Intervention de Danielle Auroi

Réunion du 16 mars 2016 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanielle Auroi :

Je vous remercie de me permettre de m'exprimer devant votre Commission au sujet de cette proposition de loi que je me félicite de voir revenir à l'Assemblée nationale, et que j'espère voir définitivement adoptée avant la fin de la législature. En effet, nous ne pouvons plus fermer les yeux – ce que nos collègues de l'opposition font très bien, j'en conviens – sur des entreprises qui, par négligence ou appât du gain, se trouvent mêlées à des violations graves des droits humains ou impliquées dans des atteintes à l'environnement, en totale contradiction avec le principe de précaution.

On a beaucoup parlé du Rana Plaza et du secteur du textile. Ne perdons pas de vue que des situations tout aussi dramatiques peuvent se produire en d'autres points du globe, notamment au sein d'États dotés de législations plus proches de la nôtre : je pense par exemple à la République du Congo, où l'extraction du cobalt est faite par des enfants. Selon un sondage CSA commandé par le Forum Citoyen pour la RSE et publié en janvier dernier, près de 80 % des Français interrogés estiment que les multinationales doivent être plus vigilantes et tenues pour responsables juridiquement des catastrophes humaines et environnementales provoquées par leurs filiales et leurs sous-traitants.

Si les entreprises assument généralement leurs responsabilités en matière de RSE pour ce qui est de leurs emplois directs, elles refusent de regarder ce que font leurs fournisseurs et sous-traitants. Quand j'entends dire que des hommes meurent dans l'indifférence générale pour la construction d'un stade dans un émirat arabe, au prétexte que nous ne sommes pas directement concernés et que seuls le sont les sous-traitants locaux, je ne peux m'empêcher de penser que la notion de droits de l'homme est décidément à géométrie variable ! Les points de contact nationaux, mis en place par l'OCDE il y a quinze ans, ont justement vocation à assurer la mise en oeuvre des principes de responsabilité sociale pour les entreprises.

Traduire les principes de la RSE dans le droit national et européen n'a rien de nouveau. Il y a quelques années, la France a initié le reporting extra-financier, aujourd'hui mis en oeuvre au niveau européen. Le Royaume-Uni est doté de règles à caractère obligatoire en matière de corruption, et l'Allemagne se préoccupe d'ores et déjà des pratiques de ses sous-traitants. À l'échelle européenne, les travaux avancent, et la proposition formulée par la France, à mon initiative, d'instaurer une procédure de « carton vert » – une suggestion de directive adressée à la Commission sur proposition de cinq parlements nationaux – a déjà recueilli l'accord écrit du parlement de cinq autres États membres. Compte tenu de l'engagement promis de deux autres États, ce sont bientôt huit pays qui soutiendront cette idée, ce qui permettra à la Commission européenne de proposer un texte. Comme vous le voyez, la France peut jouer le rôle d'aiguillon dans le domaine de la RSE, afin que les premiers pas soient effectués au niveau européen. Je conclurai en rappelant que le 18 mai prochain aura lieu à l'Assemblée nationale une réunion de tous les parlements nationaux afin d'évoquer deux sujets complémentaires, à savoir d'une part la nouvelle directive sur les travailleurs détachés, d'autre part la RSE européenne.

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