Les députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste ne sont pas opposés par principe aux ordonnances prévues par l’article 38 de notre Constitution ; ils y sont favorables à condition qu’elles soient clairement délimitées et qu’elles permettent un gain de temps significatif, sur des sujets techniques présentant un caractère d’urgence. En l’occurrence, le secteur du logement présente bel et bien une spécificité, puisqu’une grande partie des normes qui le régissent relèvent du domaine législatif – ce qui explique, d’ailleurs, la longueur exceptionnelle de la discussion des différentes lois portant sur le logement examinées au cours des dernières années.
Ce projet de loi vise à moderniser ce que l’on a coutume d’appeler le « 1 % logement », c’est-à-dire l’obligation pour les entreprises, depuis 1963, de participer aux dépenses consacrées au logement de leurs salariés. C’est ce que l’on appelle la PEEC, c’est-à-dire la participation des employeurs à l’effort de construction. Il s’agit d’un élément majeur de la politique du logement en France, une forme de solidarité indispensable pour réduire la pénurie de logement et le mal-logement.
La somme totale pour les entreprises qui choisissent de verser leur dû à un collecteur agrée s’élève à 4 milliards d’euros – ce sont les ressources d’Action logement pour l’année 2015. Toutefois, en dépit d’un effort significatif de simplification et de rationalisation, commencé en 2009, l’organisation et l’efficience d’Action logement sont régulièrement critiquées.
La loi ALUR de mars 2014 a amplifié le phénomène de réorganisation, mais la structure reste perfectible ; il devenait nécessaire de l’améliorer pour optimiser l’utilisation des ressources et pour assurer les engagements figurant dans la convention quinquennale prévue par la loi ALUR. Ainsi, au début du mois d’avril 2015, un travail de concertation utile et fécond a commencé entre la ministre du logement, qui était alors Sylvia Pinel, les parlementaires spécialistes de ces questions et les partenaires sociaux, pour réformer plus efficacement le réseau collectant et distribuant la participation des entreprises.
Après plusieurs mois d’un travail constructif, une belle réforme a abouti grâce à la bonne volonté et à l’habileté de la ministre et des partenaires sociaux. Cette réforme urgente était attendue depuis longtemps. Dans ses grandes lignes, elle sera traduite dans la loi au moyen du présent projet de loi d’habilitation. Nous avions d’ailleurs déjà adopté ces dispositions habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnances, dans le cadre de la loi relative au dialogue social et à l’emploi, dite « loi Rebsamen », mais le Conseil constitutionnel avait censuré cette habilitation au motif qu’il s’agissait d’un cavalier législatif.
Nous ne cachons pas que l’accroissement récent du recours aux ordonnances, qui est parfois presque systématique, peut être embarrassant. Prosper Weil, professeur de droit public, critiquait légitimement l’abus de cette procédure qui prolonge la pratique tant décriée des décrets-lois des IIIe et IVe Républiques. En 2004, il nuançait son propos, et considérait que le contenu, le périmètre et le nombre des ordonnances avaient tendance à se réduire comme peau de chagrin.
Pourtant, depuis 2004, un mouvement inverse a eu lieu. En quinze ans, on compte plus de 300 ordonnances, soit plus de deux fois le nombre d’ordonnances recensées au cours des vingt années précédentes, de 1984 à 2003. La nécessité d’agir vite, la complexification de nos sociétés occidentales et surtout l’encombrement de l’agenda parlementaire : il existe de bonnes raisons pour expliquer cette inflation.
Le débat d’aujourd’hui nous donne l’occasion de répéter que les députés du groupe RRDP tiennent au renforcement de la concertation avec le Parlement, en amont comme en aval de l’examen du texte. Nous sommes très attachés à la légitimité de la représentation nationale ; nous soutenons l’idée d’une amélioration du suivi de l’habilitation avec une information régulière de l’état d’avancement des travaux du Gouvernement.
Madame la ministre, ce projet de loi est le premier que vous défendez dans notre hémicycle. À cette occasion, permettez-moi, au nom des députés du groupe RRDP, de vous féliciter pour votre nomination au Gouvernement.