Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 7 mars 2016 à 14h45
Commission d'enquête relative aux moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier

Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur :

Pardonnez-moi, Monsieur le président, mais on ne peut pas présenter les choses tout à fait de cette manière. Je vais reconstituer de façon extrêmement précise le minutage de cette opération, car, à ce propos aussi, j'ai lu des choses étonnantes. Or je dois au courage des policiers de la BRI de rétablir la vérité sur ces sujets.

Des attaques se déroulent pratiquement dans la même demi-heure sur huit sites distincts, dont trois autour du Stade de France. À 21 h 17 précisément, la première explosion a eu lieu au Stade de France. À 21 h 24 a lieu la première fusillade des terrasses à l'angle de la rue Alibert et de la rue Bichat. À 21 h 26, c'est la fusillade de la rue de La-Fontaine-au-Roi. À 21 h 36, c'est la fusillade rue de Charonne. À 21 h 40, c'est la prise d'otages au Bataclan et l'explosion boulevard Voltaire. C'est un quart d'heure après le début de la prise d'otages au Bataclan que la BAC de nuit est présente sur les lieux et abat déjà un terroriste. La BAC de nuit prévient immédiatement la BRI. À 22 heures, la BRI quitte sa base, c'est-à-dire cinq minutes après l'arrivée de la BAC. Et à 22 heures 20, c'est-à-dire vingt minutes après avoir quitté sa base, la BRI est sur les lieux. Le PC est installé et il y a les premières progressions au rez-de-chaussée de la salle de spectacle. La question qui se pose, je m'en souviens très bien puisque je suis alors en ligne avec le préfet de police de Paris, est de savoir si ces individus, qui ont tué, n'ont pas piégé la salle. On n'intervient pas n'importe comment dans une salle pour procéder à la neutralisation de terroristes : il faut s'assurer qu'il n'y aura pas de victimes supplémentaires. Une analyse très précise des lieux et des conditions est nécessaire avant toute intervention.

Donc, vingt minutes après son départ, la BRI est sur les lieux, son PC est installé, et une première progression est possible au rez-de-chaussée de la salle de spectacle. Le GIGN, quant à lui, est mis en alerte à 22 h 26 pour le cas où nous aurions besoin de son concours. Il reçoit son ordre de départ à 22 h 45 pour se rendre disponible à la caserne des Célestins. La BRI appuyée par le RAID avance progressivement dans l'établissement. L'ordre de l'assaut n'est donné que lorsque les services opérationnels, c'est-à-dire la BRI, estiment être en situation de le faire, parce qu'ils maîtrisent totalement les lieux, et sont en mesure de procéder au sauvetage des derniers otages sans risque supplémentaire pour eux. Dès lors que l'information est transmise que les conditions sont réunies, l'ordre de l'assaut est donné par le préfet de police, après que j'ai donné moi-même l'ordre d'y procéder puisque la sécurisation des lieux est intervenue et qu'il est possible de le faire.

Il y a des ceintures d'explosifs, le terrain est peut-être miné, nous ne connaissons pas le nombre de terroristes, nous ne savons pas où ils se trouvent : dans un tel contexte, une intervention pour sauver des vies n'est possible que dès lors qu'il y a une maîtrise totale du lieu et des conditions de l'intervention. Voilà donc, très rigoureusement, ce qui s'est passé. Et bien entendu, pour une intervention de ce type, l'appréciation par les services opérationnels des conditions de l'intervention est un élément pris en compte pour décider de l'assaut. C'est lorsque les conditions sont réunies que la décision est prise. Si nous n'agissions pas ainsi et si après une décision hasardeuse, il devait y avoir des explosions et des morts, une autre question me serait posée aujourd'hui. Donc, ce n'est qu'une fois que les conditions opérationnelles sont réunies que l'assaut peut être donné : c'est une modalité classique d'intervention.

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