Intervention de Barbara Pompili

Séance en hémicycle du 17 mars 2016 à 15h00
Biodiversité — Article 33 a

Barbara Pompili, secrétaire d’état chargée de la biodiversité :

Dans la conception et la mise en oeuvre de leurs projets, les maîtres d’ouvrage doivent définir des mesures adaptées pour éviter, réduire et, le cas échéant, en dernier lieu et s’il n’y a pas d’autre solution, compenser leurs impacts négatifs sur l’environnement.

En premier lieu, je tiens à rassurer votre assemblée sur les intentions du Gouvernement : le projet de loi ne remet pas en cause la séquence « éviter, réduire, compenser ». Ces dispositions de droit commun ne sont pas modifiées dans le code de l’environnement. Au contraire, le projet d’ordonnance de modernisation de l’évaluation environnementale transposant la directive de 2014, en cours d’examen par le Conseil national de la transition écologique – CNTE –, conforte le principe selon lequel les maîtres d’ouvrage doivent en priorité éviter et réduire les atteintes à l’environnement, et seulement en dernier recours les compenser.

L’objet de cet article est précisément de mieux encadrer les mesures compensatoires. Le Gouvernement tire les enseignements des contentieux récents sur les projets contestés. À ce titre, le projet de loi prévoit que ces mesures compensatoires restent sous la seule responsabilité du maître d’ouvrage titulaire de l’autorisation, qu’elles respectent l’équivalence écologique, qu’elles sont soumises à un agrément lorsqu’elles sont réalisées par un tiers – opérateur de compensation ou site naturel de compensation –, qu’elles font l’objet d’un suivi renforcé, avec une géolocalisation des mesures de compensation prescrites dans un système d’information dédié, et qu’elles s’accompagnent de sanctions administratives en cas de défaillance. En outre, l’autorité administrative a la possibilité d’exiger du maître d’ouvrage la constitution de garanties financières : l’État peut ainsi se prémunir contre le risque de faillite du maître d’ouvrage si ce dernier dépose le bilan avant d’avoir pu satisfaire à ses obligations de compensation environnementale.

Par ailleurs, l’article 33 A organise des solutions alternatives à l’acquisition foncière des sites de compensation, qui est vécue comme une double peine par le monde rural, dont les terrains sont d’abord grignotés par les projets d’aménagement, puis par les mesures compensatoires prescrites. L’acquisition foncière ne présente toujours pas de garantie de pérennité, l’aménageur ne gérant pas ces sites de compensation dans la durée. Ainsi, l’article 33 A permet au maître d’ouvrage de satisfaire à ses obligations de compensation en signant des contrats avec les propriétaires de terrains, notamment agricoles et forestiers. En confiant les mesures compensatoires à un prestataire appelé « opérateur de compensation », il pourrait éventuellement acquérir des unités de compensation écologiquement équivalentes à ses obligations auprès d’un site naturel de compensation, si cette opération est agréée par l’État. C’est une voie intéressante, qui est aujourd’hui expérimentée et que le projet de loi prévoit d’encadrer.

Enfin, plusieurs députés ont déposé des amendements visant à supprimer les sites naturels de compensation, au motif qu’ils participeraient à une financiarisation de la nature. Or les sites naturels de compensation respectent le principe de la compensation en nature et de l’équivalence écologique. En d’autres termes, il ne s’agit pas pour le maître d’ouvrage de solder ses obligations de compensation par un chèque, mais de contractualiser avec un opérateur ayant réalisé en amont la mesure compensatoire équivalente.

Ce dispositif fait l’objet d’expérimentations, depuis 2008 sur la plaine de Crau – on en a beaucoup parlé –, et depuis 2015 par EDF, Dervenn et le conseil départemental des Yvelines. Les premiers résultats semblent positifs. Si ce dispositif fonctionne, il aura l’avantage de permettre l’anticipation et la mutualisation des mesures compensatoires.

En définitive, l’encadrement réglementaire et le recours à un agrément préalable de l’État offrent des garanties pour éviter les dérives que certains d’entre vous craignent. Par exemple, les opérateurs de ces sites naturels de compensation pourront se voir exiger des garanties fortes, qui seront précisées par décret, telles que l’obligation de réaliser un état initial complet du site avant restauration écologique, l’obligation de mettre en place un comité de suivi local participatif, ou encore l’obligation de publier des registres de vente des unités de compensation. La préparation de ce décret fera bien entendu l’objet d’une concertation approfondie avec les parties prenantes.

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