Intervention de Denis Baupin

Réunion du 8 mars 2016 à 16h00
Mission d'information sur l'offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDenis Baupin :

Je ne ferai sans doute pas la même ode au diesel que M. Bonnot. En revanche, je partage le souhait exprimé par notre rapporteure de voir émerger des normes équivalentes, quelles que soient les technologies. Il m'a semblé, monsieur Peugeot, que vous approuviez Mme Batho sur ce point. Sans doute, cela implique-t-il une convergence de la fiscalité et la disparition de biais qui favorisent une technologie par rapport à une autre, tant qu'il n'a pas été démontré qu'elle est meilleure pour la qualité de l'air.

Certaines de vos affirmations, je dois le dire, m'ont fait un peu sursauter.

Vous avez dit qu'il était difficile pour les constructeurs automobiles de se préparer aux nouveaux dispositifs d'homologation car il y avait une incertitude sur la performance à atteindre. Ces objectifs n'ont-ils pas été fixés par des directives européennes il y a près de dix ans ? Mais peut-être visiez-vous les actions de lobbying qui ont été menées pour obtenir des dérogations et retarder les échéances ? Si vous pensez que cela a contribué à créer une incertitude, elles auraient donc pénalisé plutôt qu'aidé les constructeurs, ce qui serait éminemment dommageable, j'en conviens.

Par ailleurs, vous avez indiqué que vous considériez que le problème des particules était réglé. Pour ma part, je le considérerai comme réglé lorsque les médecins nous le diront. J'imagine que vous vous référiez aux véhicules neufs et non pas au parc existant. Or rien n'a été démontré pour l'instant. M. Michel Elbel, qui était président RPR d'Airparif, avait pour habitude de dire qu'il croirait aux véhicules propres le jour où un constructeur accepterait de s'enfermer pendant une demi-heure dans son garage avec le moteur de sa voiture qui tourne ! Il faudrait pouvoir mesurer en conditions réelles les émissions non seulement de particules au niveau du pot d'échappement mais aussi de particules secondaires, qui se recombinent dans l'atmosphère. Il me semble que ce problème majeur de santé publique doit nous inciter à faire preuve de prudence.

Par ailleurs, vous avez reconnu qu'il existait des écarts significatifs entre les tests d'homologation et les conditions en usage réel. Ne pensez-vous pas qu'il serait souhaitable, tant qu'un nouveau système d'homologation fiable n'a pas encore été établi, que les constructeurs automobiles s'abstiennent de faire des publicités sur la base de résultats de tests qu'on sait non-représentatifs ? De telles pratiques induisent le consommateur en erreur et sont pénalisantes pour la crédibilité des constructeurs. L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), à la suite d'un rapport et d'une table ronde que j'ai organisée avec Mme Fabienne Keller, sénatrice, a préconisé de suspendre l'utilisation des résultats des tests d'homologation dans les publicités pour les voitures dans l'attente de tests fiables.

Vous avez indiqué qu'il était difficile pour les constructeurs de réduire en même temps les émissions de CO2 et de NOx, propos qui ont déjà été tenus devant notre mission d'information. C'est vrai, si les constructeurs ne changent pas de modèle automobile. En revanche, s'ils cherchent à élaborer des véhicules consommant moins, par exemple 2 litres aux 100 kilomètres, de plus petite taille – des modèles conçus non pas pour emmener toute une famille en vacances mais pour être utilisés par une seule personne, en meilleure adéquation avec la réalité des trajets quotidiens –, ils parviendront peut-être à casser ce cycle infernal. J'ai pu me rendre compte grâce aux travaux de notre mission d'information et ceux de la commission mise en place par madame Ségolène Royal à quel point les constructeurs avaient tendance, pour ne pas avoir à changer de modèle automobile, à accumuler les systèmes de dépollution, ce qui contribue à une surconsommation de carburant et à un encrassement des moteurs qui aboutissent à ne les faire fonctionner qu'à temps partiel. Cette course sans fin, rendue encore plus complexe par les nouveaux systèmes d'homologation, trouvera peut-être une limite. Il faut se tourner vers des véhicules à une ou deux places, à faible consommation, pour une partie de la clientèle obligée de se déplacer en voiture, qui n'a pas forcément envie de payer un surcroît de carburant à cause de modèles qui surconsomment.

S'agissant des véhicules d'occasion, enfin, nous voyons bien que l'intérêt des constructeurs automobiles est plutôt d'encourager l'achat de véhicules neufs. Toutefois, le client doit pouvoir savoir qu'il pourra revendre sa voiture facilement. En ce sens, encourager le marché de l'occasion, c'est aussi encourager l'achat de véhicules neufs. Un marché de l'occasion avec validation peut contribuer à aider une partie de la profession automobile – professionnels du marché de l'occasion, de la réparation. Dans le cadre de la loi sur la transition énergétique, j'ai déposé des amendements, qui ont été adoptés, qui visaient à intégrer les véhicules d'occasion dans les dispositifs d'aide à l'achat. Cela me paraît être une mesure sociale : l'achat de véhicules d'occasion permet à une frange de la population n'ayant pas accès au marché du neuf de passer de véhicules polluants à des véhicules moins polluants.

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