Intervention de François-Michel Lambert

Séance en hémicycle du 15 mars 2016 à 15h00
Biodiversité — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois-Michel Lambert :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, chère Barbara, mes chers collègues, je dois tout d’abord vous dire que le texte que nous examinons aujourd’hui est une source de satisfaction pour les écologistes que je représente.

L’écologiste que je suis est bien évidemment sensible à la lutte contre l’érosion de la biodiversité et à la protection de nos écosystèmes. C’est le premier texte depuis près de quarante ans qui s’attaque à la protection de la nature. C’est le premier texte qui intègre réellement la question de la biodiversité, devrais-je même dire.

Je me réjouis que nous ayons la chance de réactualiser les principes qui structurent la politique française de conservation de la nature. Je me réjouis également que le Président de la République, sur recommandation du chef du Gouvernement, ait décidé de faire de la protection de la biodiversité une priorité politique en nommant une secrétaire d’État chargé de la question. Votre approche consensuelle et constructive, quelques semaines après votre nomination, madame la secrétaire d’État, est déjà une chance pour ce texte.

Je souhaiterais en premier lieu évoquer la question du préjudice écologique, qui a déchaîné les passions au-delà de nos murs et qui tend à prouver que nous mettons le doigt là où il faut avancer pour obtenir des impacts significatifs.

L’inscription dans le code civil d’un véritable régime de réparation écologique est une avancée que nous n’hésiterons pas à qualifier d’historique. Les députés écologistes réformistes, que je représente, proposent de façon conjointe, par un amendement de Mme la rapporteure, une procédure civile de réparation dont l’action est ouverte de façon étendue, la réparation se faisant prioritairement en nature, avec un délai de prescription de trente ans à compter du jour où le titulaire de l’action a pris connaissance de la manifestation du dommage environnemental.

La rédaction qui est proposée nous paraît équilibrée. Elle reflète les besoins exprimés par la pratique du droit. À l’occasion de la concertation instaurée pour décider du sort de cet article, toutes les forces vives ont été écoutées, il est important de le rappeler. Je remercie Mme la rapporteure, le président Chanteguet et madame la secrétaire d’État pour la qualité d’écoute dont ils ont fait preuve. Ils ont démontré que, par une démarche constructive, nous pouvions aller de l’avant. À nous de le traduire lors du vote dans cet hémicycle.

Je voudrais m’arrêter sur une disposition qui me paraît fondamentale, qui a été introduite par ma collègue sénatrice Aline Archimbaud et a nourri de longs débats en commission : nous allons étudier dans l’article 27 A comment étendre la fiscalité sur l’huile de palme présente dans les produits.

L’huile de palme bénéficie actuellement d’un avantage fiscal inexplicable. C’est, alors même que cette production n’est pas présente sur le territoire français, une véritable niche fiscale, ce dont ne bénéficie pas l’huile d’olive par exemple. Aucun modèle sérieux de production durable de cette huile ne semble voir le jour. Je vous exhorte donc tous à voter la disposition établissant cette fiscalité sur l’huile de palme.

Néanmoins, le taux de taxation qui avait été décidé au Sénat nous semble idéaliste, idéologique. Il aurait mis la France en contradiction avec certains engagements internationaux. Il convient d’adopter une approche réaliste, telle que celle qui a émergé lors des travaux en commission, et de voter un taux fixe de 90 euros la tonne. Je vous exhorte également à prolonger la réflexion sur l’extension d’un tel dispositif pour l’huile de palme présente dans les biocarburants.

Ce texte a été l’occasion pour les écologistes du Sénat et de l’Assemblée de réaffirmer qu’un désastre écologique et sanitaire se joue en ce moment même dans les champs en France et dans le monde, dont les responsables sont les néonicotinoïdes.

Ces pesticides engendrent un déclin extrêmement préoccupant des populations d’abeilles et, plus largement, des pollinisateurs. Ils contaminent les eaux de nos rivières et s’inscrivent dans la spirale infernale par laquelle l’industrie agrochimique se rend indispensable. On utilise des produits de plus en plus toxiques qui engendrent des parasites eux-mêmes de plus en plus résistants aux pesticides, ce qui nécessite des produits encore plus toxiques et toujours plus destructeurs pour les écosystèmes.

J’entends des arguments contre l’interdiction que nous pouvons décider aujourd’hui. Pour le groupe écologiste réformiste que je représente, pour la sauvegarde de la biodiversité sur notre territoire et pour le signal que nous devons envoyer, il n’y a aucun autre équilibre souhaitable que l’interdiction pure et simple des néonicotinoïdes. Cette interdiction pourrait être un signal extrêmement fort.

Si notre ambition est bien de reconquérir la biodiversité, alors nous devons reconquérir nos eaux, nos sols, et notre indépendance. Le groupe écologiste appelle au maintien de l’interdiction totale de ces pesticides.

La biodiversité, c’est cet équilibre qui s’est noué depuis des millénaires, un équilibre entre tous les êtres vivants, y compris l’homme. Ainsi, les collines de Provence sont équilibrées grâce à la présence modérée de l’homme. Cette présence – l’action des cultivateurs, des forestiers, des bergers mais aussi des chasseurs, pour ceux qui respectent les équilibres – assure une biodiversité unique, ancrée depuis des millénaires. Il ne s’agit donc pas de nier ce qui est scientifique pour entrer dans l’idéologie. Sachons aussi raison garder.

En l’état le groupe écologiste réformiste perçoit le texte très positivement. Nous le voterons sur la base des progrès que j’ai exprimés.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion