Intervention de Anne-Yvonne Le Dain

Réunion du 16 mars 2016 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnne-Yvonne Le Dain :

Je voudrais tout d'abord féliciter le rapporteur d'avoir été à l'initiative de cette proposition de loi. Partant d'un texte qui relevait du voeu pieux ou de la revendication militante, nous avons énormément travaillé pour aboutir à un solide texte de droit, visant à l'affirmation de principes sur lesquels est fondée notre République : liberté, égalité, fraternité – et sécurité, ajouterai-je. Plusieurs drames survenus dans les pays du tiers-monde ont montré à quel point les entreprises du monde occidental se préoccupaient peu de la situation des travailleurs – et surtout des travailleuses, car les femmes sont les plus exposées au risque, notamment de décès – de l'autre bout du monde.

Ce texte est donc le bienvenu et, contrairement à ce qui vient d'être dit, je ne pense pas qu'il mette en péril les intérêts de la France à l'égard des investisseurs étrangers : ceux-ci sont assurés de trouver dans notre pays du personnel hautement qualifié, mais aussi des consommateurs disposant d'un certain pouvoir d'achat et une législation solide. Cette proposition de loi ne peut que jouer en notre faveur, en mettant en avant le principe d'une vigilance raisonnable, dont l'introduction dans le droit, au nom des droits de l'homme et des libertés fondamentales, est essentielle : son objectif est à la fois de prévenir les risques sanitaires et de poser le principe d'une responsabilité en cas de dommages corporels et d'atteintes à l'environnement. C'est une démarche extrêmement importante que celle consistant à ne plus se contenter de faire appel aux assurances pour régler les problèmes lorsqu'ils surviennent : il s'agit d'essayer d'agir en amont afin de se prémunir des risques.

Dans la continuité du principe de précaution, adopté en d'autres temps par notre Parlement, nous posons l'exigence d'élaborer un plan de vigilance : les sociétés doivent prévoir les conditions par lesquelles elles s'engagent à s'assurer qu'il ne peut rien arriver de grave aux personnes travaillant pour elles dans les pays étrangers. C'est sur ce point que le juge pourra être amené à se prononcer : il ne s'agit pas de mettre quelques principes par écrit pour s'en désintéresser ensuite, il faut que l'engagement pris soit effectif – en d'autres termes, il faut que la conscience et la bonne foi trouvent une traduction technique, qui pourra s'appliquer concrètement.

Ne nous faisons pas trop d'illusions sur la nature de l'humanité : si elle peut se montrer bonne et généreuse, elle a parfois besoin de contraintes pour donner le meilleur d'elle-même. La sanction du défaut de plan de vigilance par une amende civile me paraît donc absolument nécessaire, tout comme le principe de la réparation du préjudice causé. Avec cette proposition de loi, nous nous apprêtons à doter le monde occidental de principes juridiques auquel il n'est pas habitué, en procédant avec finesse, délicatesse et précision.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion