Intervention de Cécile Untermaier

Réunion du 15 janvier 2013 à 16h15
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Untermaier, Rapporteure :

Après la présentation de ma première communication, qui faisait le point sur le décret d'application de l'article 99 de la loi du 9 novembre 2010, j'ai poursuivi l'audition des représentants syndicaux et du patronat, pour recueillir leur avis sur le nouveau projet de décret du gouvernement. Mon intervention rappellera l'essentiel des remarques faites par les personnes entendues (syndicats et patronat) et indiquera la teneur du décret de décembre.

Les remarques et attentes des différents représentants s'articulent autour de trois points principaux: le délai de mise en conformité, l'institution d'une sanction financière et la procédure de contrôle.

Le premier point concerne donc le délai de mise en conformité des entreprises qui n'ont pas rempli leurs obligations en matière d'égalité professionnelle et salariale.

Ce délai est fixé à six mois dans le projet de décret. Les représentants de la CGPME l'ont jugé satisfaisant, le considérant comme un délai pédagogique, permettant aux entreprises de « se retourner ». Les représentants du Medef sont plus circonspects : ce délai leur paraît trop court et le Medef aurait souhaité que le gouvernement attende la fin des négociations en cours sur la qualité de vie au travail, qui couvrent la question de la réduction des inégalités professionnelles.

À l'inverse, parmi les représentants syndicaux entendus, une certaine unanimité est apparue pour trouver ce délai trop long. Les représentants de la CFTC et de FO, notamment, craignent que ce délai ne favorise l'attentisme des entreprises : un délai de deux mois leur semblerait suffisant. A vrai dire, nous aussi nous trouvons que deux mois seraient suffisants, rappelons nous que le RSC a été instauré en 1983, par « la loi Roudy » !

Le deuxième point concerne la sanction financière instituée à l'article 99 de la loi de 2010, et marque sans surprise une ligne de séparation entre les syndicats et le patronat.

Les représentants patronaux se sont montrés très réservés quant à l'institution d'une sanction frappant les entreprises qui n'ont pas rempli leurs obligations. Les représentants de la CGPME comme ceux du Medef ont exprimé leur préférence pour une démarche de sensibilisation et d'accompagnement des entreprises, avec la mise au point et la généralisation de bonnes pratiques : le Medef, par exemple, a édité à l'intention de ses adhérents un guide pratique sur l'égalité professionnelle, pour les sensibiliser à cette problématique. Tous ont admis qu'il convenait de privilégier une logique d'incitation, à visée pédagogique. A cet égard, la création d'un site Internet dédié, annoncée par le gouvernement, leur a paru une bonne initiative, le lancement d'une campagne d'information prévue en janvier également.

Les représentants du Medef ont fait observer que les PME risquaient de manquer de moyens pour se doter d'un accord collectif ou d'un plan d'action dans le temps imparti, et ce sans aucune mauvaise volonté. La CGPME a craint que la mise en place d'une sanction financière pour les entreprises de plus de cinquante salariés n'accentue encore les effets de seuil.

Concernant le montant de la sanction, fixé au maximum à 1% de la masse salariale, il est apparu tout à fait excessif aux yeux des représentants patronaux, pouvant même mettre en péril l'existence de l'entreprise. De ce point de vue, le caractère modulable de la sanction est donc plutôt rassurant.

Au contraire, les représentants syndicaux ont considéré que l'application d'une sanction était nécessaire pour garantir le caractère dissuasif du dispositif: dès lors que les obligations légales ne sont pas respectées, la sanction doit pouvoir s'appliquer. Les représentants de la CFTC comme ceux de FO convergent dans leur analyse pour affirmer que la sanction doit être la norme, quitte à prévoir des éléments dérogatoires. Il s'agirait pour eux, en quelque sorte, « d'inverser la charge de la preuve », en conservant un cadre général pénalisant, avec une sanction rapide et automatique.

La CGT observe, dans sa déclaration au Conseil supérieur de l'égalité du 12 novembre 2012 en le regrettant, que les motifs de défaillance admis pour échapper à la pénalité financière ne sont pas supprimés dans le projet de décret.

Le troisième point sur lequel se concentrent les remarques est la procédure de contrôle.

Les représentants syndicaux se sont interrogés sur le suivi du dépôt des accords collectifs et plans d'action et sur le contrôle effectué : à quel moment, dans quel délai et à quel rythme s'effectueront les contrôles ? Certains ont fait remarquer que le contrôle effectué par les inspecteurs du travail était surtout formel alors que souvent, les accords, dans leur contenu, ne font que répéter ce qui est déjà dans la loi.

Ils ont observé que les procédures de contrôle n'étaient pas clairement définies dans le projet de décret : il a semblé nécessaire que la Direction générale du travail adresse des consignes précises en la matière. La CGT, dans sa déclaration, pointe le manque de moyens et se demande combien de contrôles sur site seront possibles, compte tenu des moyens alloués aux Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE)

Enfin, les syndicats ont insisté sur la nécessité d'un contrôle à la fois quantitatif et qualitatif visant à évaluer les progrès réels sur le plan de l'égalité professionnelle.

En complément des auditions des syndicats et du patronat, j'ai entendu le point de vue d'un praticien confronté aux problèmes concrets de l'égalité professionnelle en entreprise et j'ai choisi d'entendre Mme Hélène Sabatier, juriste d'entreprise et animatrice d'un réseau de femmes dans le secteur de la banque et de l'assurance. Mme Sabatier a considéré que la sanction était nécessaire, la simple incitation n'étant pas suffisante pour faire évoluer la situation. Mais selon elle, la principale faiblesse du dispositif réside dans le fait que la sanction n'a pas d'objet qualitatif : il faudrait imaginer un mécanisme d'évaluation qui tienne compte des améliorations apportées d'une année sur l'autre par les plans d'action.

Le contrôle des plans d'action ou accords collectifs devrait avoir toujours en vue l'amélioration, avec une sorte d'obligation de résultat. Car la vraie question est : comment contrôle-t-on l'efficacité du dispositif ; Les accords aboutissent-ils à une plus grande égalité professionnelle entre hommes et femmes ?

On pourrait aussi imaginer des experts dédiés à l'égalité professionnelle dans les entreprises. Ainsi, l'égalité professionnelle pourrait être traitée en même temps que les conditions de travail, par un seul expert, au sein du CHSCT qui aurait aussi compétence sur l'égalité professionnelle. Les réseaux de femmes en entreprise pourraient être utilisés comme espace d'échange dans l'entreprise, en faisant le lien entre les différents acteurs.

J'en viens maintenant au contenu du nouveau décret du 18 décembre dernier.

Le décret augmente le nombre des domaines d'action sur lesquels devront porter les accords et les plans d'action. Ce nombre est porté de deux à trois pour les entreprises de moins de 300 salariés et de trois à quatre pour les entreprises de plus de 300 salariés.

Par ailleurs, la rémunération effective doit obligatoirement être comprise dans les domaines d'action retenus par l'accord collectif ou, à défaut, le plan d'action.

Cette disposition satisfait ainsi la recommandation n°1 de la DDF.

Le nouveau décret met en place des indicateurs sur la place des femmes, déclinés par catégories professionnelles, et qui doivent figurer dans la synthèse du plan d'action.

Il impose aux entreprises de déposer leurs plans d'action auprès des Directions régionales du travail (DIRECCTE) dans les conditions de droit commun prévues par le code du travail pour les conventions et accords, permettant en conséquence de mettre en oeuvre un contrôle sur pièce.

S'agissant du délai laissé aux entreprises pour la mise en conformité, et contrairement au souhait de la Délégation de le voir ramené à deux mois -c'était la recommandation n°3-, le décret le maintient à six mois. On peut regretter que l'application de la sanction ne soit pas automatique mais reste soumise à l'appréciation de l'inspecteur du travail. Le montant maximum de la pénalité financière, toujours modulable, reste fixé à 1% de la masse salariale.

Les nouvelles dispositions n'entreront en application dans les entreprises, que lors du renouvellement de ces accords collectifs ou plans d'action et, au plus tard, en ce qui concerne les accords à durée indéterminée, à l'échéance triennale suivant la publication du décret.

J'observe que ce choix s'explique par les contraintes de la négociation collective, mais il conduit, de fait, à accorder un délai supplémentaire aux entreprises pour se mettre en conformité avec les exigences légales. Selon mes informations, les entreprises de plus de mille salariés devraient faire l'objet d'un contrôle systématique en 2013, les autres faisant l'objet de contrôles plus ponctuels.

Le décret devrait s'accompagner de deux circulaires, actuellement en cours d'élaboration.

Pour conclure, je dirais que la parution du décret est une chose, son application en est une autre. Il faudrait prévoir d'en mesurer les effets et les avancées s'agissant de l'égalité professionnelle et salariale, dans un an.

Ce décret s'inscrit dans une démarche globale de lutte contre la précarité professionnelle et les inégalités. Les RSC sont des indicateurs et acteurs de cette politique que nous poursuivons. Ils doivent faire l'objet d'une véritable analyse.

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