Intervention de Jacques Krabal

Séance en hémicycle du 15 mars 2016 à 15h00
Biodiversité — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Krabal :

Après le changement climatique, la perte de biodiversité constitue un risque environnemental, avec des conséquences sur le bien-être social, la qualité de vie, la santé, l’alimentation, les paysages et les performances économiques.

Thierry Gauquelin, expert en biodiversité, écrivait : « il ne suffit pas de dire qu’il faut protéger la nature parce que c’est beau. Il faut expliquer qu’une perte de la biodiversité est une menace pour l’humanité ».

Pour nous, la problématique est aussi de concilier développement économique et respect des écosystèmes, de concilier le soutien indispensable aux acteurs de la ruralité, agriculteurs, éleveurs et chasseurs, avec les exigences environnementales. Ils sont convaincus de la nécessité de préserver la biodiversité et y contribuent en valorisant 13 millions d’hectares de prairies. Nous devons donc reconnaître leur rôle en la matière et les ériger au rang d’acteurs, de partenaires de la biodiversité, du développement durable et de l’économie. Comment améliorer sur le long terme la concertation entre ces acteurs ?

Pour ce projet de loi, j’ai eu des échanges suivis, nombreux et fructueux avec les chasseurs de l’Aisne, les agriculteurs, les associations visant à la protection de l’environnement. C’est cet état d’esprit constructif et serein, auquel est attaché le groupe RRDP, que j’appelle de mes voeux pour nos débats. Vous avez eu raison de rappeler tout à l’heure, madame la secrétaire d’État, que ces acteurs essentiels de la biodiversité ont un droit de lisibilité s’agissant de leur avenir. Oui, il s’agit non pas de diviser mais bien de rassembler pour agir avec efficacité.

Pour cette deuxième lecture, nos amendements portent sur la reconnaissance de la biodiversité spécifique des terrains agricoles, des labours, des surfaces en herbe ou des chemins ruraux, au même niveau que pour les milieux boisés et les surfaces incultes. Ils permettent aussi de favoriser les continuités écologiques, trames vertes et bleues, en considérant non seulement que l’agriculture n’y fait pas obstacle mais aussi qu’elle en constitue l’un des rouages essentiels.

Des propositions ont été formulées par exemple sur la prise en compte des valeurs d’usage de la biodiversité et de sa valeur patrimoniale, sur les champs de compétence de l’AFB et de ses composantes régionales délocalisées, sur les parcs naturels nationaux et régionaux, sur les associations de chasse et l’intercommunalité, sur la pollution lumineuse, chère à Joël Giraud, ou encore sur la meilleure traçabilité des produits phytosanitaires.

Aujourd’hui, des questions restent posées. Par exemple, quelle association, quelle collaboration y aura-t-il entre l’ONCFS et l’AFB ? Par ailleurs, les acteurs publics locaux jouent un rôle essentiel dans la préservation de la biodiversité : le projet de loi doit donc encore préciser les déclinaisons locales de l’AFB, les stratégies régionales pour atteindre localement les objectifs. La compensation écologique est aussi un outil puissant pour réduire la perte de biodiversité : il reste à donner une consistance plus solide au concept.

Sur le préjudice écologique, les débats ont été un peu chaotiques. Nous voulons croire à cette idée. Nous avons déposé l’amendement, écrit et transmis par nos collègues, et cosigné par le président de notre commission et Mme la rapporteure. Cela dit, cet amendement pose aussi des questions juridiques qu’il faudra résoudre, notamment sur les différentes prescriptions prévues. Sa complexité pourrait générer des difficultés, comme la définition de l’atteinte « non négligeable » ou encore l’encadrement de la compensation. Peut-être pouvons-nous aboutir à une rédaction plus simple et plus efficace. En attendant, la reconnaissance dans le code civil constitue une belle avancée symbolique.

Sur les néonicotinoïdes, nous ne sommes pas tous d’accord. Pour nous, ce n’est pas les abeilles contre les céréales ou les arbres fruitiers – ce n’est pas l’un ou l’autre : c’est les deux ! C’est pourquoi notre groupe est majoritairement en phase avec les éléments contenus dans la lettre du ministre de l’agriculture.

Nous vous proposerons aussi des amendements spécifiques aux outre-mer, qui seront défendus en particulier par Ary Chalus.

L’écologie ne doit pas être punitive, il nous reste encore du travail pour déjouer le risque.

Dans tous les cas, je pense que, sur ce sujet comme sur de nombreux autres, nous pouvons trouver des compromis habiles qui transcendent les clivages partisans, et que nous avons tout à gagner à un débat serein et constructif sur ces sujets parfois un peu passionnels. C’est d’ailleurs ce qu’attendent tous nos concitoyens.

Comme l’écrivait Jean de La Fontaine, né à Château-Thierry, dans l’épilogue du livre VI,« Loin d’épuiser une matière, On n’en doit prendre que la fleur ». Je souhaite que nos travaux puissent être guidés par cette morale afin de nous amener vers ces changements progressifs de paradigme, pour plus de respect pour notre planète.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion