L’interdiction brutale des produits contenant des néonicotinoïdes ne nous semble pas possible. Même si nous avons besoin de signaux forts, il ne serait pas réaliste de fixer une date précise de retrait. C’est peut-être ma seule divergence, à ce sujet, avec le président Chanteguet. Cette interdiction survient à un moment où notre agriculture traverse une crise sans précédent. Lors des récents mouvements, les agriculteurs ont mis en avant la complexification des normes et la multiplication des contraintes. Une interdiction totale, sans aucune phase de transition, serait explosive et, demain, dans la rue, cela pourrait se retourner contre nous.
Alors que nos voisins européens commencent à instaurer des interdictions partielles, aucun n’a opté pour une interdiction généralisée. Tous les États membres étaient soumis au moratoire européen de 2013, mais aucun n’est allé au-delà. Le risque, bien réel, est de créer une distorsion de concurrence entre notre agriculture et celle de nos voisins européens. Nous ne pouvons pas soumettre notre filière agricole à des interdits, alors que nous importons des produits européens qui n’y sont pas soumis.
S’agissant du fond, c’est-à-dire des produits alternatifs, nous devons être conscients qu’ils ne représentent pas toujours des garanties supplémentaires pour les pollinisateurs. Il suffit pour s’en convaincre de relire les études de l’ANSES. En interdisant globalement les néonicotinoïdes, nous risquons d’obtenir l’effet inverse à celui recherché. Cela contraindrait les agriculteurs à utiliser en période de pollinisation des insecticides aux conséquences néfastes pour les abeilles. C’est par exemple le cas de la deltaméthrine ou du tau-fluvalinate.
Nous devons trouver le moyen d’interdire utilement, et non par principe. Il ne s’agit pas d’utiliser des produits alternatifs par tous les moyens, mais ceux dont l’innocuité environnementale est garantie. C’est pourquoi notre groupe propose de conserver le principe d’un arrêté commun des ministres en charge de l’agriculture, de l’environnement et de la santé, dans le cadre d’une réglementation de ces substances, en précisant que nous devons substituer systématiquement des produits moins nuisibles à ces néonicotinoïdes interdits. La notion de « moins nuisible » nous paraît capitale.
Par ailleurs, certains de nos collègues, à l’instar de Jean-Yves Caullet, ont déposé le même amendement ; preuve s’il en est qu’il représente une bonne voie vers le consensus. Nous avons également déposé des amendements de repli, mais nous espérons que celui-ci sera adopté, car il est équilibré compte tenu de la situation actuelle.