Cher collègue, je me suis expliqué tout à l’heure sur cette question, dans ma réponse à la discussion générale. Je pense qu’une prescription trop longue risque, en définitive, de se retourner contre l’intérêt des victimes, car la victime va vivre toute sa vie avec ce qui lui est arrivé, sans parvenir à faire son deuil.
Deuxièmement, les crimes mentionnés aux articles 706-47 du code de procédure pénale et 222-10 du code pénal, lorsqu’ils sont commis sur des mineurs, se prescrivent par vingt ans et le délai de prescription court à compter de la majorité de la victime. Le droit actuel permet donc à l’autorité judiciaire de poursuivre longtemps après les faits les personnes coupables de certaines infractions graves commises contre des mineurs.
Nous avons déjà pris en compte la spécificité des mineurs en ne faisant courir la prescription qu’après l’âge de dix-huit ans : c’est déjà un allongement important. Je ne pense pas possible de leur réserver un sort encore plus particulier. Et pourquoi ne pas faire de même pour d’autres cas spécifiques, d’autres catégories de la population ? Certains ont pensé, à un moment donné, à faire un sort particulier aux délits contre les femmes enceintes. Pourquoi pas ? Après tout, chaque catégorie présente un intérêt…
En l’occurrence, la plupart des personnalités que nous avons auditionnées avec Georges Fenech, notamment les responsables d’associations, ont appelé de leurs voeux le maintien en vigueur des règles applicables à la prescription des infractions commises sur les mineurs. La directrice de la protection judiciaire de la jeunesse, tout en rappelant la nécessité d’un régime dérogatoire afin de tenir compte de la spécificité des victimes mineures d’infractions sexuelles, au regard de leur très grande fragilité, n’a pas demandé de modification du délai de prescription.
Relisons les déclarations qui ont été faites par des parents dont les enfants ont été assassinés : vous voudriez que leurs agresseurs aient un sort différent de ceux qui ont commis des agressions sexuelles ? L’objectif de la proposition de loi n’est pas de multiplier les délais de prescription dérogatoire. Au contraire ! Cela mettrait à mal la lisibilité du droit de la prescription, lisibilité qui fait aujourd’hui défaut, à en croire les praticiens du droit. C’est pourquoi nous demandons le rejet de ces amendements.