Intervention de Gabriel Serville

Séance en hémicycle du 15 mars 2016 à 15h00
Biodiversité — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGabriel Serville :

Nous étudions aujourd’hui en deuxième lecture ce qui restera comme l’un des textes les plus ambitieux de la législature 2012-2017.

Réorganiser l’action publique en matière de protection et de reconquête de notre environnement n’est pas mince affaire, et ce en dépit de l’existence d’un consensus au sein de la classe politique et de la société civile. Notre développement ne pourra en effet se réaliser sans intégrer de façon volontariste les préoccupations environnementales.

Malheureusement, comme souvent, les velléités de croissance verte se heurtent à la préservation d’intérêts privés contradictoires. Permettez donc que je regrette amèrement le travail de sabotage savamment orchestré par nos collègues sénateurs de droite. Nous avons une fois de plus manqué l’occasion de montrer aux Français que nous sommes capables de travailler en bonne intelligence et de faire ainsi primer l’intérêt général.

A contrario, je souhaite féliciter vivement mes collègues députés des outre-mer de tous bords. Leurs amendements ont permis que nos territoires soient enfin considérés par ce projet de loi, eux qui recèlent 80 % de la biodiversité française. Il faut bien avouer que nous partions de loin. À titre d’exemple, aucune représentation – aucune ! – n’était prévue pour nos territoires au sein de la nouvelle gouvernance de la biodiversité. Nous sommes parvenus, en première lecture puis en commission, à obtenir une représentation a minima de chacun de nos bassins écosystémiques.

J’espère que cette deuxième lecture nous permettra d’aller encore plus loin et de faire en sorte que les outre-mer soient présents dans chacun des collèges de l’Agence française pour la biodiversité, voire dans toutes les instances consultatives entrant dans le champ de la biodiversité. Il s’agit là d’une exigence impérieuse à l’heure où nous parlons d’équité et où le terme d’égalité réelle est sur toutes les lèvres au point de se retrouver dans l’intitulé d’un secrétariat d’État.

Il n’est pas tolérable que nos régions, qui concentrent la majorité de la biodiversité nationale sur 15 % seulement du territoire, soient les parents pauvres d’un texte d’une telle envergure. Cet affront fait aux outre-mer est d’ailleurs le témoin du mal qui a touché ces vingt dernières années l’ensemble de nos politiques publiques en matière de protection de l’environnement, à savoir l’oubli pur et simple des populations riveraines dans la gouvernance de la biodiversité.

Je tiens d’ailleurs à saluer ici l’entrée dans ce texte du terme « autochtone », jusqu’alors tabou en droit français. Nous entendons déjà des voix s’élever quant à sa constitutionnalité, mais il était temps que notre pays soit mis face à ses contradictions et que la représentation nationale débatte franchement et à visage découvert de ces peuples qui souffrent depuis trop longtemps du défaut de reconnaissance de leurs réalités et de leurs difficultés spécifiques.

Il ne suffit plus de consacrer des rapports parlementaires au drame qui se joue au coeur de la forêt amazonienne : je ne remets pas en cause leur intérêt, mais il faut aller plus loin. J’attends donc d’aborder, lorsque le moment sera venu, la question de la place des communautés d’habitants dans le régime de partage des avantages. Le Gouvernement nous donne enfin une définition claire, et je l’espère constructive, de la reconnaissance des droits des populations autochtones, en particulier des peuples premiers de Guyane. Le régime APA entériné par ce texte est particulièrement bienvenu en Guyane, où les populations locales voyaient jusqu’à présent leurs ressources génétiques et leurs savoir-faire traditionnels exploités sans aucune contrepartie, alors que les contestations en la matière se font de plus en plus fortes.

Nous devons aller jusqu’au bout du protocole de Nagoya et nous atteler à un vrai travail de pédagogie, afin que chercheurs et populations locales puissent travailler ensemble à la mise en valeur des savoirs ancestraux. En somme, nous devons mettre en place des solutions afin de ne plus nous retrouver face à des polémiques contre-productives comme celle à laquelle se trouve confronté aujourd’hui l’Institut de recherche pour le développement en Guyane. Je défendrai ainsi un amendement permettant d’envisager le cas de figure où les connaissances traditionnelles feraient l’objet de contestations du fait d’une appropriation abusive. J’espère qu’il trouvera une issue favorable.

Madame la secrétaire d’État, avec ce texte, vous avez l’occasion de faire des ultramarins non seulement de véritables acteurs de leur propre destin, mais également des constructeurs d’un pan du destin national. Si vous souhaitez réellement enclencher une nouvelle dynamique verte, il est indispensable que nous mettions en place les outils idoines afin que les populations s’en emparent. Il est impératif que nous comprenions que toute politique publique de protection environnementale est vouée à l’échec si l’on oublie qu’il est question avant tout de bassins de vie autour de la nature.

La protection de notre environnement ne peut se réduire à un enjeu de style. C’est un élément fondamental de cohésion sociale qui nécessite une véritable appropriation de la biodiversité par les populations. Cela est valable en France hexagonale comme en outre-mer. Les peuples d’outre-mer sont résolument prêts à relever le grand défi du XXIe siècle qu’est la croissance verte. Ils veulent montrer au reste de la France l’exemple du possible. Encore faut-il pour cela qu’ils soient traités avec équité, mais surtout avec respect.

Le Gouvernement a toujours pu compter sur mon soutien, en dépit parfois de tout principe de réciprocité.

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