Intervention de Jean-Michel Petit

Réunion du 18 février 2016 à 11h00
Mission d'information relative au paritarisme

Jean-Michel Petit, fondateur et président de VizEat :

En créant VizEat, en 2014, j'étais loin de m'imaginer que je serais entendu par une mission d'information de l'Assemblée nationale sur le paritarisme, mais c'est évidemment un honneur de m'exprimer devant des parlementaires.

VizEat est un site de partage de repas chez l'habitant. Sur notre plateforme internet, des particuliers proposent des repas, des pique-niques, des tours de marchés, tout ce qui est relatif à la gastronomie, pour un montant qui tourne, en général, autour de 20 euros. Les visiteurs du site font ensuite savoir qu'ils sont intéressés et, après une discussion avec l'hôte, si ce dernier accepte de les recevoir, le repas a lieu. Nous avons commencé, en juillet 2014, avec une cinquantaine d'hôtes dans trois pays – il s'agissait essentiellement d'amis et de membres de nos familles ; nous comptons aujourd'hui plus de 12 000 hôtes dans soixante pays.

Dès l'origine, nous avons voulu éviter tout élitisme. Certains hôtes proposent des repas à 5 euros, d'autres à 40 euros : grâce à notre site, on peut aussi bien faire un pique-nique entre jeunes pour quelques euros que tenter des expériences plus gastronomiques.

Dès notre création, nous avons étroitement collaboré avec les pouvoirs publics, notamment avec les organismes de promotion du tourisme en France – nous sommes membres d'Atout France. Que ce soit à Paris, à Lyon, à Bordeaux, ou dans les villes étrangères comme Rome ou Barcelone, nous travaillons avec les offices de tourisme.

Après quinze mois d'expérience, nous constatons que nos usagers cherchent davantage un lien social qu'une expérience gastronomique. VizEat n'est pas utilisé comme une alternative au restaurant : le touriste qui passe cinq jours dans une ville ne dîne pas cinq soirs chez l'un de nos hôtes ; il souhaite profiter d'un dîner qui lui permettra de rencontrer des habitants de la localité. La motivation n'est financière ni du côté de l'immense majorité des hôtes ni du côté des visiteurs.

En moyenne, en 2015, les hôtes ont reçu, à trois ou quatre reprises dans l'année, deux personnes et demie qui ont chacune payé 25 euros. Avant de lancer VizEat, nous avions demandé à Toluna-Louis Harris de travailler sur notre modèle. Il ressortait de cette étude que 72 % des Français étaient intéressés par l'idée de prendre un repas chez l'habitant lors de leurs voyages ; 53 % étaient intéressés par l'idée de recevoir occasionnellement des gens chez eux. Il ne s'agit que de données déclaratives, mais la réalité est encore très loin de ces chiffres. Dans le rapport que Pascal Terrasse, député de l'Ardèche, vient de remettre au Premier ministre sur l'économie collaborative, on peut lire que « la part des repas pris par des résidents français dans le cadre du eat-surfing, par rapport à l'ensemble des repas pris en restauration hors foyer (RHF) commerciale » s'élève à 0,014 %. Ce n'est donc qu'un début.

Sous le vocable d'économie collaborative, on range un très grand nombre d'activités qui n'ont rien à voir les unes avec les autres : certaines correspondent à de réelles activités professionnelles, d'autres relèvent de la location de biens et de services ; certaines sont des activités de partage, et d'autres s'apparentent à de la socialisation. Cela crée une énorme confusion.

VizEat a une vocation commerciale. Nous pensons que notre secteur va se développer. Ma grande expérience dans la « tech », à la fois comme entrepreneur, comme cadre dans de grandes entreprises de technologie, et comme investisseur, me permet de constater que, parfois, pour encourager une activité, il faut aussi savoir ne rien faire, surtout lorsqu'un secteur de taille limitée est en cours d'émergence. Il faut le laisser se développer avant de voir ce qu'il advient et de légiférer. L'exemple de l'internet et du e-commerce est parlant de ce point de vue : parce que des législations se sont rapidement mises en place dans toute l'Europe, aucun acteur majeur n'a pu émerger dans ces secteurs, et les GAFA – les géants que sont Google, Apple, Facebook et Amazon – ne sont pas européens.

La diversité des législations européennes constitue aussi un frein : parce que nous entendons devenir l'acteur majeur de notre secteur en Europe, nous devons nous conformer à vingt-huit législations différentes, alors qu'une jeune entreprise qui se lance aux États-Unis n'est confrontée qu'à une seule législation.

Je vous invite évidemment à réserver des repas chez l'habitant ; vous constaterez que les hôtes de VizEat sont des gens comme vous et moi, qui reçoivent chez eux.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion