Madame, Messieurs, vous êtes tous les trois des acteurs décisifs dans la problématique qui nous occupe et je vous remercie de votre présence aujourd'hui. Je vais vous laisser la parole pour un propos liminaire mais je voudrais apporter quelques précisions. Nous sommes guidés par une interrogation sur les compétences mises au service de l'État et sur leur rôle dans la réussite des politiques publiques. Notre réflexion s'inscrit dans un contexte de rationalisation des ressources humaines et des carrières dans la haute fonction publique, parfois ramenée aux seuls emplois à la discrétion du Gouvernement. Nous nous intéressons à la formation et aux résultats du vivier interministériel des fonctionnaires à haut potentiel, institué par la circulaire du premier ministre du 10 février 2010 relative aux cadres dirigeants de l'État.
Les travaux de votre mission nous intéressent, car ils recoupent les priorités du Gouvernement en matière d'encadrement supérieur et d'encadrement dirigeant, mais aussi, plus généralement, en matière d'encadrement de la fonction publique de l'État. Ce sujet est très important pour nous, comme pour l'ensemble de la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP), qui assure parmi ses missions historiques, et conjointement avec le secrétariat général du Gouvernement, un rôle important dans l'encadrement supérieur et dirigeant, en s'attachant à la problématique générale du management et de l'encadrement de la fonction publique.
J'en prendrai deux exemples. Premièrement, le 10 juin 2015, le Premier ministre a adressé aux ministres une circulaire qui précise nettement ses attentes en matière de gouvernance et de pilotage des cadres de la fonction publique de l'État. Le texte s'inspire de ce qui a été fait sur les cadres dirigeants il y a quelques années et s'inscrit dans la droite ligne de cette démarche. Il a été préparé par la DGAFP, en lien avec les services du SGG. Deuxièmement, en novembre 2015, un séminaire a réuni l'ensemble des directeurs d'administration centrale, ce qui est peu fréquent. Consacré à l'accompagnement du changement, il mettait l'accent sur le rôle des cadres, y compris dans le contexte de la réforme territoriale.
La DGAFP a été créée en 1945. Elle assure la mise en cohérence globale de l'action gouvernementale sur les questions statutaires et sur les questions de ressources humaines. Conjointement avec le secrétariat général du Gouvernement, elle assure la tutelle sur l'École nationale d'administration (ENA) et sur le corps des administrateurs civils. Elle veille à ce qu'il soit pourvu de manière cohérente aux emplois supérieurs de direction –chefs de service, sous-directeurs… Assurant déjà la tutelle sur les instituts régionaux d'administration (IRA) qui forme des attachés constituant un maillon important de l'encadrement, le champ d'action de la DGAFP a récemment été élargi à l'encadrement intermédiaire.
Cette priorité historique est réaffirmée sur le plan politique. En décembre 2014, le premier ministre avait adressé à notre direction une lettre de mission sur la gestion des cadres. Elle a constitué un mandat clair pour travailler sur ces questions. Cette priorité a été réaffirmée lorsque je fus nommé à la DGAFP, dans la lettre de mission qui me fut alors adressée par le premier ministre et par la ministre en charge de la fonction publique. Nous ne sommes certes pas seuls à traiter le sujet. La DGAFP inscrit son action dans un réseau de relations avec les ministères, jouant le rôle d'une « direction RH » de l'État, comme on l'appelle parfois pour souligner son rôle accru de coordination et de pilotage des ressources humaines. Elle travaille en lien avec les secrétariats généraux des ministères et leurs services de ressources humaines, de manière sans doute plus coordonnée qu'elle ne le faisait auparavant, pour obtenir une gestion plus efficiente des ressources humaines. Dans ce chantier global, la question de l'encadrement occupe une place extrêmement importante.
Depuis deux ans, nous connaissons une accélération et une accentuation de cette priorité. Les divers rapports qui sont parus ont fourni le matériau qui a montré un besoin d'agir. Les attentes elles-mêmes des cadres de l'État ont évolué : ils aspirent à un suivi plus individualisé, à un vrai parcours professionnel et à plus de marge de manoeuvre et à la capacité de prendre des initiatives. Certes, les attentes sont différentes selon les publics et selon le moment de carrière où se trouve le fonctionnaire. Avec l'allongement de la durée de service, la dernière partie de cette carrière pose parfois des difficultés ; c'est un des points sur lesquels nous concentrons notre attention.
Nous sommes persuadés aussi que cette volonté d'évoluer répond à des besoins de l'ensemble des agents publics, unis à l'encadrement par leur relation de travail. La ministre en charge de la fonction publique, Mme Marylise Lebranchu, nous avait demandé de nous pencher sur la question de la qualité de travail. En 2014 et en 2015, la DGAFP s'est ainsi livrée à un important travail de concertation en participant, avec les organisations syndicales, à une série de réunions sur l'organisation du travail, sur les relations de travail et sur l'équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle. À cette occasion, de nombreuses problématiques sont remontées concernant l'encadrement intermédiaire. Il apparaît que les employeurs publics ont besoin de cadres bien formés, adaptables, compétents, aptes à comprendre le changement et à le conduire en l'explicitant auprès des agents publics.
Je ne reviendrai pas sur le périmètre exact ou la définition de l'intitulé de votre mission. Comme vous le savez, la haute fonction publique n'existe pas en tant que telle. L'impulsion politique actuelle va en tout cas au-delà de ce cercle, qui pourrait peut-être être défini comme les agents de catégorie A+. Dans une récente publication, la DGAFP en estimait le nombre à 22 000.
Nous avons reçu la semaine dernière M. Bernard Pêcheur, qui a commencé son exposé par une réflexion sur ces problèmes de définition.
En tout état de cause, la circulaire du 10 juin 2015 constitue désormais la feuille de route de notre action et de celle des ministères. Elle s'articule schématiquement autour de trois axes.
Premièrement, elle rappelle aux ministres et aux ministères qu'une politique en faveur de l'encadrement suppose en leur sein l'existence d'une forme clairement identifiée de gouvernance. Le ministre doit non seulement porter les politiques publiques, mais aussi être le patron de son administration. Le secrétariat général et la direction des relations humaines, mais aussi les directeurs d'administration centrale, doivent nécessairement être impliqués. Car il ne peut y avoir de politique de l'encadrement efficace, au sein d'un département ministériel, s'il n'y a pas de réflexion sur le pilotage de cette fonction.
Deuxièmement, les ministres doivent établir des plans managériaux, qui fixent une politique d'ensemble à l'égard des cadres de chacun de leur département ministériel. À ce jour, nous avons reçu de tous les ministères un tel plan, conçu dans une logique pluriannuelle.
Troisièmement, la circulaire rappelle que la politique d'encadrement de l'État et la gestion des cadres ne peuvent pas être conduites dans une logique purement ministérielle, voire en s'enfermant dans la perspective d'une seule direction au sein d'un ministère. Il convient de développer l'interministérialité, car la mobilité des cadres est autant un facteur d'enrichissement de leur parcours qu'un gage de développement de leurs facultés d'adaptation.
Les plans managériaux recouvrent des items connus, mais qu'il faut savoir organiser dans le temps. Nous avons demandé aux ministères des orientations concrètes. Sans être trop ambitieux, ils doivent cependant conduire un certain nombre d'actions, dont ils tirent les conséquences dans leur gestion.
D'abord, ils doivent mieux connaître leurs cadres. Pour ce faire, ils conduisent une revue de leurs cadres, sur le modèle de la procédure suivie pour constituer le vivier des cadres dirigeants. Ainsi, ils peuvent commencer à réfléchir aux compétences et appétences des cadres. Certains ministères ont déjà bien avancé sur cette tâche, grâce à leur organisation et au personnel qu'ils ont pu y affecter. D'autres sont moins structurés, mais ont pu mettre en place des cellules spécifiques ou dispositifs leur permettant de mieux se projeter dans l'avenir.
Ensuite, les parcours professionnels doivent être structurés. Un reproche souvent entendu est celui du manque de visibilité. Il ne s'agit certes pas de revenir à des parcours balisés comme par le passé, mais à établir du moins une typologie de parcours, d'expertise, d'encadrement, alternant passage en administration centrale et passage en administration déconcentrée en permettant un accompagnement à l'acquisition des compétences nécessaires, et en prévoyant des formations adaptées et des bilans de compétence.
Un travail sur la formation est également nécessaire. Son objectif principal est que le ministère, en tant qu'employeur, sorte d'une logique de l'offre pour structurer des plans de formation qui correspondent aux besoins des cadres. Les pratiques d'évaluation doivent être aussi développées, pour accompagner et mieux évaluer les cadres. Certains ministères ont recours au feedback à 360°. Cela peut contribuer à renouveler l'approche de la gestion.
Je me suis entretenu au téléphone hier avec un préfet évaluateur, qui suit le parcours de sous-préfets.
Si un ministère conduit de manière structurée cette politique d'évaluation, il s'agit bien du ministère de l'intérieur, qui montre l'exemple par son suivi du corps préfectoral.
Les échanges de pratiques entre cadres doivent également leur permettre de développer entre eux un réseau collaboratif. Il s'agit là d'un axe important de renouvellement des pratiques professionnelles. Aussi est-ce ce sur quoi nous travaillons à la DGAFP, pour mieux aider les ministères à construire leur plan managérial.
Nous avons pour objectif de diversifier les profils des cadres et leur parcours professionnel, en enrichissant celui des cadres en place grâce à une mobilité accrue, mais aussi en faisant entrer des profils différents et en les faisant évoluer. Nous avons mené un important travail sur les administrateurs civils, gérés à la fois au niveau ministériel et au niveau interministériel. La gestion au niveau ministériel explique pour partie une moindre visibilité du corps par le passé ; nous y retravaillons donc.
Nous mettons aussi en place un système d'information pour mieux connaître les agents. Nous faisons ainsi la même chose que pour les cadres dirigeants susceptibles d'occuper des emplois de direction. Les nominations aux emplois fonctionnels passent en effet par nous. Il est donc important de connaître le profil des agents détachés sur des postes de chefs de projet. En outre, un élargissement des recrutements n'est possible que si un vivier constitué existe.
Nous nous ouvrons ainsi au secteur public et aux entreprises. La ministre a instauré un comité des directeurs des ressources humaines du secteur public et du secteur privé, tandis que nous participons aux activités de l'association nationale qui regroupe principalement les acteurs privés de la gestion des ressources humaines. Cela nous permet de mieux organiser une mobilité vers le secteur privé. L'intégration des titulaires de doctorat dans la fonction publique représente un autre de nos chantiers. Mais nous recourons aussi à des contractuels de haut niveau sur certaines fonctions.
Nous voulons mieux prendre en compte le parcours des cadres, en aménageant les régimes statutaires, parfois trop rigides. Les grades à accès fonctionnel (GRAF) ouvrent ainsi des possibilités de déroulement de carrière vers des fonctions de cadre dirigeant, mais à la condition qu'ils soient passés par certaines fonctions. C'est encore une incitation à diversifier son parcours.
La logique interministérielle mérite cependant d'être encore développée. Nous souffrons d'un cloisonnement trop grand de l'encadrement supérieur, sur les emplois de direction et de sous-direction. Aussi cherchons-nous des leviers, comme la création de viviers. En 2015, le statut des emplois de directeurs et sous-directeurs a également été revu dans cette perspective. Ils sont désormais, par principe, d'abord nommés pour un an seulement. S'agit-il de mesures qui précarisent la prise de fonctions, comme l'on nous en a parfois fait le reproche ? Il s'agit en réalité de reconnaître, sur le plan institutionnel, un risque, même si c'est une logique de reconduction dans les fonctions qui prévaut, pour trois années, ou même pour deux fois cette période.
Enfin, nous avons encouragé le développement de comités de sélection pour les directeurs, chefs de service et directeurs d'administration centrale. Le jeu est ainsi plus ouvert, et se déroule dans une transparence accrue.
La compétence, le développement et la formation des cadres constituent la deuxième question importante pour nous. La réforme de la scolarité de l'ENA entre dans cette logique. Elle comprend une rénovation des concours, mais inclut aussi une réforme de la scolarité avec des enseignements plus managériaux.
Sur le modèle de ce qui avait été fait pour les cadres dirigeants, nous avons également revu les modalités d'évaluation des administrateurs civils et des sous-directeurs, en nous intéressant à leurs capacités managériales, s'ils trouvent à en exercer.
Nous avons en outre mis en chantier une rénovation profonde de la formation des chefs de service et des directeurs, via l'ENA. Elle met notamment l'accent sur la formation au numérique. La réforme territoriale nous encourage à renforcer ce volet, car elle fait évoluer les méthodes de travail et requiert des cadres suffisamment compétents en la matière. Le maintien de leurs compétences passe par du coaching, du mentorat ou des bilans de compétence. Les ministères en mettent en place pour mieux suivre leurs cadres.
Ils s'engagent également dans dispositifs d'évaluation plus ou moins élaborés, comme nous le faisons nous-mêmes pour les corps qui dépendent de nous. C'est l'occasion de réfléchir sur ses pratiques professionnelles. Nous avons emmené les ministères avec nous dans cette démarche. Notre rôle reste d'assurer la cohérence, de mener des analyses comparatives (benchmarking), de veiller à l'échange des bonnes pratiques et de pousser sur certains sujets, comme la cohérence interministérielle.
Nous représentons un véritable réseau de la fonction ressources humaines. Tous les acteurs ne sont pas ici. La DGAFP assume une fonction systémique en ce domaine. La mission de l'encadrement dirigeant de l'État, au sein du secrétariat général du Gouvernement, est beaucoup plus petite, puisque nous ne sommes que sept ; mais nous avons la chance de bénéficier d'un positionnement institutionnel fort. Les secrétariats généraux et directions des ressources humaines des ministères font également partie de ce réseau. Les échanges entre nous sont très fréquents.
Si les organisations sont importantes, les personnes et les profils le sont cependant tout autant. Je puise pour ma part dans une double expérience dans le secteur public et dans le secteur privé, tandis que Thierry Le Goff connaît à la fois l'État et les collectivités locales. Nous fournissons ainsi chacun notre apport propre.
La fonction publique met enfin le capital humain au centre de ses préoccupations, accusant un certain retard par rapport au secteur privé, comme par rapport à d'autres États européens, tels le Royaume-Uni.
Le secrétariat général du Gouvernement préside le comité des secrétaires généraux de ministères, auquel nous participons Thierry Le Goff et moi-même. Nous assurons ensemble la tutelle de l'ENA, veillant à la cohérence de l'ensemble des actions menées.
Les choses ont vraiment démarré. Ce qui est écrit dans plusieurs rapports depuis de nombreuses années est en train de prendre corps, de manière irréversible, comme je me plais à le penser car il est difficile de voir qui pourrait balayer ce qui est désormais acquis. La circulaire du premier ministre du 10 juin 2015 est un élargissement et un aboutissement de la démarche qui est née dans les années 2008-2010.
La mission de l'encadrement dirigeant de l'État est née à cette époque au sein du secrétariat général du Gouvernement, à la suite d'un intense travail d'analyse comparative qui a duré plus de deux ans. Les échanges avec nos homologues dans d'autres pays européens, avec le secteur privé et avec les ministères, se sont multipliés, dans le souci de professionnaliser la nomination des emplois à la discrétion du Gouvernement. Ces derniers ne se cantonnent pas à la nomination en conseil des ministres, même si les deux ensembles ont une importante intersection. Leur professionnalisation s'envisage sous le triple aspect de la détection, de la nomination et de la formation.
Une première déléguée pour la rénovation de l'encadrement dirigeant de l'État a été nommée en octobre 2012. J'ai pris sa succession en 2014. J'ai trouvé une identification des postes suivis par la mission, en accord avec les secrétariats généraux des ministères ; un vivier de futurs cadres dirigeants, d'environ six cents personnes ; un système d'information, comportant leur CV et accessible tant au secrétariat général du Gouvernement et aux secrétaires généraux des ministères qu'aux autorités de nomination qui peuvent y puiser ; des circulaires, dont celle du 10 juin 2015, veillant à une plus grande transparence des nominations ; un référentiel des compétences managériales, fruit de longs efforts et que nous venons de toiletter légèrement. Il sert de support d'évaluation des administrateurs civils.
J'ai également trouvé des formations très pointues, destinées tant aux membres du vivier qu'aux cadres dirigeants. Une expertise fine de leurs compétences était également menée, grâce à une évaluation à 360° ou à la pratique de l'assessment. À mon arrivée, une compétence très forte était donc déjà en place sur ce qui peut se pratiquer et qui peut être utile dans la fonction publique. Je rends donc hommage à mes prédécesseurs, qui ont, en quatre ans, fait oeuvre de pionnier.
Si j'ai pu apporter une petite pierre à l'édifice, c'est celle de qualifier davantage le vivier interministériel des dirigeants jusqu'alors alimenté par les ministères. Depuis 2015, les propositions des ministères ne conduisent pas systématiquement à l'entrée dans le vivier, puisque celle-ci est assujettie à une évaluation préalable par des cabinets extérieurs, ce qui permet de croiser le regard de l'administration avec celui de professionnels qui mettent les candidats en situation. Ils passent ainsi une demi-journée en centre d'évaluation où ils effectuent des tests. Dès lors qu'ils sont intégrés dans le vivier, nous connaissons ainsi mieux leurs qualités et le type de postes auxquels ils peuvent prétendre être nommés. Cela facilite les propositions de profil que nous pouvons effectuer, lorsque les autorités nous consultent.
J'ai voulu engager une démarche plus qualitative, car je me suis aperçue que nous gérons deux cents cadres dirigeants et six cents membres du vivier interministériel sans bien les connaître. J'ai ainsi formé mes collaborateurs à l'entretien avec de hauts dirigeants. Mon adjointe ou moi-même rencontrons ainsi tous les cadres dirigeants. Mes collaborateurs rencontrent tous les membres du vivier, y compris ceux qui ne seront pas nommés. Car l'appartenance au vivier interministériel ne fait qu'ouvrir à une nomination potentielle ; même dans le secteur privé, l'accession à des fonctions dirigeantes ne saurait être garantie.
Il n'en reste pas moins que tous les membres du vivier bénéficient de nos conseils, notamment en matière de formation, tout comme d'un suivi rapproché et d'un accompagnement dans les fonctions dirigeantes. Il est normal de ne pas savoir tout faire, de ne pas avoir toutes les qualités nécessaires au bon pilotage de sa direction et d'avoir besoin d'un accompagnement à la prise de poste. Plus de 80 % des personnes concernées expriment leurs satisfactions sur ce point. L'idée que n'ont besoin d'être coachés que ceux qui ne sont pas forts est dépassée. Tout au contraire, un coaching permet de se projeter plus facilement dans ses fonctions.
Les échanges entre pairs sont également favorisés, car les cadres dirigeants sont assez seuls, alors qu'ils peuvent former une communauté. Nous les faisons donc se rencontrer, en organisant des séminaires de directeurs et des séminaires de sous-directeurs, mais aussi des petits-déjeuners et diverses manifestations au SGG.
Nous leur proposons également de l'accompagnement pour leur comité de direction, car la performance d'un cadre dirigeant n'est pas celle d'un homme seul ou d'une femme seule. Nous leur rappelons qu'ils disposent d'équipes, dont ils doivent obtenir le meilleur.
Avant la nomination en conseil des ministres, les autorités doivent désormais formuler trois propositions à chaque fois, dont une femme et un membre du vivier interministériel ; elles donnent les explications qui motivent leur choix. Il est vrai qu'il reste des marges de progrès en la matière. Aussi nous efforçons-nous, conformément à la circulaire du 3 mai 2013, de nous positionner le plus en amont possible.
Nous ne pouvons le faire que si des fiches de postes sont disponibles. Or il a fallu en établir pour les postes de directeurs : ce sont les plus difficiles, mais ce sont les seuls pour lesquels aucune fiche de poste n'est disponible ! Un directeur n'a pas de fiche pouvant expliquer ce qu'il fait : il sait, car il est soudainement visité le lendemain de sa nomination en conseil des ministres... Naturellement, je plaisante. Il n'en reste pas moins que le besoin de fiches de postes se fait de plus en plus sentir, car il est impossible pour un prestataire de savoir si quelqu'un correspond à un profil qui n'est défini nulle part…
En 2014, la directrice de cabinet du premier ministre a également produit une circulaire incitant aux comités d'audition. Dès que c'est possible, nous en organisons. Une petite dizaine a déjà eu lieu. De manière remarquable, ces auditions, associées à l'évaluation en amont, livrent des résultats très consensuels. C'est à peine si nous avons besoin d'échanger entre nous, quand l'audition se termine, tant nous partageons déjà le même avis.
Nos efforts ont pour résultat que, lorsqu'une nomination a lieu en conseil des ministres, l'on recourt désormais à la ressource globale, qui augmente d'année en année et qui comprend dirigeants en poste et membres du vivier. Les administrations envoient des cadres qui ont de plus en plus le profil souhaité, de sorte que les autorités de nomination sont plus enclines à nommer au sein du vivier interministériel. Un quart des nominations ont cependant encore lieu hors de ce vivier et hors du cercle des dirigeants en poste. Ce n'est pas choquant. Je préférerais cependant qu'il y en ait seulement un cinquième, mais il ne s'agit certes pas de forcer la main au ministre, qui choisit ses collaborateurs en vertu de l'article 13 de la Constitution. Il ne faut donc pas trop rigidifier les procédures. Si un ministre a envie de nommer un agent contractuel qui lui semble posséder plus de qualités que d'autres candidatures, il ne fait qu'exercer légitimement son droit.
Nous sommes également assez satisfaits des nominations de femmes. Les exigences du président de la République sont respectées en la matière, puisqu'elles représentent plus de 30 % des nominations en conseil des ministres, comme ce sera aussi le cas en 2016. Il ne sera certainement pas facile d'atteindre le taux des 40 % en 2017, mais nous avons développé un programme destiné aux femmes à haut potentiel et qui devrait regrouper vingt-cinq d'entre elles dans les deux années qui viennent.
La circulaire du 10 juin 2015 représente cependant la plus grande victoire, puisqu'elle étend à l'ensemble du personnel les concepts appliqués à la gestion des cadres dirigeants. Lorsque l'on balaie un escalier, il faut commencer par la marche la plus haute. Il ne saurait y avoir ensuite deux poids, deux mesures. Dans notre perspective, il n'y a pas de petits cadres et de grands cadres. Comme le disait Thierry Le Goff, tous comptent.
Vous parlez de l'égalité entre hommes et femmes. C'est très bien, mais qu'en est-il de la problématique de la diversité ? Il me semble que la haute fonction publique devrait mieux l'incarner, tout comme la classe politique d'ailleurs.
Dans une carrière, il faut prendre en compte non seulement la formation de base, mais aussi la rémunération. Que pensez-vous de l'indemnité de performance censée rendre plus motivante la fonction publique ? La population est parfois choquée d'apprendre qu'un recteur a pu toucher 20 000 euros en fin d'année… Quel est le degré de transparence en ce domaine ? Il me semble que l'information devrait être publique.
Enfin, s'agissant de la scolarité de l'ENA, les évolutions en cours vous paraissent-elles aller dans le bon sens, notamment en matière de nouvelles technologies ?
S'agissant de l'indemnité de performance destinée aux directeurs, elle constitue pour eux un objet de motivation, puisqu'elle est modulée à hauteur de 20 %. Nous suivons concrètement cette modulation, en veillant à ce qu'elle soit effectivement mise en pratique par les directeurs de cabinet et par les secrétaires généraux de ministères.
Un décret fixe les règles d'attribution de cette indemnité. Il prévoit qu'elle est modulée de 20 %, au sein de chaque ministère, dans le cadre d'un comité de rémunération. Depuis 2012, nous établissons un bilan de ces attributions au SGG, dont les montants nous sont transmis sous forme anonymisée. Connaissant ainsi le montant des primes de chaque directeur, nous vérifions que le spectre est suffisamment large et nous veillons à une certaine harmonisation entre les ministères. En 2015, nous avons demandé à ce que je participe aux comités de rémunération des ministères. Je me rendrai à l'un d'entre eux la semaine prochaine.
Les textes fixent en effet les conditions d'attribution et les modalités de versement de l'indemnité, mais les montants servis ne sont pas publics et ils ne sont publiés d'aucune manière.
La problématique de la diversité constitue un axe qui ne recoupe pas directement la politique de l'encadrement, mais alimente l'esprit d'ouverture favorable à une fonction publique qui soit plus à l'image de la société. Il existe un comité interministériel de l'égalité et de la citoyenneté. Le handicap, qui constitue aussi un aspect de la diversité, est également pris en compte.
Les classes préparatoires intégrées dans les IRA, à l'ENA et dans les écoles de service public apportent une réponse. Elles fonctionnent bien. Nous favorisons également l'intégration de docteurs ayant un profil différent, car la fonction publique doit s'ouvrir. Mais elle doit aussi affirmer son attractivité. Pour attirer des personnes du secteur privé, ce qui est possible sur le plan statutaire, la question de la rémunération se pose.
Quant à la scolarité à l'ENA, la réforme va dans le bon sens. Le cahier des charges a été préparé tant par les équipes du premier ministre que par les nôtres, que par nous-mêmes. Le concours d'entrée et la scolarité doivent faire une place accrue au numérique. Des conférences de méthodes doivent être plus nombreuses sur les pratiques managériales. La réforme entre en vigueur pour la scolarité de 2016.
Vous avez insisté sur la logique interministérielle. Quelles sont les dispositions ou prédispositions des postulants qui sont attendues et évaluées ? J'ai en tête l'exemple d'un fonctionnaire qui s'est trouvé plutôt pénalisé par son parcours interministériel.
Monsieur le directeur général, vous êtes administrateur de l'Institut des hautes études de Défense nationale (IHEDN). Vous semble-t-il qu'il soit possible de préparer le potentiel d'avenir de la fonction publique civile de la même manière que pour la fonction publique militaire ?
Quant au centre de hautes études administratives prévu en 1945 (CHEA), proposant une formation post-ENA, pourquoi n'a-t-il pas fonctionné ?
L'on voit bien qu'une logique ministérielle prévaut encore trop souvent en matière d'emplois de direction et de chefs de service, notamment au ministère des Finances. Au sein de ce ministère, une direction générale comme celle des finances publiques est même si vaste qu'une carrière tout entière peut y être accomplie. Cependant, les ministères ressentent aussi le besoin d'élargir leur recrutement, en particulier s'agissant des dernières parties de carrière, pour lesquelles il faut trouver des solutions communes.
Nous sommes persuadés que nous pouvons pousser davantage la logique interministérielle en apportant au personnel un enrichissement, et à l'État un décloisonnement de son administration. Certains ministères sont d'ailleurs très fortement encadrés par rapport à d'autres. Un rééquilibrage est donc nécessaire, de même qu'un échange des bonnes pratiques.
Les parcours interministériels sont-ils vraiment déjà ceux qui sont privilégiés aujourd'hui ? Je ne saurais le dire. Loin des yeux, loin du coeur… L'exemple que vous citez montre que les parcours atypiques, comportant parfois un passage à l'étranger ou dans une collectivité, ne sont pas toujours favorisés. C'est pourquoi ces parcours doivent être accompagnés par des conseillers en encadrement supérieur comme par des conseillers en mobilité de carrière. Ne soyons pas iréniques sur le sujet : la mobilité continue de constituer une prise de risque ; il convient absolument d'organiser son retour.
Terminons toutefois sur une note positive. Les gens nommés ces douze derniers mois en conseil des ministres ont des parcours sensationnels. Ceux qui n'ont fait qu'un seul ministère l'ont fait dans tous ses recoins : ils ont dirigé des établissements publics, sont passés en service déconcentré… Les nominations qui couronnent une carrière de chef de bureau, sous-directeur, directeur, c'est fini ! La prise de risque produit des dirigeants plus pertinents et plus aguerris. Cela se voit au stade de l'évaluation.
Depuis le 1er janvier de cette année, le décret relatif à la mobilité statutaire des personnels issus des corps de l'État a renforcé les exigences. Jusqu'à présent, une mobilité fonctionnelle au sein d'un ministère pouvait être prise en compte ; ce n'est plus possible. Le fonctionnaire concerné doit changer de périmètre ministériel ou, du moins, faire l'expérience d'un service déconcentré. Ce changement a eu lieu, car nous nous sommes rendu compte que le texte précédent ne produisait pas tous ses effets en termes de diversification des parcours.
Quant au CHEA, il a été supprimé en 1964, je crois. Son rôle est désormais assumé par l'ENA, comme l'a rappelé le vice-président du Conseil d'État lors du soixante-dixième anniversaire de l'école, tant pour la vocation interministérielle qu'en matière de formation continue. Nous travaillons en ce moment sur le contrat d'objectifs et de performance de l'ENA. Il positionne l'établissement sur la formation continue et permanente des fonctionnaires. Ainsi, il propose déjà une formation pour les nouveaux chefs de service et sous-directeurs. Il convient de l'améliorer par rapport aux autres ministères.
Le CHEA prévu, qui n'a pas vécu, est ainsi amené à exister de nouveau grâce à ces pratiques nouvelles.
La formation continue offerte au niveau ministériel est en effet inégale selon les dispositifs. Alors que le ministère des Finances et le ministère de la Défense disposent d'instruments puissants, d'autres ministères sont moins armés. Notre rôle est de veiller à ce que la formation continue soit une formation partagée.
Quant à l'IHEDN, le ministère de la Défense a mis sur un pied un dispositif que peu d'autres ont été capables de faire, même ce ministère est plus particulièrement confronté à la nécessité de la reconversion. Le ministère de l'Intérieur, par exemple, prévoit pourtant lui aussi un dispositif de formation sur un cycle long et en alternance, avec une ouverture sur le secteur privé.