Intervention de Christian Peugeot

Réunion du 8 mars 2016 à 16h00
Mission d'information sur l'offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale

Christian Peugeot, président du Comité des constructeurs français d'automobiles, CCFA :

Madame la présidente, madame la rapporteure, je vous remercie de m'avoir invité à m'exprimer devant votre mission d'information. Je suis en effet le tout jeune président du CCFA, syndicat professionnel né en 1909, qui réunit aujourd'hui les groupes Renault et PSA ainsi que Renault Trucks.

Nous inscrivons cette audition dans la continuité des actions lancées par mon prédécesseur depuis la crise provoquée par la fraude de Volkswagen. Les constructeurs français et leurs organisations professionnelles ont suivi une démarche de concertation totale avec les pouvoirs publics et maintenant avec vous, mesdames, messieurs les députés, représentants de la nation.

Tous nos débats sont sous-tendus par une volonté réelle d'explication. Il nous importe d'être didactiques et ne nous exprimer sans tabou ni dissimulation.

Le 22 septembre 2015, le CCFA avait délivré aux médias un message très clair : les constructeurs français n'ont pas triché ; ils approuvent l'idée d'une enquête indépendante ; ils soutiennent la mise en place de tests de roulage sur route ouverte, dits RDE – Real Drive Emissions. Après la réunion fondatrice du 24 septembre au ministère de l'environnement entre les constructeurs et Mme la ministre de l'environnement, nous nous sommes engagés dans la coopération la plus ouverte avec la commission indépendante qui a été mise en place. Avant même les premiers résultats annoncés en janvier, les constructeurs français, chacun de leur côté, ont annoncé la mise en place d'actions et de solutions.

Mon propos liminaire s'articulera autour de quatre points : premièrement, je rappellerai l'empreinte industrielle de notre secteur ; deuxièmement, je présenterai le parc de véhicules en France, le marché et ses évolutions en faisant le point sur la fiscalité et les normes d'émission de CO2 ; troisièmement, je m'attarderai plus particulièrement sur la baisse du diesel et son impact sur le marché français ; je terminerai par l'évolution des normes Euro relatives aux émissions de polluants et les progrès qu'apporteront à notre sens les nouveaux tests RDE.

L'activité de nos adhérents s'appuie sur une quarantaine de sites en France : usines d'assemblage, usines de production de moteurs et de mécanique, centres de recherche et développement – à cet égard, je tiens à souligner que bien que les constructeurs français aient une dimension mondiale, ils réalisent les trois quarts de leur R & D en France et envisagent de la maintenir dans ces proportions.

Pour les véhicules particuliers et les véhicules utilitaires légers, inférieurs à 3,5 tonnes, la production a évolué en passant d'un point haut de 3 millions d'unités au début des années 2000 à un point bas d'1,5 million en 2013. Ce chiffre correspond au nombre de véhicules assemblés mais, fort heureusement, l'activité globale n'a pas diminué de moitié : les activités de fabrication de moteurs, de boîtes de vitesses, la R & D se sont maintenues et la valeur ajoutée par voiture a progressé. Depuis 2013, la production remonte, grâce notamment aux accords de compétitivité signés par les deux groupes automobiles.

La production mondiale des constructeurs français s'élève à plus de 6 millions de véhicules en 2015, dont 80 % sont vendus à l'extérieur de la France. Nos adhérents construisent plus de voitures en France qu'ils n'en vendent : notre pays reste pour eux une base d'exportation.

Dans cet environnement, les exportations des produits des industries automobiles de la France ont, en 2015, dépassé le chiffre de 40 milliards d'euros, en progression par rapport à 2014. L'industrie automobile est toujours l'un des premiers secteurs exportateurs de notre pays, aux côtés de l'aéronautique et l'agroalimentaire. Elle représente 9 % des exportations totales françaises.

Selon la dernière enquête du ministère de l'économie, le secteur industriel automobile se compose au total d'environ 4 000 établissements pour 500 000 emplois. Mais si l'on prend en compte les emplois induits – commerce, réparation, assurances, transports routiers –, on arrive au chiffre de 2,3 millions d'emplois associés à l'automobile.

Bref, il serait bien réducteur de résumer cette industrie aux nuisances relatives aux émissions du parc automobile. Elle est source d'une activité économique importante pour notre pays.

L'enjeu, pour cette industrie lourde, est de rester agile dans un environnement extrêmement volatil. Au niveau international, il nous faut nous positionner sur des marchés en croissance, pour certains d'entre eux, mais aussi d'autres en forte chute – je pense à la Russie ou aux pays de l'Amérique du Sud.

La crise de 2008 a fait perdre au marché européen le quart de ses ventes, soit 4,5 millions de voitures au total dont plus d'1 million pour les constructeurs français. L'outil industriel a dû s'adapter et aujourd'hui, en dépit d'un rattrapage significatif, nous restons à des niveaux sensiblement inférieurs aux niveaux d'avant la crise.

Je tiens à signaler que les mesures de soutien au marché mises en oeuvre en France – je pense notamment aux primes à la casse – au pire moment de la crise ont bien fonctionné. Elles ont permis de limiter l'ampleur de la chute et donc de préserver l'activité industrielle dans nos usines.

Après de longues années de baisse, la production en France remonte depuis 2013. Les accords de compétitivité, signés par les partenaires sociaux, ont permis de s'engager dans une démarche partagée et positive, ayant pour but de maintenir des volumes de production en France. Tous les leviers d'optimisation ont été actionnés : flexibilité, modération salariale, formation, pour n'en citer que les principaux.

J'en viens au marché français et à ses évolutions.

Le parc automobile français est constitué de 38 millions de véhicules, dont au moins 80 % sont utilisés soit pour des trajets domicile-travail, soit pour des déplacements professionnels. C'est donc un parc actif qui ne reste pas inutilisé. L'utilisation de la voiture trouve toute sa pertinence dans les zones péri-urbaines et rurales, qui caractérisent le paysage français et où il n'est pas économiquement rentable de développer des offres de transports collectifs. La voiture est ainsi le support de la vie des territoires français et de leurs activités économiques. Il ne faut pas avoir une vision parisiano-centrée de son usage – je le dis d'autant plus volontiers que je suis moi aussi un bobo parisien, habitant le centre de la capitale. Les enquêtes menées par divers organismes le montrent : la voiture demeure un outil de liberté, utile et irremplaçable.

Le marché automobile français se caractérise par une part importante de petites voitures de type Clio, 208, C3, qui représentent plus de la moitié du marché, alors que ce segment ne constitue en Europe que 40 % des ventes. Cette caractéristique s'explique en partie par une fiscalité qui oriente le marché vers ce type de véhicules. Je citerai le dispositif du bonus-malus et la taxe sur les véhicules des sociétés (TVS). Historiquement, la France a eu tendance à surtaxer les grosses voitures, ce qui a des vertus sur le plan environnemental mais implique une contradiction, car cela rend difficilement rentable la production de petites voitures ou de voitures d'entrée de gamme.

En Allemagne, où le coût du travail est également important, la production s'oriente plus facilement vers les véhicules à plus forte valeur ajoutée. Il existe en effet un marché-socle de véhicules premium plus important. Pour avoir vécu dans ce pays quelques années afin d'essayer d'y vendre des voitures françaises, je peux témoigner que les Allemands achètent en priorité les voitures allemandes, avec un support des pouvoirs publics bien connu.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion