Intervention de Rémy Rioux

Réunion du 26 janvier 2016 à 17h00
Commission des affaires étrangères

Rémy Rioux, secrétaire général adjoint du ministère des affaires étrangères et du développement international, en charge des affaires économiques :

S'agissant de la gouvernance, le décret statutaire de l'AFD devra être revu une fois la loi votée, mais je ne vois pas comment ce rapprochement pourrait se traduire par une réduction du rôle du Parlement ! Cela n'aurait aucun sens. Huit parlementaires – quatre administrateurs et leurs suppléants – sont actuellement impliqués dans la gouvernance de l'Agence. Je ne crois pas qu'il puisse y avoir le moindre recul sur ce point. En outre, la commission de surveillance de la CDC, présidée par M. Henri Emmanuelli et où siègent certains de vos collègues, sera aussi amenée à donner des avis, sous des formes qui restent à définir mais, a minima, comme elle le fait déjà vis-à-vis des filiales de la CDC.

Pour avoir siégé au conseil de l'AFD, je n'ignore pas que c'est le lieu où la politique de développement s'incarne tous les mois. Il est très important que toutes les parties prenantes soient autour de la table. Il va donc falloir faire une place éminente à la CDC ; il faut que l'État reste très impliqué à travers ses différentes incarnations, y compris la représentation parlementaire ; les ONG sont représentées par le président de Coordination SUD et les entreprises ont un siège que se partagent le MEDEF et le Conseil français des investisseurs en Afrique (CIAN). Les collectivités territoriales ne sont pas représentées et j'ai proposé de remédier à cette absence. Plusieurs organisations sont en train de se rapprocher et je pense que le président de la future structure qui les représentera devra siéger au conseil d'administration de l'AFD pour qu'il y ait un équilibre et que ce soit un lieu de débat sur la politique de développement.

Vous m'interrogez sur le rôle de l'ambassadeur. Cette réforme n'a pas pour objet de transférer la politique de développement à la CDC qui n'a d'ailleurs pas exprimé ce souhait. Mais la Caisse peut contribuer à cette politique et c'est heureux. En effet, la politique de développement ne se résume plus à des relations entre des États, elle implique désormais de très nombreux acteurs, tout en restant un élément de la politique étrangère de la France, une politique d'État dotée d'un financement budgétaire. Au sein du groupe CDC, ce sera demain l'activité qui recevra le plus du budget de l'État, et ses moyens seront accrus dans le cadre de cette réforme. Le groupe doit donc avoir des liens étroits avec l'État et aussi les ambassadeurs des pays où il intervient. Selon une logique très claire, l'ambassadeur est le représentant de l'ensemble du Gouvernement, et certains opérateurs ont des liens avec le Gouvernement au plan central comme au plan local. Plus ces liens sont proches, plus le dispositif français est cohérent et efficace dans chacun des pays, mieux c'est. Il faut tout faire pour renforcer ce pouvoir de l'ambassadeur dans la coordination de l'ensemble des actions.

Il faut, je crois, dépasser la problématique aide liée et aide non liée, comme vous le dites, monsieur Destot. Oui. Je vais poursuivre ma mission de préfiguration et m'intéresser plus en détail aux relations avec le secteur privé, ce qui n'est pas sans lien avec les questions soulevées sur Proparco. On peut imaginer un écosystème plus soucieux des attentes des entreprises françaises, notamment de celles des petites et moyennes entreprises (PME) et des ETI, qui soit capable de jouer avec différents instruments financiers de façon plus cohérente et d'assurer une sorte de suivi-client d'une entreprise. On peut très bien imaginer que Bpifrance investisse dans une entreprise sous forme de prêts et de prise de participation, et que le groupe aide cette entreprise à se positionner sur des marchés extérieurs qui sont aussi des marchés d'aide au développement, qu'ils soient bilatéraux ou multilatéraux. La question de l'assistance technique est aussi importante de ce point de vue, dans le respect des règles de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

L'AFD a entendu le message mais on peut sans doute aller plus loin dans ce nouveau cadre pour aider nos entreprises à s'implanter à l'étranger, tout en apportant aux pays un service au meilleur coût. À cet égard, je ne serais pas choqué qu'une agence telle que l'AFD soit plus intrusive et demande des éléments de comptabilité analytique aux entreprises qui viennent à elle avec un projet, afin de garantir aux pays en développement bénéficiaires que les marges bénéficiaires ne sont pas excessives par rapport à la moyenne du secteur. Cela existe dans certains marchés, du secteur de la défense notamment, que j'ai contrôlés naguère. L'État introduit parfois des clauses qui permettent d'aller assez loin dans la comptabilité analytique des entreprises. Ce genre de clause pourrait exister dans les marchés d'aide au développement.

Sur l'action des collectivités locales et l'AFD, j'ai fait quelques propositions dans le rapport. Il faut associer les collectivités locales, sans oublier les plus petites, à la gouvernance. Je pense qu'il faut un guichet unique. Souvent j'entends dire que l'AFD fait refaire des études alors que les services techniques de grandes collectivités sont intervenus très en amont auprès de leurs partenaires du sud. Si des études de grande qualité ont été faites, il faut que le financement arrive vite, sans perte de temps. Des procédures de certification ou des liens plus normés, respectant bien sûr le principe de libre administration des collectivités locales, permettraient sans doute d'y parvenir.

Vous avez raison, monsieur Destot, la mobilité des personnels devra être impulsée par les dirigeants. Elle ne se fera pas toute seule. Il faudra, par exemple, déterminer le nombre de postes de directeurs qui seront occupés par des gens de l'autre entité. Il faudra prévoir un cadre juridique clair et prendre des décisions de management afin de faciliter et encourager ces mouvements.

J'en profite pour répondre à M. Bacquet et M. Loncle. J'ai bien suivi les différentes opérations que vous mentionnez : Bpifrance, AFII, Ubifrance. Mais dans le cas présent, il s'agit d'un regroupement d'établissements publics – et non pas d'une fusion – que seul le législateur peut faire puisque ce n'est pas le droit des sociétés qui s'applique. Dans son histoire, le groupe CDC a su prendre des formes juridiques parfois innovantes. Dans le cas présent, ses personnels avaient des interrogations sur l'accueil de salariés qui ont des contrats différents et qui ont construit d'autres équilibres syndicaux. Il ne s'agit pas de gérer une fusion brutale.

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