes à la sauvette dans les gares, au recouvrement des amendes, au nouveau délit contre les mutuelles de fraudeurs sur internet, aux dispositifs pour la fouille des bagages, et, de manière générale, aux mesures visant à lutter contre les incivilités moins graves.
« Les nations comme les hommes, meurent d’imperceptibles impolitesses », écrivait Jean Giraudoux dans La Guerre de Troie n’aura pas lieu. L’homme de lettres n’a pas peut-être pas eu un comportement exemplaire pendant la Seconde guerre mondiale – au minimum des ambiguïtés de surface – mais cet aphorisme que nous lui devons mérite une méditation plus approfondie qu’il ne pourrait le laisser penser immédiatement.
Si les millions d’incivilités mineures empoisonnent le quotidien des utilisateurs, il n’est peut-être pas si anodin, quant aux structures de notre société, qu’elles se multiplient. Elles ne constituent pas des crimes odieux, mais il ne serait pas insignifiant de les considérer comme des points de détail, de les banaliser puis de les tolérer.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez déclaré au Sénat que nous devions lutter sans relâche contre les incivilités quotidiennes. Nous vous soutenons particulièrement sur ce point ; ces incivilités peuvent représenter une menace pour notre vivre-ensemble et notre pacte républicain.
Plus généralement, la qualité du texte réside dans son équilibre – il s’agit de lutter contre toutes les formes d’insécurité – et c’est sans doute ce qui explique que le vote ait été unanime à l’Assemblée nationale.
En CMP, un consensus s’est formé sur deux modifications utilement apportées par les sénateurs : la suppression de l’article 11, relatif au prêt de main-d’oeuvre et la participation des polices municipales aux polices de transports publics. Cependant, la question de la formation et de l’agrément des agents de sécurité nous interpelle et nous place dans l’inconfort. Pour être plus efficaces, il nous faut certes des procédures rapides, mais il ne serait pas inutile de renforcer les contrôles sur le recrutement, la formation et l’agrément, parfois un peu trop légers. Nous avons besoin de garanties supplémentaires. En ce sens, le maintien, à l’initiative des sénateurs, du double agrément nous semble assez sage.
Concernant la vidéoprotection, la mention de certaines garanties pour les libertés individuelles introduites au Sénat nous semblait aussi intéressante.
Dans l’ensemble, et au-delà de ces nuances, nous soutenons les mesures du texte. Elles sont satisfaisantes pour les opérateurs de transports, les acteurs de la sécurité, et les 10 millions de citoyens utilisateurs quotidiens des transports en commun. Dans ces conditions, les députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste voteront cette proposition de loi.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, nous sommes invités à approuver définitivement le texte de la proposition de loi relative à la sécurité et à la lutte contre la fraude dans les transports publics.
Nous avons déjà évoqué en première lecture les réserves que nous inspire ce texte. Nous saluons bien entendu la réintroduction en CMP de l’article contre les violences et harcèlements à caractère sexiste, que le Sénat avait supprimé. La CMP a aussi repris plusieurs dispositions introduites par le Sénat, comme l’expérimentation du port de caméras-piétons ou l’obligation pour les fraudeurs de justifier de leur identité, et la possibilité pour les transporteurs d’exiger des titres de transport nominatifs.
Comme nombre des dispositions du texte, ces mesures ont pour effet d’élargir les compétences des agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP. Ceux-ci seront désormais autorisés à procéder à l’inspection visuelle et, le cas échéant, à la fouille des bagages, ainsi qu’à des palpations de sécurité lorsque les circonstances le commandent. Toute personne refusant de se soumettre à ces contrôles sera empêchée d’accéder aux transports. Par ailleurs, ces agents pourront être dispensés du port de la tenue pour faciliter la détection des infractions.
À ces mesures s’ajoute la possibilité pour les officiers et agents de police judiciaire de procéder à l’inspection visuelle des bagages à main sans l’accord des passagers, ainsi qu’à la fouille des bagages à mains sans qu’un délit ait été commis.
Le texte prévoit également que les policiers municipaux pourront effectuer des contrôles et dresser des procès-verbaux dans les transports sur le territoire de la commune ou des communes qui auront conclu avec elle une convention locale de sûreté. De même, les préfets pourront conclure avec les autorités organisatrices de transports et leurs exploitants un contrat d’objectif départemental, tandis que les exploitants pourront se doter de services de sécurité internes.
Indépendamment des appréciations que nous pouvons porter sur le bien-fondé de cette forme de surenchère sécuritaire, le texte soulève des interrogations sur la délégation des missions régaliennes de sécurité.
À l’heure actuelle, les personnels de sécurité de la SNCF et de la RATP disposent d’une telle délégation. Elle leur a été accordée en raison de leur qualité d’entreprise publique, investie de missions de service public et dont le personnel relève d’un statut particulier.
Or nous assistons depuis quelques années à une forme de banalisation de ces transferts de compétences et à un glissement vers un régime de prestation marchande des services de sécurité. Nous le voyons dans le domaine du transport maritime, dont nous débattions il y a quelques semaines, ou lorsque le Gouvernement décide de confier les contrôles radars mobiles routiers à des sociétés privées.
Le même processus est à l’oeuvre dans le transport ferroviaire. Avec la loi du 4 août 2014, qui oblige les services de sécurité de la SNCF à effectuer des prestations au bénéfice d’opérateurs concurrents, un pas a été franchi. Aujourd’hui, nous nous interrogeons sur les conséquences de l’extension de la liste des agents pouvant constater des infractions aux agents assermentés missionnés de l’exploitant. Nous nous interrogeons aussi sur l’extension à la province de la possibilité pour les réseaux de se doter de services de sûreté.
Déléguer une partie de l’exercice de compétences régaliennes n’est pas anodin. Nous ne saurions nous inscrire dans une logique de réduction des coûts, alors que de tels transferts interrogent à la fois sur la garantie des libertés publiques et sur la responsabilité de l’État dans l’exercice de ses pouvoirs régaliens.
S’agissant de la lutte contre la fraude, le texte vise notamment à instaurer un droit de communication entre les exploitants et les administrations publiques et à renforcer le délit de fraude d’habitude. Par ailleurs, il prévoit de sanctionner d’une peine de deux mois d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende les personnes qui signalent les contrôleurs. Une telle sanction paraît disproportionnée : rappelons, monsieur le secrétaire d’État, que la même infraction concernant les radars routiers ou un contrôle de vitesse inopiné est passible d’une contravention de cinquième classe, soit 1 500 euros, sans peine d’emprisonnement !
De surcroît, ces dispositions répressives sont décidées au plus mauvais moment, alors que le tarif solidarité transport est partiellement remis en cause en Île-de-France. Si la lutte contre la fraude est un objectif légitime, nous restons convaincus, pour notre part, qu’elle ne peut être dissociée des efforts de solidarité à l’égard des usagers les plus précaires. Ceux-ci n’ont pas tous, tant s’en faut, les moyens de s’acquitter régulièrement du montant de leurs titres de transport.
Malgré les réserves que nous venons d’énumérer, nous voterons cette proposition de loi, qui répond à une attente forte, exprimée par une majorité de nos concitoyens.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai, comme nous tous ici, une pensée amicale pour Gilles Savary, qui a porté ce texte important pour nos concitoyens. Pas moins de 10 millions d’usagers empruntent chaque jour, en effet, les transports publics de voyageurs. C’est l’expression quotidienne et concrète du droit à la mobilité qui est l’un des piliers de notre République.
Le Sénat et l’Assemblée nationale sont parvenus à un accord lors de la réunion de la commission mixte paritaire, le 10 février. Nous avons témoigné de notre responsabilité collective en apportant les bonnes réponses à cette question essentielle qui touche à la sûreté de nos concitoyens.
De quoi s’agissait-il ? Il convenait tout d’abord de transcender les clivages traditionnels pour permettre à ce texte d’être adopté rapidement et aboutir ainsi à une loi efficace, équilibrée et qui ne laisse aucun sujet de côté, j’insiste sur ce point.
Équilibrée parce que la sécurité des voyageurs est un continuum, et notre réponse aux enjeux en présence ne peut négliger une menace par rapport à une autre.
Efficace parce qu’elle apporte des réponses techniques et opérationnelles adaptées à la lutte contre le terrorisme, la fraude et les atteintes sexistes, dans le respect des libertés individuelles, et en assurant le financement des investissements de sûreté nécessaires.
Quelques mesures concourant à ces objectifs ont été introduites à l’initiative du groupe SRC. Je citerai l’obligation de présenter un document d’identité en cas d’absence de titre de transport valide afin d’améliorer considérablement le taux de recouvrement des procès-verbaux dressés à rencontre de fraudeurs, mais aussi la pénalisation de l’incitation à la fraude à travers les mutuelles de fraudeurs ainsi que la répression des messages de nature à informer de la présence de contrôleurs sur le réseau.
Rappelons évidemment que le principal apport de la loi en matière de prévention du terrorisme réside dans l’extension des pouvoirs des services de sécurité des transporteurs, et la capacité de s’en doter sur l’ensemble du territoire.
Ce texte n’élude aucun enjeu, vous le savez, et le principal point de discussion de la CMP concerne la réintroduction du titre III du texte, c’est-à-dire de l’article 14, porté par le groupe SRC, et relatif à la prévention des atteintes et violences à caractère sexiste.
Cet article prévoyait d’une part la responsabilité spécifique des autorités organisatrices de transports par le recensement de ces actes sur leurs réseaux ainsi que des actions de prévention mises en place et, d’autre part, une formation adaptée pour les services internes de sécurité. La valeur juridique de ces dispositifs a été débattue, je n’y reviendrai pas.
La dénonciation et la lutte contre les atteintes sexistes subies quotidiennement par la moitié des usagers des transports publics, soit 5 millions de femmes, doivent figurer dans ce texte. Si la place des femmes dans l’espace public n’est pas encore à l’égal de celle des hommes, c’est aussi en raison de ces actes dégradants, que les représentants de la Nation ne combattent pas suffisamment alors qu’ils ont les moyens d’agir.
La CMP s’est entendue sur une rédaction qui préserve un dispositif pertinent et attendu. Désormais, les AOT qui constateront des atteintes et des violences sexistes auront l’obligation de les recenser, de les prévenir, et de référencer l’ensemble de ces informations dans un bilan annuel adressé au défenseur des droits, au Haut conseil pour l’égalité entre les femmes et les hommes, à l’Observatoire national des violences faites aux femmes. La prévention des atteintes sexistes est érigée en axe prioritaire de l’action des transporteurs.
La formation des agents des services internes de sécurité est nécessaire puisque ce sont eux qui ont la mission de repérer ces actes de violence et surtout de recevoir, le mieux possible, les victimes. Sur ce point, nous avons accepté de retirer la version initiale de l’article 14 à l’unique condition que cette formation spécifique soit bien comprise dans le cahier des charges élaboré par les ministères de l’intérieur et des transports, en lien étroit avec la mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains. Je veux ici remercier le Gouvernement de nous avoir donné ce gage.
Concernant les autres dispositions du texte, je salue le travail efficace et consensuel de la CMP, l’implication totale et l’expertise de M. le rapporteur Gilles Savary ainsi que la disponibilité de M. le secrétaire d’État.
Le groupe SRC votera ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, dans la guerre qui nous oppose au terrorisme, notre rôle est de forger un véritable « bouclier de sécurité » pour protéger nos concitoyens.
Les transports en commun sont utilisés chaque jour par 10 millions de personnes en France, dont plus de 7 millions en Île-de-France. Pas moins de 14 000 trains circulent chaque jour pour transporter 2,5 milliards de voyageurs chaque année.
Pour faire face à cette menace, la police des transports compte 2 000 agents, le service de sécurité de la SNCF 2 800 et celui de la RATP 1 250.
Si ces effectifs peuvent assurer la sécurité du quotidien des transports, ils ne sont pas en mesure d’affronter la menace terroriste, que vous venez de qualifier de prioritaire, monsieur le secrétaire d’État. Celle-ci, d’ailleurs, ne se dément pas. J’en veux pour preuve cet individu radicalisé, assigné à résidence pendant trois mois, qui a pu prendre dimanche, sans entrave, un avion à Nantes et placer en soute des couteaux ainsi qu’une bombonne de gaz, avant d’être arrêté à son arrivée au Maroc.
La loi doit donc donner à ces forces de sécurité davantage de moyens. Tel est l’objectif de ce texte, et nous y souscrivons.
Oui, il est utile d’accorder à ces agents le droit de procéder à des inspections visuelles, à la fouille de bagages, à des palpations de sécurité, à l’instar des agents qui sécurisent les établissements accueillant du public.
Oui, il est utile de leur permettre de patrouiller en civil et de disposer de caméras-piétons pour sécuriser leurs interventions.
Oui, il est utile de les autoriser à constater directement certaines infractions, comme les ventes à la sauvette dans les gares.
Oui, la police municipale doit contribuer à cette mission, et c’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles je demande à la maire de Paris de doter la capitale d’une police municipale, comme cela existe dans de nombreuses villes françaises et européennes.
Oui, les forces de l’ordre doivent pouvoir accéder en temps réel aux images de vidéoprotection des réseaux de transports publics, le parcours des terroristes du Bataclan nous ayant prouvé une fois de plus que ceux-ci se déplacent aussi en transports en commun.
Oui, les personnes qui occupent des fonctions sensibles dans les entreprises de transports en commun doivent faire l’objet d’une enquête administrative, et il est heureux que le Sénat, rejoignant les propositions que j’avais portées en première lecture, ait étendu ce « criblage » aux personnels déjà en poste, comme le demandent d’ailleurs les entreprises de transport confrontées au phénomène de radicalisation.
Je regrette d’ailleurs que la CMP, qui a maintenu une demande de rapport sur le financement de la sécurisation des transports, n’ait pas réintroduit l’article 6 bis A inséré à mon initiative et relatif à la sécurisation des cabines de conducteurs de trains et de métros, ainsi qu’aux dispositifs permettant d’arrêter les trains à distance.
Parce que tout doit être mis en oeuvre pour sécuriser les transports, je regrette que ce texte, faute d’avoir retenu les améliorations proposées par l’opposition, notamment celles de M. Ciotti ou M. Darmanin, s’arrête au milieu du gué.
Il aurait fallu, comme nous le proposions, permettre aux agents de sécurité des transports habilités à porter une arme, de la porter hors service, comme c’est déjà le cas pour les policiers et policiers municipaux, afin de sécuriser tous les transports et lieux publics et éviter que des attentats comme celui qui a failli frapper le Thalys le 21 août dernier ne se reproduisent.
Il aurait fallu lever la condition de consentement préalable à la fouille de bagages ou à la palpation de sécurité, ne pas les conditionner à l’autorisation du Procureur, au risque de surcharger ce magistrat au-delà du fait que le délai d’immobilisation de trente minutes pourrait ne pas être suffisant pour le contacter, et poser clairement dans la loi le principe que tout refus de se plier à ces contrôles entraîne refoulement et interdiction d’accéder au réseau de transports.
Il aurait fallu rendre obligatoire la justification de l’identité dans les transports pour tous les passagers, et permettre aux agents de sécurité ferroviaire de procéder à des vérifications d’identité dans ces lieux.
La limitation de la justification de l’identité aux seuls passagers qui n’ont pas de titre de transport risque d’être inopérante, puisque les fraudeurs se garderont de présenter leurs papiers !
Si la pénalisation des mutuelles de fraudeurs était indispensable, il est dommage d’avoir limité à cinq au lieu de trois le nombre de fraudes caractérisant le délit d’habitude.
L’adoption d’un de nos amendements permettra néanmoins de centraliser le signalement de l’usurpation d’identité révélée par les croisements de fichiers administratifs dans le cadre du recouvrement des amendes par les opérateurs de transports.
En conclusion, le groupe Les Républicains votera ce texte, fidèle à son engagement dans la guerre contre le terrorisme. Mais nous espérons que vous ne serez pas obligé, monsieur le secrétaire d’État, d’adapter de nouveau dans quelques mois notre droit en réaction aux événements, alors que l’opposition ne cesse de vous proposer d’anticiper la menace. Vous auriez tort de ne pas en profiter.
C’est un amendement de cohérence.
L’amendement no 3 , accepté par la commission, est adopté.
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 2 .
Amendement de coordination.
L’amendement no 2 , accepté par la commission, est adopté.
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 1 .
Amendement de cohérence.
L’amendement no 1 , accepté par la commission, est adopté.
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire modifié par les amendements qui viennent d’être adoptés.
La proposition de loi est adoptée à l’unanimité.
Je voudrais tout d’abord remercier l’ensemble des parlementaires pour leur soutien à ce texte, qui relève d’ailleurs d’une initiative parlementaire à laquelle le Gouvernement a été associé. Je voudrais tout particulièrement les remercier au nom du ministère de l’intérieur et du mien. Le débat a permis de faire émerger de nombreuses questions, qui sont toutes légitimes. Il est normal que la conduite de l’action publique nous mène à adapter le droit aux évolutions de la société, aux circonstances. Nous ne savons pas de quoi demain sera fait. Un certain nombre de principes demeurent mais des adaptations sont parallèlement nécessaires.
Nous avançons aussi en apprenant, en étant confrontés à un certain nombre d’événements. C’est ainsi qu’il fallait agir et le débat, sérieux, a été mené avec la volonté de préserver les principes républicains et de répondre à deux problèmes, à l’origine distincts, la fraude et la lutte contre le terrorisme. Il fallait développer un arsenal législatif complémentaire, qui accorde de nouveaux pouvoirs et renforce l’efficacité de l’action publique. Quelles que soient leurs convictions personnelles, nos concitoyens attendaient cette réponse des pouvoirs publics. Qu’elle leur soit aujourd’hui apportée par un vote unanime me paraît important.
Je remercie tous ceux qui ont contribué à ce travail, rapide et efficace. Le Gouvernement a été très heureux d’accompagner la représentation nationale au travers de son rapporteur, Gilles Savary, que je veux citer à nouveau.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise.
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, visant à permettre l’application aux élus locaux des dispositions relatives au droit individuel à la formation et relative aux conditions d’exercice des mandats des membres des syndicats de communes et des syndicats mixtes (nos 3474, 3541).
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des collectivités territoriales.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, mesdames, messieurs les députés, le texte que vous examinez aujourd’hui apporte des corrections importantes à deux lois adoptées en 2015 et qui visent à améliorer les conditions d’exercice des mandats locaux : la loi du 31 mars 2015 visant à faciliter l’exercice, par les élus locaux, de leur mandat, dite loi Sueur-Gourault, d’une part, et la loi du 7 août dernier portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, d’autre part.
Favoriser l’accès de tous les citoyens aux fonctions électives est essentiel pour améliorer la représentativité et la vitalité de la vie démocratique de notre pays. Or cet accès dépend notamment de possibles allers et retours entre l’exercice d’un mandat électif et la poursuite d’une activité professionnelle.
De fait, un certain nombre de candidats potentiels hésitent à se présenter à une élection ou à briguer une fonction exécutive par crainte de l’avenir, faute de pouvoir préparer par exemple leur reconversion professionnelle. Il existe aujourd’hui encore trop d’obstacles qui contraignent nombre de nos concitoyens à renoncer à s’engager. Cela contribue à la sous-représentation de certaines catégories, socio-professionnelles ou d’âge, dont toutes les études sur le profil et le parcours des élus témoignent.
Quelque 550 000 élus, hommes et femmes, font le choix de se mettre au service de leurs concitoyens. Dans leur majorité, ils sont bénévoles et beaucoup perçoivent de très petites indemnités. La tâche qu’ils accomplissent au quotidien, au plus près des Français, est pourtant considérable. Ils sont en première ligne dans le développement des territoires, des services publics, et dans le maintien du lien social. Ils incarnent la République, partout.
Pour celles et ceux qui embrassent cet engagement de proximité, la loi du 31 mars 2015 est un texte essentiel et attendu. Je tiens, à ce titre, à saluer le travail conjoint effectué par les deux chambres. Portée par les sénateurs Jacqueline Gourault et Jean-Pierre Sueur, cette proposition de loi a été enrichie par les travaux des députés, notamment ceux de Philippe Gosselin et Philippe Doucet, auteurs en 2013 d’un rapport sur ce sujet.
Ce texte institue un droit individuel à la formation, un DIF, pour les élus locaux, droit qui était censé entrer en vigueur le 1erjanvier 2016. D’une durée annuelle de vingt heures, cumulable sur toute la durée du mandat, il est financé par une cotisation obligatoire dont le taux ne peut être inférieur à 1 % du montant des indemnités de fonction versées par la collectivité. La cotisation est collectée par un organisme national.
Toutefois, la loi du 31 mars 2015 n’a pas défini de fonds, ni désigné d’organisme chargé de sa gestion. Une telle modification est de niveau législatif, et ne relève pas d’une loi de finances. Il fallait donc qu’elle emprunte un véhicule législatif adapté. La présente proposition de loi en fait office. Eu égard à la nécessité d’aller vite, le Gouvernement a décidé d’engager la procédure accélérée sur ce texte.
Le nombre de bénéficiaires potentiels est constitué des 550 000 élus locaux de tous les niveaux de collectivités. Parmi eux, les 190 000 conseillers qui perçoivent une indemnité de fonction seraient assujettis au versement de la cotisation. Le montant total ainsi collecté au taux plancher de 1 % est estimé à 14 millions d’euros par an. La mise en oeuvre du DIF relèvera de l’initiative de chacun des élus concernés. Il peut aussi être utilisé pour des formations sans lien avec l’exercice du mandat, dans la perspective de la réorientation professionnelle de l’élu après la fin de son mandat.
La proposition de loi crée donc un fonds dédié à la mise en oeuvre de ce nouveau droit. Sa gestion administrative, technique et financière est confiée à la Caisse des dépôts et consignations, qui assurera également l’instruction technique des demandes de formation. Ce dispositif garantira la transparence qui a parfois manqué avant l’application des textes relatifs à la transparence de la vie politique.
En outre, il est prévu que les élus puissent exercer un suivi global de l’utilisation de ce fonds. Il s’agit d’une demande forte exprimée par les associations qui les représentent. Le comité des finances locales procédera donc à une information annuelle.
L’article 3 de la proposition de loi procède, quant à lui, à une autre rectification, qui porte sur la loi NOTRe. Je salue l’excellent travail d’Olivier Dussopt, qui en fut un rapporteur formidable et engagé et qui fait, de nouveau, démonstration de son goût de la précision et de la perfection en apportant, comme rapporteur de cette présente proposition de loi, les dernières pièces manquantes à la bonne application de la loi NOTRe, à laquelle nous sommes attachés.
Ainsi, la loi NOTRe prévoit, en son article 42, de supprimer les indemnités perçues par les présidents et vice-présidents des syndicats dont le périmètre est inférieur à celui des communautés de communes. Cette disposition est d’application immédiate. Or l’intention du législateur n’était, à l’évidence, pas celle-ci. En effet, la rationalisation du maquis syndical doit s’opérer avec efficacité mais également cohérence d’ensemble.
S’agissant par exemple de l’exercice de la présidence de certains syndicats par des personnalités qualifiées non élues, le législateur a prévu d’y mettre un terme en 2020. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a souhaité, lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative, remédier à cette situation par le report de la date d’entrée en vigueur de ce point du texte pour permettre aux élus concernés de s’organiser en conséquence, de manière à assurer une continuité juridique et une préservation de leurs droits individuels.
Cependant, le Conseil constitutionnel a censuré la disposition que le Parlement avait votée, estimant qu’elle constituait un « cavalier ». Le Gouvernement a donc présenté à nouveau un amendement dans le cadre de cette proposition de loi. Tel qu’adopté par les sénateurs, celui-ci prolonge les indemnités jusqu’en 2020, soit l’année de renouvellement général des mandats du bloc communal.
Il ne s’agit certainement pas de remettre en cause l’objectif de rationalisation des syndicats intercommunaux : les 13 000 syndicats mixtes et intercommunaux représentent un budget de 17 milliards d’euros et emploient aujourd’hui 65 000 agents, soit plus du tiers des personnels des établissements publics de coopération intercommunale – EPCI. Avec la nouvelle carte de l’intercommunalité, dessinée grâce à la loi NOTRe, et les nouveaux schémas départementaux de coopération intercommunale, cet exercice de rationalisation doit être accompli, ce qui favorisera les mutualisations et améliorera la lisibilité de l’action publique territoriale pour les citoyens.
Il s’agit simplement de trouver une date d’entrée en vigueur de cette disposition qui soit cohérente et protectrice des situations individuelles. Nous vous proposons donc de choisir, comme les sénateurs, le 1er janvier 2020 pour la fin des indemnités de présidents de syndicats mixtes ou intercommunaux d’une taille inférieure à celle des EPCI à fiscalité propre.
Je veux souligner devant vous à quel point il est important que les dispositions du texte adoptées par le Sénat fassent l’objet d’un vote conforme afin d’entrer en vigueur rapidement. Aujourd’hui en effet, les comptables continuent à indemniser les présidents de syndicat, mais uniquement sur le fondement d’un courrier du secrétaire d’État chargé du budget, Christian Eckert, qui leur a demandé de continuer à honorer ces demandes d’indemnisation, en s’engageant à ce que cette disposition figure dans le plus proche véhicule législatif adapté, lequel se trouve être cette proposition de loi. C’est pourquoi il faut aller très vite.
Aussi, sans vouloir brider ou contraindre le droit constitutionnel d’amendement des parlementaires, le Gouvernement souhaite un vote conforme de ce texte aujourd’hui, qui permette une promulgation de la loi dans les plus brefs délais. Je sais que cette requête est partagée dans vos rangs. En conséquence, l’avis du Gouvernement sur les différents amendements présentés aujourd’hui sera défavorable.
Évidemment, nos échanges ne sauraient clore les discussions relatives au statut de l’élu ou à l’exercice de leurs fonctions, ni celles relatives aux sujets qui font aujourd’hui l’objet d’amendements. Mais, c’est le choix de la sécurité juridique et de l’efficacité que nous vous suggérons aujourd’hui. Je souhaite donc qu’aboutisse, par nos débats de ce jour, l’inscription dans la loi de ces deux dispositions nécessaires.
Après l’adoption, ces dernières années, d’importants textes de réforme de notre organisation territoriale, nous oeuvrons, à ce stade de la mandature, à faciliter l’application des lois, par des retouches chirurgicales s’il est besoin, mais surtout en mettant du liant, de la souplesse dans la mise en oeuvre elle-même quand c’est nécessaire, en nous nourrissant des retours du terrain.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Olivier Dussopt, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, la commission des lois a procédé à une adoption conforme du texte voté par nos collègues du Sénat le 3 février dernier. Nous partageons l’objectif que vient de rappeler Mme la secrétaire d’État : sécuriser les dispositions relatives au droit individuel à la formation et permettre leur entrée en vigueur, mais aussi sécuriser le versement d’indemnités aux élus responsables de syndicats de communes – lorsqu’il s’agit de syndicats dont le périmètre est inférieur à celui d’un EPCI à fiscalité propre – ou de syndicats mixtes ouverts.
Le texte a donc pour objet, en premier lieu, de compléter la loi du 31 mars 2015 visant à faciliter l’exercice, par les élus locaux, de leur mandat. Cette loi importante fut proposée par nos collègues de Sénat, mais directement inspirée du rapport de nos collègues députés Philippe Doucet et Philippe Gosselin. Elle a permis plusieurs avancées. La charte de l’élu local, la clarification des règles relatives à l’accès au congé tant pour l’exercice de fonctions électives qu’à l’occasion de campagnes électorales, la validation des acquis de l’expérience, ou encore le droit à la suspension du contrat de travail, sont autant de points qu’il faut souligner.
Il en va de même de l’accès à la formation, non seulement par la valorisation des acquis de l’expérience mais aussi par le droit individuel à la formation, avec, comme le prévoyait la loi de mars 2015, un DIF à hauteur de vingt heures par an et par élu, renouvelable et utilisable soit pour améliorer les compétences en matière d’exercice du mandat local, soit pour préparer un reclassement ou une reconversion professionnelle.
Il était prévu que ce DIF soit financé par une cotisation assise sur les indemnités des élus, fixée à 1 % et gérée par un organisme collecteur. La loi de mars 2015 renvoyait le choix de l’organisme collecteur et des modalités de la contribution à un décret en Conseil d’État. Ce décret, pourtant annoncé pour septembre 2015, n’ayant pas été publié par le pouvoir réglementaire, nos collègues du Sénat, et en l’occurrence Jean-Pierre Sueur, ont pris l’initiative de déposer le présent texte afin que ce droit, dont on prévoyait qu’il puisse être exercé dès le 1er janvier 2016, entre rapidement en vigueur.
Ainsi, les articles 1er et 2 de cette proposition de loi désignent la Caisse des dépôts et consignations comme organisme collecteur de la cotisation pour le droit individuel à la formation et précisent les modalités de ladite cotisation, tout comme on avait désigné la Caisse des dépôts comme organisme collecteur en matière d’allocation différentielle de fin de mandat.
Par ailleurs, si la loi de mars 2015 comporte plusieurs avancées en matière de sécurisation de l’exercice du mandat des élus locaux et de reconnaissance de leur formation et de leur expérience, elle ne saurait en aucun cas représenter l’aboutissement du travail que nous avons à mener en matière de statut de l’élu local. Il faut le rappeler sans cesse, l’exercice de mandats locaux et de fonctions locales ne permet ni d’accéder à une protection sociale digne de ce nom ni de bénéficier d’une réelle allocation de retour à l’emploi, et encore moins de percevoir à la fin de sa carrière une indemnité de retraite, comme cela peut être le cas dans d’autres activités. Beaucoup de travail reste à faire pour ouvrir l’exercice des mandats locaux à des candidats et des élus issus de toutes les couches de la société et pour faciliter ainsi le renouvellement que beaucoup de concitoyens et nous-mêmes appelons de nos voeux.
Le deuxième objectif poursuivi par le texte est la sécurisation du versement des indemnités que les syndicats de communes dont le périmètre est inférieur à celui d’un EPCI à fiscalité propre ou les syndicats mixtes ouverts sont en droit de verser aux élus locaux.
L’article 42 de la loi NOTRe visait à supprimer la possibilité de verser ces indemnités uniquement dans le cas des syndicats de communes dont le périmètre est inférieur à celui d’un EPCI à fiscalité propre, et ce à partir du 1erjanvier 2017, c’est-à-dire dans le cadre de l’application des nouveaux schémas départementaux de coopération intercommunale, afin d’accompagner le mouvement de rationalisation du nombre de syndicats intercommunaux. Cependant, un sous-amendement présenté en séance par le Gouvernement lors de l’examen de cette loi a conduit à un défaut de coordination dont la conséquence est, d’une part, l’application de ces dispositions dès le 9 août 2015, date d’entrée en vigueur de la loi, d’autre part, leur extension aux syndicats mixtes ouverts pouvant regrouper des régions, des départements, des intercommunalités et des communes.
Conscients de ces difficultés, le Gouvernement a demandé que les indemnités concernées continuent d’être versées en attendant une correction législative. Il a effectué une première tentative à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances rectificative, mais, comme l’a indiqué Mme la secrétaire d’État, l’article ainsi introduit par amendement gouvernemental a fait l’objet d’une censure du Conseil constitutionnel, qui l’a considéré comme un « cavalier ». Avec cette proposition de loi issue du Sénat, le véhicule législatif semble largement mieux adapté. Lors de l’examen en séance publique au Sénat, le Gouvernement a donc déposé un amendement visant à permettre le versement des indemnités dans les syndicats concernés, non pas jusqu’au 1er janvier 2017 comme le proposait initialement la loi NOTRe, mais jusqu’au 1er janvier 2020, date limite du transfert obligatoire des communes vers les intercommunalités de l’exercice des compétences en matière d’eau et d’assainissement. C’est en effet dans ce domaine que de très nombreux syndicats de communes, notamment les syndicats de petite taille, exercent leurs compétences. Il est donc cohérent que l’extinction de la possibilité de verser des indemnités coïncide avec le transfert total vers les intercommunalités.
Pour ces deux raisons – sécurisation et effectivité du droit individuel à la formation des élus locaux, sécurisation du versement des indemnités des élus qui administrent des syndicats de communes de petite taille –, la commission des lois a fait le choix d’une adoption conforme, afin que ces dispositions entrent en vigueur le plus rapidement possible.
Je fais miens les propos de Mme la secrétaire d’État au sujet des amendements déposés en commission et pour le débat en séance publique. La commission en a repoussé certains soit pour des raisons de fond, soit, précisément, pour préserver la possibilité d’une adoption conforme. Il s’agit en particulier des amendements qui visent à modifier les dispositions de la loi du 31 mars 2015 fixant le montant des indemnités dans les communes de moins de 1 000 habitants – nous y reviendrons –, et, plus encore, des amendements qui portent sur les dates de mise en oeuvre des nouveaux schémas départementaux de coopération intercommunale ou qui tendent à supprimer les conseils économiques et sociaux régionaux.
Chacun de ces débats pourrait nous occuper de longues heures. Chacun a une pertinence, voire une opportunité. Mais l’adoption de ces amendements interdirait un vote conforme et laisserait perdurer une situation d’insécurité juridique en matière de droit individuel à la formation et de versement des indemnités.
Voilà pourquoi, vous n’en serez pas surpris, la commission des lois, réunie en application de l’article 88 du règlement, a repoussé l’ensemble des amendements déposés en vue de l’examen en séance publique. J’aurai l’occasion de le rappeler au cours de la discussion : nous souhaitons que ce texte soit voté conforme et entre en vigueur très rapidement.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues – qui êtes pleinement mobilisés sur ce sujet important (Sourires) –, si l’on s’en tient au texte de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, la discussion générale sera expéditive. Conformément à sa mission constitutionnelle de représentant des collectivités territoriales, le Sénat saisit l’Assemblée nationale d’un texte utile pour le fonctionnement de la démocratie locale.
Au nom des députés du groupe Les Républicains, j’exprime notre accord avec l’article 1er qui confie à un un fonds, géré par la Caisse des dépôts, la collecte des cotisations des élus nécessaires au financement du nouveau dispositif de formation.
De même, l’article 2 répare utilement une malfaçon législative s’agissant des élus locaux responsables des syndicats de communes et des syndicats mixtes, qui effectuent un vrai travail d’intérêt général. Il n’est pas illégitime de maintenir un régime indemnitaire modeste, très inférieur à ce que serait le salaire d’un cadre du privé ou le traitement d’un fonctionnaire recruté pour faire le même travail. Je pense, par exemple, aux élus ruraux responsables des syndicats de gestion des eaux qui rendent un véritable service public de proximité.
Nous pourrons donc approuver sans difficulté ces deux articles. Est-ce à dire, madame la secrétaire d’État, que la discussion doit s’arrêter là ?
Je ne le crois pas, car ce véhicule législatif léger peut aussi être l’occasion de corriger rapidement d’autres dispositions législatives qui ont été votées, peut-être de manière inconsidérée, au cours des dernières années.
Permettez-moi de vous présenter, à cet égard, quatre amendements.
Le premier amendement, qui engage l’ensemble du groupe Les Républicains, propose de corriger l’article 3 de la loi de mars 2015, lequel prévoit que les maires des communes de moins de mille habitants voient leur indemnité fixée automatiquement au maximum du barème et cela sans pouvoir y déroger.
Ainsi, pour les communes de moins de mille habitants, l’indemnité est désormais fixe, tandis que dans les communes de plus de mille habitants elle peut être modulée, si le maire en fait la demande et si celle-ci est approuvée par une délibération du conseil municipal.
Autrement dit, et c’est une véritable absurdité, la loi votée en 2015 force des maires de petites communes rurales à augmenter leur indemnité, à compter du 1er janvier 2016, pour atteindre le taux maximal. De nombreux maires de petites communes, qui sont au service de l’intérêt général, nous ont fait part de leur légitime incompréhension et nous ont saisis, nous demandant de leur redonner la liberté de baisser leurs indemnités.
Il faut, dans les meilleurs délais, retrouver un peu de bon sens et de souplesse en rendant possible la dérogation au taux maximal dans toutes les communes, quel que soit leur nombre d’habitants. Ainsi les maires ruraux qui le veulent pourront demander à leur conseil municipal de délibérer pour baisser leurs indemnités. Cette proposition, vous le savez, reçoit le soutien de l’Association des maires de France et de l’Association des maires ruraux.
Je précise que, parallèlement à l’amendement déposé par mes collègues du groupe Les Républicains, nos collègues sénateurs, à l’initiative de Jean-Baptiste Lemoyne, sénateur de l’Yonne, ont préparé une proposition de loi qui comporte la même disposition.
Nous proposons donc que, sans attendre la discussion de cette proposition de loi, cette question puisse être réglée dès aujourd’hui dans le présent texte, qui serait alors examiné rapidement par le Sénat pour une adoption conforme.
Le deuxième amendement que je souhaite présenter à cette tribune l’est à titre personnel. J’avais déjà soulevé ce point au cours de l’été 2014 lors de la discussion du projet de loi relatif à la délimitation des régions. Cette loi a mécaniquement augmenté le montant des indemnités perçues par les conseillers régionaux puisque le montant des indemnités est fixé selon un barème qui dépend du nombre d’habitants de la région et que, sauf exception, la taille des régions a augmenté. On l’a vu, notamment, au conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté où la fusion a provoqué une forte augmentation de l’indemnité des élus régionaux.
Je propose, une nouvelle fois, que tous les conseillers régionaux, quelle que soit la taille de la région, soient indemnisés de la même manière, à hauteur de l’indemnité qui était jusqu’alors prévue dans les régions comptant moins d’un million d’habitants. Je propose en outre que les conseils régionaux puissent réduire le montant des indemnités allouées à leurs membres, lorsque ceux-ci n’assument pas leur fonction, jusqu’à 75 % de leur indemnité.
Dans un troisième amendement, je propose de supprimer les conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux, les CESER.
Naturellement, il est tout à fait souhaitable que les différents acteurs économiques, sociaux et environnementaux actifs au sein des différentes régions puissent être consultés, en tant que de besoin, par les responsables publics. Mais cette consultation ne rend aucunement nécessaire le maintien d’un organe permanent, organe dont les membres sont indemnisés, qui fait appel à des services administratifs et dont le coût de fonctionnement n’est pas négligeable.
Il faut rappeler en effet que les CESER comptent aujourd’hui 2 249 membres, lesquels sont indemnisés à hauteur d’environ 1 100 euros par mois en moyenne – en réalité, entre 700 et 1 500 euros selon la région. Ce sont environ 30 millions d’euros qui sont dépensés chaque année pour indemniser les membres des CESER. Cette somme pourrait être utilement réaffectée à des dépenses d’intérêt général ou à une réduction du déficit des administrations publiques.
Le quatrième amendement que je souhaite vous présenter, avec notamment Hervé Gaymard, Luc Chatel, Marc Le Fur et Alain Marleix, concerne le rythme de création des nouvelles communautés de communes.
La NOTRe a en effet défini une procédure contrainte et un calendrier serré pour créer de nouvelles intercommunalités dans le cadre des schémas départementaux de coopération intercommunale.
Je suis convaincu de la nécessité de mieux respecter les libertés locales pour réussir pleinement la création d’intercommunalités de projet, adaptées aux réalités des territoires.
Dans cet esprit, il me paraît indispensable que la date de création des nouvelles intercommunalités ne soit pas uniformément fixée au 1er janvier 2017. En disant cela, madame la secrétaire d’État, je ne cherche pas du tout à procrastiner. Je suis moi-même actuellement occupé à faciliter la création d’une communauté de communes rurales qui atteindra 37 000 habitants, bien au-delà des seuils suggérés par la loi NOTRe, mais je crois profondément que pour réussir cet exercice, plus familièrement pour que la mayonnaise prenne, il peut être utile d’envisager quelques mois supplémentaires pour mettre au clair le projet en matière de gouvernance, d’organisation, de compétences. C’est pourquoi une ambiguïté de la rédaction actuelle de la loi NOTRe doit être levée.
Le septième alinéa de l’article 35 de la loi – vous me permettrez d’aborder la question sous un angle très technique, car chaque mot compte – dispose en effet que « La création de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre est prononcée par arrêté du ou des représentants de l’État dans le ou les départements intéressés, avant le 31 décembre 2016 ».
Il n’est pas explicitement précisé que cet arrêté, pris avant le 31 décembre 2016, doive nécessairement prendre effet dès le 1er janvier 2017. C’est pourtant cette interprétation très restrictive, et peut-être contra legem, qu’a retenue le Gouvernement dans une circulaire impérative adressée aux préfets et signée par votre prédécesseure Marylise Lebranchu et par Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Je cite cette circulaire, parue en août dernier : « La date d’effet est prévue au 1er janvier 2017. Aucune dérogation ou report ne pourra être fixé dans les arrêtés préfectoraux ».
Aussi je propose, à défaut d’une modification de la circulaire, qui apporterait de la souplesse à droit constant, que nous restaurions explicitement, par la loi, la liberté de fixer la date de création des nouvelles intercommunalités. Ainsi, si la commission départementale de coopération intercommunale le souhaite, le préfet sera tenu de différer au 1er janvier 2018 la date d’entrée en vigueur de l’arrêté créant la nouvelle intercommunalité. Annie Genevard, qui va nous rejoindre, présentera un amendement assez similaire.
Quoi qu’il en soit, madame la secrétaire d’État, prenons le temps, cet après-midi, de débattre de l’interprétation de la loi NOTRe pour tenter de desserrer les instructions ministérielles données aux préfets s’agissant de la date d’entrée en vigueur de ces arrêtés. Encore une fois, je ne remets pas en cause les étapes intermédiaires de création des schémas, je ne fais que m’interroger sur la date d’entrée en vigueur des arrêtés qui seront en tout état de cause pris avant le 31 décembre 2016.
Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes en mars 2016 : le temps législatif s’accélère avant que ne sonne la fin de la législature. Cette proposition de loi peut être un vecteur rapide permettant de corriger certaines imperfections législatives. C’est dans cet esprit que, au nom de mes collègues du groupe Les Républicains, en approuvant les deux articles qui nous ont été transmis par le Sénat, j’appelle notre assemblée à les compléter en adoptant les amendements de bon sens que je viens de vous présenter.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’examen de cette proposition de loi intervient un an après l’adoption de la loi du 31 mars 2015 visant à faciliter l’exercice par les élus locaux de leur mandat.
Initiée par nos collègues sénateurs Jacqueline Gourault et Jean-Pierre Sueur, cette loi, si elle n’a pas permis de répondre à la question du statut de l’élu local, a eu au moins le mérite de prévoir des mesures concrètes et nécessaires à l’amélioration des conditions d’exercice du mandat des élus locaux.
Avec mon collègue Franck Reynier, nous souhaitons cependant appeler l’attention, comme vient de le faire mon collègue du groupe Les Républicains, sur une mesure entrée en vigueur le 1er janvier dernier.
Dans les communes de moins de mille habitants, le conseil municipal ne peut plus, par délibération, fixer l’indemnité de fonction du maire à un montant inférieur au barème mentionné à l’article L. 2123-20 du code général des collectivités territoriales.
De nombreux maires de communes de moins de mille habitants avaient en effet décidé de diminuer leurs indemnités afin, notamment, que la baisse des dotations de l’État ne pénalise pas leur collectivité.
Les économies réalisées étaient souvent allouées aux associations de la commune ou consacrées à des travaux de réaménagements publics. Il serait, à notre sens, et à la demande de très nombreuses communes, intéressant que cette démarche vertueuse pour les finances locales soit de nouveau possible.
Madame la secrétaire d’État, je suis moi-même maire d’une commune et puisque ce sera demain, malheureusement, une espèce disparue dans notre hémicycle, alors que nous ne cessons, au sein de la commission du développement durable, de rappeler l’intérêt de la biodiversité, je veux une nouvelle fois vous signaler, en tant que praticien des finances locales, que dans le contexte de réduction drastique des dotations de l’État à nos communes, les élus se voient confrontés à un terrible effet ciseaux, avec d’un côté des charges qui n’ont de cesse de progresser et de l’autre des recettes en constante diminution. Il en résulte inévitablement un manque d’attractivité des fonctions électives locales et une crise des vocations, en particulier dans les plus petites de nos communes où, finalement, on ne peut plus faire grand-chose…
Cette crise est encore renforcée par les obstacles et les difficultés qu’ils rencontrent dans l’exercice de leur mandat. Les élus locaux nous font ainsi part de leurs incertitudes quant à leurs responsabilités juridiques.
Au-delà de ces aspects techniques, il leur est également extrêmement difficile de concilier l’exercice de leur mandat avec une activité professionnelle, mais aussi de se réinsérer professionnellement pour ceux qui ont mis leur carrière entre parenthèses.
Le droit individuel à la formation, instauré par la loi du 31 mars 2015, visait précisément à répondre à la question de l’après-mandat, légitime préoccupation des élus locaux.
Ce dispositif s’inspire d’ailleurs du droit individuel à la formation, le DIF, qui était applicable aux salariés du secteur privé jusqu’au 1er janvier 2015 avant sa transformation en CPF – compte personnel de formation.
Ce droit permet aux élus locaux de bénéficier d’une formation d’une durée annuelle de vingt heures, cumulable sur toute la durée du mandat et financée par une cotisation obligatoire. Cette formation pourra soit servir à l’exercice du mandat, soit préparer à la réinsertion professionnelle à son issue.
Or, à ce jour, en l’absence de décret d’application, ce droit, légalement applicable depuis le 1er janvier 2016, n’est pas encore entré en vigueur. Cette proposition de loi contribue à sa mise en oeuvre effective et en clarifie le financement.
À ce titre, nous considérons que le fait de confier la gestion des demandes de formation des élus à la Caisse des dépôts et consignations est pertinent au regard de l’expérience et de l’expertise de la Caisse. Celle-ci, en effet, gère déjà le fonds de financement de l’allocation de fin de mandat ainsi que certains régimes de retraite et de protection sociale des élus ; elle assure en outre la gestion du système d’information du compte personnel de formation.
En revanche, il serait souhaitable que la proposition de loi tienne compte des particularités de la Polynésie française, ainsi que l’a indiqué notre collègue Maina Sage en commission.
La loi du 31 mars 2015 dispose que le montant réel des dépenses de formation ne peut excéder 20 % du montant total des indemnités des élus concernés. Or il est très difficile de respecter ce plafond en Polynésie, territoire grand comme l’Europe, dès lors qu’il faut financer le transport des élus par exemple vers Papeete. Nous devrons donc nous montrer vigilants en matière de plafond, en particulier lors de la rédaction des décrets d’application.
Ce texte offre par ailleurs l’occasion, par le biais de son article 3, de corriger une incohérence apparue au cours de la deuxième lecture du projet de loi NOTRe, à la suite de l’adoption d’un amendement parlementaire.
Désormais, les présidents et les vice-présidents de syndicats mixtes se situant à l’échelon infracommunautaire, c’est-à-dire de syndicats plus petits que les intercommunalités, ne sont plus indemnisés, contrairement aux présidents et aux vice-présidents des syndicats dont le périmètre est supérieur à celui d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre. L’article 3 permet aux élus de bénéficier de nouveau des mêmes conditions de traitement pour l’exercice de leurs fonctions.
Nous approuvons cette mesure, même si nous ne pouvons que déplorer ce qui s’apparente à une énième rustine placée sur la loi NOTRe, dont l’application fait apparaître chaque jour de nouvelles imperfections. Toutes ces corrections tardives révèlent les désagréments de l’inflation législative et la précipitation avec laquelle les lois sont le plus souvent rédigées.
Plus largement, pas plus que la loi du 31 mars 2015, ce texte ne doit nous dispenser pour l’avenir d’une rénovation en profondeur du statut de l’élu local. Un vaste chantier est à entreprendre afin que ce statut soit à la hauteur des exigences, sans cesse grandissantes, vous le savez, tant des citoyens que de l’État, qui délègue continuellement plus de responsabilités aux collectivités, donc aux élus locaux.
Ce chantier implique notamment que nous abordions le problème de la multiplicité des collectivités, du manque de lisibilité du système pour nos concitoyens, de la difficulté d’identifier les compétences, le rôle et les responsabilités de chacun. Tous nos efforts, même s’ils sont louables, seront vains tant que nous n’aborderons pas les véritables questions : la pertinence du nombre de strates administratives, les compétences de chacune des collectivités et les responsabilités des élus.
Nous devrons également trouver des solutions approfondies pour remédier à l’inégal accès aux mandats électifs et redonner au mandat local toute son attractivité. C’est important, vous le savez, pour la respiration et même pour la représentativité de la démocratie locale.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, tout en restant dans l’attente de réformes à venir sur la question du statut de l’élu local, le groupe UDI votera la proposition de loi.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le vice-président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le dépôt de la présente proposition de loi – quelques mois après l’adoption de celle qui visait à faciliter l’exercice par les élus locaux de leur mandat –, ainsi que la décision d’engager la procédure accélérée traduisent la volonté de mettre en oeuvre rapidement le droit individuel à la formation ouvert à tous les élus locaux, qu’ils perçoivent ou non une indemnité.
À la différence du droit à la formation existant, qui tend à soutenir les élus dans l’exercice de leur mandat, le droit individuel à la formation précisé par le texte leur permet de suivre des formations pouvant notamment contribuer à l’acquisition des compétences nécessaires à leur réinsertion professionnelle à l’issue de leur mandat. Le problème se pose régulièrement après chaque élection.
Ce droit a été institué, nous l’avons dit, par la loi du 31 mars 2015 visant à faciliter l’exercice par les élus locaux de leur mandat, et grâce à laquelle chaque élu local disposera, à partir du 1er janvier 2016, d’un droit à vingt heures de formation à ce titre par année de mandat. Ce droit est financé par une cotisation minimale de 1 % prélevée sur les indemnités de fonction. Toutefois, plusieurs dispositions de ce texte n’ont pas été prises en compte, lacune à laquelle la proposition de loi tente de remédier.
Celle-ci prévoit de créer un fonds pour le financement du DIF des élus locaux, d’en confier l’administration à la Caisse des dépôts et consignations qui en assumerait la gestion administrative, technique et financière ainsi que l’instruction des demandes de formation, et d’obtenir une information annuelle du comité des finances locales sur la gestion du fonds.
Le droit individuel à la formation des élus locaux est un progrès, puisqu’il contribue à la construction d’un véritable statut de l’élu, que nous attendons toujours. En rassurant les candidats à un mandat électif ou les élus en fin de mandat sur leur retour à la vie professionnelle classique, en consacrant le principe selon lequel celui qui agit pour la collectivité ne doit pas être pénalisé sur le plan professionnel, le droit individuel à la formation tend à ouvrir plus largement l’exercice des mandats, à favoriser le renouvellement du personnel politique local et à renforcer la diversité des assemblées.
J’ai connu un certain nombre de personnes qui refusaient de se présenter à des élections parce que leur profession ne leur permettait pas, si elles exerçaient un mandat, de retrouver ensuite un travail. C’est le cas des travailleurs indépendants, qui sont peu nombreux dans nos assemblées.
Je pensais particulièrement aux artisans et non aux avocats, qui, j’en conviens, monsieur Le Bouillonnec, sont assez nombreux parmi les parlementaires...
Avec la fin du cumul des mandats pour les fonctions exécutives, que nous espérons ne pas voir remis en cause lors d’une alternance, nous sommes à un moment clé de la rénovation de nos pratiques. La question du statut de l’élu ne peut plus être éludée. C’est à une véritable révolution dans les pratiques que nous devons aujourd’hui nous atteler. Pour beaucoup, l’engagement politique constitue un frein aux carrières professionnelles. L’instauration d’un statut de l’élu doit permettre de créer des conditions et un climat plus favorables à l’engagement des citoyens dans la vie politique.
Le cadre législatif est aujourd’hui inadapté. Il le sera plus encore à l’avenir en raison d’une plus grande diversité des titulaires de mandats, ainsi que d’une plus grande difficulté à concilier les fonctions électives avec une activité professionnelle. Il convient donc de rénover le dispositif normatif en vigueur afin de le rendre compréhensible par les citoyens et adapté au rôle nouveau des élus, en proposant des solutions concrètes.
L’objectif de la proposition de loi est de rendre effective la facilitation des passerelles entre les activités d’élu et les autres activités publiques ou privées. Mais au-delà de ce texte, il faut tendre vers l’instauration d’un statut de l’élu local, qui assure une protection sociale facilitant l’entrée et la sortie du mandat, corollaire indispensable au non-cumul des mandats et des fonctions.
Cette mesure concernant le DIF, additionnée à celles contenues dans la loi du 31 mars 2015 visant à faciliter l’exercice par les élus locaux de leur mandat, permettra de lutter contre une certaine professionnalisation de la politique. Bien loin de demander davantage d’indemnités, souvent pour ne pas grever les finances de leurs communes, les élus locaux réclament en revanche plus de considération et de reconnaissance, ce que tout un chacun peut leur apporter, mais également plus d’information et plus de formation tant durant leur mandat que pour l’après-mandat, ce que la loi peut leur assurer.
Nous avions apprécié que la loi du 31 mars 2015 étende aux adjoints aux maires des communes de plus de 10 000 habitants le droit à la formation professionnelle et à un bilan de compétences, auparavant réservé aux adjoints des communes de plus de 20 000 habitants. Nous avions accueilli avec la même satisfaction la validation des acquis de l’expérience pour les élus, l’instauration d’un plancher pour les dépenses de formation, la formation obligatoire pour les nouveaux élus la première année et enfin, ce qui nous intéresse plus particulièrement aujourd’hui, le droit individuel à la formation, étendu par ailleurs aux adjoints.
Nous avions formulé une proposition qui tient toujours, mais la volonté d’adopter définitivement aujourd’hui la proposition de loi par un vote conforme à celui du Sénat nous empêche de la proposer par un amendement. Dommage ! Pour faciliter la réintégration dans le marché du travail à la fin d’un mandat, il serait en effet bienvenu de transférer au compte personnel de formation prévu par le code du travail les heures de formation qui n’auraient pas été accomplies durant leur mandat par les élus locaux.
Par ailleurs, il convient de ne pas minimiser les difficultés rencontrées par certains élus locaux pour faire financer l’intégralité de leurs formations. Des collectivités territoriales rechignent à rembourser aux élus leurs frais de transport et d’hébergement, quand bien même la loi les y oblige. Il faut dire aussi que trop de maires et de majorités refusent encore de prendre en charge les formations des élus de l’opposition. De manière générale, nous savons très bien que, compte tenu des contraintes budgétaires qui pèsent sur les collectivités territoriales, les crédits de formation sont bien souvent victimes de restrictions, alors qu’ils correspondent à un droit.
Une nouvelle disposition, qui n’a pas grand-chose à voir avec les précédentes, a été ajoutée lors de la discussion au Sénat, dans l’article 3. Celui-ci vise à reporter l’entrée en vigueur de la réforme du régime indemnitaire des présidents et vice-présidents des syndicats de communes et des syndicats mixtes ouverts, opérée par la loi NOTRe, au terme du délai de deux ans suivant sa publication.
Aux termes de la loi NOTRe, ne pourraient être indemnisés que les présidents et vice-présidents des syndicats dont le périmètre dépasse ceux des nouvelles intercommunalités dont la carte devait être figée au 1er janvier 2017. Pour les autres élus, seul le remboursement des frais serait possible. L’objectif était d’aider à la limitation et à la rationalisation du nombre de ces syndicats.
La mesure a toutefois posé problème pour plusieurs élus, qui ne percevaient plus d’indemnités dès août 2015 à cause d’un sous-amendement gouvernemental. C’est ce qui explique la volonté de repousser l’entrée en vigueur de la disposition. En effet, les indemnités supprimées semblent indispensables pour maintenir au sein de ces syndicats des personnels compétents et pour pérenniser leur fonctionnement, qui nécessite un travail important.
Il est donc proposé par l’article 3 de la proposition de loi de reporter au 1erjanvier 2020 l’entrée en vigueur du nouveau régime indemnitaire des présidents et vice-présidents de syndicats de communes et de syndicats mixtes. La mesure sera, je le crois, unanimement saluée par les exécutifs des syndicats mixtes, qui, depuis six mois, n’ont pas arrêté de nous alerter sur les conditions dans lesquelles ils sont amenés à effectuer un mandat lourd sans compensation.
En définitive, la proposition de loi est brève mais utile, car elle vient préciser les modalités d’application de textes très importants précédemment votés. Nous la soutiendrons donc, et contribuerons ainsi à faciliter un tant soit peu, pour les élus locaux, l’exercice d’un mandat qui est loin d’être une sinécure.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes réunis pour examiner la proposition de loi relative au droit individuel à la formation des élus locaux et aux conditions d’exercice des mandats des membres des syndicats de communes et des syndicats mixtes.
Ce texte présenté par nos collègues du groupe socialiste du Sénat vise à rendre effectif le droit individuel à la formation des élus locaux, droit qui, faute de décret d’application, n’a pas encore pu être exercé.
En effet, l’article 15 de la loi du 31 mars 2015 visant à faciliter l’exercice par les élus locaux de leur mandat, a instauré un droit individuel à la formation des élus municipaux, départementaux et régionaux. En application de ces dispositions, les élus locaux peuvent bénéficier d’une formation d’une durée annuelle de vingt heures, cumulable sur toute la durée du mandat et financée par une cotisation obligatoire. Ces formations doivent pouvoir servir à l’exercice de son mandat par l’élu ou à la préparation de sa réinsertion professionnelle.
Si, lors de l’examen de cette loi, nous nous étions déclarés tout à fait favorables à la reconnaissance d’un congé de formation professionnelle ou au bénéfice d’un bilan de compétences pour l’ensemble des élus, nous nous étions inquiétés de la mise en place d’un droit individuel à la formation reconnu aux élus, si ce droit concernait des formations sans lien avec l’exercice de son mandat par l’élu, ce qui pouvait faire craindre une professionnalisation de la fonction d’élu, à laquelle nous nous sommes opposés avec constance.
Il paraissait donc nécessaire de mettre en place des organismes capables d’assurer un contrôle de l’exercice de ce droit individuel à la formation par les élus locaux. L’article ler, qui prévoit la création d’un fonds chargé du financement de ce droit et confie la gestion administrative, technique et financière à la Caisse des dépôts et consignations, semble répondre à cette exigence.
Cette instance sera chargée d’instruire les demandes de formations présentées par les élus. Or sa compétence n’est plus à démontrer en raison de son expertise dans le domaine de la formation ou des prestations accordées aux élus locaux, particulièrement à ceux se trouvant en fin de mandat, ou en matière de gestion de certains régimes de retraite.
Nous sommes rassurés par le fait qu’un bilan de la gestion du fonds de financement du droit individuel à la formation fasse l’objet d’une information annuelle du comité des finances locales. Cette information permettra un contrôle effectif des formations accordées aux élus locaux et des fonds mobilisés à ce titre.
Nous sommes d’ailleurs satisfaits par les précisions apportées par le texte quant aux bénéficiaires de ce droit individuel à la formation. Celui-ci est financé par une cotisation prélevée sur les indemnités de fonctions, mais bénéficie à l’ensemble des élus, qu’ils perçoivent ou non une indemnité.
Enfin, dans les outre-mer, il est essentiel, pour que le droit individuel à la formation entre réellement en vigueur et bénéficie à l’ensemble des élus locaux, que l’on tienne compte de l’isolement de nombreuses collectivités et de l’absence d’offre de formations spécialisées sur place.
Il est dès lors indispensable que l’organisme collecteur et les gestionnaires du droit individuel à la formation prévoient, dès l’origine, les conditions pratiques et financières de mise à disposition d’agents formateurs compétents ayant la possibilité de se rendre dans ces collectivités isolées – je pense ici évidemment, tout particulièrement, à ma circonscription de Saint-Pierre-et-Miquelon. À défaut, le droit à la formation des élus risque de demeurer un voeu pieu ; on risque de créer un statut des élus différencié selon la localisation de leur territoire d’élection.
Si le texte initialement présenté par nos collègues sénateurs ne concernait que la formation des élus locaux, il a été enrichi, à la suite de l’adoption de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République du 7 août 2015, par des dispositions relatives au régime indemnitaire des membres des syndicats intercommunaux.
L’article 3 du texte en discussion vient combler une difficulté soulevée par l’adoption de l’article 42 de la loi NOTRe concernant le régime indemnitaire des présidents et vice-présidents des syndicats de communes et des syndicats mixtes, et nous souscrivons à cette démarche. En effet, au cours des nombreux débats sur la loi NOTRe, a été introduite une disposition octroyant le bénéfice d’une indemnité de fonction aux seuls présidents et vice-présidents des syndicats de communes et des syndicats mixtes disposant d’un périmètre supérieur à celui d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre présent sur le même territoire. En revanche, aucune disposition n’était prévue pour les syndicats mixtes ouverts dits « restreints ». En outre, cette suppression des indemnités était applicable dès la publication de la loi NOTRe, alors qu’un report d’application au 1er janvier 2017 aurait été plus cohérent, puisqu’il aurait coïncidé avec la date d’entrée en application de la future carte intercommunale.
Dans un souci de coordination avec l’ensemble des règles applicables à l’intercommunalité, le report de la suppression du bénéfice des indemnités pour les présidents et vice-présidents des syndicats de communes et syndicats mixtes dont le périmètre est inférieur à celui d’un EPCI à fiscalité propre apparaissait donc comme la meilleure solution. De même, la mise en place de manière rétroactive du bénéfice des indemnités de fonction pour les syndicats, quel que soit leur périmètre, est une mesure souhaitée par les élus.
Le texte adopté par le Sénat et examiné aujourd’hui par notre assemblée permet de combler certaines des difficultés connues par les élus locaux. Ainsi, pour toutes ces raisons, vous l’aurez compris, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste votera le texte.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi dont nous débattons a d’abord pour objet de mettre en oeuvre les dispositions de la loi du 31 mars 2015, que nous avons approuvées, et qui ont ouvert aux élus locaux la faculté de se constituer un droit individuel à la formation. La proposition de loi vise aujourd’hui à créer un fonds pour le financement de ce droit et à en confier la gestion administrative et financière à la Caisse des dépôts et consignations. Nous approuvons ce choix, car cette institution nous paraît la plus apte à remplir cette mission, tant en raison de sa compétence en matière de gestion du compte personnel de formation, depuis le 1er janvier 2015, que de son expertise dans le champ des garanties offertes aux élus locaux. Nous restons en revanche dubitatifs quant au choix opéré l’an dernier de faire reposer le financement de ce droit sur une cotisation minimale de 1 % prélevée sur les indemnités de fonction, car le droit individuel à la formation bénéficie à l’ensemble des élus, qu’ils perçoivent ou non une indemnité.
Nous nous interrogeons aussi sur la viabilité de l’architecture d’ensemble du dispositif. La formation et l’accompagnement au retour à l’emploi constituent une demande forte et légitime des élus locaux. Il s’agit d’ailleurs là d’un levier de la diversification du recrutement social des élus, donc d’un enjeu démocratique essentiel. Mais il ne faudrait pas que les formations envisagées pour la reconversion professionnelle des élus empiètent sur la formation professionnelle de ces mêmes élus à l’exercice de leur mandat. C’est pourquoi nous approuvons le fait que la formation à la reconversion professionnelle puisse aussi s’accomplir postérieurement à l’exercice du mandat, puisque les droits sont constitués jusqu’à l’achèvement de celui-ci.
Si l’accès à des formations visant à la reconversion professionnelle peut favoriser l’engagement citoyen de ceux qui exercent une activité salariée, je veux cependant rappeler ici que seule la mise en oeuvre d’un authentique statut de l’élu permettra de garantir un égal accès de tous aux fonctions électives et d’améliorer réellement l’exercice de la démocratie locale. D’importants progrès ont été réalisés en ce sens, avec le renforcement du régime indemnitaire, l’extension des garanties de réinsertion à l’expiration du mandat et des mesures visant à mieux concilier activité professionnelle et vie publique. Nous jugeons néanmoins nécessaire d’aller plus loin, notamment par l’inscription des droits des élus locaux dans le code du travail, qui devrait réserver une place à l’élu local salarié, à l’image de ce qui existe pour les personnels protégés. À défaut, les dispositions que nous votons continueront de se heurter à des difficultés pratiques tenant au manque de connaissance et de respect des règles qui régissent l’autorisation d’absence, le droit à la formation ou le crédit d’heures.
J’en viens maintenant au second point du texte, à savoir l’entrée en vigueur et le champ d’application de l’article 42 de la loi NOTRe de 2015, qui a modifié les conditions d’octroi des indemnités aux élus des syndicats de communes et des syndicats mixtes, en supprimant d’ailleurs plusieurs de ces structures dans certaines circonstances. Si le texte reporte cette mesure à 2020, nous y restons pour notre part hostiles, car l’objectif dit de « rationalisation » que vous avez évoqué tout à l’heure, madame la secrétaire d’État, tend à réduire fortement le nombre des syndicats intercommunaux, en facilitant leur disparition. Pour ce qui nous concerne, nous restons particulièrement attachés à ces structures de coopération intercommunale établies sur le fondement de projets partagés et qui permettent de gérer les services locaux de proximité conformément aux besoins et aux attentes de nos concitoyens.
Malgré ces réserves, pour toutes les raisons que j’ai indiquées, les députés du Front de gauche voteront pour cette proposition de loi.
Mes chers collègues, nous examinons une proposition de loi tout à fait pertinente, nécessaire même, en ce qu’elle inscrit dans le marbre de la loi l’idée selon laquelle être élu est un engagement, une conviction, une nécessité en démocratie, qui appelle toutefois l’acquisition de compétences dans des domaines que l’on ne maîtrise pas. De fait, être élu, c’est aussi savoir, pouvoir et devoir dialoguer avec son administration. Nos fonctionnaires sont des gens extrêmement formés, solides et compétents. Ils sont rationnels et rigoureux. L’essentiel de leur travail consiste à faire en sorte que les décisions prises soient conformes à la loi, que les budgets alloués n’excèdent pas les limites imparties aux collectivités territoriales – car c’est bien de cela que l’on parle – et que l’on ne dépense pas un sou de plus que ce que l’on a en caisse, prêts compris. Nous parlons donc d’un enjeu essentiel.
Je remercie le rapporteur d’accompagner avec brio, détermination et conviction cette proposition de loi, de la même manière qu’il a su accompagner la loi NOTRe, que le texte en discussion vient habilement et opportunément compléter et travailler. Une loi de l’importance de la loi NOTRe, qui réorganise le caractère territorial de notre République, impose, d’une certaine manière, que tout ne soit pas prévu par avance dans les moindres détails. À défaut, il n’y aurait pas de souplesse, pas d’évolution ni de dialogue possible.
Le texte en discussion réaffirme l’existence des élus et leur droit à la formation, dont seuls bénéficient, de fait, les 190 000 élus locaux relevant des exécutifs – maires et adjoints, vice-présidents –, à rapporter à un total de 550 000 élus locaux – j’entends par là les élus territoriaux, les maires, les conseillers municipaux, mais également les élus des agglomérations, des communautés de communes et des métropoles, les élus des départements et des régions. Ce texte reconnaît que, désormais, tout le monde pourra en bénéficier, même celui qui donne de son temps gratuitement, sans indemnité. Dieu sait que le mandat d’élu local, notamment au sein des communes, y compris des plus petites d’entre elles, exige du temps, de l’énergie mais aussi de la vaillance. En effet, l’élu local est proche de la population et, à ce titre, destinataire de revendications, souvent légitimes. Il doit prendre des décisions, ce qui signifie, en particulier en matière budgétaire, opérer des choix. L’élu opère ces choix et doit les assumer à l’égard de la population, à plus forte raison s’il se représente quelques années plus tard. Il devra souvent affronter à nouveau la satisfaction ou l’insatisfaction de la population. Aussi ce texte est-il important car il reconnaît le droit de l’élu local à être formé sur des sujets qu’il ne maîtrise pas nécessairement au préalable. La proposition de loi dispose que tous les élus pourront désormais être formés, et pas uniquement les membres des exécutifs. Il institue donc une forme de solidarité entre les élus de la nation, qui exercent leur mandat sur le terrain.
Actuellement, je l’ai dit, seuls 190 000 des 550 000 élus locaux – soit 35 % d’entre eux – perçoivent une indemnité de fonction et peuvent bénéficier d’une formation ; 100 % d’entre eux se verront désormais offrir un droit à la formation. C’était un texte nécessaire, qui arrive à un moment opportun. Il a été décidé de confier la gestion de ce droit individuel à la formation à la Caisse des dépôts et consignations, qui aura pour mandat de s’assurer que les formations proposées correspondent bien aux besoins et aux demandes de chacun des élus. Ceux-ci pourront ainsi, le cas échéant, se former pour remplir au mieux leur mandat, mais également pour quitter la fonction d’élu, en particulier pour s’engager dans une trajectoire professionnelle personnelle. Il s’agit d’éviter que l’engagement en politique ne finisse par devenir un métier – et soit considéré comme tel. Pour ma part, je ne souhaite pas que la fonction d’homme ou de femme politique, local ou national, devienne un métier, comme cela peut arriver à un certain nombre d’entre nous. Il me paraît nécessaire que l’on en revienne aux fonctions essentielles de militantisme, d’engagement, de dévouement, mais aussi – je le souligne, pour travailler avec nos administrations – de compétence.
Ce texte traite d’un autre sujet important : les syndicats mixtes et les syndicats de communes. Nos concitoyens n’ont pas nécessairement conscience de leur importance. Ces structures traitent pourtant de domaines extrêmement concrets, qui touchent la population au quotidien, que ce soit, pour ne citer que quelques exemples, l’arrivée de l’eau, la gestion et l’entretien des routes et, plus généralement, de la voirie, ou les stations d’épuration. Beaucoup de temps est donné à ces syndicats. Il faut continuer à leur conférer de la puissance et de la force. De fait, par ce texte, nous reconnaissons qu’il n’est peut-être pas pertinent de continuer à mêler, en termes financiers, les différentes sortes d’activités pouvant être assumées par des élus locaux. Nous allons donc faire en sorte que tous les dispositifs soient rationalisés et équilibrés d’ici le 1er janvier 2020, date à laquelle l’ensemble des transferts de compétence prévus entre les communes et les EPCI auront été effectués. Ce texte se caractérise donc par une cohérence d’ensemble. En 2020, le régime indemnitaire institué par la loi NOTRe s’appliquera aux présidents et vice-présidents de syndicats de communes et de certains syndicats mixtes – fermés et ouverts restreints – dont le périmètre excède celui d’un EPCI à fiscalité propre. Cette transition se réalisera de manière élégante et, somme toute, assez simple et lisible par chacun, où que l’on se trouve sur le territoire national et quelle que soit la configuration dans laquelle on se situe.
C’est donc un texte important, et je remercie le rapporteur d’avoir l’intelligence de vouloir le faire adopter conforme à la version adoptée par le Sénat, de manière à permettre une entrée en vigueur rapide et efficace. Il me paraissait important de le signaler.
Je le répète : d’une certaine manière, ce texte dit clairement que nous, parlementaires français, ne souhaitons pas la professionnalisation du monde politique. Il permettra en effet à chaque élu d’accéder, où qu’il se trouve, à une formation dans de bonnes conditions, avec un bon niveau. Et ce sera vrai aussi dans les départements et territoires d’outre-mer, où il n’est pas toujours facile de disposer de formateurs de niveau national, pour des raisons liées non seulement aux distances et au temps libre, mais aussi aux compétences disponibles. Il faut que, quel que soit l’endroit où il se trouve, l’élu puisse accéder aux compétences appropriées à son projet de vie – qui peut ne pas être celui d’un élu, mais un projet professionnel –, et pas uniquement par l’intermédiaire d’internet ou de la vidéo. Nous le savons tous : un bon enseignement suppose un contact direct avec la personne, même si la formation via internet, complémentaire et nécessaire, est appelée à se déployer. Ces deux types de formation devront se compléter pour que, sur l’ensemble du territoire national, chacun puisse accéder à la connaissance dans les meilleures conditions possibles. Mais accéder à la connaissance, ce n’est pas la même chose que d’en faire l’apprentissage et la maîtriser !
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le vice-président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, ou loi « NOTRe », restera dans les annales… non pas pour sa qualité, mais pour son imperfection, que nous constatons chaque jour depuis son adoption.
La présente proposition de loi, adoptée par le Sénat, devait initialement rendre effectives les dispositions relatives au droit individuel à la formation des élus locaux, notamment au plan financier, mais, au fil de la discussion, un article 3 a été introduit pour repousser au 1er janvier 2020 l’application du régime indemnitaire des présidents et vice-présidents de syndicats de communes et de syndicats mixtes. Dans l’attente, le droit en vigueur avant la loi NOTRe est rétabli. L’opposition vous avait pourtant prévenus en soulignant le caractère incomplet de ces dispositions, mais en vain.
Hasard du calendrier, nous examinerons demain, dans le cadre de la « niche » du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, une proposition de loi relative à la protection des forêts contre l’incendie dont le but est, là encore, de colmater une brèche ouverte par la loi NOTRe.
Ces deux correctifs ne sont malheureusement pas les premiers et ne seront sans doute pas les derniers. Ce n’est pas une surprise, mais cela n’en reste pas moins déplorable.
Au-delà de ces bugs, il y a aussi toutes les insuffisances qui apparaissent progressivement. Nos concitoyens découvrent, médusés, que votre réforme territoriale n’a pas été pensée pour être source d’économies. Partant de ce constat, j’ai déposé en décembre dernier une proposition de loi visant à garantir de telles économies.
La mutualisation des fonctions supports – ressources humaines, services juridiques et informatiques – ou le non-alignement des dépenses de fonctionnement sont deux dispositifs qui permettraient de faire en sorte que les coûts de fusion ne soient pas supérieurs aux économies réalisées. C’est essentiel, car le risque est que ces coûts se répercutent sur la fiscalité locale, alors que certains de nos concitoyens vont d’ores et déjà subir une hausse de cette même fiscalité en raison de l’harmonisation des taux entre collectivités fusionnées.
À l’époque, la réponse de Marylise Lebranchu avait été étonnante. En gros : « Circulez, il n’y a rien à voir. Tout va bien ! ».
Je maintiens que la recherche d’économies aurait dû être un préalable à toute réforme. Pour cela, il eût fallu vous attaquer au millefeuille territorial, au lieu d’y ajouter de nouvelles couches.
À ces insuffisances s’ajoutent des dispositions illogiques, dont l’application passe mal dans nos territoires.
J’assistais ainsi, vendredi dernier, à la commission départementale de coopération intercommunale de la Haute-Savoie. Il est très difficile d’expliquer qu’une carte intercommunale, avec tout ce qu’elle implique, puisse être concoctée sans l’avis des citoyens, ni même des élus locaux les représentant en vertu du suffrage universel. Il est également difficile de concevoir que, pour la modifier, il faille une majorité des deux tiers, ou encore que les parlementaires ne soient pas membres de cette commission.
La cohérence territoriale a été fortement mise à mal par ce gouvernement. La cohérence législative et réglementaire pour les collectivités territoriales l’a été tout autant. Certes, des erreurs peuvent être commises par le législateur, mais dans cette proportion, on peut plutôt parler d’échec !
Tant qu’à faire, il faudrait profiter de ce texte pour modifier la loi du 31 mars 2015 visant à faciliter l’exercice par les élus locaux de leur mandat. J’avais déposé en commission un amendement après avoir découvert dans la presse l’histoire du maire d’une commune rurale qui souhaitait baisser ses indemnités, mais qui ne pouvait pas le faire car la loi l’en empêchait. Effectivement, si les conseils municipaux des communes de plus de 1 000 habitants peuvent fixer une indemnité de fonction du maire inférieure au barème prévu, c’est en revanche, impossible pour les communes de moins de 1 000 habitants.
Je le redis : l’indemnité perçue par les maires des petites communes, notamment rurales, est dérisoire. Elle n’est que de quelques centaines d’euros, amplement mérités vu le travail effectué et la disponibilité dont ces élus font preuve, très souvent sept jours sur sept. Cependant, si certains d’entre eux veulent réduire leur indemnité, rien ne devrait les en empêcher. Je souhaite donc que le régime en la matière soit le même pour toutes les communes de France et que l’on supprime le seuil de 1 000 habitants, qui n’a pas lieu d’être.
C’est tout le groupe Les Républicains qui défendra cette position dans quelques instants par l’intermédiaire d’un amendement présenté par mon collègue Guillaume Larrivé. Quitte à faire des corrections, autant les faire de façon groupée !
Il n’y aura sans doute pas d’autre véhicule législatif sur ce thème d’ici la fin de la législature : l’argument du vote conforme ne me paraît donc pas recevable, monsieur le rapporteur.
À moins que nous ne devions à nouveau corriger la loi NOTRe dans les prochains mois ?
Bien sûr, il n’est pas question de s’opposer à la proposition de loi que nous examinons ce soir. Toutefois, vous l’aurez compris, il y aurait en sus toute une série de corrections à apporter à votre réforme, décidément ni faite ni à faire.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le vice-président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, chers collègues, c’est un texte court, mais c’est un beau sujet dont nous sommes saisis aujourd’hui. Au rebours de la mode qui consiste à pratiquer envers les élus, comme envers les fonctionnaires d’ailleurs, le « bashing » et, de manière générale, à remettre en cause l’action publique, nous nous apprêtons à légiférer pour fortifier notre démocratie locale – ce qui, comme l’a rappelé Mme la secrétaire d’État, est indispensable –, en renforçant les outils et compétences des élus.
Parce que c’est le rôle du Parlement, il est bon que nous puissions ancrer cette action publique dans le temps long en donnant à ses acteurs, qu’ils soient agents ou élus, les outils nécessaires à la légitimation et à l’efficacité de l’action publique.
Indéniablement, la formation est l’un d’entre eux, essentiel. J’en sais quelque chose pour avoir suivi de près, ces derniers mois, la question de la formation des agents. Nombre des raisons qui conduisent à appuyer la formation de ceux-ci amènent à plaider pour un renforcement et une sécurisation de la formation des élus – d’autant plus que ce sont eux les décideurs, ce sont eux qui décident in fine de l’action publique à mener et selon quelles modalités. Il nous faut donc donner aux élus les moyens de bien appréhender les cadres législatifs et réglementaires mis en place ces dernières années : nouvelle organisation territoriale de la République, urbanisme, transition énergétique, transparence de la vie publique, etc. C’est aussi un enjeu pour nos territoires.
La capacité à construire des avis informés est la condition sine qua non pour que l’action publique soit légitimée, crédibilisée et mieux acceptée par nos concitoyens. Il s’agit donc d’un élément important pour le fonctionnement de la démocratie locale. J’irai même plus loin en estimant que la formation est une condition indispensable au principe de continuité du service public et de son corollaire, le principe de mutabilitéadaptabilité. Elle est en outre indissociable de la qualité du service public.
Pour toutes ces raisons, il est indispensable de prévoir une disposition pour que les membres du conseil municipal bénéficient chaque année d’un droit individuel à la formation, comme le prévoit l’article 15 de la loi du 31 mars 2015 visant à faciliter l’exercice, par les élus locaux, de leur mandat. D’une durée de vingt heures, financé par une cotisation obligatoire, ce droit à la formation relève de l’initiative de chaque élu pour sa mise en oeuvre. La mesure est importante puisque, comme cela a été souligné, elle concerne un public potentiel de 550 000 personnes.
Depuis la loi du 3 février 1992, le code général des collectivités territoriales reconnaît le « droit à une formation adaptée à l’exercice de leurs fonctions » pour l’ensemble des élus locaux. Ce n’est donc pas une nouveauté. Ce qui est nouveau, c’est qu’on prend acte du fait que ce droit à la formation n’est pas toujours mis en oeuvre et qu’il y a lieu de le soutenir.
Cette disposition est inspirée de plusieurs rapports qui ont formulé des recommandations du même type, dont le rapport d’information du sénateur Antoine Lefèvre et les travaux de nos collègues Philippe Doucet et Philippe Gosselin au nom de la mission d’information sur le statut de l’élu, dont le rapport a été rendu en juin 2013.
Le rapporteur a eu l’occasion de le dire : Jean-Pierre Sueur a souhaité déposer une proposition de loi afin que ce droit individuel à la formation soit mis en oeuvre de manière concrète puisque, si sur le papier il est en application depuis le 1er janvier de cette année, le décret d’application prévu à l’article 15 de la loi du 31 mars 2015 n’a pas encore été pris. Je le regrette, même si je tiens à souligner que ce problème – l’application des lois par le pouvoir réglementaire – se pose, durant cette législature, de manière moins aiguë qu’auparavant. Le Gouvernement présente désormais un bilan semestriel de l’application des lois. Le dernier a été publié le 31 décembre 2015 ; il nous apprenait que le taux d’application des lois avait atteint à cette date 87 %, soit une hausse de vingt-huit points par rapport au 31 décembre 2014 et de quinze points par rapport au 30 juin 2015. Le Parlement reste vigilant sur l’application des lois qu’il vote, mais il note avec satisfaction les progrès réalisés sur ce point par l’exécutif ces derniers mois.
Concrètement, que propose le texte soumis à notre examen ?
L’article 1er crée un fonds pour le financement du droit individuel à la formation pour les élus locaux. Il en confie l’administration à la Caisse des dépôts et consignations et prévoit l’information annuelle du Comité des finances locales.
L’article 2, qui constituait le gage du dispositif, a été supprimé par un amendement gouvernemental, l’exécutif ayant décidé de soutenir ce texte, comme l’a rappelé Mme la secrétaire d’État – dont je salue la présence parmi nous, ainsi que la qualité de l’intervention.
Les apports et précisions du Sénat sur la première partie de la proposition de loi ont été estimés, notamment par notre excellent rapporteur Olivier Dussopt – qui est un fin connaisseur des collectivités territoriales, des établissements publics de coopération intercommunale et des élus locaux –, d’une qualité suffisante pour que la commission des lois n’ait pas eu besoin de remettre l’ouvrage sur le métier lorsqu’elle a examiné le texte la semaine dernière. C’est un avis que je partage, à l’instar du reste du groupe socialiste, républicain et citoyen, comme l’a expliqué notre collègue Anne-Yvonne Le Dain.
Lors de l’examen par le Sénat, le Gouvernement a pris une initiative bienvenue afin de résoudre une difficulté qui se pose de manière aiguë depuis le mois d’août dernier pour les présidents et vice-président des syndicats de communes, des syndicats mixtes ouverts et des syndicats mixtes fermés dont le périmètre est inclus ou identique au périmètre d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre. Nous sommes plusieurs sur ces bancs à avoir été directement informés par les élus locaux des conséquences d’une omission malheureuse lors de l’examen de la loi NOTRe : la suppression des indemnités, prévue de manière concomitante à la montée en puissance des nouvelles intercommunalités et à l’extinction progressive des syndicats correspondants, est en effet entrée en application depuis le mois d’août dernier, et cela pose un réel problème pour de nombreux élus dont l’activité syndicale occupe un temps conséquent et qui ne se voient plus compenser les charges que celle-ci induit. Il y a lieu d’y remédier.
Cela a été rappelé : dès l’identification du problème, le Gouvernement a agi, via une circulaire du ministère des finances, dont la base légale apparaît toutefois pour le moins ténue. Une tentative d’amendement du projet de loi de finances rectificative pour 2015 n’a pas abouti, le Conseil constitutionnel ayant analysé cet article additionnel comme un cavalier législatif et l’ayant par conséquent censuré.
La présente proposition de loi offrait donc un vecteur législatif possible, que le Gouvernement – et c’est heureux – a saisi.
La seule question qui pouvait valablement se poser est celle de la date d’application de l’article 42 de la loi NOTRe, qui se retrouvera ainsi décalée avec l’entrée en vigueur des dispositions de cette proposition de loi. Le Gouvernement avait initialement proposé un délai de deux ans, mais les travaux au Sénat ont fixé l’échéance au 1er janvier 2020, puisque c’est à cette date que certaines compétences supplémentaires – telles que l’eau et l’assainissement – seront transférées de plein droit aux intercommunalités. À titre personnel, je partage cependant l’appréciation que M. le rapporteur a exposée dans son rapport : il aurait été plus logique de retenir la date du prochain renouvellement des conseils municipaux et intercommunaux, qui sont prévus pour le mois de mars 2020.
Cependant, étant donné le caractère urgent des deux questions qui sont posées dans la proposition de loi – aussi bien celle de la formation des élus locaux que celle des indemnités des exécutifs syndicaux – il me semble préférable de ne pas rouvrir ce débat, afin de privilégier un vote conforme. Il ne me paraît donc pas opportun d’adopter les amendements qui ont été déposés sur ce texte, puisque cela conduirait immanquablement à prolonger le délai de la navette parlementaire. Cela ne nous aiderait pas à résoudre rapidement et efficacement les problèmes dont nous sommes aujourd’hui saisis.
J’invite l’opposition à suivre le même raisonnement si elle ne veut pas mettre dans l’embarras les élus locaux, puisqu’elle prétend avoir leurs préoccupations à coeur. La majorité veut être à l’écoute des élus locaux, sur des bases pragmatiques ; en l’occurrence, sur ce texte, nous suivrons l’exemple donné par le Sénat, et plus particulièrement par notre collègue Jean-Pierre Sueur, qui a été à l’initiative de ce texte.
Pour toutes ces raisons, compte tenu du caractère urgent de ce texte et de la qualité du travail réalisé par nos collègues sénateurs, je vous appelle à l’adopter conforme, afin que ses dispositions entrent en vigueur le plus rapidement possible.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce sujet me tient énormément à coeur – c’est le cas pour chacun d’entre nous. C’est peut-être parce qu’il y a trente-neuf ans que je suis maire de ma commune. Il est vrai qu’à l’époque, j’étais le plus jeune. Je n’aurais pas imaginé – on ne peut pas tout imaginer, bien sûr – que nous serions amenés, un jour, à avoir ce type de débat.
Je ne vous cacherai pas, madame la secrétaire d’État, que je ressens une certaine pointe de tristesse en voyant ce que nous avons fait de notre pays – en croyant bien faire, certainement – au cours de ces deux dernières législatures, en particulier celle-ci. Je revois encore François Hollande et Ségolène Royal – avec ses escarpins – dans les neiges de la Creuse, où ils s’étaient rendus avec une majorité d’opposants à un projet de loi défendu alors par la droite, assurer que jamais ils ne toucheraient à l’organisation territoriale de la France, que jamais ils n’organiseraient la fin des communes, ni celle des conseils généraux. Je participai, moi aussi, à cette manifestation, car j’y croyais de tout mon coeur. François Hollande, Ségolène Royal : quel symbole, à plus d’un titre !
Aujourd’hui, c’est un gouvernement socialiste qui va faire disparaître les communes de moins de 1 000 habitants, alors qu’il n’en a pas été question lors des dernières élections présidentielles. Le ministre de l’intérieur, bien entendu, n’aura pas à prendre formellement cette décision, car on a trouvé un moyen infiniment plus cynique et plus efficace d’y parvenir. Il s’agit tout simplement de jeter le discrédit sur ces petits élus locaux, sur ces petits maires, sur ces petites communes, en demandant : À quoi servent-elles ? Que coûtent-elles ?
J’ai encore en mémoire cette phrase extraordinaire de François Mitterrand : « La France est un pays hors du commun : elle a trouvé le moyen de se faire administrer par un million de bénévoles qui se feraient trancher la tête pour l’entretien d’un chemin de terre ; et il y a un million de gens derrière eux, prêts à prendre leur relais si les premiers venaient à être défaillants. » Cela, c’était une certaine idée de la France !
Cette idée n’appartenait pas seulement à François Mitterrand. Elle remonte à la nuit des temps ; pour ma part, je la ferais remonter à Clovis, lorsque nous avons décidé que ce pays pouvait conjuguer les actions individuelles et l’action collective.
Les choses se sont organisées progressivement, et la Révolution a heureusement parachevé ce processus.
Dans ce pays, l’homme est intimement lié à son territoire. Lorsque le tocsin sonnait, pour venir chercher les jeunes hommes, on ne leur demandait pas la taille du village d’où ils venaient ; on leur demandait de partir au front, et ils y allaient. À l’avenir, ces villages, ces territoires, n’auront plus vraiment d’élus. Bien sûr, il y aura des élections, mais au scrutin de liste. Il est des élections pour lesquelles c’est indispensable, comme les régionales, mais pour les départementales, cela ne s’imposait absolument pas. À présent, ce mode de scrutin s’appliquera aux délégués intercommunaux. Il faut imaginer la liste du parti socialiste affronter celle du centre et de l’UMP !
Si votre pire ennemi figure sur la liste, vous serez obligé de voter pour lui ou de voter blanc. Dans ces territoires, pourtant, les hommes et les femmes aimaient tant voter !
L’homme entretient une relation intime avec son territoire. On n’a jamais prétendu, en France, qu’un élu représentant 100 000 habitants serait plus légitime qu’un élu en représentant 300. C’est grâce à cela que notre pays est resté ce qu’il est ; c’est grâce à cela qu’il est resté bien entretenu, réglé comme du papier à musique, et que nous le voyons tel qu’il est : merveilleux et magnifique en toutes ses parties. C’est cela que nous sommes en train de défaire.
Je voulais dire ma déception, madame la secrétaire d’État. J’en appelle à tous les élus, à tous les citoyens de ce pays, pour qu’à leur manière, ils se lèvent, et refusent un texte qui veut nous faire changer de France. Ce n’est plus la même France : personnellement, je ne l’accepterai jamais.
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
Il est regrettable de nous retrouver cet après-midi dans cet hémicycle pour débattre d’une proposition de loi visant à rendre applicable une loi précédemment votée ; c’est encore une preuve que l’élaboration de la loi NOTRe a été quelque peu bâclée. Cela doit nous conduire à réfléchir plus largement à la production des lois et des normes à tout-va. Dans notre pays, l’abondance législative est impressionnante.
Certes, l’on constate une réelle volonté d’améliorer la vie quotidienne de nos concitoyens, mais j’ai le sentiment que les Français aimeraient parfois qu’on les laisse tranquille. En réalité, cette profusion de propositions et de projets laisse peu de place au « service après-loi », qui est pourtant fondamental.
Je ne reviendrai pas sur les articles de cette proposition de loi. Je comprends que M. le rapporteur souhaite qu’elle soit adoptée conforme pour être appliquée le plus rapidement possible. Toutefois, quelques interrogations m’ont été rapportées par des maires du Nord : je souhaite vous en faire part.
L’ambition de former les élus locaux est tout à fait louable. Cependant, a-t-on pensé à créer des modules spécifiques destinés à ceux que l’on appelle les petits maires, c’est-à-dire les maires des petites communes rurales à propos desquelles j’ai coutume de dire : communes minuscules, mais jamais ridicules. Ils sont parfois dépourvus de collaborateurs spécialisés, et se retrouvent bien souvent esseulés pour s’occuper des dossiers communaux ou communautaires. S’est-on assuré que le catalogue de formations correspond bien aux réalités du terrain ? Le doute subsiste.
Une autre élue locale m’a en outre interrogé sur l’effectivité de la formation des élus. Dans sa commune, un budget y est – bien sûr – consacré. Cependant, elle constate chaque année que la somme prévue n’est jamais totalement consommée. Les élus n’ont en effet ni le temps, ni la motivation de suivre des formations ; on pourrait donc envisager des incitations.
Pour un autre maire, il pourrait s’agir de rendre une formation obligatoire pour les élus ayant reçu une délégation. C’est un simple constat, qui m’amène à penser que tous les aspects recouvrant la formation des élus n’ont pas été abordés.
L’article 1er est adopté.
La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement no 7 .
L’ensemble des députés du groupe Les Républicains vous proposent d’adopter cet amendement de bon sens, qui assouplira le régime de fixation des indemnités dans les communes de moins de 1 000 habitants. Nous pensons qu’à l’égal des autres communes, les communes rurales doivent avoir la faculté de fixer librement les indemnités des maires, sans devoir nécessairement les fixer au montant du plafond.
Nos collègues sénateurs ont pris parallèlement la même initiative, de manière pleinement coordonnées, à l’instigation du sénateur de l’Yonne, Jean-Baptiste Lemoyne. Nous vous proposons d’adopter dès maintenant cet amendement ; la proposition de loi retournerait alors rapidement au Sénat, qui l’adopterait conforme ; cela permettrait de régler définitivement cette question.
Des échanges que j’ai eus avec l’Association des maires de France et avec l’Association des maires ruraux de France, je comprends qu’ils sont d’accord sur le fond avec ce dispositif proposé à la fois par les députés et les sénateurs du groupe Les Républicains.
La commission est défavorable à cet amendement pour plusieurs raisons. Sur la forme, d’abord, les membres de la commission qui ont participé au débat souhaitent que notre assemblée adopte conforme cette proposition de loi, afin de sécuriser ses dispositions. Cette position était partagée par l’orateur principal de votre groupe, bien qu’il soit également signataire de cet amendement.
Deuxième raison : nous considérons qu’il faut maintenir, au moins pour la durée de ce mandat, le dispositif adopté dans la loi du 31 mars 2015. Dans le cadre de l’examen de ce texte, le Sénat avait prévu que l’indemnité des maires serait automatiquement fixée au niveau maximum pour les communes jusqu’à 3 500 habitants ; c’est notre assemblée qui, ultérieurement, a ramené ce seuil à 1 000 habitants seulement. Certes, vous l’avez noté, cela concerne tout de même 26 000 communes, mais quoi qu’il en soit, l’avis de la commission est défavorable.
Je ne dis pas que les modalités de fixation des indemnités des maires ne doivent pas être débattues ; simplement, je considère que l’adoption des dispositions de cette proposition de loi doit avoir la priorité. Il est vrai que la solution que vous défendez assouplirait le régime applicable aux communes de moins de 1 000 habitants. Pour ma part, je pense au contraire – comme je vous l’ai dit en aparté – qu’il faudrait fixer un barème pour toutes les communes, de manière à éviter aux maires, quelle que soit la taille de leur commune, d’ouvrir leur mandat municipal par le sempiternel débat sur le montant de leurs indemnités.
Nous aurons certainement d’autres occasions de débattre de cette question. À moins que vous choisissiez de retirer cet amendement, l’avis de la commission est défavorable.
Même avis, pour les mêmes raisons.
Vous savez, monsieur le député, que la disposition que vous voulez modifier, concernant la fixation des indemnités des maires de communes de moins de 1 000 habitants, est le fruit d’une initiative parlementaire unanimement soutenue, dont nos collègues sénateurs Jacqueline Gourault et Jean-Pierre Sueur ont été à l’origine. Eux-mêmes reconnaissent qu’un certain nombre de difficultés sont apparues lors de l’application de ces dispositions sur le terrain ; vous en avez, vous aussi, témoigné. Par exemple, des maires qui ne souhaitent pas percevoir d’indemnité la reversent sous forme de dons, mais il leur est difficile de ne pas payer les cotisations liées à cette indemnité.
La position du Gouvernement sur ce sujet est très ouverte. Hier, au Sénat, à l’occasion de l’examen de la proposition de loi tendant à permettre le maintien de communes associées en cas de création d’une commune nouvelle – les communes associées devenant des communes déléguées au sein de la commune nouvelle –, nous avons indiqué qu’il est possible de revenir sur cette question par un véhicule législatif spécifique, peut-être la proposition de loi sénatoriale que vous avez citée. Ce qu’une initiative parlementaire a fait, une initiative parlementaire peut le défaire – ou l’amender, ou l’assouplir. Je vous incite donc à retirer cet amendement.
Je répète que nous sommes très ouverts sur ce sujet, car l’on nous signale, un peu partout, des difficultés.
Hier, au Sénat, l’avis était cependant loin d’être unanime : d’après certains élus, l’abrogation de la disposition visée pourrait inciter à des négociations lors des échéances municipales.
Je note avec satisfaction la position ouverte du Gouvernement sur cet amendement des députés du groupe Les Républicains. Le débat au Sénat est légitime, mais il est tout aussi légitime que l’Assemblée prenne ses responsabilités. Sans épiloguer sur la question du véhicule législatif, je comprendrais fort bien votre position si nous étions au début de la législature ; mais nous sommes en mars 2016 et, compte tenu du caractère très contraint de l’ordre du jour parlementaire et de la légèreté du véhicule – deux articles seulement –, nous aurions pu adopter cet amendement avant de le renvoyer au Sénat, lequel aurait définitivement réglé la question en deux heures.
L’autre option prendra plusieurs semaines, alors même que les communes votent leur budget pour 2016. C’est donc, je le crains, une occasion manquée.
Depuis que la disposition dont nous parlons est applicable, on a entendu beaucoup de propos démagogiques.
Or, s’il est une catégorie d’élus qui méritent de ne pas être suspectés de cupidité, c’est bien celle des maires des plus petites communes, dont les indemnités sont particulièrement faibles. Dans mon département, un maire a déclaré regretter ne pas pouvoir les diminuer ; mais il est aussi avocat d’affaires dans un grand cabinet parisien : on peut aisément comprendre qu’il soit en mesure de renoncer à ses indemnités d’élu.
En revanche il est souvent arrivé, dans le passé, que des élus souhaitent augmenter leurs indemnités mais y renoncent, soit parce que le conseil municipal s’y était opposé, soit parce que leur prédécesseur ne l’avait pas fait et que, au fond, ce n’est jamais le moment pour le faire.
La plupart des associations de maires, monsieur Larrivé, avaient réclamé la disposition sur laquelle vous souhaitez revenir. Les réactions démagogiques que son application a suscitées devraient nous inciter à la prudence.
L’amendement no 7 n’est pas adopté.
L’article 3 est adopté.
La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement no 4 .
Je crains que cet amendement ait encore moins de succès que le précédent… J’avais d’ailleurs présenté la même disposition en 2014, lors de l’examen de l’un des projets de loi relatifs aux collectivités territoriales. Je ne suis pas convaincu, je le dis comme je le pense, de la valeur ajoutée des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux, les CESER.
Comme tous les députés, je suis convaincu de l’utilité d’un dialogue local avec les différents acteurs économiques et associatifs, mais pas de l’utilité, de la pertinence ou du caractère indispensable de ces organes qui, en plus de multiplier les services administratifs et d’empiler les rapports, coûtent quelque 30 millions d’euros par an au budget de la nation. Leur suppression serait donc une contribution à la simplification des administrations publiques et à l’effort qui doit nous guider en matière d’économies, notre dette publique représentant désormais, faut-il le rappeler, 100 % de la richesse nationale.
Défavorable. Le Conseil économique, social et environnemental, le CESE – certes distinct des CESER – a vu son rôle renforcé par la loi NOTRe, et ce à la demande de nombreux élus régionaux. D’autre part, monsieur Larrivé, un organisme offrant un cadre structuré pour le dialogue entre les acteurs territoriaux nous paraît utile dans le cadre du rapprochement des régions issu du texte que vous évoquez.
Défavorable également. Nous souhaitons un vote conforme, notamment pour sécuriser le versement des indemnités des présidents et vice-présidents des syndicats intercommunaux.
S’agissant par ailleurs de l’amendement précédent, monsieur Larrivé, et plus particulièrement de la navette, si un texte à deux articles peut être examiné en deux heures, il faudra à peu près autant de temps – pour peu que l’amendement recueille un assentiment aussi unanime que vous le suggérez, ce dont je doute – pour examiner une proposition de loi comportant un seul article.
J’entends vos arguments sur les CESER, mais le Gouvernement est attaché à ces instances consultatives qui représentent la société civile et, pour les grands schémas d’élaboration et projets d’infrastructures, aident l’administration et les élus régionaux.
Aux termes d’un décret du 31 décembre 2015, le nombre de membres des CESER diminuera de 10 % à compter du 1er janvier 2018, et ils seront répartis en fonction de la population des nouvelles régions. C’est pourquoi je vous invite à retirer votre amendement, faute de quoi l’avis serait défavorable.
Je veux lancer un appel vibrant pour défendre les CESER, dont l’avis, on l’a rappelé, est toujours très attendu par les conseils régionaux – sur les budgets, les grandes délibérations ou les schémas définis par les élus –, et qui sont tout aussi utiles dans le cadre des saisines. Dans ma région des Pays de la Loire, le travail relatif à l’internat dans les lycées, notamment pour les jeunes des classes populaires, a été d’un grand intérêt et l’on s’en est inspiré. Je ne pense donc pas que les CESER empilent les rapports inutiles.
De plus, leur sens politique est important. Dans des collectivités reprises en 2014 par des équipes plus conservatrices,…
…on voit disparaître un certain nombre de conseils de développement ou on les vide de leur sens. Or, selon moi, le CESER est une sorte de grand conseil de développement. À l’heure où l’on déplore la coupure entre la société dite « civile » et les élus, il me paraît utile de préserver, voire d’accroître le pouvoir des CESER et de réaffirmer la place des conseils de développement. C’est dans cet objectif, et forts de cet aigle à deux têtes, que nous réconcilierons la population, représentée dans ces instances, avec les élus. Bref, nous devons affirmer notre soutien, notre affection même, à l’égard des membres des CESER.
Sans soutenir aucunement l’amendement présenté par M. Larrivé, je veux profiter de cette occasion pour dire à Mme la ministre et M. le rapporteur que l’argument de l’absolue nécessité du vote conforme, qui serait exigé par le besoin d’aller vite, cet argument répété à l’envi depuis le début de nos travaux, commence à m’irriter sérieusement. Il faut aller vite, certes : le présent texte vise à régler un problème posé par la loi du 31 mars 2015, qui a donc un an d’existence, et par la loi NOTRe, votée au mois d’août dernier.
La procédure accélérée est désormais la règle sur presque tous les textes, et l’on vient en plus nous expliquer qu’il faut un vote conforme pour aller vite. Il y a d’autres arguments, me semble-t-il, pour s’opposer aux amendements présentés par nos collègues de l’opposition : de grâce – je le dis en particulier à l’intention du rapporteur, que je sais être un vigoureux défenseur des prérogatives du Parlement –,…
Je maintiens mon amendement, madame la secrétaire d’État. Je suis également favorable, d’ailleurs, à la suppression du Conseil économique, social et environnemental : j’ai déposé en ce sens une proposition de loi constitutionnelle en janvier 2013.
Je félicite néanmoins Mme Rabin, dont le progressisme militant s’investit dans une défense aussi affectueuse que passionnée des CESER : je n’avais pas remarqué qu’ils étaient des instruments du progrès ; j’y vois plutôt, pour dire les choses, des sortes de « fromages » régionaux dont la valeur ajoutée reste à préciser.
L’amendement no 4 n’est pas adopté.
La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement no 5 .
Il n’est point besoin d’espérer pour entreprendre… Cet amendement, que je défendrai donc, reprend celui que j’avais, là encore, présenté en juillet 2014. L’élargissement des régions a un effet mécanique : l’augmentation du montant des indemnités des élus régionaux. En juillet 2014, la majorité s’est en effet opposée à une modification du barème de calcul de ces indemnités. En vertu de ce barème, le conseiller régional d’une région A percevra une indemnité plus élevée que le conseiller régional d’une région B, si celle-ci est moins grande que celle-là. Ce système repose d’ailleurs sur un raisonnement étrange : l’indemnité d’un député de la Lozère n’est pas inférieure à celle d’un député de Paris, alors même que Paris est plus peuplé que la Lozère. Bref, tout cela est un peu spécieux.
Sur le fond, l’amendement tend, d’une part, à uniformiser le montant des indemnités des conseillers régionaux, d’autre part, à fixer ce montant à 40 % de l’indice de référence prévu par le code général des collectivités territoriales, à savoir le montant actuellement applicable dans les régions de moins de 1 million d’habitants.
Défavorable, pour plusieurs raisons. En premier lieu la comparaison avec les députés, qui justifie votre argument selon lequel les conseillers régionaux devraient tous être rémunérés de la même façon, ne tient pas : aux termes d’une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, la taille des circonscriptions doit être peu ou prou égale, dans des limites de plus ou moins 20 %. M. Larrivé connaît au demeurant cette jurisprudence par coeur, puisqu’elle s’est notamment appliquée au tableau des conseillers territoriaux dans le cadre d’une réforme précédente.
Par ailleurs, le présent amendement fixe le montant des indemnités à son niveau le plus bas, à savoir celui applicable aux régions de moins d’un million d’habitants. Il me semble donc largement contradictoire avec l’objectif d’améliorer le statut des élus locaux – pour ne pas dire empreint de démagogie.
Tout aussi défavorable. L’amendement remet en cause le barème par strates démographiques, qui s’applique au moment où nous venons de redécouper les périmètres régionaux.
De plus, si les nouveaux exécutifs régionaux souhaitent réaliser des économies, ils sont libres de voter des taux de rémunération inférieurs au plafond fixé dans le cadre qui est le leur.
Dans sa deuxième partie, votre amendement propose une incitation négative calculée en fonction de l’assiduité des conseillers régionaux. Or la loi de 2002 avait fixé le taux de la sanction pour des absences à 50 % de l’indemnité : cette somme nous paraît suffisamment incitative pour encourager chacun à honorer ses obligations vis-à-vis des électeurs.
Je suis plus en phase avec cet amendement de M. Larrivé qu’avec le précédent qui concernait les indemnités des élus des petites communes. Ceci dit, malgré la sympathie que j’éprouve à l’égard de cet amendement, je ne le voterai pas, et ce pour deux motifs.
En premier lieu, il ne faut pas réduire le problème du fonctionnement des nouvelles grandes régions au seul aspect indemnitaire : il faut notamment prendre en compte l’ensemble des aspects de leur fonctionnement.
Je pense en particulier que ces grandes régions, comme les précédentes, souffrent d’un manque de collégialité. Le président du conseil régional, et non pas le président de région, a souvent des pratiques proches du pouvoir personnel que je trouve tout à fait choquantes.
J’ai essayé, au moment des débats relatifs à la loi NOTRe, de faire évoluer les choses dans un sens différent, mais ma démarche n’a pas emporté l’accord de mes collègues.
La seconde raison pour laquelle je ne voterai pas cet amendement, et qui ne va pas faire plaisir à Marc Dolez, tient au fait que ce texte doit naturellement, selon moi, être voté conforme.
J’ai bien entendu ce qu’il a dit, mais une différence nous sépare : je fais partie de la majorité, et par fidélité au fait majoritaire – il y a suffisamment chez nous de gens qui ne le respectent pas – que je respecte, je ne voterai pas cet amendement.
Je tiens à remercier Mme la secrétaire d’État pour la lecture attentive et précise qu’elle a fait de mon amendement. Je ne manquerais de rendre destinataire la présidente de la région Bourgogne-Franche-Comté de la déclaration du Gouvernement faite par votre bouche, puisque vous avez bien précisé que les conseils régionaux avaient naturellement la faculté de baisser le montant des indemnités accordées à leurs élus, et qu’ils n’étaient nullement tenus de les fixer au montant maximal proposé par le barème défini par le code général des collectivités territoriales.
Plusieurs conseils régionaux désormais gérés par une majorité Les Républicains-UDI ont montré l’exemple en baissant l’indemnité des conseillers régionaux. Je constate à regret que l’actuelle majorité parlementaire a, dans certains conseils régionaux, fait des choix différents.
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
L’amendement no 5 n’est pas adopté.
La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement no 3 .
Il s’agit ici de proposer, comme je l’ai dit tout à l’heure à la tribune, une modification de la loi NOTRe sur la question de la date d’entrée en vigueur des arrêtés préfectoraux portant création des nouvelles intercommunalités, en application des schémas départementaux de coopération intercommunale.
Je ne remets pas en cause, en mars 2016, à travers cet amendement, le calendrier des diverses étapes intermédiaires par lesquelles les préfets et les commissions départementales de coopération intercommunale – les CDCI – élaborent, en ce moment même, ces schémas de coopération intercommunale.
Toutefois, je propose d’écrire dans la loi, expressis verbis, que les arrêtés préfectoraux, qui seront en tout état de cause pris avant le 31 décembre 2016, puissent entrer en vigueur de façon différée.
Il ne s’agit pas de procrastiner, mais seulement de s’adapter aux réalités de terrain. Je suis convaincu que pour réussir les intercommunalités de projet, et pour régler les très importantes questions de fond, portant notamment sur la gouvernance, les compétences, l’organisation, c’est-à-dire les projets territoriaux, un délai supplémentaire de six mois à un an est parfois nécessaire.
C’est la raison pour laquelle cet amendement propose de réintroduire de la souplesse. Il fait aussi l’objet d’une proposition de loi, qui a été déposée par les députés qui en sont cosignataires. Madame la secrétaire d’État, le groupe Les Républicains réfléchit à l’éventualité d’inscrire cette proposition de loi à l’ordre du jour de notre assemblée si, par malheur, cet amendement n’était pas adopté dès ce soir.
Il est défavorable, en cohérence avec les positions arrêtées lors de l’examen de la loi NOTRe, qui a été évoquée. M. Larrivé nous aide en nous fournissant dans son intervention les éléments pour lui répondre : comme il l’a signalé, une proposition de loi a été déposée.
Je ne doute pas que le groupe Les Républicains, s’il y est aussi attaché qu’il le prétend, aura à coeur de l’inscrire à l’ordre du jour dans le cadre de l’une de ses niches. Ce sera donc l’occasion d’en débattre ultérieurement. L’avis de la commission est ainsi, je l’ai dit, défavorable.
Il est défavorable sur cet amendement qui est assez dépourvu de lien avec la proposition de loi dont nous débattons. J’indique que, s’agissant des débats parlementaires relatifs au calendrier – même si j’ai bien noté que vous ne souhaitiez pas remettre en cause les travaux qui se déroulent, en ce moment même, au sein des CDCI de chaque département – vous avez vous même, monsieur Larrivé, indiqué que vous aviez un souhait ou une vision plus larges que le seuil de 15 000 habitants fixé par la loi NOTRe.
En premier lieu, nous disons que le législateur a déjà pris position : un équilibre a été trouvé autour d’un calendrier plus resserré – je n’ignore pas les débats que nous avons eux, les uns et les autres, à l’époque, sur ce point – et, en contrepartie, d’un assouplissement du seuil à 15 000 habitants, qui était souhaité, ainsi que d’un certain nombre d’adaptations que le législateur a décidées.
En second lieu, le Gouvernement considère qu’une anticipation a lieu : les élus, comme nous le faisons nous-mêmes, discutent, au sein des CDCI, des schémas et chacun anticipe les évolutions de périmètre.
Le fait de décaler d’une année, parce c’est l’objectif poursuivi par l’amendement, l’application de l’arrêté empêcherait, en définitive, des évolutions futures et mettrait peut-être un frein à un certain nombre d’investissements locaux que des équipes souhaiteraient voir émerger dans des délais plus courts.
Ensuite, pour répondre précisément à votre question, également précise, des éléments de souplesse existent dans le cadre du lissage, notamment sur les compétences optionnelles, avec un délai d’une année, alors que le droit commun prévoyait un délai de trois mois, ainsi que sur les compétences facultatives, avec un délai de deux ans.
Peut-être que, sur un certain nombre d’autres sujets, comme les PLUI ou les versements transport, il est possible de trouver un autre véhicule législatif pour discuter de ces points qui, je le sais, constituent parfois un frein à la fusion des périmètres des intercommunalités.
Pour répondre également précisément à votre autre question extrêmement précise, je vous rappelle, monsieur le député, que les arrêtés de périmètre sont des actes réglementaires.
À ce titre, ils ont vocation à s’appliquer dès le lendemain de leur publication ou de leur notification. L’intention du législateur était donc claire : en prévoyant que les arrêtés seraient pris au plus tard le 31 décembre 2016, l’alinéa 7 de l’article 35 de la loi NOTRe prévoit bien une mise en oeuvre effective au 1er janvier 2017.
Le non respect de ce calendrier donnerait naissance à une zone grise, c’est-à-dire à une insécurité juridique tout au long de l’année supplémentaire que vous prévoyez d’intercaler dans ce dispositif pour l’application des nouveaux arrêtés. Telles sont les précisions que je souhaitais vous apporter : je vous demande donc, monsieur le député, de retirer votre amendement. À défaut, le Gouvernement y serait défavorable.
Je viens d’entendre les propos de Mme la secrétaire d’État : je suis prêt à les partager, mais ils me semblent extrêmement théoriques. Je vais vous expliquer pourquoi, en m’appuyant sur ce qui se passe dans différents départements.
Je nourris cette impression car, contrairement aux éléments que vous venez de nous donner concernant le seuil des 15 000 habitants et la mis en oeuvre immédiate d’un certain nombre de compétences, la situation sur le terrain est bien différente.
Aujourd’hui, le préfet – je le vis dans mon département – organise, depuis son bureau et à marche forcée, des fusions de communautés de communes : certaines, qui regroupaient 20 000 habitants, se retrouvent fusionnées dans des communautés de 60 000 habitants. On fusionne en effet les communautés de communes à un certain niveau.
C’est le cas dans le département du Morbihan : je vous invite, madame la secrétaire d’État, à vous y rendre pour vérifier par vous-même. Or, ces fusions ont lieu sans aucune étude d’impact ou prévisionnelle préalables. Vous avez évoqué les compétences optionnelles : le délai d’un an est absolument insuffisant.
En effet, s’agissant de compétences comme celle du tourisme, je ne sais si vous imaginez le foutoir qui règne aujourd’hui dans nos territoires ! Ainsi, les stations classées doivent demeurer à part, alors que d’autres communes doivent créer un office de tourisme intercommunal : dans ce cas, le délai d’un an ne suffit absolument pas.
Ensuite, les prises de compétences ont, vous le savez bien, des conséquences sur les ressources humaines. Des seuils existent, notamment celui des cinquante agents, qui nous impose de mettre en place, dans l’urgence, des comités techniques. Tout ceci a des conséquences négatives, notamment sur le dialogue que nous devons également avoir avec les agents territoriaux concernés.
Autre exemple : l’harmonisation des exonérations. Vous savez que la première année suivant la fusion, cette harmonisation doit avoir lieu. Certaines communes littorales, qui disposent certes de moyens plus élevés que la moyenne, avaient des politiques d’exonérations extrêmement fortes. Or, le jour où elles intègrent une nouvelle communauté de communes, ces exonérations doivent être harmonisées. De ce fait, la population concernée découvre, quasiment du jour au lendemain, c’est-à-dire en 2018, que l’intégration dans une nouvelle intercommunalité aura eu pour conséquence une augmentation des impôts locaux de l’ordre de 15 à 20 %.
Madame la secrétaire d’État, nous maintenons cet amendement qui me paraît indispensable. Croyez-le, il ne s’agit pas de jouer la montre. Tel n’est pas le sujet.
La fusion de communautés de communes est, dans son principe et le plus souvent, une bonne chose, dans la mesure où elle permet d’organiser une véritable solidarité, notamment – mais pas uniquement – financière et d’optimiser la mutualisation, c’est-à-dire les moyens.
Mais il s’agit d’un processus extrêmement compliqué : j’ai le cas dans mon département et dans ma circonscription d’une communauté de communes, celle de la plaine de l’Ain, qui doit fusionner avec deux communautés de communes de taille plus réduite, mais qui ont des compétences extrêmement différentes.
C’est un processus extrêmement compliqué : plus de cinquante communes doivent apprendre à travailler ensemble ! Le principe de la fusion est accepté, mais nous ne réussirons pas à le mener à bien, dans de bonnes conditions, pour le 1er janvier 2017.
Cet amendement, que j’ai cosigné avec beaucoup de plaisir, me paraît particulièrement opportun et le succès de ces grandes fusions – car on se trouve dans le cas de véritables maxi-fusions, comme dans la plaine de l’Ain – dépendra de la période de préparation, de l’harmonisation des compétences et d’éventuelles fusions de communautés de communes à l’intérieur des communautés de communes fusionnées. Il faut donc absolument adopter cet amendement.
Monsieur le député, s’agissant des intercommunalités larges disposant de compétences différenciées, le législateur a vraiment prévu un lissage, d’une part s’agissant des compétences optionnelles, avec le délai d’un an, d’autre part, s’agissant des compétences facultatives, avec un délai de deux ans.
Comme je l’ai dit, un aménagement sur les questions de l’urbanisme intercommunal ainsi que du financement de la compétence transports – au moyen du versement transport – peut être prévu.
Une autre souplesse existe, qui est très souvent utilisée par les équipes communautaires : je veux parler de la définition de l’intérêt communautaire. Elle permet, à l’exception des compétences obligatoires, d’avoir une souplesse dans l’appréciation de la compétence transférée et de son implication pour les collectivités concernées. En, effet, l’intérêt communautaire vise, s’agissant d’une compétence, à distinguer ce qui relève véritablement de l’intercommunalité et ce qui relève des communes membres.
S’agissant des conditions d’élaboration des schémas de coopération intercommunale, on peut difficilement dire que le préfet, seul dans son bureau, pilote la fusion des intercommunalités.
Il est en tous cas à souhaiter que ce ne le soit pas. Certaines remontées de terrain témoignent également de discussions fructueuses qui ont eu lieu entre les services de l’État et les élus locaux.
Je rappelle que ces discussions ont été entamées à l’automne, et qu’un certain nombre d’élus communautaires avaient déjà, parce qu’ils les souhaitaient, anticipé des fusions d’intercommunalités : ces cas existent également.
Par ailleurs, la CDCI est souveraine, par un amendement acquis aux deux tiers des inscrits : elle peut amender le schéma que, pour le coup, le préfet ne vote pas. Il s’agit donc, sur la base notamment des deux tiers, de révisions consensuelles des positions éventuellement exprimées par les préfets.
Je conclus en disant que souvent, pour le moins dans les cas dont nous sommes informés, les préfets et les sous-préfets d’arrondissement avaient pris la précaution de discuter en amont avec les différents élus, communaux ou intercommunaux, afin d’aborder le sujet avec eux.
Enfin, dernier point de souplesse, il a été demandé à ce que les préfets fassent un usage extrêmement modéré du passer outre.
L’amendement no 3 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement no 1 rectifié .
Je reviens sur le sujet avec un amendement proche de celui de Guillaume Larrivé.
Madame la secrétaire d’État, je ne peux pas croire que vous ignoriez les difficultés et le sentiment de maltraitance qu’éprouvent les élus qui travaillent à la redéfinition des périmètres des intercommunalités. Si c’est le cas, écoutez-nous, et je suis persuadée que, sur tous les bancs, s’ils veulent bien en convenir honnêtement, les députés vous diront à quel point c’est difficile sur le terrain.
Ce que nous vous demandons, ce n’est pas de revenir sur la loi, sur les modalités de décision. L’amendement que je propose ne remet pas en cause le périmètre qui aura été établi, nous souhaitons simplement qu’il soit possible de différer l’application de l’arrêté, pour les intercommunalités qui le demandent, après avis consultatif de la CDCI et sur décision du préfet. Je ne vois donc pas ce qu’il y a de dangereux dans une telle disposition. Cela ne remet pas en cause l’esprit de la loi, cela donne simplement un peu de temps.
Je vous assure que c’est compliqué sur le terrain. Nous avons tous des exemples de quadrature du cercle dans nos circonscriptions. Un an de plus, qu’est-ce que c’est ? Cela donne simplement le sentiment d’être un petit peu moins acculé pour appliquer les décisions qui sont prises. Cela donne le temps de discuter. Vous avez évoqué les bonnes discussions en CDCI. Il y en a peut-être, mais sur une loi bien discutable, bien difficile à appliquer.
La commission est également défavorable à cet amendement même si, contrairement à celui M. Larrivé, le vôtre, madame Genevard prévoit pour les représentants de l’État la faculté, et non l’obligation, de différer l’application.
Je ne reprends pas les différents arguments, je souligne simplement, parce que c’est une réalité, que vous faites preuve de constance puisque c’est une position que vous aviez défendue lors des débats que nous avons eus lors de l’examen de la loi NOTRe. En cohérence avec les positions arrêtées à cette occasion, la commission y est défavorable, s’appuyant sur les possibilités qui sont données et qu’a rappelées Mme la secrétaire d’État tout à l’heure, auxquelles il faut ajouter deux éléments.
En matière de mutualisation, dans les nouvelles intercommunalités comme dans celles qui n’évolueront pas, nous avons veillé, et c’était un amendement commun que nous avions porté avec Mme Grelier, à ce que les communes, et pas seulement les intercommunalités, puissent porter les services communs.
Par ailleurs, si des difficultés peuvent apparaître ici ou là dans des départements pour la mise en place et la préparation des nouveaux périmètres, il y a un élément qu’il faut souligner. C’est la loi de 2010 qui prévoit la procédure d’adoption des schémas. Nous ne l’avons pas modifiée, à une exception près, en encadrant la possibilité laissée au préfet de passer outre. Désormais, lorsque le schéma proposé par le préfet ira au-delà des objectifs de la loi, il sera tenu d’avoir un avis favorable à la majorité simple de la CDCI, ce qui n’était pas le cas auparavant et ce qui permet aux élus de reprendre toute leur place.
Le Gouvernement souhaite conserver l’ambition des schémas et leur mise en place opérationnelle au 1er janvier 2017, avec les éléments de souplesse que j’ai indiqués et sur lesquels nous sommes prêts à discuter, sur l’urbanisme intercommunal, le versement transport, et peut-être deux ou trois autres points. Je me tiens à votre disposition sur ces sujets mais nous souhaitons que les dispositifs soient opérationnels au 1er janvier 2017.
Dans un certain nombre de départements, M. Larrivé en a témoigné lui-même pour son territoire, les élus ont demandé à aller au-delà de ce que le préfet prévoyait dans son schéma. C’est certainement très hétérogène en fonction de ce que nous vivons les uns et les autres dans nos départements, mais il y a aussi des cas dans lesquels les discussions se sont bien passées et les élus ont souhaité, dans le consensus, réviser à la hausse les ambitions initialement posées par le préfet.
Pour avoir eu le bonheur de porter un certain nombre d’amendements sur la mutualisation et les services communs avec vous, madame Genevard,…
…je dis mon intérêt pour les sujets que vous ferez remonter et nous regarderons cela avec une grande attention. Je suis donc défavorable à votre amendement, mais ouverte à la discussion.
Je vous comprends vraiment très bien, madame la secrétaire d’État, je suis presque d’accord avec vous, et on peut même aller plus loin, quand les élus sont tous d’accord, mais cela ne se passe pas comme cela.
Je l’ai souligné tout à l’heure, il y a une chose tout de même essentielle, c’est la mise en oeuvre. Lorsqu’il y a un choix politique, on a une fusion et, pour la mise en oeuvre, il y a des délais totalement incompressibles.
Je reviens aux ressources humaines. Tout le monde est attaché aux ressources humaines, tout le monde est attaché à la vie des agents. Il y a des conséquences directes, notamment sur l’harmonisation des régimes indemnitaires, la définition des postes. Il faut parfois mettre en place des CHSCT. Il y a des délais incompressibles.
Ensuite, il y a l’harmonisation des tarifs. Je sors d’une fusion de six communautés de communes, je sais donc à peu près de quoi je parle, avec ma petite expérience. Nous étions d’accord depuis 2010. Nous nous sommes mis ensemble en 2014. Nous sommes en 2016 et nous sommes toujours dans l’harmonisation des compétences, l’harmonisation des tarifs, parce que tous les territoires ne sont pas égaux.
Si nous vous proposons ces amendements, ce n’est pas pour ralentir les projets politiques, nous les partageons. Nous sommes simplement un petit peu plus pragmatiques pour favoriser la mise en oeuvre parce que, quand c’est difficile, les élus, qui, au départ, sont enthousiastes, au bout de quelques mois, y vont à reculons.
De la constance, vous en avez aussi, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur. Il faut savoir à partir de quel moment la constance bascule du côté de l’entêtement ou de l’aveuglement. Je ne réponds pas à la question que je pose.
Sourires.
Il faudra que nous en parlions ensemble, que nous échangions nos points de vue.
Sourires.
Madame la secrétaire d’État, vous dites que cela se passe bien. Oui, heureusement que, pour certains territoires, cela se passe bien, parce qu’il y a des gens raisonnables, capables de faire contre mauvaise fortune bon coeur, mais cet amendement a pour ambition d’aider les territoires où cela ne se passe pas bien précisément, parce qu’il y en a, vous le savez.
Je vous remercie d’ouvrir la porte en étant ouverte à la discussion. Vous êtes prête à accepter des assouplissements sur différents sujets afin que ce soit lissé dans le temps. Ce que je propose, c’est une démarche générale, qui permet d’avoir des assouplissements pour les territoires qui le veulent sur les sujets qui leur posent problème.
Je comprends bien qu’il faut un vote conforme. Comme mon collègue et ami Guillaume Larrivé, nous avons les uns et les autres déposé des propositions de loi. Nous espérons que l’esprit d’ouverture dont vous faites montre, vous pourrez le concrétiser à l’occasion d’une possible proposition de loi venant de notre groupe.
Sous le contrôle de M. Dolez, je ne vais pas évoquer le vote conforme.
Cela dit, les tarifs, par exemple, ne devront pas être totalement harmonisés du jour au lendemain, le jour de la fusion, il peut y avoir des délais de lissage. J’ai parlé des compétences optionnelles et facultatives, de l’intérêt communautaire. Ce sont des débats que nous avons eus lors de la discussion de la loi NOTRe, notamment sur la possibilité de faire cohabiter des modes de gestion différents, dans des délais raisonnables, pour les différents services publics mis en place sur les territoires.
Bref, nous sommes ouverts à des assouplissements, et je redis ma disponibilité sur ce sujet, mais assez fermes sur la question des délais, donc hostiles au report et défavorables à l’amendement.
L’amendement no 1 rectifié n’est pas adopté.
La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour une explication de vote au nom du groupe Les Républicains.
Au nom du groupe Les Républicains, je voudrais exprimer un point d’accord, un regret, et formuler une proposition.
Le point d’accord, je l’ai dit tout à l’heure à la tribune, concerne les deux articles de la proposition de loi, que nous voterons.
Nous avons aussi apprécié votre présence au banc du gouvernement, madame la secrétaire d’État. Nous avons eu avec vous un interlocuteur précis et attentif. Nous serions curieux d’entendre un jour peut-être Jean-Michel Baylet s’exprimer sur ces questions.
Le regret, naturellement, concerne les amendements de bon sens que les Républicains ont défendus dans ce débat. Ils n’ont malheureusement pas convaincu une majorité des députés et ont donc été rejetés.
Quant à la proposition, et je m’adresse tout autant à M. Le Bouillonnec, en sa qualité de vice-président de la commission des lois, il nous semblerait utile que les ministres chargés des collectivités territoriales viennent devant la commission, assez rapidement si c’est possible, pour faire un bilan partagé de l’application de la loi NOTRe, notamment, mais pas seulement, dans son volet relatif aux intercommunalités, afin, le cas échéant, de préparer d’ici à l’été des adaptations techniques de ce texte. Nous voyons bien en effet sur le terrain que, sur bien des sujets, des questions d’ajustement nous sont posées. Encore une fois, le temps presse, nous sommes à la fin de la législature.
La proposition de loi est adoptée à l’unanimité.
Prochaine séance, demain, jeudi 10 mars 2016, à neuf heures trente :
Discussion de la proposition de loi portant réforme de la prescription en matière pénale ;
Discussion de la proposition de loi relative à la rémunération du capital des sociétés coopératives ;
Discussion de la proposition de loi visant à prolonger la période légale d’interdiction de rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur pour les femmes à l’issue de leurs congés liés à la grossesse et à la maternité ;
Discussion de la proposition de loi relative à la protection des forêts contre l’incendie.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures trente.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly