Mission d'information sur l'offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale

Réunion du 8 mars 2016 à 16h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à seize heures dix.

La mission d'information a entendu M. Christian Peugeot, président du Comité des constructeurs français d'automobiles (CCFA), et M. Nicolas Le Bigot, directeur des affaires environnementales et techniques, accompagnés de M. François Roudier, directeur de la communication.

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Nous accueillons aujourd'hui M. Christian Peugeot, nouveau président du Comité des constructeurs français d'automobiles (CCFA) depuis le 1er janvier 2016.

Le Comité rassemble essentiellement les groupes français Renault et PSA mais a la particularité de compter parmi ses membres Renault Trucks, constructeur de poids lourds initialement français appartenant désormais au suédois Volvo AB.

Pour leur part, les constructeurs étrangers et les importateurs sont représentés par un organisme distinct, la Chambre syndicale internationale de l'automobile et du motocycle (CSIAM).

Notre mission est évidemment attentive à l'évolution du marché automobile. Elle l'est particulièrement pour ce qui concerne les comparaisons entre ventes de véhicules essence et de véhicules diesel.

Nous aimerions également vous entendre sur les perspectives de la balance commerciale du secteur automobile. Les plans de charge des principaux sites de fabrication français semblent en nette amélioration. Ce point est évidemment positif. Toutefois, peut-on encore dire qu'il subsiste, au niveau européen, des surcapacités de production ? N'oublions pas qu'il y a seulement un peu plus d'un an, certains articles de presse alarmistes prévoyaient la fermeture d'au moins dix sites de production en Europe !

Un autre sujet préoccupe notre mission : il s'agit des conditions d'homologation des véhicules qui seront applicables à partir de septembre 2017. Ces nouvelles normes prévoient des dérogations temporaires s'agissant des émissions de polluants comme les oxydes d'azote (NOx).

Sur ce thème de l'homologation, le statut et le rôle de l'UTAC soulèvent certaines interrogations. L'UTAC se présente comme une « union de syndicats ». À ce titre, le CCFA exerce un contrôle sur cet organisme : quatre de ses membres siègent à son conseil d'administration. Cette situation résulte probablement de l'histoire. Sans même évoquer le risque de conflits d'intérêts, pensez-vous qu'une imbrication de cette nature puisse longtemps subsister ? La question se pose car, sous l'effet du droit européen, beaucoup de choses sont appelées à changer pour l'homologation des véhicules.

En outre, les interventions de l'UTAC ne se limitent pas à aux homologations et aux essais des véhicules. La semaine dernière, des responsables de Michelin nous ont indiqué que cet organisme avait aussi un rôle dans l'homologation des processus industriels concernant les pneumatiques E2, au sens de la réglementation européenne, tout en effectuant également des audits réguliers des laboratoires de ce manufacturier. Il nous a été dit que l'UTAC intervenait ainsi par délégation mais en tant que « service technique du Gouvernement ». Une double question se pose sur son indépendance et ses missions.

Monsieur le président, nous allons d'abord vous écouter au titre d'un exposé liminaire. Mme Delphine Batho, notre rapporteure, vous posera ensuite un premier groupe de questions, puis les autres membres de la mission d'information vous interrogeront.

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Christian Peugeot, président du Comité des constructeurs français d'automobiles, CCFA

Madame la présidente, madame la rapporteure, je vous remercie de m'avoir invité à m'exprimer devant votre mission d'information. Je suis en effet le tout jeune président du CCFA, syndicat professionnel né en 1909, qui réunit aujourd'hui les groupes Renault et PSA ainsi que Renault Trucks.

Nous inscrivons cette audition dans la continuité des actions lancées par mon prédécesseur depuis la crise provoquée par la fraude de Volkswagen. Les constructeurs français et leurs organisations professionnelles ont suivi une démarche de concertation totale avec les pouvoirs publics et maintenant avec vous, mesdames, messieurs les députés, représentants de la nation.

Tous nos débats sont sous-tendus par une volonté réelle d'explication. Il nous importe d'être didactiques et ne nous exprimer sans tabou ni dissimulation.

Le 22 septembre 2015, le CCFA avait délivré aux médias un message très clair : les constructeurs français n'ont pas triché ; ils approuvent l'idée d'une enquête indépendante ; ils soutiennent la mise en place de tests de roulage sur route ouverte, dits RDE – Real Drive Emissions. Après la réunion fondatrice du 24 septembre au ministère de l'environnement entre les constructeurs et Mme la ministre de l'environnement, nous nous sommes engagés dans la coopération la plus ouverte avec la commission indépendante qui a été mise en place. Avant même les premiers résultats annoncés en janvier, les constructeurs français, chacun de leur côté, ont annoncé la mise en place d'actions et de solutions.

Mon propos liminaire s'articulera autour de quatre points : premièrement, je rappellerai l'empreinte industrielle de notre secteur ; deuxièmement, je présenterai le parc de véhicules en France, le marché et ses évolutions en faisant le point sur la fiscalité et les normes d'émission de CO2 ; troisièmement, je m'attarderai plus particulièrement sur la baisse du diesel et son impact sur le marché français ; je terminerai par l'évolution des normes Euro relatives aux émissions de polluants et les progrès qu'apporteront à notre sens les nouveaux tests RDE.

L'activité de nos adhérents s'appuie sur une quarantaine de sites en France : usines d'assemblage, usines de production de moteurs et de mécanique, centres de recherche et développement – à cet égard, je tiens à souligner que bien que les constructeurs français aient une dimension mondiale, ils réalisent les trois quarts de leur R & D en France et envisagent de la maintenir dans ces proportions.

Pour les véhicules particuliers et les véhicules utilitaires légers, inférieurs à 3,5 tonnes, la production a évolué en passant d'un point haut de 3 millions d'unités au début des années 2000 à un point bas d'1,5 million en 2013. Ce chiffre correspond au nombre de véhicules assemblés mais, fort heureusement, l'activité globale n'a pas diminué de moitié : les activités de fabrication de moteurs, de boîtes de vitesses, la R & D se sont maintenues et la valeur ajoutée par voiture a progressé. Depuis 2013, la production remonte, grâce notamment aux accords de compétitivité signés par les deux groupes automobiles.

La production mondiale des constructeurs français s'élève à plus de 6 millions de véhicules en 2015, dont 80 % sont vendus à l'extérieur de la France. Nos adhérents construisent plus de voitures en France qu'ils n'en vendent : notre pays reste pour eux une base d'exportation.

Dans cet environnement, les exportations des produits des industries automobiles de la France ont, en 2015, dépassé le chiffre de 40 milliards d'euros, en progression par rapport à 2014. L'industrie automobile est toujours l'un des premiers secteurs exportateurs de notre pays, aux côtés de l'aéronautique et l'agroalimentaire. Elle représente 9 % des exportations totales françaises.

Selon la dernière enquête du ministère de l'économie, le secteur industriel automobile se compose au total d'environ 4 000 établissements pour 500 000 emplois. Mais si l'on prend en compte les emplois induits – commerce, réparation, assurances, transports routiers –, on arrive au chiffre de 2,3 millions d'emplois associés à l'automobile.

Bref, il serait bien réducteur de résumer cette industrie aux nuisances relatives aux émissions du parc automobile. Elle est source d'une activité économique importante pour notre pays.

L'enjeu, pour cette industrie lourde, est de rester agile dans un environnement extrêmement volatil. Au niveau international, il nous faut nous positionner sur des marchés en croissance, pour certains d'entre eux, mais aussi d'autres en forte chute – je pense à la Russie ou aux pays de l'Amérique du Sud.

La crise de 2008 a fait perdre au marché européen le quart de ses ventes, soit 4,5 millions de voitures au total dont plus d'1 million pour les constructeurs français. L'outil industriel a dû s'adapter et aujourd'hui, en dépit d'un rattrapage significatif, nous restons à des niveaux sensiblement inférieurs aux niveaux d'avant la crise.

Je tiens à signaler que les mesures de soutien au marché mises en oeuvre en France – je pense notamment aux primes à la casse – au pire moment de la crise ont bien fonctionné. Elles ont permis de limiter l'ampleur de la chute et donc de préserver l'activité industrielle dans nos usines.

Après de longues années de baisse, la production en France remonte depuis 2013. Les accords de compétitivité, signés par les partenaires sociaux, ont permis de s'engager dans une démarche partagée et positive, ayant pour but de maintenir des volumes de production en France. Tous les leviers d'optimisation ont été actionnés : flexibilité, modération salariale, formation, pour n'en citer que les principaux.

J'en viens au marché français et à ses évolutions.

Le parc automobile français est constitué de 38 millions de véhicules, dont au moins 80 % sont utilisés soit pour des trajets domicile-travail, soit pour des déplacements professionnels. C'est donc un parc actif qui ne reste pas inutilisé. L'utilisation de la voiture trouve toute sa pertinence dans les zones péri-urbaines et rurales, qui caractérisent le paysage français et où il n'est pas économiquement rentable de développer des offres de transports collectifs. La voiture est ainsi le support de la vie des territoires français et de leurs activités économiques. Il ne faut pas avoir une vision parisiano-centrée de son usage – je le dis d'autant plus volontiers que je suis moi aussi un bobo parisien, habitant le centre de la capitale. Les enquêtes menées par divers organismes le montrent : la voiture demeure un outil de liberté, utile et irremplaçable.

Le marché automobile français se caractérise par une part importante de petites voitures de type Clio, 208, C3, qui représentent plus de la moitié du marché, alors que ce segment ne constitue en Europe que 40 % des ventes. Cette caractéristique s'explique en partie par une fiscalité qui oriente le marché vers ce type de véhicules. Je citerai le dispositif du bonus-malus et la taxe sur les véhicules des sociétés (TVS). Historiquement, la France a eu tendance à surtaxer les grosses voitures, ce qui a des vertus sur le plan environnemental mais implique une contradiction, car cela rend difficilement rentable la production de petites voitures ou de voitures d'entrée de gamme.

En Allemagne, où le coût du travail est également important, la production s'oriente plus facilement vers les véhicules à plus forte valeur ajoutée. Il existe en effet un marché-socle de véhicules premium plus important. Pour avoir vécu dans ce pays quelques années afin d'essayer d'y vendre des voitures françaises, je peux témoigner que les Allemands achètent en priorité les voitures allemandes, avec un support des pouvoirs publics bien connu.

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Christian Peugeot, président du Comité des constructeurs français d'automobiles, CCFA

La deuxième caractéristique du marché français, c'était la part élevée des véhicules diesel qui, comme vous le savez, émettent 15 % à 20 % de CO2 de moins que les véhicules essence.

Ces deux caractéristiques placent la France dans une position très favorable sur le plan des émissions de CO2. Elle apparaît régulièrement aux trois premiers rangs des trente marchés européens à cet égard. En 2015, la moyenne des émissions de dioxyde de carbone a ainsi été de 111 grammes par kilomètre. Les constructeurs français ont profité de leur forte part de marché en France – plus de la moitié, de manière régulière – pour répondre aux obligations liées au règlement européen limitant les émissions de CO2. Les deux groupes français font ainsi partie des trois groupes les plus vertueux en ce domaine au niveau européen.

Selon les statistiques du ministère de l'écologie, les émissions totales de véhicules particuliers ont baissé de 10 % depuis 2004 alors que, dans le même temps, la demande de transports calculée en nombre de voyageurs par kilomètre a crû d'environ 2 %. Il s'agit donc, en masse, d'une véritable baisse. C'est une traduction concrète des efforts des constructeurs pour l'amélioration continue de la performance énergétique des nouveaux véhicules mis sur le marché. Ces efforts vont se poursuivre sur le marché européen. L'objectif de 95 grammes de CO2 par kilomètre à atteindre en 2021 équivaut en fait à une réduction de 41,5 % par rapport à 2005, soit un rythme d'amélioration de 2,6 % par an.

J'aborderai mon troisième point, en vous donnant des éléments plus précis sur la baisse du diesel et son impact sur le marché français.

Sur les dix dernières années, la part des véhicules diesel a atteint son niveau le plus élevé en 2012, avec 73 % du marché français. Parmi les explications de ce que l'on peut appeler un engouement, il y a l'agrément de ces véhicules, grâce à un très bon couple à bas régime, les économies de carburant, et une bonne valeur de revente. La politique environnementale en matière de fiscalité, fondée sur les émissions de CO2, a bien sûr participé à ce phénomène.

Aujourd'hui, le contexte est différent. Personne ne niera que, ces dernières années, le diesel a fait l'objet de nombreuses attaques au sujet des émissions. Les bonus sur les véhicules thermiques n'existent plus et les annonces du Gouvernement sur la convergence de la fiscalité de l'essence et du diesel, qui a été entamée dans les dernières lois de finances, sèment le doute dans les esprits. En outre, le dispositif envisagé pour l'accès dans les grandes villes, à savoir la mise en place de zones à circulation restreinte, comporte une cote différente pour les véhicules diesel et pour les véhicules essence.

Pour résumer, le diesel a perdu quinze points de parts de marché en France ces trois dernières années. Nous sommes passés des 73 % que j'évoquais tout à l'heure à 58 % en 2015. Il s'agit d'une évolution brutale, surtout pour une industrie lourde qui doit adapter ses moyens de production. Les ménages ont d'ores et déjà largement modifié leurs habitudes de consommation. Ils sont passés d'une proportion d'achat de véhicules diesel de deux tiers à un peu plus d'un tiers. Le marché des véhicules diesel d'entreprise suit une tendance analogue.

Cette baisse, rapide et continue, est appelée à se poursuivre. Nous pensons que les véhicules diesel représenteront 50 % du marché français dès 2016 et non pas en 2020, comme nous l'avions d'abord prévu. Et l'on peut redouter qu'il y ait un effet boule de neige entraînant la chute de la valeur résiduelle pour les particuliers.

Les taux de véhicules diesel des constructeurs français sont supérieurs en France et en Europe à ceux de leurs concurrents généralistes. Toutefois, les plus « dieselés » des constructeurs sont les trois marques premium allemandes avec un taux de plus de 80 %. Cela signifie que cette technologie, à condition d'évoluer, a un avenir, sinon elles n'investiraient pas autant.

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Christian Peugeot, président du Comité des constructeurs français d'automobiles, CCFA

La baisse importante de la part du diesel, plus forte en France qu'en Europe, aura un impact sur la performance des constructeurs français en matière de CO2. Dans ce contexte, en effet, l'objectif réglementaire européen de 95 grammes sera plus difficile à atteindre. Au regard du poids du marché français dans leur vente, les constructeurs français seront arithmétiquement plus pénalisés que leurs concurrents européens. Je tiens à rappeler ici que l'objectif de 95 grammes par kilomètre s'exprime sous forme de moyenne à l'échelon européen et que chaque constructeur a un objectif qui lui est propre. Cet objectif est établi en fonction de la masse moyenne des véhicules qu'il vend. Pour les constructeurs français, l'objectif assigné est plus sévère que pour les constructeurs allemands, notamment les spécialistes, puisqu'il s'élève à 95 grammes contre 100 grammes.

Le règlement européen prévoit des pénalités très importantes en cas de non-respect des objectifs, des pénalités tellement élevées qu'elles sont censées pousser les constructeurs à déployer les efforts nécessaires pour se conformer aux seuils. En 2021, ces pénalités seront de 95 euros par gramme supplémentaire et par véhicule. Pour un constructeur produisant 1 million de voitures en Europe, une émission d'un gramme supplémentaire aboutirait ainsi à près de 100 millions d'amende.

J'en viens aux progrès des normes Euro et aux tests en conditions réelles.

Sur la question des émissions, il faut rappeler que les évolutions successives des réglementations des normes Euro, et les technologies mises en oeuvre pour s'y conformer, ont permis au niveau national de réduire les émissions des véhicules, malgré l'importante hausse de la circulation intervenue entre 1990 et aujourd'hui. Depuis 1990, les émissions de particules et d'oxyde d'azote du parc routier ont respectivement baissé de 65 % et de 55 %, selon une étude du Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique (CITEPA) fondée sur des données proches de l'usage réel. Il me paraît important de rappeler cette amélioration.

S'agissant de la qualité de l'air, le problème se concentre dans les zones urbaines où les populations peuvent être plus particulièrement exposées. En moyenne, au plan national, selon le bilan de la qualité de l'air établi par le ministère de l'écologie, une amélioration très sensible est observable depuis 2000.

Les évolutions technologiques des véhicules neufs ont permis de faire baisser les émissions du parc. Toutefois, les gains se font au rythme de son renouvellement, qui est d'environ 6 % par an pour les véhicules particuliers. La moyenne d'âge du parc a tendance à augmenter : elle est de neuf ans actuellement. L'accélération du renouvellement apparaît comme le levier à actionner en priorité pour la réduction des émissions des polluants issus du transport routier. Comment y parvenir ? C'est une autre question.

Je finirai en évoquant les émissions des véhicules en usage réel qui font débat actuellement. Les émissions de NOx ont été considérablement réduites par les normes Euro mais des écarts demeurent entre les niveaux d'émission en homologation et les niveaux en situation réelle d'usage. Ces écarts sont liés à l'obsolescence du cycle d'homologation actuellement en vigueur, qui date des années soixante-dix, le cycle NEDC, dont les caractéristiques sont assez éloignées de l'usage réel : vitesse trop faible, non prise en compte de l'apparition de la sixième vitesse dans les boîtes de vitesses. Ce cycle va être remplacé par un nouveau protocole, Worldwide harmonized Light vehicles Test Procedures (WLTP), qui sera plus représentatif des conditions réelles de roulage.

Pour limiter ces écarts, une réforme structurelle du système actuel de réception des véhicules a été initiée par la Commission européenne. Les tests RDE – Real Driving Emissions – mis en place ont pour objectif de mesurer en conditions d'usage réel, sur route ouverte, les émissions, ce qui implique de s'y prendre à plusieurs fois pour établir des données car la mise en oeuvre est plus complexe qu'en laboratoire. Cette démarche, par son ampleur, est une première mondiale dans la réglementation relative aux émissions des véhicules.

La Commission européenne indique qu'il existe pour les émissions de NOx un écart allant d'un à cinq entre les tests en laboratoire et les tests en conditions réelles. La procédure RDE impose en 2017 un premier objectif, qui consiste à ne pas dépasser un écart de 2,1, soit deux fois moins que l'écart actuel. La Commission fixe pour 2020 l'ambitieux objectif d'un facteur de 1,5 correspondant à la marge d'erreur des appareils de mesure. Cette valeur ne s'imposera pas ad vitam aeternam puisque les mesures ont vocation à être plus précises : l'objectif restera une disparition des écarts, soit un facteur de 1.

Les constructeurs français ont très tôt demandé à ce que cette réglementation soit adoptée rapidement. Pour nous adapter, il nous faut un certain temps, les sites de développement industriel doivent procéder à des validations par étapes pour les nouvelles technologies. Il est toujours compliqué de se conformer à un objectif dont on ne connaît pas la valeur, or une incertitude régnait quant au niveau de performance à atteindre.

La réduction des émissions des véhicules a pu être obtenue grâce au développement de technologies, d'innovations qui ont entraîné des surcoûts. Mais nous n'avons rien à redire à cela.

La difficulté technique pour nous consiste à devoir traiter en même temps la réduction des émissions de CO2 et celles de NOx – je n'oublie pas les particules, je considère seulement qu'elles ont été traitées. En effet, ces objectifs sont quelque peu contradictoires, dioxydes de carbone et oxydes d'azote ayant des comportements antagonistes. Par parenthèse, je soulignerai qu'aux États-Unis, si les émissions de NOx sont suivies de près, celles de CO2 font l'objet d'une moindre attention – je ne crois pas que les gros 4x4 à moteur V6 soient des champions en la matière.

Enfin, il y a une contrainte à ne pas oublier. Si, nous, constructeurs pouvons faire évoluer nos produits en en faisant des véhicules performants énergétiquement, nous ne pouvons pas les vendre à des consommateurs qui ne seraient pas en mesure de les acquérir parce que leur prix serait trop élevé. Nous devons en permanence nous tenir sur un chemin étroit, borné d'une part par la nécessité d'introduire de nouvelles technologies afin de respecter les normes environnementales et les normes de sécurité et, d'autre part, par nos objectifs de vente. C'est une voie qui n'est pas évidente mais nous avons bien compris qu'il fallait essayer de la suivre dans les meilleures conditions.

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Merci, monsieur le président, pour cet exposé liminaire. Je vous poserai une première série de questions portant sur les normes et l'environnement puis une deuxième sur la stratégie industrielle.

S'agissant de l'affaire Volkswagen, nous avons considéré qu'elle a fait plusieurs victimes : l'environnement et la santé publique, les consommateurs qui ont été trompés mais aussi, d'un certain point de vue, l'industrie automobile elle-même, à un double titre. Celle-ci a été victime d'une sorte de concurrence déloyale puisque les règles du jeu qui s'imposent à tous ont été contournées et la confiance des consommateurs à son égard a été affectée.

Nous avons senti une certaine gêne chez les constructeurs français, qui se sont sentis obligés d'affirmer qu'eux n'avaient pas triché, bien loin de l'attitude de Fiat en Italie, qui n'a pas hésité à lancer une campagne proposant d'offrir 1 500 euros pour la reprise d'un véhicule Volkswagen en échange de l'achat d'un véhicule de sa gamme.

Je vous poserai la traditionnelle question que nous posons à tous nos interlocuteurs : avez-vous eu connaissance de l'existence d'un logiciel truqueur avant que le scandale n'éclate ?

Ma deuxième question portera sur les normes. Des progrès indéniables ont été accomplis, notamment avec l'installation de filtres à particules. Toutefois, à mesure que les normes se renforcent, on constate des écarts toujours plus grands entre conduite en situation réelle et cycles d'homologation. Tout se passe comme si les efforts menés par les industriels pour réduire les émissions polluantes plafonnaient.

J'aimerais que vous nous exposiez la position du CCFA sur le protocole WLTP, sur la procédure RDE et sur les autorisations de dépassement établies par le fameux Technical Committee on Motor Vehicles (TCMV). Votre organisation a-t-elle la même position que l'Association des constructeurs européens d'automobiles (ACEA) ? Votre remarque sur la différence d'impact de la directive CO2 pour l'industrie automobile allemande et pour l'industrie française vaut-elle aussi pour les émissions de NOx et de particules ? Selon vous, la France pèse-t-elle ou non dans les décisions qui sont prises en matière de normes ?

Considérez-vous, comme nous, qu'il soit plus logique qu'il n'y ait qu'une seule norme ? La puissance publique poserait une exigence en matière d'émissions de CO2, de NOx et de particules sans pour autant orienter les choix industriels et technologiques. Il leur appartiendrait de s'y conformer en choisissant le moyen d'y parvenir, soit à travers l'essence, le diesel, les moteurs hybrides. Cela impliquerait d'aller plus rapidement vers une convergence des normes relatives au diesel et à l'essence.

Toujours en matière de normes, j'aimerais avoir la position du CCFA sur la question des délais nécessaires aux industriels pour se conformer à une nouvelle norme. Certains nous disent qu'il leur faudrait trois ans, d'autres nous disent cinq ans.

Enfin, j'aimerais que vous reveniez sur l'indépendance des organismes d'homologation, notamment l'UTAC. Il me semble qu'il est de l'intérêt de tous qu'il n'y ait pas de doute sur le contrôle qu'ils exercent.

J'en viens au diesel. J'aimerais connaître le nombre d'emplois que représente la filière du diesel en France. Vous avez souligné les différences entre débouchés nationaux et débouchés européens. Nous voyons bien qu'il y a des difficultés à l'exportation. Compte tenu de la mondialisation du marché automobile, le rééquilibrage n'a-t-il pas aussi un sens en termes de stratégie industrielle ?

Comment envisagez-vous le rythme du rééquilibrage fiscal, tant en matière de rapprochement de la fiscalité des carburants que de récupération de TVA pour les véhicules d'entreprise ? Quelle serait, selon vous, la meilleure manière d'y parvenir ? Vous connaissez le débat : faut-il procéder par une convergence dans les deux sens ou seulement par une augmentation du diesel ?

Ma dernière question porte sur le renouvellement du parc. Cet enjeu apparaît d'autant plus stratégique, compte tenu des tendances du marché du neuf – allongement de la durée moyenne de détention d'un véhicule, hausse de l'âge au premier achat d'un véhicule neuf. Quelles mesures envisager pour accélérer la résorption du parc ancien, eu égard aux problèmes de pollution urbaine ? Vous avez évoqué la prime à la casse. Actuellement, il existe une prime à la conversion, dont les montants sont trop négligeables pour avoir un impact sur le marché automobile. Certains ont évoqué la nécessité de mettre en place un bonus pour encourager l'achat de voitures d'occasion vertueuses sur le plan environnemental, correspondant aux normes Euro 5 ou Euro 6. Nous savons que l'âge des véhicules échangés sur le marché de l'occasion est très élevé. Quelle est la position du CCFA en la matière ? Je vois, bien sûr, d'emblée la contradiction entre ces objectifs et la nécessité de vendre du neuf.

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Je vous remercie, monsieur Peugeot, de la qualité de vos observations et de leur caractère synthétique.

De vos propos, je retiens que la maîtrise du diesel chez les constructeurs français est meilleure qu'ailleurs. Élu du « fief » de PSA, je note que ce constructeur, avec son filtre à particules, a une position de leader. Il a consacré des sommes très importantes à la recherche et développement mais il ne bénéficie toujours pas, loin s'en faut, d'un retour sur son investissement. Dans le même temps, un pays comme l'Allemagne reste grandement focalisé sur le diesel qui représente, comme vous l'avez souligné, 85 % ventes des trois marques premium. Le Japon, lui, s'est relancé dans une offensive pro-diesel et les États-Unis ne le boudent plus.

Dans ce contexte mondial, il faut se demander si la convergence fiscale prônée par la France ne va pas porter atteinte aux constructeurs français. Elle conduit déjà les consommateurs à déserter le diesel : depuis trois ans, la baisse des ventes est continue et rapide.

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Je ne ferai sans doute pas la même ode au diesel que M. Bonnot. En revanche, je partage le souhait exprimé par notre rapporteure de voir émerger des normes équivalentes, quelles que soient les technologies. Il m'a semblé, monsieur Peugeot, que vous approuviez Mme Batho sur ce point. Sans doute, cela implique-t-il une convergence de la fiscalité et la disparition de biais qui favorisent une technologie par rapport à une autre, tant qu'il n'a pas été démontré qu'elle est meilleure pour la qualité de l'air.

Certaines de vos affirmations, je dois le dire, m'ont fait un peu sursauter.

Vous avez dit qu'il était difficile pour les constructeurs automobiles de se préparer aux nouveaux dispositifs d'homologation car il y avait une incertitude sur la performance à atteindre. Ces objectifs n'ont-ils pas été fixés par des directives européennes il y a près de dix ans ? Mais peut-être visiez-vous les actions de lobbying qui ont été menées pour obtenir des dérogations et retarder les échéances ? Si vous pensez que cela a contribué à créer une incertitude, elles auraient donc pénalisé plutôt qu'aidé les constructeurs, ce qui serait éminemment dommageable, j'en conviens.

Par ailleurs, vous avez indiqué que vous considériez que le problème des particules était réglé. Pour ma part, je le considérerai comme réglé lorsque les médecins nous le diront. J'imagine que vous vous référiez aux véhicules neufs et non pas au parc existant. Or rien n'a été démontré pour l'instant. M. Michel Elbel, qui était président RPR d'Airparif, avait pour habitude de dire qu'il croirait aux véhicules propres le jour où un constructeur accepterait de s'enfermer pendant une demi-heure dans son garage avec le moteur de sa voiture qui tourne ! Il faudrait pouvoir mesurer en conditions réelles les émissions non seulement de particules au niveau du pot d'échappement mais aussi de particules secondaires, qui se recombinent dans l'atmosphère. Il me semble que ce problème majeur de santé publique doit nous inciter à faire preuve de prudence.

Par ailleurs, vous avez reconnu qu'il existait des écarts significatifs entre les tests d'homologation et les conditions en usage réel. Ne pensez-vous pas qu'il serait souhaitable, tant qu'un nouveau système d'homologation fiable n'a pas encore été établi, que les constructeurs automobiles s'abstiennent de faire des publicités sur la base de résultats de tests qu'on sait non-représentatifs ? De telles pratiques induisent le consommateur en erreur et sont pénalisantes pour la crédibilité des constructeurs. L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), à la suite d'un rapport et d'une table ronde que j'ai organisée avec Mme Fabienne Keller, sénatrice, a préconisé de suspendre l'utilisation des résultats des tests d'homologation dans les publicités pour les voitures dans l'attente de tests fiables.

Vous avez indiqué qu'il était difficile pour les constructeurs de réduire en même temps les émissions de CO2 et de NOx, propos qui ont déjà été tenus devant notre mission d'information. C'est vrai, si les constructeurs ne changent pas de modèle automobile. En revanche, s'ils cherchent à élaborer des véhicules consommant moins, par exemple 2 litres aux 100 kilomètres, de plus petite taille – des modèles conçus non pas pour emmener toute une famille en vacances mais pour être utilisés par une seule personne, en meilleure adéquation avec la réalité des trajets quotidiens –, ils parviendront peut-être à casser ce cycle infernal. J'ai pu me rendre compte grâce aux travaux de notre mission d'information et ceux de la commission mise en place par madame Ségolène Royal à quel point les constructeurs avaient tendance, pour ne pas avoir à changer de modèle automobile, à accumuler les systèmes de dépollution, ce qui contribue à une surconsommation de carburant et à un encrassement des moteurs qui aboutissent à ne les faire fonctionner qu'à temps partiel. Cette course sans fin, rendue encore plus complexe par les nouveaux systèmes d'homologation, trouvera peut-être une limite. Il faut se tourner vers des véhicules à une ou deux places, à faible consommation, pour une partie de la clientèle obligée de se déplacer en voiture, qui n'a pas forcément envie de payer un surcroît de carburant à cause de modèles qui surconsomment.

S'agissant des véhicules d'occasion, enfin, nous voyons bien que l'intérêt des constructeurs automobiles est plutôt d'encourager l'achat de véhicules neufs. Toutefois, le client doit pouvoir savoir qu'il pourra revendre sa voiture facilement. En ce sens, encourager le marché de l'occasion, c'est aussi encourager l'achat de véhicules neufs. Un marché de l'occasion avec validation peut contribuer à aider une partie de la profession automobile – professionnels du marché de l'occasion, de la réparation. Dans le cadre de la loi sur la transition énergétique, j'ai déposé des amendements, qui ont été adoptés, qui visaient à intégrer les véhicules d'occasion dans les dispositifs d'aide à l'achat. Cela me paraît être une mesure sociale : l'achat de véhicules d'occasion permet à une frange de la population n'ayant pas accès au marché du neuf de passer de véhicules polluants à des véhicules moins polluants.

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Christian Peugeot, président du Comité des constructeurs français d'automobiles, CCFA

S'agissant de Volkswagen, c'est peu dire que nous avons été surpris. Cette affaire nous a fait l'effet d'un tsunami. Les conséquences de ce scandale touchent tous les constructeurs, particulièrement en France, où les commentateurs ont eu tendance à transformer le « Volskwagengate » en « Dieselgate ». Volkswagen, avec ce logiciel frauduleux qui aurait aussi bien pu être appliqué à d'autres véhicules que des véhicules diesel, a créé un climat de suspicion générale. Pour autant, nous n'avons pas comme Fiat voulu profiter de ce scandale pour lancer des opérations promotionnelles. Cela ne nous a pas semblé correct, compte tenu de la gravité des enjeux.

L'affaiblissement d'un concurrent, particulièrement fort, se solde généralement par une amélioration de sa propre performance concurrentielle potentielle. Dans la réalité, cela nous a beaucoup gênés. Nous sommes obligés de fournir des explications et de répéter que nous ne sommes pas dans un schéma de tricherie.

S'agissant des normes, les industriels, de manière générale, préféreraient que le choix des règles permette une visibilité de long terme afin de mieux développer leurs technologies, au lieu d'être soumis aux fluctuations des gouvernements successifs. Le fait est que les pouvoirs publics prennent des mesures qui, pour des raisons variées, poussent les constructeurs à aller dans un sens ou dans un autre. C'est le cas de la fiscalité favorable au diesel, qui a eu des effets sur la durée. Les groupes industriels français ont ainsi développé des technologies de construction de moteurs diesel particulièrement performantes.

La neutralité de la fiscalité ne nous choque pas en elle-même. Nous voulons simplement des règles qui permettent d'anticiper et de laisser leur place aux meilleures technologies. Ce n'est pas une seule technologie qui va permettre de résoudre l'ensemble des problèmes mais probablement un panel de technologies variées, ne serait-ce que parce qu'il y a des clientèles différentes avec des besoins différents, comme vous l'avez souligné, monsieur Baupin.

Vous m'avez interrogé, madame la rapporteure, sur le délai souhaitable. Un délai de cinq ans s'approcherait davantage du temps nécessaire à la mise au point d'une nouvelle génération de voitures – sachant qu'il faut plus de temps encore pour l'élaboration de nouveaux moteurs, même si certaines adaptations de groupes motopropulseurs sont plus courtes. La construction automobile est une industrie lourde. Nous ne pouvons pas prendre de décisions du jour pour le lendemain, d'autant que l'exigence de qualité pour les clients est tellement haute que cela nécessite de valider un ensemble de processus.

Dans le principe, une certaine neutralité ne nous pas pose pas problème. Dans les faits, elle n'existe pas encore. Si la fiscalité doit évoluer dans ce sens, il faut nous donner du temps. Du reste, que les pouvoirs publics n'encouragent pas la neutralité dans tous les domaines nous paraît légitime. C'est le cas par exemple pour les véhicules électriques, dont le développement est encore marginal. Il faut essayer d'être rationnel et faire preuve de bon sens.

En dehors de la fiscalité, il faut prendre en compte le traitement du diesel par les médias qui ont beaucoup insisté sur ses méfaits. La chute des ventes de véhicules diesel n'est pas tant liée à la convergence fiscale qu'à cette perte de confiance que l'affaire Volkswagen n'a fait qu'amplifier.

Sur le nombre d'emplois liés à la filière diesel, je ne saurais vous donner une réponse précise, madame la rapporteure. Les technologies sont très imbriquées, comme vous avez pu le constater lors de votre visite de l'usine PSA à Trémery. Une chaîne de moteurs diesel est difficilement transformable en chaîne de moteurs à essence.

Vous avez évoqué, monsieur Bonnot, le marché du diesel à l'échelle mondiale. L'Europe constitue aujourd'hui le principal marché, sachant qu'il était assez stable, hors la France, malgré l'affaire Volkswagen. Aux États-Unis, le marché du diesel est minoritaire, et l'offensive des Allemands pour le développer risque sans doute de tourner court. L'engouement du Japon a pu surprendre puisqu'il n'y avait pratiquement de véhicules diesel dans ce pays. Les autorités japonaises ont considéré que, compte tenu de ses faibles émissions de CO2, le bilan global du diesel était intéressant, et ont pris des mesures fiscales pour l'encourager. Mazda a lancé un véhicule ne fonctionnant qu'au diesel sur son marché – et seulement à l'essence aux États-Unis. J'estime que le diesel est une technologie qu'il faut essayer de pousser au meilleur niveau, en étant aussi irréprochable que possible.

Sur les particules, nous avons déjà eu plusieurs débats et nous sommes prêts à participer à d'autres, comme M. Tavares a eu l'occasion de le dire. Aujourd'hui, la maîtrise des particules se fait par filtration mécanique. Vous me direz sans doute, monsieur Baupin, que cette technologie ne parvient pas à les éliminer toutes. Mais vous savez comme moi que l'endroit de Paris où il y a le plus de particules, c'est le métro : leur niveau y est vingt fois supérieur à la voie publique, du fait notamment des frottements dus au freinage.

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C'est d'ailleurs un grand problème pour les agents qui y travaillent.

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Christian Peugeot, président du Comité des constructeurs français d'automobiles, CCFA

Nous considérons que nous avons traité le problème pour les voitures. Les véhicules essence à injection directe seront eux aussi munis de filtre à particules.

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Christian Peugeot, président du Comité des constructeurs français d'automobiles, CCFA

Les nouvelles technologies appliquées aux véhicules à essence réduisent les émissions de NOx et de CO2 mais créent potentiellement un petit peu de particules qu'il faut traiter.

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La question des particules secondaires n'est absolument pas réglée !

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Je vais essayer de vous mettre tous d'accord. Il y a deux types de particules : les grosses particules, que les systèmes de filtrage parviennent à traiter, et les particules en nombre, plus petites, qui entraînent des phénomènes de réaction en chaîne dans l'atmosphère.

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Christian Peugeot, président du Comité des constructeurs français d'automobiles, CCFA

C'est un débat.

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Certes, les progrès sont réels, mais cela ne veut pas dire pour autant que les problèmes ont été éliminés.

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Je poserai deux questions subsidiaires.

Premièrement, quel est selon vous l'avenir de la voiture électrique ?

Deuxièmement, comment envisagez-vous les évolutions vers une voiture autonome et plus largement le développement des systèmes de conduite automatisée ?

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Christian Peugeot, président du Comité des constructeurs français d'automobiles, CCFA

Je prends bonne note de vos questions, monsieur de Courson, et y répondrai après m'être consacré aux précédentes.

Vous m'avez interrogé, madame la rapporteure, sur la meilleure manière d'accélérer le renouvellement du parc. Sincèrement, nous ne sommes pas très favorables à un dispositif de primes données aux acquéreurs de voitures d'occasion récentes. En dehors du fait que cela ne favorise pas la production de voitures neuves, et donc les emplois qui y sont liés, nous considérons que si l'État met de l'argent partout, y compris au milieu du marché, cela pourrait avoir des effets paradoxaux, tels l'importation de voitures étrangères d'occasion. Aujourd'hui, nous ne demandons pas non plus de mesures de type prime à la casse, qui a été favorable dans une période où la chute de la production était telle qu'il était nécessaire de trouver un moyen de faire tourner les usines.

Sur le plan écologique, la meilleure solution est de favoriser la production de voitures neuves et de faire en sorte que les voitures anciennes restent en bon état, grâce notamment aux contrôles techniques. Mieux vaut un renouvellement naturel du parc que des mesures ponctuelles de subventions.

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Il existe un marché d'occasion très spécifique de voitures quasiment neuves, qui ne sont pas éligibles aux dispositifs tels que le bonus-malus, lesquels ne fonctionnent que pour le neuf.

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Christian Peugeot, président du Comité des constructeurs français d'automobiles, CCFA

Le bonus écologique n'est applicable aujourd'hui qu'aux véhicules électriques.

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Précisément, regrettez-vous la disparition du bonus écologique pour les véhicules thermiques ?

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Christian Peugeot, président du Comité des constructeurs français d'automobiles, CCFA

Vous savez, nous nous adaptons. De toute façon, l'effort qui consiste à réduire les émissions de CO2, nous devons le consentir : la réglementation européenne comme le bon sens nous y obligent.

S'agissant des véhicules à deux places, monsieur Baupin, Toyota a arrêté la commercialisation de l'IQ, faute de clients. Reste la Smart, qui a une clientèle ciblée. On ne peut pas considérer que l'offre des constructeurs français en matière de petites voitures est insuffisante par rapport à la concurrence : la Twingo, la 108 et la C1 connaissent du succès. Il reste toutefois difficile d'offrir sur le marché des petites voitures à des prix peu élevés, surtout si elles n'ont que deux places.

J'en viens aux véhicules électriques. Ils représentent une part marginale du marché mais ont leur avenir devant eux. Le groupe Renault montre la voie, avec un bon timing – PSA s'était engagé beaucoup trop tôt sur ce marché. Logiquement, le marché va se développer. La question est de savoir jusqu'à quel niveau. Tant que le rayon d'action de ces véhicules sera limité, les consommateurs ne les choisiront pas comme première voiture. Les Chinois considèrent aujourd'hui qu'il faut développer une bonne proportion de ces véhicules sur le marché. Nous devons répondre à des besoins variés avec des technologies diversifiées : véhicules électriques purs, hybrides rechargeables ou non, véhicules à basse consommation, véhicules de taille moyenne permettant de transporter plus de personnes à un coût raisonnable.

S'agissant des voitures autonomes, je soulignerai que les constructeurs automobiles sont en train d'évoluer rapidement dans la mise au point de systèmes d'aide à la conduite qui aboutissent, le cas échéant, à une forme d'autonomie au moins partielle. Ces mécanismes parviennent à remplacer le conducteur pour des gestes ponctuels, comme le freinage, et dans des conditions précises : soit sur autoroute, soit sur une file dans un embouteillage. La voiture totalement autonome ne constitue pas, selon moi, un objectif à court terme. D'abord, les conducteurs ont sans doute envie de continuer à maîtriser leur véhicule. Ensuite, son développement nécessite une évolution de la législation mondiale, de la convention de Vienne, en particulier, qui exige que le conducteur garde les deux mains sur le volant. Je suis persuadé que les aides à la conduite et l'autonomisation de la conduite constituent des évolutions favorables à la fois pour la sécurité, car elles induisent une diminution du nombre d'accidents, et pour la consommation. C'est une piste importante de travail pour les constructeurs, avec la performance des moteurs et des boîtes de vitesses. Ils y consacrent beaucoup d'argent.

L'intervention de l'UTAC s'insère dans une démarche bien maîtrisée de la part des pouvoirs publics français : le Centre national de réception des véhicules (CNRV) sollicite cet organisme pour procéder à des homologations. Les constructeurs paient, effectivement, pour cette prestation, qui est effectuée par les services ministériels, précisons-le. Rappelons qu'il serait toujours possible pour les constructeurs de faire homologuer leurs véhicules à l'étranger. Ils s'y refusent toutefois car il leur paraît plus logique de le faire dans leur propre pays : aller en Slovénie, en Croatie ou au Luxembourg ne serait sans doute pas perçu comme une démarche de transparence.

L'UTAC fonctionne de manière parfaitement maîtrisée : il s'agit d'un organisme d'homologation pour le compte de l'Etat. Et, comme les constructeurs français n'ont pas du tout le sentiment que leurs relations avec cet organisme leur ouvrent des passe-droits, ils sont tout à fait favorables à ce qu'une démarche de suivi, de contrôle, de contre-tests soit mise en place au niveau européen.

En matière d'informations, monsieur Baupin, nous sommes persuadés qu'il importe de donner confiance aux consommateurs et de les rassurer. Les constructeurs ont entrepris des démarches, y compris en relation avec des ONG, afin que les annonces publicitaires soient cohérentes avec les réalités que vivent nos clients. Simplement, les normes n'ont pas été faites par les constructeurs.

Dans mes fonctions précédentes, j'ai eu l'occasion à plusieurs reprises de participer aux réunions de l'ACEA. Il est clair que les constructeurs français n'ont pas la même sensibilité que les constructeurs allemands. C'est ainsi que, pour l'objectif réglementaire européen, ces derniers ont imposé des calculs en fonction de la masse des véhicules vendus au lieu de s'en tenir à la règle selon laquelle à 1 gramme de CO2 vaut 1 gramme de CO2, à laquelle nous tenions. Il y a eu des négociations et un compromis.

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Le CCFA porte-t-il la voix des constructeurs français à Bruxelles ou bien chaque constructeur français préfère-t-il se faire entendre au sein de l'ACEA ?

Quelle est l'influence de la France sur les normes européennes ? Vous paraît-elle suffisante ou au contraire insuffisante ? Qu'est-ce qu'il conviendrait d'améliorer ?

Monsieur Frédéric Barbier, vice-président, remplace Madame Sophie Rohfritsch à la présidence.

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Christian Peugeot, président du Comité des constructeurs français d'automobiles, CCFA

Ce sont bien les constructeurs qui agissent directement, le CCFA n'est pas leur porte-parole. Nous sommes en face d'une très puissante industrie allemande dont les relations avec les pouvoirs publics sont très proches, voire très, très proches, même si l'affaire Volkswagen est passée par là. L'Allemagne est le seul pays à avoir conservé des portions d'autoroutes où ne s'applique aucune limitation de vitesse. Je n'ai pas encore trouvé quelqu'un qui soit prêt à parier qu'ils allaient mettre fin à cette spécificité dans les cinq ans qui viennent. Les constructeurs allemands souhaitent valoriser leurs grosses voitures, captables de freiner à 200 km à l'heure sur l'autoroute. Cette démonstration de marketing est soutenue par les pouvoirs publics allemands. Dans la procédure RDE, il est même prévu des tests à 160 km à l'heure, à la demande des Allemands.

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En 2015, à l'heure de la reprise du marché automobile, le déficit de la balance commerciale en France s'est creusé : les exportations comme les importations ont augmenté. Quelle lecture faites-vous de cette évolution ?

Les budgets de recherche et développement constituent un enjeu stratégique. Vous avez insisté sur l'implantation en France des équipes de R&D, ce qui renvoie à la question du soutien des pouvoirs publics à la compétitivité française. La comparaison avec les constructeurs des autres pays montrent qu'il existe des marges de progression, notamment pour ce qui concerne les véhicules propres et les véhicules autonomes. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Enfin, j'aurai une dernière question à propos de la modernisation des outils de production. Avez-vous des éléments à nous donner sur les usines du futur ? Que pensez-vous du développement de chaînes de production plus flexibles en fonction des évolutions d'un marché, sans doute plus erratiques à l'avenir ?

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Christian Peugeot, président du Comité des constructeurs français d'automobiles, CCFA

Le solde du commerce extérieur se calcule par la différence entre le flux des exportations, qui augmentent, et le flux des importations, qui augmentent également car le marché se porte mieux. Si nous n'avions pas d'industrie en France, logiquement, le déficit serait encore plus accusé puisqu'il n'y aurait pas de flux sortant. Le déficit n'est que léger et les constructeurs eux-mêmes sont globalement positifs. Il faut bien voir qu'en Europe, en dehors de l'Allemagne et de l'Espagne, aucun pays n'a de solde positif. Maintenant, je ne souhaite qu'une chose, c'est que les Français préfèrent acheter des voitures françaises plutôt qu'étrangères.

Au sujet de la R&D, je ne peux vous en dire beaucoup plus que ce que je vous ai déjà dit. Les deux constructeurs français ont choisi de baser leurs équipes d'innovation en France, considérant qu'il était plus efficace de concentrer leurs ingénieurs afin de favoriser le travail en commun plutôt que de les disperser. Il existe selon certains marchés des équipes implantées à l'étranger, au Brésil, par exemple, pour la mise au point de moteurs à alcool, ou en Chine pour s'adapter aux variations de design. Globalement, le pourcentage de R&D effectuée en France est appelé à rester stable. Si un contexte favorable impliquait une augmentation d'activité en ce domaine, notre pays en bénéficierait.

Quant aux usines du futur, les constructeurs français y sont très attachés. Une usine moderne, c'est une usine plus compacte, où les flux sont bien maîtrisés avec des fournisseurs à proximité. Je citerai, monsieur Bonnot, le cas du site de Sochaux où des fournisseurs se sont implantés dans des anciens locaux de PSA rachetés par la Ville. L'efficacité industrielle est en progrès. Les deux groupes français ont signé avec leurs salariés des accords de compétitivité qui ont favorisé une bonne démarche humaine. Du fait que les coûts en France sont assez importants, il est essentiel d'accroître notre efficacité et les constructeurs français font le nécessaire pour être au meilleur niveau.

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Notre mission d'information aura aujourd'hui couvert un large spectre allant de l'automobile au métro, où la présence de particules est particulièrement importante, preuve qu'il y a des efforts à faire dans d'autres secteurs.

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Il n'y a aucun doute à ce sujet : il y a des particules fines dans le métro et la nouvelle présidente de la RATP a bien souligné lors de son audition avant sa nomination que c'était l'un de ses sujets de préoccupation. La différence avec l'automobile, c'est que la présence de particules fines n'augmente pas avec le nombre de personnes qui empruntent ce mode de transport. En outre, ce n'est pas parce qu'il y a des particules dans le métro qu'il ne faudrait pas régler le problème en surface pour les véhicules. Nous devons soigner et la peste et le choléra.

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Je vous remercie, monsieur le président, pour vos réponses.

La séance est levée à dix-sept heures trente-cinq.