Intervention de Christian Peugeot

Réunion du 8 mars 2016 à 16h00
Mission d'information sur l'offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale

Christian Peugeot, président du Comité des constructeurs français d'automobiles, CCFA :

La baisse importante de la part du diesel, plus forte en France qu'en Europe, aura un impact sur la performance des constructeurs français en matière de CO2. Dans ce contexte, en effet, l'objectif réglementaire européen de 95 grammes sera plus difficile à atteindre. Au regard du poids du marché français dans leur vente, les constructeurs français seront arithmétiquement plus pénalisés que leurs concurrents européens. Je tiens à rappeler ici que l'objectif de 95 grammes par kilomètre s'exprime sous forme de moyenne à l'échelon européen et que chaque constructeur a un objectif qui lui est propre. Cet objectif est établi en fonction de la masse moyenne des véhicules qu'il vend. Pour les constructeurs français, l'objectif assigné est plus sévère que pour les constructeurs allemands, notamment les spécialistes, puisqu'il s'élève à 95 grammes contre 100 grammes.

Le règlement européen prévoit des pénalités très importantes en cas de non-respect des objectifs, des pénalités tellement élevées qu'elles sont censées pousser les constructeurs à déployer les efforts nécessaires pour se conformer aux seuils. En 2021, ces pénalités seront de 95 euros par gramme supplémentaire et par véhicule. Pour un constructeur produisant 1 million de voitures en Europe, une émission d'un gramme supplémentaire aboutirait ainsi à près de 100 millions d'amende.

J'en viens aux progrès des normes Euro et aux tests en conditions réelles.

Sur la question des émissions, il faut rappeler que les évolutions successives des réglementations des normes Euro, et les technologies mises en oeuvre pour s'y conformer, ont permis au niveau national de réduire les émissions des véhicules, malgré l'importante hausse de la circulation intervenue entre 1990 et aujourd'hui. Depuis 1990, les émissions de particules et d'oxyde d'azote du parc routier ont respectivement baissé de 65 % et de 55 %, selon une étude du Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique (CITEPA) fondée sur des données proches de l'usage réel. Il me paraît important de rappeler cette amélioration.

S'agissant de la qualité de l'air, le problème se concentre dans les zones urbaines où les populations peuvent être plus particulièrement exposées. En moyenne, au plan national, selon le bilan de la qualité de l'air établi par le ministère de l'écologie, une amélioration très sensible est observable depuis 2000.

Les évolutions technologiques des véhicules neufs ont permis de faire baisser les émissions du parc. Toutefois, les gains se font au rythme de son renouvellement, qui est d'environ 6 % par an pour les véhicules particuliers. La moyenne d'âge du parc a tendance à augmenter : elle est de neuf ans actuellement. L'accélération du renouvellement apparaît comme le levier à actionner en priorité pour la réduction des émissions des polluants issus du transport routier. Comment y parvenir ? C'est une autre question.

Je finirai en évoquant les émissions des véhicules en usage réel qui font débat actuellement. Les émissions de NOx ont été considérablement réduites par les normes Euro mais des écarts demeurent entre les niveaux d'émission en homologation et les niveaux en situation réelle d'usage. Ces écarts sont liés à l'obsolescence du cycle d'homologation actuellement en vigueur, qui date des années soixante-dix, le cycle NEDC, dont les caractéristiques sont assez éloignées de l'usage réel : vitesse trop faible, non prise en compte de l'apparition de la sixième vitesse dans les boîtes de vitesses. Ce cycle va être remplacé par un nouveau protocole, Worldwide harmonized Light vehicles Test Procedures (WLTP), qui sera plus représentatif des conditions réelles de roulage.

Pour limiter ces écarts, une réforme structurelle du système actuel de réception des véhicules a été initiée par la Commission européenne. Les tests RDE – Real Driving Emissions – mis en place ont pour objectif de mesurer en conditions d'usage réel, sur route ouverte, les émissions, ce qui implique de s'y prendre à plusieurs fois pour établir des données car la mise en oeuvre est plus complexe qu'en laboratoire. Cette démarche, par son ampleur, est une première mondiale dans la réglementation relative aux émissions des véhicules.

La Commission européenne indique qu'il existe pour les émissions de NOx un écart allant d'un à cinq entre les tests en laboratoire et les tests en conditions réelles. La procédure RDE impose en 2017 un premier objectif, qui consiste à ne pas dépasser un écart de 2,1, soit deux fois moins que l'écart actuel. La Commission fixe pour 2020 l'ambitieux objectif d'un facteur de 1,5 correspondant à la marge d'erreur des appareils de mesure. Cette valeur ne s'imposera pas ad vitam aeternam puisque les mesures ont vocation à être plus précises : l'objectif restera une disparition des écarts, soit un facteur de 1.

Les constructeurs français ont très tôt demandé à ce que cette réglementation soit adoptée rapidement. Pour nous adapter, il nous faut un certain temps, les sites de développement industriel doivent procéder à des validations par étapes pour les nouvelles technologies. Il est toujours compliqué de se conformer à un objectif dont on ne connaît pas la valeur, or une incertitude régnait quant au niveau de performance à atteindre.

La réduction des émissions des véhicules a pu être obtenue grâce au développement de technologies, d'innovations qui ont entraîné des surcoûts. Mais nous n'avons rien à redire à cela.

La difficulté technique pour nous consiste à devoir traiter en même temps la réduction des émissions de CO2 et celles de NOx – je n'oublie pas les particules, je considère seulement qu'elles ont été traitées. En effet, ces objectifs sont quelque peu contradictoires, dioxydes de carbone et oxydes d'azote ayant des comportements antagonistes. Par parenthèse, je soulignerai qu'aux États-Unis, si les émissions de NOx sont suivies de près, celles de CO2 font l'objet d'une moindre attention – je ne crois pas que les gros 4x4 à moteur V6 soient des champions en la matière.

Enfin, il y a une contrainte à ne pas oublier. Si, nous, constructeurs pouvons faire évoluer nos produits en en faisant des véhicules performants énergétiquement, nous ne pouvons pas les vendre à des consommateurs qui ne seraient pas en mesure de les acquérir parce que leur prix serait trop élevé. Nous devons en permanence nous tenir sur un chemin étroit, borné d'une part par la nécessité d'introduire de nouvelles technologies afin de respecter les normes environnementales et les normes de sécurité et, d'autre part, par nos objectifs de vente. C'est une voie qui n'est pas évidente mais nous avons bien compris qu'il fallait essayer de la suivre dans les meilleures conditions.

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