Intervention de Anne-Yvonne Le Dain

Séance en hémicycle du 9 mars 2016 à 15h00
Droit individuel à la formation pour les élus locaux — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnne-Yvonne Le Dain :

Mes chers collègues, nous examinons une proposition de loi tout à fait pertinente, nécessaire même, en ce qu’elle inscrit dans le marbre de la loi l’idée selon laquelle être élu est un engagement, une conviction, une nécessité en démocratie, qui appelle toutefois l’acquisition de compétences dans des domaines que l’on ne maîtrise pas. De fait, être élu, c’est aussi savoir, pouvoir et devoir dialoguer avec son administration. Nos fonctionnaires sont des gens extrêmement formés, solides et compétents. Ils sont rationnels et rigoureux. L’essentiel de leur travail consiste à faire en sorte que les décisions prises soient conformes à la loi, que les budgets alloués n’excèdent pas les limites imparties aux collectivités territoriales – car c’est bien de cela que l’on parle – et que l’on ne dépense pas un sou de plus que ce que l’on a en caisse, prêts compris. Nous parlons donc d’un enjeu essentiel.

Je remercie le rapporteur d’accompagner avec brio, détermination et conviction cette proposition de loi, de la même manière qu’il a su accompagner la loi NOTRe, que le texte en discussion vient habilement et opportunément compléter et travailler. Une loi de l’importance de la loi NOTRe, qui réorganise le caractère territorial de notre République, impose, d’une certaine manière, que tout ne soit pas prévu par avance dans les moindres détails. À défaut, il n’y aurait pas de souplesse, pas d’évolution ni de dialogue possible.

Le texte en discussion réaffirme l’existence des élus et leur droit à la formation, dont seuls bénéficient, de fait, les 190 000 élus locaux relevant des exécutifs – maires et adjoints, vice-présidents –, à rapporter à un total de 550 000 élus locaux – j’entends par là les élus territoriaux, les maires, les conseillers municipaux, mais également les élus des agglomérations, des communautés de communes et des métropoles, les élus des départements et des régions. Ce texte reconnaît que, désormais, tout le monde pourra en bénéficier, même celui qui donne de son temps gratuitement, sans indemnité. Dieu sait que le mandat d’élu local, notamment au sein des communes, y compris des plus petites d’entre elles, exige du temps, de l’énergie mais aussi de la vaillance. En effet, l’élu local est proche de la population et, à ce titre, destinataire de revendications, souvent légitimes. Il doit prendre des décisions, ce qui signifie, en particulier en matière budgétaire, opérer des choix. L’élu opère ces choix et doit les assumer à l’égard de la population, à plus forte raison s’il se représente quelques années plus tard. Il devra souvent affronter à nouveau la satisfaction ou l’insatisfaction de la population. Aussi ce texte est-il important car il reconnaît le droit de l’élu local à être formé sur des sujets qu’il ne maîtrise pas nécessairement au préalable. La proposition de loi dispose que tous les élus pourront désormais être formés, et pas uniquement les membres des exécutifs. Il institue donc une forme de solidarité entre les élus de la nation, qui exercent leur mandat sur le terrain.

Actuellement, je l’ai dit, seuls 190 000 des 550 000 élus locaux – soit 35 % d’entre eux – perçoivent une indemnité de fonction et peuvent bénéficier d’une formation ; 100 % d’entre eux se verront désormais offrir un droit à la formation. C’était un texte nécessaire, qui arrive à un moment opportun. Il a été décidé de confier la gestion de ce droit individuel à la formation à la Caisse des dépôts et consignations, qui aura pour mandat de s’assurer que les formations proposées correspondent bien aux besoins et aux demandes de chacun des élus. Ceux-ci pourront ainsi, le cas échéant, se former pour remplir au mieux leur mandat, mais également pour quitter la fonction d’élu, en particulier pour s’engager dans une trajectoire professionnelle personnelle. Il s’agit d’éviter que l’engagement en politique ne finisse par devenir un métier – et soit considéré comme tel. Pour ma part, je ne souhaite pas que la fonction d’homme ou de femme politique, local ou national, devienne un métier, comme cela peut arriver à un certain nombre d’entre nous. Il me paraît nécessaire que l’on en revienne aux fonctions essentielles de militantisme, d’engagement, de dévouement, mais aussi – je le souligne, pour travailler avec nos administrations – de compétence.

Ce texte traite d’un autre sujet important : les syndicats mixtes et les syndicats de communes. Nos concitoyens n’ont pas nécessairement conscience de leur importance. Ces structures traitent pourtant de domaines extrêmement concrets, qui touchent la population au quotidien, que ce soit, pour ne citer que quelques exemples, l’arrivée de l’eau, la gestion et l’entretien des routes et, plus généralement, de la voirie, ou les stations d’épuration. Beaucoup de temps est donné à ces syndicats. Il faut continuer à leur conférer de la puissance et de la force. De fait, par ce texte, nous reconnaissons qu’il n’est peut-être pas pertinent de continuer à mêler, en termes financiers, les différentes sortes d’activités pouvant être assumées par des élus locaux. Nous allons donc faire en sorte que tous les dispositifs soient rationalisés et équilibrés d’ici le 1er janvier 2020, date à laquelle l’ensemble des transferts de compétence prévus entre les communes et les EPCI auront été effectués. Ce texte se caractérise donc par une cohérence d’ensemble. En 2020, le régime indemnitaire institué par la loi NOTRe s’appliquera aux présidents et vice-présidents de syndicats de communes et de certains syndicats mixtes – fermés et ouverts restreints – dont le périmètre excède celui d’un EPCI à fiscalité propre. Cette transition se réalisera de manière élégante et, somme toute, assez simple et lisible par chacun, où que l’on se trouve sur le territoire national et quelle que soit la configuration dans laquelle on se situe.

C’est donc un texte important, et je remercie le rapporteur d’avoir l’intelligence de vouloir le faire adopter conforme à la version adoptée par le Sénat, de manière à permettre une entrée en vigueur rapide et efficace. Il me paraissait important de le signaler.

Je le répète : d’une certaine manière, ce texte dit clairement que nous, parlementaires français, ne souhaitons pas la professionnalisation du monde politique. Il permettra en effet à chaque élu d’accéder, où qu’il se trouve, à une formation dans de bonnes conditions, avec un bon niveau. Et ce sera vrai aussi dans les départements et territoires d’outre-mer, où il n’est pas toujours facile de disposer de formateurs de niveau national, pour des raisons liées non seulement aux distances et au temps libre, mais aussi aux compétences disponibles. Il faut que, quel que soit l’endroit où il se trouve, l’élu puisse accéder aux compétences appropriées à son projet de vie – qui peut ne pas être celui d’un élu, mais un projet professionnel –, et pas uniquement par l’intermédiaire d’internet ou de la vidéo. Nous le savons tous : un bon enseignement suppose un contact direct avec la personne, même si la formation via internet, complémentaire et nécessaire, est appelée à se déployer. Ces deux types de formation devront se compléter pour que, sur l’ensemble du territoire national, chacun puisse accéder à la connaissance dans les meilleures conditions possibles. Mais accéder à la connaissance, ce n’est pas la même chose que d’en faire l’apprentissage et la maîtriser !

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