Nous représentons un véritable réseau de la fonction ressources humaines. Tous les acteurs ne sont pas ici. La DGAFP assume une fonction systémique en ce domaine. La mission de l'encadrement dirigeant de l'État, au sein du secrétariat général du Gouvernement, est beaucoup plus petite, puisque nous ne sommes que sept ; mais nous avons la chance de bénéficier d'un positionnement institutionnel fort. Les secrétariats généraux et directions des ressources humaines des ministères font également partie de ce réseau. Les échanges entre nous sont très fréquents.
Si les organisations sont importantes, les personnes et les profils le sont cependant tout autant. Je puise pour ma part dans une double expérience dans le secteur public et dans le secteur privé, tandis que Thierry Le Goff connaît à la fois l'État et les collectivités locales. Nous fournissons ainsi chacun notre apport propre.
La fonction publique met enfin le capital humain au centre de ses préoccupations, accusant un certain retard par rapport au secteur privé, comme par rapport à d'autres États européens, tels le Royaume-Uni.
Le secrétariat général du Gouvernement préside le comité des secrétaires généraux de ministères, auquel nous participons Thierry Le Goff et moi-même. Nous assurons ensemble la tutelle de l'ENA, veillant à la cohérence de l'ensemble des actions menées.
Les choses ont vraiment démarré. Ce qui est écrit dans plusieurs rapports depuis de nombreuses années est en train de prendre corps, de manière irréversible, comme je me plais à le penser car il est difficile de voir qui pourrait balayer ce qui est désormais acquis. La circulaire du premier ministre du 10 juin 2015 est un élargissement et un aboutissement de la démarche qui est née dans les années 2008-2010.
La mission de l'encadrement dirigeant de l'État est née à cette époque au sein du secrétariat général du Gouvernement, à la suite d'un intense travail d'analyse comparative qui a duré plus de deux ans. Les échanges avec nos homologues dans d'autres pays européens, avec le secteur privé et avec les ministères, se sont multipliés, dans le souci de professionnaliser la nomination des emplois à la discrétion du Gouvernement. Ces derniers ne se cantonnent pas à la nomination en conseil des ministres, même si les deux ensembles ont une importante intersection. Leur professionnalisation s'envisage sous le triple aspect de la détection, de la nomination et de la formation.
Une première déléguée pour la rénovation de l'encadrement dirigeant de l'État a été nommée en octobre 2012. J'ai pris sa succession en 2014. J'ai trouvé une identification des postes suivis par la mission, en accord avec les secrétariats généraux des ministères ; un vivier de futurs cadres dirigeants, d'environ six cents personnes ; un système d'information, comportant leur CV et accessible tant au secrétariat général du Gouvernement et aux secrétaires généraux des ministères qu'aux autorités de nomination qui peuvent y puiser ; des circulaires, dont celle du 10 juin 2015, veillant à une plus grande transparence des nominations ; un référentiel des compétences managériales, fruit de longs efforts et que nous venons de toiletter légèrement. Il sert de support d'évaluation des administrateurs civils.
J'ai également trouvé des formations très pointues, destinées tant aux membres du vivier qu'aux cadres dirigeants. Une expertise fine de leurs compétences était également menée, grâce à une évaluation à 360° ou à la pratique de l'assessment. À mon arrivée, une compétence très forte était donc déjà en place sur ce qui peut se pratiquer et qui peut être utile dans la fonction publique. Je rends donc hommage à mes prédécesseurs, qui ont, en quatre ans, fait oeuvre de pionnier.
Si j'ai pu apporter une petite pierre à l'édifice, c'est celle de qualifier davantage le vivier interministériel des dirigeants jusqu'alors alimenté par les ministères. Depuis 2015, les propositions des ministères ne conduisent pas systématiquement à l'entrée dans le vivier, puisque celle-ci est assujettie à une évaluation préalable par des cabinets extérieurs, ce qui permet de croiser le regard de l'administration avec celui de professionnels qui mettent les candidats en situation. Ils passent ainsi une demi-journée en centre d'évaluation où ils effectuent des tests. Dès lors qu'ils sont intégrés dans le vivier, nous connaissons ainsi mieux leurs qualités et le type de postes auxquels ils peuvent prétendre être nommés. Cela facilite les propositions de profil que nous pouvons effectuer, lorsque les autorités nous consultent.
J'ai voulu engager une démarche plus qualitative, car je me suis aperçue que nous gérons deux cents cadres dirigeants et six cents membres du vivier interministériel sans bien les connaître. J'ai ainsi formé mes collaborateurs à l'entretien avec de hauts dirigeants. Mon adjointe ou moi-même rencontrons ainsi tous les cadres dirigeants. Mes collaborateurs rencontrent tous les membres du vivier, y compris ceux qui ne seront pas nommés. Car l'appartenance au vivier interministériel ne fait qu'ouvrir à une nomination potentielle ; même dans le secteur privé, l'accession à des fonctions dirigeantes ne saurait être garantie.
Il n'en reste pas moins que tous les membres du vivier bénéficient de nos conseils, notamment en matière de formation, tout comme d'un suivi rapproché et d'un accompagnement dans les fonctions dirigeantes. Il est normal de ne pas savoir tout faire, de ne pas avoir toutes les qualités nécessaires au bon pilotage de sa direction et d'avoir besoin d'un accompagnement à la prise de poste. Plus de 80 % des personnes concernées expriment leurs satisfactions sur ce point. L'idée que n'ont besoin d'être coachés que ceux qui ne sont pas forts est dépassée. Tout au contraire, un coaching permet de se projeter plus facilement dans ses fonctions.
Les échanges entre pairs sont également favorisés, car les cadres dirigeants sont assez seuls, alors qu'ils peuvent former une communauté. Nous les faisons donc se rencontrer, en organisant des séminaires de directeurs et des séminaires de sous-directeurs, mais aussi des petits-déjeuners et diverses manifestations au SGG.
Nous leur proposons également de l'accompagnement pour leur comité de direction, car la performance d'un cadre dirigeant n'est pas celle d'un homme seul ou d'une femme seule. Nous leur rappelons qu'ils disposent d'équipes, dont ils doivent obtenir le meilleur.
Avant la nomination en conseil des ministres, les autorités doivent désormais formuler trois propositions à chaque fois, dont une femme et un membre du vivier interministériel ; elles donnent les explications qui motivent leur choix. Il est vrai qu'il reste des marges de progrès en la matière. Aussi nous efforçons-nous, conformément à la circulaire du 3 mai 2013, de nous positionner le plus en amont possible.
Nous ne pouvons le faire que si des fiches de postes sont disponibles. Or il a fallu en établir pour les postes de directeurs : ce sont les plus difficiles, mais ce sont les seuls pour lesquels aucune fiche de poste n'est disponible ! Un directeur n'a pas de fiche pouvant expliquer ce qu'il fait : il sait, car il est soudainement visité le lendemain de sa nomination en conseil des ministres... Naturellement, je plaisante. Il n'en reste pas moins que le besoin de fiches de postes se fait de plus en plus sentir, car il est impossible pour un prestataire de savoir si quelqu'un correspond à un profil qui n'est défini nulle part…
En 2014, la directrice de cabinet du premier ministre a également produit une circulaire incitant aux comités d'audition. Dès que c'est possible, nous en organisons. Une petite dizaine a déjà eu lieu. De manière remarquable, ces auditions, associées à l'évaluation en amont, livrent des résultats très consensuels. C'est à peine si nous avons besoin d'échanger entre nous, quand l'audition se termine, tant nous partageons déjà le même avis.
Nos efforts ont pour résultat que, lorsqu'une nomination a lieu en conseil des ministres, l'on recourt désormais à la ressource globale, qui augmente d'année en année et qui comprend dirigeants en poste et membres du vivier. Les administrations envoient des cadres qui ont de plus en plus le profil souhaité, de sorte que les autorités de nomination sont plus enclines à nommer au sein du vivier interministériel. Un quart des nominations ont cependant encore lieu hors de ce vivier et hors du cercle des dirigeants en poste. Ce n'est pas choquant. Je préférerais cependant qu'il y en ait seulement un cinquième, mais il ne s'agit certes pas de forcer la main au ministre, qui choisit ses collaborateurs en vertu de l'article 13 de la Constitution. Il ne faut donc pas trop rigidifier les procédures. Si un ministre a envie de nommer un agent contractuel qui lui semble posséder plus de qualités que d'autres candidatures, il ne fait qu'exercer légitimement son droit.
Nous sommes également assez satisfaits des nominations de femmes. Les exigences du président de la République sont respectées en la matière, puisqu'elles représentent plus de 30 % des nominations en conseil des ministres, comme ce sera aussi le cas en 2016. Il ne sera certainement pas facile d'atteindre le taux des 40 % en 2017, mais nous avons développé un programme destiné aux femmes à haut potentiel et qui devrait regrouper vingt-cinq d'entre elles dans les deux années qui viennent.
La circulaire du 10 juin 2015 représente cependant la plus grande victoire, puisqu'elle étend à l'ensemble du personnel les concepts appliqués à la gestion des cadres dirigeants. Lorsque l'on balaie un escalier, il faut commencer par la marche la plus haute. Il ne saurait y avoir ensuite deux poids, deux mesures. Dans notre perspective, il n'y a pas de petits cadres et de grands cadres. Comme le disait Thierry Le Goff, tous comptent.