Je commence par souligner que l'intention de cet article, qui introduit un dispositif de gestion collective obligatoire applicable à la recherche et au référencement des oeuvres plastiques, graphiques et photographiques, est parfaitement louable. Il vise à apporter des réponses au bouleversement des conditions de partage de la valeur dans l'environnement numérique ; ce partage s'opère aujourd'hui au bénéfice des plus grandes plateformes, qui ne jouent pas le jeu de la régulation.
C'est un combat que la France mène au niveau européen, dans le cadre du chantier en cours sur la modernisation du droit d'auteur – d'importantes échéances, vous le savez, sont prévues en 2016. La Commission européenne a entendu nos demandes fortes et répétées en intégrant à son plan d'action, dans sa communication du 9 décembre dernier, la question du partage de la valeur. Vous pouvez compter sur mon plein engagement pour défendre cet objectif auprès des instances communautaires – pour traiter des plateformes, des services de référencement… Cela passe, à mon sens, par une évolution du statut de ces acteurs au regard des droits d'auteur lorsqu'ils donnent accès à des oeuvres protégées : aujourd'hui, ils sont souvent traités comme des hébergeurs, statut qui ne tient pas suffisamment compte, croyons-nous, de leurs responsabilités.
Une modification du seul droit français nous imposerait de toute façon un dialogue approfondi avec la Commission européenne, avec une notification préalable, comme pour tout texte relatif aux services de la société de l'information. Cela retarderait l'examen et le vote du présent projet de loi.
Je voudrais également citer ici l'arrêt Svensson, rendu par la Cour de justice de l'Union européenne le 13 février 2014. La Cour a considéré qu'il n'était pas nécessaire de demander une autorisation, ni de rémunérer les titulaires de droits, pour établir un lien vers les oeuvres ou les référencer. C'est donc une question juridique européenne, qui ne peut être traitée, je le redis, par le droit français.
Enfin, la directive du 8 juin 2000 relative au commerce électronique ne vise pas expressément les moteurs de recherche ; mais divers arrêts de la jurisprudence ont, en raisonnant par analogie, fait bénéficier les moteurs de recherche et les services de référencement d'images du régime de responsabilité limitée des prestataires de stockage, des hébergeurs, ce qui n'est pas satisfaisant. Nous rencontrerions donc là un autre problème.
Quelque louables que soient ses objectifs, l'article 10 quater serait donc très fragile juridiquement au regard de l'état actuel du droit de l'Union européenne. Il nous paraît préférable, je le redis, de mener ce combat à l'échelle européenne.