Commission des affaires étrangères

Réunion du 26 janvier 2016 à 17h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • AFD
  • CDC
  • dons
  • filiale
  • proparco
  • rapprochement

La réunion

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Audition de M. Rémy Rioux, Secrétaire Général Adjoint du ministère des affaires étrangères et du développement international, en charge des Affaires économiques, sur le projet de rapprochement de l'Agence Française de Développement et du groupe de la Caisse des dépôts et Consignations

La séance est ouverte à dix-sept heures.

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Nous avons le plaisir de recevoir M. Rémy Rioux, secrétaire général adjoint au Quai d'Orsay, qui va nous parler du rapprochement de l'AFD et de la CDC, sujet sur lequel nous avons auditionné Mme Anne Paugam, directrice générale de l'AFD, la semaine dernière.

M. Rioux a été chargé par le Président de la République de faire un rapport sur ce rapprochement. Ce rapport nous a été communiqué. Nous avons compris les principaux objectifs de l'opération : accroître les possibilités en matière d'aide au développement, augmenter les fonds propres de l'AFD ainsi que les volumes de prêts et de dons. Nous aimerions, monsieur Rioux, que vous entriez un peu plus dans les détails.

Selon la solution retenue en conseil des ministres, l'AFD serait intégrée au groupe CDC, tout en conservant son statut d'établissement public, mais une gouvernance croisée entre les deux institutions permettrait de faire de l'AFD plus qu'une simple filiale. Une fois ceci posé, une foule de questions surgit. Pourriez-vous nous éclairer sur la nature de cette gouvernance croisée ? Quelles sont les conséquences sur le partage des responsabilités entre l'AFD et la CDC et sur le personnel ? Nous savons que des liens financiers vont être tissés entre les deux institutions. Quels seront-ils ? Quoi qu'il en soit, l'État va devoir renforcer les fonds propres de l'AFD. De quelle manière va-t-il procéder ?

Nous sommes très intéressés ici par l'horizon géographique de cette nouvelle entité. Tout en comprenant l'élargissement envisagé, nous tenons beaucoup à la priorité africaine. Qu'en est-il ?

La CDC entretient des liens très forts avec les collectivités territoriales. Quelles seront les conséquences de ce rapprochement sur les liens avec les autres organismes qui s'occupent de nos relations économiques extérieures ?

Mes collègues auront d'autres questions à vous poser, d'autant que plusieurs d'entre eux siègent dans les conseils d'administration des organes qui sont impliqués, de l'AFD en premier lieu.

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Rémy Rioux, secrétaire général adjoint du ministère des affaires étrangères et du développement international, en charge des affaires économiques

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, merci pour votre accueil. Pour laisser du temps à la discussion, je vais essayer de ne pas être trop long, quitte à être un peu schématique. Je suis très heureux et honoré d'être devant vous. Le Parlement va évidemment jouer un rôle essentiel dans cette réforme. Il s'est déjà prononcé par la loi du 7 juillet 2014 qui fixe le cadre de cette réforme. Comme vous l'avez peut-être lu, l'idée est de revenir devant vous avec un texte de loi – qui n'est pas encore prêt – afin de légitimer, préciser, mettre en oeuvre cette réforme.

Ainsi que vous l'avez mentionné, l'Assemblée nationale est représentée dans les deux institutions : à la commission de surveillance de la CDC, qui étudie cette réforme et qui est présidée par M. Henri Emmanuelli, siègent M. Marc Goua et Mme Arlette Grosskost ; au conseil d'administration de l'AFD, devant lequel je suis intervenu, siègent M. Michel Destot, M. Stéphane Demilly, Mme Cécile Duflot et M. Jean-Marie Tetard. Ces parlementaires seront appelés à intervenir et à se prononcer sur ce rapprochement. Je me tiens bien sûr à leur disposition, dans tout format utile, pour échanger sur ce point. Je serai d'ailleurs auditionné demain par la commission de surveillance de la CDC après l'avoir été par le Sénat la semaine dernière. Je suis à votre entière disposition.

S'agissant du cadre politique dans lequel la mission de préfiguration a travaillé, je précise que mon rapport ne porte pas sur la politique de développement – dont les objectifs ont déjà été fixés par le législateur – mais, plus modestement, il tend à définir ce que l'AFD et la CDC sont capables de faire ensemble et sous quelle forme, au service de cette politique. Ceci explique que j'ai peu développé la question des secteurs sociaux, ce qui ne signifie pas que notre politique de développement doit être uniquement tournée vers les infrastructures ou la lutte contre le changement climatique. J'ai d'abord cherché à repérer les domaines où existent des synergies possibles, ce qui ne veut pas dire que l'AFD ne doit pas continuer à faire de la santé et de l'éducation.

Ce rapport a l'ambition d'essayer de construire un instrument bilatéral plus fort, plus puissant, plus visible et plus partenarial. Il répond ainsi, je l'espère, à une préoccupation souvent exprimée par la représentation nationale. Dans diverses fonctions précédentes, j'ai eu l'occasion de discuter avec certains d'entre vous de la nécessité de redonner de la puissance à notre instrument bilatéral, afin de renforcer notre politique de développement au plan international. Je suis passé par plusieurs des maisons qui s'intéressent à ce sujet : au ministère de l'intérieur, au Trésor où j'ai bien connu l'AFD, à l'Agence des participations de l'État, à la direction du cabinet du ministre de l'économie et des finances, et désormais au ministère des affaires étrangères. Je vois vraiment tout l'intérêt d'avoir une institution où toutes les forces qui peuvent contribuer à la politique de développement se retrouvent, se rassemblent et lancent plus d'actions. Fragile à bien des égards, la politique de développement a vraiment besoin du soutien de tous. Celui du groupe CDC peut constituer un renfort très précieux ; il peut même changer un peu l'orientation et la nature de cette politique, et la perception qu'en ont nos partenaires. Il faut ajouter les forces, sans perdre bien sûr le soutien de l'État.

Le rapport passe en revue les trois raisons de fond, politiques, qui justifient cette réforme au moment où elle intervient. Ne nions pas sa dimension conjoncturelle et financière : elle n'aurait sans doute pas vu le jour sans la proximité de la Conférence de Paris sur le climat. Pour entraîner tous nos partenaires et obtenir un accord, le Président de la République a fait une annonce financière qui a rencontré une préoccupation plus profonde : constatant que notre politique de développement s'est érodée depuis une quinzaine d'années, le Parlement et la société civile ont exprimé leur souhait de la voir dotée de moyens supplémentaires, que ce soit pour des financements ou des dons. La réforme constitue une réponse à cet appel.

Comme sa directrice générale vous l'a expliqué la semaine dernière, les financements annuels de l'AFD devraient passer de 8,5 milliards d'euros à plus de 12 milliards d'euros en 2020. Dans le monde des institutions de développement, l'AFD ferait ainsi jeu égal avec la Banque asiatique de développement (BAD), elle dépasserait son homologue allemande et même la Banque européenne d'investissement (BEI) si l'on ne retient que les mandats extérieurs à l'Europe de cette dernière, elle représenterait environ deux fois la Banque africaine de développement (BAD).

Conformément à l'annonce du Président de la République, l'enveloppe des dons devrait quant à elle augmenter de près de 400 millions d'euros à horizon 2020 et vous aurez à débattre de son affectation : aide bilatérale ou aide multilatérale, en particulier ? L'AFD et la CDC devront faire leurs preuves pour capter et gérer le maximum de cette enveloppe. Certes, l'aide au développement ne représentera pas encore 0,7 % du revenu national brut (RNB) comme en Grande-Bretagne, mais l'inflexion est notable. À noter un autre effet budgétaire qui n'est pas explicite : la bonification des prêts progressera au fur et à mesure que l'activité de l'AFD augmentera, d'ici à 2020.

La réforme s'explique également par une deuxième raison, plus structurelle : le nouveau cadre du développement décidé à New York par la communauté internationale, fixe le même agenda – le développement durable – aux pays développés comme aux pays en développement, et qui rejoint les préoccupations de la Conférence de Paris sur le climat. L'ensemble des pays du monde ont désormais un cadre, un engagement et dix-sept objectifs identiques, même si les moyens diffèrent et si les plus vulnérables bénéficieront d'appuis. Dans ce contexte, il est intéressant d'avoir un outil de développement qui serve à la fois pour son propre pays et pour ses partenaires.

Troisième raison : de plus en plus de pays se dotent d'institutions de ce type, c'est-à-dire de grandes banques publiques ou de pôles financiers publics qui peuvent financer leur propre économie et disposent de moyens d'action extérieure – appui au commerce extérieur ou aide au développement. Le rapport comporte une annexe sur les comparaisons internationales. Nous sommes allés en Allemagne voir comment fonctionne la Kreditanstalt für Wiederaufbau (KfW), l'institution la plus ancienne dans le domaine. Nous sommes aussi allés à Rome où Matteo Renzi a fait aboutir la réforme législative qui réorganise l'aide au développement italienne et donne à la Cassa depositi et prestiti (CDP) la capacité de faire des financements internationaux. Nombre de pays émergents – Afrique du Sud, Brésil, Chine, etc. – se sont aussi dotés de grandes banques publiques qui se déploient sur le plan domestique et à l'international.

Dans la deuxième partie du rapport de préfiguration, j'ai essayé de dessiner le projet que les deux institutions pourraient bâtir ensemble. Pierre-René Lemas, le directeur général de la CDC, présente la stratégie du groupe Caisse des dépôts autour de quatre transitions – écologique et énergétique, territoriale, numérique, démographique – dont la cohérence est évidente avec les actions de l'AFD. Dans le cadre d'une stratégie commune, un volet international de solidarité pourrait venir s'ajouter de façon extrêmement naturelle, et les deux institutions pourraient développer des outils et échanger des expertises pour le plus grand intérêt de nos partenaires.

L'horizon géographique dont vous avez parlé, Madame la Présidente, peut aussi s'envisager de façon renouvelée. Pour ma part, je n'ai aucun doute sur la priorité africaine et la nécessité de concentrer les moyens budgétaires sur ce continent auquel je m'intéresse depuis quinze ans. Mais la logique de partenariats différenciés, qui est au coeur de notre politique de développement et figure dans la loi de juillet 2014, ne nous interdit pas d'avoir des instruments plus proches de nos intérêts dans de nombreuses autres zones géographiques. Compte tenu du fait que ses filiales interviennent désormais dans les pays intermédiaires ou émergents, la CDC a une zone de contact de plus en plus large avec l'AFD, ce qui justifie des actions communes.

Outre cette volonté de bâtir une stratégie unique, le rapprochement se justifie par des logiques de métiers. Il y a dans le groupe CDC des expertises qui seront très utiles à notre politique de développement et qui sont peu mobilisées actuellement par nos instruments d'assistance technique et d'expertise. On ne va pas suffisamment chercher les experts de la CDC, et c'est dommage. Inversement, l'AFD dispose de compétences qui peuvent intéresser le groupe CDC. Dans l'intérêt des deux maisons, on peut essayer d'imaginer des logiques de viviers d'experts, d'échanges d'expériences nationales et internationales, de mobilité des personnels. Dans mon rapport, j'ai cité quelques domaines : le climat et l'énergie évidemment, le développement urbain, l'aménagement du territoire, ou encore les questions de protection sociale. Tous ces pays émergents sont en train de bâtir des systèmes de protection sociale voire des institutions comparables à notre caisse des dépôts, afin d'orienter l'épargne qui est en train de s'accumuler chez eux vers des investissements de long terme et des systèmes de protection sociale. Le nouveau groupe que nous imaginons sera capable d'exporter l'expérience française de façon beaucoup plus dynamique qu'on ne le fait à présent.

La diplomatie économique, sujet qui m'est cher compte tenu de mes fonctions actuelles, et toutes les questions sur l'aide, qui sont souvent débattues dans votre assemblée, peuvent également se penser d'une façon nouvelle aux bornes des deux institutions. Nous sommes certainement capables de mobiliser les instruments existant, notamment Bpifrance et Proparco, de manière plus intelligente et collective, pour le plus grand intérêt des entreprises, notamment des entreprises de taille intermédiaire (ETI), qui cherchent à s'implanter sur les marchés internationaux. Nous pouvons le faire sans pour autant revenir sur la mission de développement qui suppose d'apporter le meilleur service au meilleur prix dans les pays d'intervention.

Autre sujet d'importance : les outre-mer, seule zone où les deux institutions interviennent aujourd'hui concomitamment ; l'AFD est l'acteur historiquement le plus présent dans ces territoires, tandis que le groupe CDC monte en puissance et y intervient via la direction des fonds d'épargne et sa filiale Bpifrance. Dans ce domaine, il est envisageable de réorganiser les différents guichets, afin d'apporter plus de financements et un service plus dynamique aux économies ultramarines. Dans le rapport, je préconise la réorganisation en deux guichets, l'un public et l'autre privé, afin de mieux répondre aux attentes de ces territoires.

Enfin, je pense qu'il y a un beau projet à monter dans le domaine « formation, recherche et innovation ». Le groupe CDC n'a pas d'outil de formation ; ses capacités de recherche se sont un peu réduites depuis la cession d'Ixis. En revanche, la recherche représente une part importante de l'activité de l'AFD qui dispose notamment d'un centre de formation à Marseille, le Centre d'études financières, économiques et bancaires (CEFEB). Je suis sûr qu'il est possible de bâtir, autour des objectifs de développement durable qui sont les mêmes pour les deux maisons, un projet qui aurait beaucoup d'allure, de force et d'effet d'entraînement sur nos partenaires. Il revient aux deux maisons de bâtir le projet ensemble.

Nous avons ensuite tenté de répondre à la troisième question qui nous était posée : quelle forme pourrait prendre ce rapprochement ? Nous avons étudié quatre scénarios allant d'une intégration très peu poussée – création d'un simple fonds pour le climat – jusqu'à une forme très intégrée – la création d'une section au sein de l'établissement public CDC, solution pour laquelle la commission de surveillance de la Caisse a exprimé son intérêt. Un troisième modèle – création d'une filiale sur le modèle de Bpifrance – ne recueillait pas les suffrages de la CDC.

Nous avons donc cheminé tous ensemble depuis quelques mois, et il vous est finalement proposé une quatrième solution, qui suppose l'intervention du législateur. Comme vous l'avez indiqué, madame la présidente, l'idée est de permettre à l'AFD de conserver sa personnalité morale et son statut d'établissement public tout en bénéficiant de la proximité avec la CDC. L'AFD est, depuis la réforme de 1998, le lieu où s'accumule l'expérience du développement, la connaissance des pays du sud, des compétences qu'il faut préserver. L'État continue par ailleurs à transférer à l'AFD des compétences dans ces domaines, notamment en matière de gouvernance.

Le choix a donc été fait de garder cet instrument, de l'insérer dans le groupe CDC et de le restructurer très puissamment sur le plan financier puisqu'il est question de doubler ses fonds propres dès cette année et de poursuivre le mouvement en fixant une politique de distribution plus raisonnable que celle qui a été adoptée depuis quelques années, afin de parvenir à un quadruplement des fonds propres dans l'horizon des objectifs du développement durable. Il s'agit de construire un instrument puissant, qui a passé le stress test de la Banque centrale européenne (BCE), doté de fonds propres très considérablement renforcés lui permettant de porter les volumes de financement annoncés par le Président de la République.

L'idée est aussi de modifier son statut prudentiel afin d'en faire une société de financement – statut créé dans la loi bancaire – pour qu'elle ne soit plus une banque, un établissement de crédit. L'AFD, qui a dépassé le seuil des 30 milliards d'euros déclenchant une supervision de la BCE, pourrait revenir alors dans un cadre de supervision nationale.

Nous mettons ainsi l'objet en état de supporter ses engagements, montrant au passage à la CDC que la structure est financièrement saine et qu'il ne s'agit pas d'une opération de sauvetage. Il est très important d'aller chercher la CDC pour de bonnes raisons : créer des synergies et renforcer les interventions, en créant des liens entre les deux entités.

Plusieurs mesures proposées visent à créer un fort lien de gouvernance, notamment par la nomination d'administrateurs représentant la Caisse au conseil d'administration de l'AFD. Je propose aussi que le directeur général de la CDC préside le conseil d'administration de l'AFD, car il est le seul capable d'établir des connexions avec le reste de sa maison et d'en tirer des conséquences opérationnelles. Le directeur général de l'Agence serait nommé après avis du directeur général de la Caisse. Enfin, si la CDC le souhaite, le directeur général de l'AFD pourrait avoir également une responsabilité au sein du groupe CDC afin qu'il soit jugé non seulement sur sa capacité à gérer l'Agence et à la faire prospérer mais aussi sur son aptitude à l'intégrer harmonieusement et efficacement dans le groupe CDC. Toute cette dimension délicate concernant la gouvernance du nouveau groupe doit évidemment être discutée et soumise à votre approbation, compte tenu du statut de la CDC.

Les deux entités doivent aussi développer des liens financiers, sans faire courir évidemment le moindre risque à la CDC, compte tenu du montant et de la nature des sommes qu'elle gère. Il faut donc garantir l'étanchéité financière de l'AFD dans le groupe CDC. Cependant, dans le même temps, il est utile de développer des outils financiers communs. Le Président de la République a fait état d'une somme de 500 millions d'euros qui pourrait donner un premier élan à ce partenariat, reste à définir sous quelle forme elle pourrait être utilisée. Proparco, filiale de l'AFD dédiée au financement du secteur privé dans les zones d'intervention de l'Agence, peut apparaître comme un canal assez naturel. Il s'agirait de renforcer Proparco qui opère dans un domaine où la CDC possède de grandes compétences. Cette dernière pourrait en particulier apporter son expérience de l'investissement en fonds propres, domaine où l'AFD – qui fait essentiellement des dons et des prêts – est aujourd'hui peu présente. En la matière, il existe une grande complémentarité. Si Proparco peut être un canal prioritaire, on peut aussi imaginer une gouvernance partagée de fonds qui seraient confiés à l'AFD pour intervenir, par exemple, dans le montage de financement d'infrastructures en Afrique. L'électrification de l'Afrique, dont on a beaucoup parlé l'année dernière, pourrait être une voie prioritaire de ce partenariat.

Venons-en aux synergies. Je souhaiterais que le législateur donne un mandat clair pour que soient réalisées certaines synergies entre les deux établissements. L'idée est d'avoir un vrai réseau qui fonctionne de façon fluide à l'étranger, en outre-mer et en métropole. Je rêve que l'AFD puisse réponde qu'elle va étudier le dossier de toute entreprise qui s'adresse à elle dans un pays étranger, quitte à aller chercher la réponse au-delà de son périmètre habituel, dans ce grand groupe public. De la même manière, je rêve que les directeurs territoriaux de la CDC aillent voir les présidents de région, les maires des grandes métropoles, les chefs de grandes entreprises locales pour leur parler de développement international, et que des projets arrivent ensuite à l'AFD, charge à elle de les transformer ensuite en actions concrètes à l'étranger. À l'inverse, le réseau de l'AFD pourrait capter les expériences qui sont en cours dans des pays émergents ou en développement et les ramener en France.

À ces synergies de réseau et de métiers, il faut ajouter des synergies de coûts. L'AFD va beaucoup grossir ; le scénario dessine un développement considérable qui sera impossible à réaliser si la structure reste telle qu'elle est. Il faut donc envisager des recrutements, mais aussi des mutualisations avec la CDC, afin de renforcer la robustesse des procédures et assurer le développement dans les meilleures conditions. Ces mutualisations ne s'inscrivent pas dans une logique de restructuration à la baisse ; il s'agit d'accompagner la croissance de l'AFD, qui me semble une partie intégrante et positive du projet qui vous est présenté.

S'agissant du cadre social, on peut noter que le rapprochement s'effectue dans une certaine simplicité d'exécution puisque l'AFD conserve son statut d'établissement public. Nul besoin donc de redéfinir le cadre social des personnels de l'Agence, même s'il faut introduire une dynamique et prévoir des possibilités de mobilité à l'intérieur du groupe CDC. à les personnels de l'AFD ont rejoint l'Agence par conviction et c'est une grande force. Mais ces personnels peuvent avoir intérêt à exercer le même métier ou un autre en France, au sein du groupe CDC, puis à revenir. Réciproquement, nombre de cadres de la CDC seront certainement très intéressés par une expérience à l'étranger dans les agences de l'AFD. Il faut agir ici de façon très volontariste et les débats parlementaires seront très précieux ensuite, au moment de la mise en oeuvre de la réforme. Je pense qu'il faut insister fortement sur la mobilité : elle est attendue dans les deux maisons par des personnels qui, dans ce schéma, sont rassurés sur leur avenir. Il n'y a rien à perdre dans un rapprochement de ce type.

Pour conclure, je vais dire juste un mot des réactions publiques qui ont accueilli la sortie de ce rapport, il y a deux semaines, et, surtout, les propos du Président de la République. Le syndicat majoritaire de l'AFD s'est montré très favorable au projet. Roland Ries, le président de l'association Cités unies France (CUF) – qui représente l'action internationale des collectivités locales – a également marqué son intérêt pour le projet. Grâce au renfort de la CDC, les actions internationales des collectivités locales bénéficieront d'un appui accru et renouvelé. C'est une dimension très importante de la réforme. Le Mouvement des entreprises de France (MEDEF) a pris position favorablement, de même que la Coordination SUD (Solidarité urgence développement). J'ai eu un très intéressant échange avec les syndicats de la CDC au sein du Comité mixte d'information et de concertation (CMIC) – mais je ne crois pas qu'ils aient pris position de manière officielle pour l'heure.

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Quel est le syndicat majoritaire à l'AFD et à la CDC ?

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Rémy Rioux, secrétaire général adjoint du ministère des affaires étrangères et du développement international, en charge des affaires économiques

Force ouvrière (FO) est majoritaire à l'AFD, et la CGT est majoritaire à la CDC.

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Merci beaucoup pour cette présentation. Nous espérons, comme vous, que le rapprochement sera « gagnant-gagnant », mais nous allons devoir examiner le projet un peu plus au fond.

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Merci, madame la présidente, d'avoir organisé, à une semaine d'intervalle, l'audition de Mme Paugam et celle de M. Rioux, sur les mêmes points du dossier. Il est absolument essentiel que nous enregistrions les options en cours.

Le rapprochement suscite pratiquement l'unanimité, en tout cas de nombreuses voix s'élèvent pour dire que c'est une très bonne chose. Le nouveau groupe bénéficiera d'une puissance financière accrue – fonds propres, prêts, dons – et d'une ouverture sur le réseau des collectivités territoriales.

Je voudrais aborder cinq points sous forme de question.

Première question : quelle pourrait être la composition du conseil d'administration ? Vous avez évoqué la création d'un poste de président-directeur général (PDG) puisque les deux fonctions seront vraisemblablement réunies sur la même tête, mais il me semble tout à fait essentiel de modifier aussi la composition du conseil d'administration. Étant administrateur de l'AFD, je constate qu'il y a beaucoup de monde autour de la table, mais je ne suis pas certain que les personnes les plus indiquées y soient. Qu'il y ait des représentants de l'État, du Parlement et de la CDC, cela va de soi. Mais il me semble important que les collectivités territoriales y siègent en tant que telles, et pas seulement par le biais de représentants de l'Assemblée nationale et du Sénat. Les organisations non gouvernementales (ONG) et les entreprises mériteraient aussi d'être là, et pas seulement à travers une filiale de l'AFD, qui deviendra une filiale de la filiale, d'une certaine façon. Ces entités doivent être effectivement représentées pour que l'on puisse aborder toutes les questions.

Deuxième question : n'est-ce pas le moment de dépasser l'espèce de conflit économico-idéologique entre aide liée et aide non liée, qui défavorise souvent le monde économique français et les entreprises françaises ?

Troisième question connectée à la précédente : comment améliorer la coordination entre nos différentes représentations – politique économique, solidarité internationale – à l'étranger ? Nous avons tous pu constater sur le terrain qu'il était très difficile d'entendre des voix différentes sinon discordantes, et que l'efficacité n'était pas toujours au rendez-vous. Selon vous, quelle devrait être la place de l'ambassadeur ? Doit-il être un coordinateur ou seulement le représentant du ministre des affaires étrangères ?

Quatrième question : comment mieux articuler au plan international les actions du futur groupe CDC-AFD et celles des collectivités ? Dans ce domaine, l'effet bénéfique de la CDC est peut-être un peu surévalué. Intervenir à l'étranger n'est pas dans la culture de la CDC dans son ensemble, seulement dans celle de certaines de ses filiales. Dans un premier temps, il y a beaucoup plus à apprendre des régions, des grandes villes et des métropoles. Je pense, par exemple, au concept de ville durable, à des équipements sociaux ou hospitaliers qui sont de véritables références en France et qui doivent être valorisés à l'étranger, y compris dans l'action de cette nouvelle entité. Qu'en pensez-vous ?

Enfin, vous avez évoqué, à juste titre, l'enrichissement que peut représenter la réforme en termes de parcours professionnels pour les salariés des deux entités. Comment peut-on l'organiser ? Peut-il y avoir une politique de ressources humaines commune ? Si la mobilité repose sur le seul volontariat, je crains qu'il ne faille attendre une décennie, voire une génération, avant que les deux cultures ne se fondent. Il faut aller plus vite que cela, pour les raisons que vous avez évoquées. Ceux qui étaient très jeunes à leur arrivée à l'AFD – et qui le sont un peu moins aujourd'hui – se trouvent bloqués dans leur évolution de carrière ; il me semble important de leur proposer des débouchés à la faveur de ce rapprochement. De même, il pourrait être valorisant pour certains cadres de la CDC de faire un parcours au sein de l'AFD.

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J'adhère aux propos de Michel Destot, au moins sur deux points : l'aide liée et la place de nos ambassadeurs dans le dispositif. S'agissant de ces derniers, soit ils sont seulement informés de ce qui se passe, soit ils ont un réel pouvoir. Il est clair que si nous voulons redonner de la force à notre politique étrangère, il faut vraiment que les ambassadeurs soient au coeur du dispositif.

Je voulais aussi vous interroger sur Proparco dont vous avez dit quelques mots. Quelle est l'importance envisagée ou souhaitable de la recapitalisation de cet instrument très utile ?

Plus globalement, pouvez-vous nous donner des assurances à long terme concernant le tropisme africain qui aurait dû être la marque de l'AFD ? Ici, nous sommes extrêmement sensibles à ce sujet. Des garanties sont-elles prévues dans les dispositifs sur lesquels vous travaillez ?

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Ma première question porte sur le fonctionnement du futur groupe, et notamment sur la place qui sera accordée aux parlementaires. Cette question récurrente nourrit nos débats avec l'AFD depuis de longues années. L'important est de faire mieux et de mettre en place un dispositif qui permette aux parlementaires, qui font de réels efforts pour peser sur les orientations de l'AFD, d'être davantage associés à la définition des stratégies.

Ma deuxième question concerne les dons que le Président de la République s'est engagé à renforcer de manière significative à l'horizon de 2020. Non seulement nous sommes favorables à ce renforcement mais, en octobre dernier, nous avons adopté un amendement affectant une partie de la taxe sur les transactions financières à ces dons. À votre avis, comment l'engagement du Président de la République peut-il être tenu ?

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Monsieur le secrétaire général, je vous remercie de m'avoir transmis le rapport intégral, même si je n'ai pas eu trop le temps de le lire. Vous êtes auditionné demain par la commission de surveillance de la CDC où ne manqueront pas de s'exprimer quelques réticences, non pas sur le fond et les objectifs de la réforme mais sur certains aspects juridiques concernant notamment la gouvernance.

La CDC et l'AFD sont deux établissements distincts, le premier étant placé sous la protection du Parlement et le second sous la protection de l'État. D'une part, la CDC ne traitera pas l'AFD comme ses autres filiales qui ont pour but de conforter ses résultats. D'autre part, alors que la CDC est très jalouse de son modèle prudentiel, l'AFD va prendre le statut d'établissement financier et passer ainsi sous la protection de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Cependant, il semblerait que Bruxelles ait quelques velléités d'appliquer les règles de Bâle III à tous les établissements. Nous sommes un peu inquiets car, d'après ce qu'on nous a dit, il y aurait des problèmes notamment en Allemagne.

Vous avez répondu à une question que l'on se posait sur la garantie de l'État qui doit être implicite ou explicite. L'État doit effectivement s'engager à être le garant définitif de l'AFD.

Vous serez demain sous le feu des questions des commissaires surveillants concernant tous ces points. Cela étant, nous restons évidemment favorables à cette opération qui permet de créer un important outil de développement à l'international, en phase avec la COP21.

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Je crois savoir, en effet, que la CDC ne répond qu'au Parlement et qu'elle est encore indépendante du Gouvernement. Si cela pouvait conduire l'AFD à dépendre davantage du Parlement qui fait aussi partie de l'État, cela ne serait pas plus mal. (Sourires.)

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Je travaille actuellement à un rapport sur l'Amérique Latine, et j'ai reçu des représentants de l'AFD qui s'occupent de ce continent. Deux questions se sont posées, qui sont très générales par rapport à votre intervention. D'une part, dans les exposés qui ont été faits dans le cadre de la mission d'information, on m'a parlé tantôt de la fonction d'aide, tantôt de la fonction de banque. La synthèse nécessaire semble d'autant plus difficile à exprimer dans le contexte de ce rapprochement entre l'AFD et la CDC, lui-même assez difficile à discerner, dans la mesure où chaque entité garde sa personnalité.

D'autre part, la diplomatie économique est tellement brillante et avancée, que certaines élites des pays d'Amérique Latine, qui portent un intérêt à la culture française et à sa vision de l'avenir, trouvent souvent que l'ambassadeur et le ministre en visite cherchent essentiellement à vendre des hélicoptères ou des avions et qu'ils accordent peu d'intérêt – quand ce n'est pas du mépris – à la pensée économique et politique de ces pays.

Par ailleurs, à Marseille, capitale de la région où je suis député, nous nous inquiétons de l'avenir du CEFEB. Avez-vous des informations à nous donner à ce sujet ?

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Je voudrais poursuivre les réflexions de Michel Terrot et de Philippe Baumel concernant Proparco. Dans cette salle, au sein de la Commission des affaires étrangères, nous avons beaucoup discuté, nous nous sommes beaucoup interrogés, et nous avons eu assez peu de réponses sur cette filiale. À la page 16 de votre rapport de préfiguration, vous décrivez les futures synergies, les travaux et les convergences que vous allez proposer entre l'AFD et la CDC, à l'issue de votre mission. Or, avec Proparco, nous avons rencontré des difficultés de reporting, de transparence et de gouvernance. Ce fonds, cette banque, ce bras armé de l'AFD fait à peu près ce qu'il veut sans rendre compte à quiconque. En tout cas, il ne rend pas compte aux parlementaires que nous sommes.

Vous préconisez une synergie entre Bpifrance et Proparco. Vous proposez aussi que Proparco crée un lien suffisamment fort avec CDC International pour pouvoir aller y puiser des fonds propres. Quel contrôle sera exercé par les parlementaires, par le groupe ? Quelle sera la transparence de ces investissements ? On nous a souvent expliqué que Proparco servait d'effet de levier mais nous l'avons rarement vu. Bpifrance, qui a mis du temps à s'installer dans notre paysage national, commence à produire des effets positifs pour notre économie. Mais nous n'avons pas de visibilité sur les investissements de Bpifrance en région. Nous avons des résultats macroéconomiques – sur la région Bretagne où je suis élu, par exemple – mais nous n'avons jamais les investissements précis dans telle ou telle entreprise. Si c'est difficile sur le territoire national, je crains que cela ne devienne totalement impossible à l'échelle du monde. En votre qualité de préfigurateur, avez-vous imaginé des garde-fous et des outils de transparence permettant de s'assurer que ces fonds publics iront au bon endroit ?

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Ce n'est pas la première fois que nous assistons au rapprochement entre deux structures et celui-là m'inspire la question suivante : a-t-il lieu parce que le Président de la République l'a voulu et motivé, ou l'opération obéit-elle à un effet de mode ? Je pense à la fusion entre l'Agence française pour les investissements internationaux (AFII) et Ubifrance, à la création de France expertise internationale (FEI), etc.

Qui dit rapprochement, dit mutualisation, baisse des moyens, baisse des coûts. Pouvez-vous assurer qu'il n'y aura absolument aucune baisse des coûts – de personnel en particulier – dans le cadre de la mutualisation ? J'avais cru comprendre que le personnel n'était pas forcément très favorable à la chose. J'avais lu cela dans la presse qui, manifestement était mal informée, si j'en juge d'après votre intervention. Je ne sais pas comment se passera ce rapprochement mais j'ai une expérience de fusions de régions. Je peux vous assurer que l'appel aux volontaires, ce n'est pas quelque chose que l'on ressent d'une façon très efficace sur le terrain. Peut-être que je me trompe…

La loi du 7 juillet 2014 permet à l'AFD d'intervenir dans tous les pays en développement. Il a été précisé ensuite qu'elle devait consacrer au moins 50 % de ses interventions aux pays de l'Afrique méditerranéenne et du Sahel. Quand je regarde ces pays, je me dis qu'ils ont besoin de dons et non de prêts qu'ils ne pourront pas rembourser. Pourriez-vous nous apporter des précisions dans ce domaine, sachant que le bilan de l'AFD est passé de 30 milliards d'euros à 90 milliards d'euros en très peu de temps ?

La France, comme les autres pays développés, s'est engagée à consacrer 0,7 % de son RNB à l'aide au développement. Nous en sommes très loin. Comment peut-on dire que l'on va faire plus quand on donne moins ?

Mon ami Michel Destot a raison de souligner que les coopérations décentralisées ne sont pas du tout intégrées. Or elles existent, elles coûtent cher, elles ne sont pas obligatoirement cohérentes, elles peuvent doublonner au point d'annihiler parfois certaines actions. Par conséquent, il est nécessaire de donner un véritable statut à la coopération décentralisée, de l'encadrer avec des compétences.

Pour terminer, je voudrais souligner le rôle fondamental que l'on va laisser aux parlementaires dans cette nouvelle structure. Il sera, à mon avis, à la hauteur de ce qu'il était dans les composantes de FEI, dans l'AFD, dans Ubifrance devenu Business France. Je ne peux qu'être rassuré pour l'avenir.

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Nous souhaitons, en effet, que les collectivités territoriales soient impliquées le plus tôt possible, en amont, à la définition des politiques publiques et que l'on parle de décentralisation, d'État de droit, etc. Elles ont déjà une expertise, un savoir-faire, comme le montrent de très nombreux exemples. Doivent-elles siéger au conseil d'administration ou ailleurs ? Quoi qu'il en soit, elles doivent avoir une proximité avec le plus haut niveau de gouvernance.

En matière de fonctionnement, j'ai cité à Mme Paugam l'exemple des documents d'orientation qui sont élaborés dans les régions avec de nombreux partenaires, notamment des pays européens. Depuis peu, le tour de table peut aussi compter des partenaires japonais. Frappé par le terrorisme, le Japon ne peut pas participer à des opérations militaires pour des raisons constitutionnelles, mais il intervient désormais dans le développement. Où peut-on définir ensemble ces politiques ? Avec l'AFD et la CDC, nous pouvons créer des outils performants. Il faut y travailler. Nous pourrons en mesurer l'incidence diplomatique pour la France et pour l'Europe.

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À mon avis, ce rapprochement est une excellente idée. D'ailleurs, nous aurions dû y penser plus tôt mais personne n'est parfait. Comme l'a fait mon collègue Bacquet il y a un instant, j'appelle cependant votre attention sur les appréhensions des personnels. J'ai eu l'occasion de constater que la fusion de quatre ou cinq organismes dans Expertise France, par exemple, ne s'est pas faite sans difficultés. Les syndicats sont essentiellement conservateurs, j'ose le dire.

En ce qui concerne Proparco, j'adhère totalement aux propos de mes collègues, notamment Gwenegan Bui. Il faut une loupe pour regarder ce qui s'est passé depuis quelques années, et cela nous réserve quelques surprises. Une extrême vigilance s'impose dans la manière d'inclure Propaco dans le nouveau groupe. Proparco, ce n'est pas l'AFD. J'ai eu quelques exemples précis de dérives, mais je préfère m'arrêter là.

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Rémy Rioux, secrétaire général adjoint du ministère des affaires étrangères et du développement international, en charge des affaires économiques

S'agissant de la gouvernance, le décret statutaire de l'AFD devra être revu une fois la loi votée, mais je ne vois pas comment ce rapprochement pourrait se traduire par une réduction du rôle du Parlement ! Cela n'aurait aucun sens. Huit parlementaires – quatre administrateurs et leurs suppléants – sont actuellement impliqués dans la gouvernance de l'Agence. Je ne crois pas qu'il puisse y avoir le moindre recul sur ce point. En outre, la commission de surveillance de la CDC, présidée par M. Henri Emmanuelli et où siègent certains de vos collègues, sera aussi amenée à donner des avis, sous des formes qui restent à définir mais, a minima, comme elle le fait déjà vis-à-vis des filiales de la CDC.

Pour avoir siégé au conseil de l'AFD, je n'ignore pas que c'est le lieu où la politique de développement s'incarne tous les mois. Il est très important que toutes les parties prenantes soient autour de la table. Il va donc falloir faire une place éminente à la CDC ; il faut que l'État reste très impliqué à travers ses différentes incarnations, y compris la représentation parlementaire ; les ONG sont représentées par le président de Coordination SUD et les entreprises ont un siège que se partagent le MEDEF et le Conseil français des investisseurs en Afrique (CIAN). Les collectivités territoriales ne sont pas représentées et j'ai proposé de remédier à cette absence. Plusieurs organisations sont en train de se rapprocher et je pense que le président de la future structure qui les représentera devra siéger au conseil d'administration de l'AFD pour qu'il y ait un équilibre et que ce soit un lieu de débat sur la politique de développement.

Vous m'interrogez sur le rôle de l'ambassadeur. Cette réforme n'a pas pour objet de transférer la politique de développement à la CDC qui n'a d'ailleurs pas exprimé ce souhait. Mais la Caisse peut contribuer à cette politique et c'est heureux. En effet, la politique de développement ne se résume plus à des relations entre des États, elle implique désormais de très nombreux acteurs, tout en restant un élément de la politique étrangère de la France, une politique d'État dotée d'un financement budgétaire. Au sein du groupe CDC, ce sera demain l'activité qui recevra le plus du budget de l'État, et ses moyens seront accrus dans le cadre de cette réforme. Le groupe doit donc avoir des liens étroits avec l'État et aussi les ambassadeurs des pays où il intervient. Selon une logique très claire, l'ambassadeur est le représentant de l'ensemble du Gouvernement, et certains opérateurs ont des liens avec le Gouvernement au plan central comme au plan local. Plus ces liens sont proches, plus le dispositif français est cohérent et efficace dans chacun des pays, mieux c'est. Il faut tout faire pour renforcer ce pouvoir de l'ambassadeur dans la coordination de l'ensemble des actions.

Il faut, je crois, dépasser la problématique aide liée et aide non liée, comme vous le dites, monsieur Destot. Oui. Je vais poursuivre ma mission de préfiguration et m'intéresser plus en détail aux relations avec le secteur privé, ce qui n'est pas sans lien avec les questions soulevées sur Proparco. On peut imaginer un écosystème plus soucieux des attentes des entreprises françaises, notamment de celles des petites et moyennes entreprises (PME) et des ETI, qui soit capable de jouer avec différents instruments financiers de façon plus cohérente et d'assurer une sorte de suivi-client d'une entreprise. On peut très bien imaginer que Bpifrance investisse dans une entreprise sous forme de prêts et de prise de participation, et que le groupe aide cette entreprise à se positionner sur des marchés extérieurs qui sont aussi des marchés d'aide au développement, qu'ils soient bilatéraux ou multilatéraux. La question de l'assistance technique est aussi importante de ce point de vue, dans le respect des règles de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

L'AFD a entendu le message mais on peut sans doute aller plus loin dans ce nouveau cadre pour aider nos entreprises à s'implanter à l'étranger, tout en apportant aux pays un service au meilleur coût. À cet égard, je ne serais pas choqué qu'une agence telle que l'AFD soit plus intrusive et demande des éléments de comptabilité analytique aux entreprises qui viennent à elle avec un projet, afin de garantir aux pays en développement bénéficiaires que les marges bénéficiaires ne sont pas excessives par rapport à la moyenne du secteur. Cela existe dans certains marchés, du secteur de la défense notamment, que j'ai contrôlés naguère. L'État introduit parfois des clauses qui permettent d'aller assez loin dans la comptabilité analytique des entreprises. Ce genre de clause pourrait exister dans les marchés d'aide au développement.

Sur l'action des collectivités locales et l'AFD, j'ai fait quelques propositions dans le rapport. Il faut associer les collectivités locales, sans oublier les plus petites, à la gouvernance. Je pense qu'il faut un guichet unique. Souvent j'entends dire que l'AFD fait refaire des études alors que les services techniques de grandes collectivités sont intervenus très en amont auprès de leurs partenaires du sud. Si des études de grande qualité ont été faites, il faut que le financement arrive vite, sans perte de temps. Des procédures de certification ou des liens plus normés, respectant bien sûr le principe de libre administration des collectivités locales, permettraient sans doute d'y parvenir.

Vous avez raison, monsieur Destot, la mobilité des personnels devra être impulsée par les dirigeants. Elle ne se fera pas toute seule. Il faudra, par exemple, déterminer le nombre de postes de directeurs qui seront occupés par des gens de l'autre entité. Il faudra prévoir un cadre juridique clair et prendre des décisions de management afin de faciliter et encourager ces mouvements.

J'en profite pour répondre à M. Bacquet et M. Loncle. J'ai bien suivi les différentes opérations que vous mentionnez : Bpifrance, AFII, Ubifrance. Mais dans le cas présent, il s'agit d'un regroupement d'établissements publics – et non pas d'une fusion – que seul le législateur peut faire puisque ce n'est pas le droit des sociétés qui s'applique. Dans son histoire, le groupe CDC a su prendre des formes juridiques parfois innovantes. Dans le cas présent, ses personnels avaient des interrogations sur l'accueil de salariés qui ont des contrats différents et qui ont construit d'autres équilibres syndicaux. Il ne s'agit pas de gérer une fusion brutale.

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Une fusion a certes ses inconvénients, elle est brutale, mais on peut définir exactement ce que l'on veut. Un rapprochement, cela ne veut rien dire du tout. Faut-il parler de rapprochement-absorption ? Prenons l'exemple de la Fédération hospitalière de France qui se réorganise à la faveur du redécoupage des régions. Dans le cadre de fusions ou de rapprochements-absorptions, certaines fédérations régionales disparaissent totalement. C'est loin d'être évident.

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Rémy Rioux, secrétaire général adjoint du ministère des affaires étrangères et du développement international, en charge des affaires économiques

Le schéma retenu pour le rapprochement CDC-AFD n'est pas du tout négatif pour les salariés. La taille de l'Agence va augmenter de 50 % et l'heure n'est pas à la réduction des effectifs, bien au contraire : l'AFD va recruter dans les années qui viennent. Son problème va plutôt être de faire face à une augmentation très rapide de ses engagements, compte tenu de ce qu'est le cycle, souvent très long, des projets de développement. L'Agence va probablement aller chercher l'appui du groupe CDC dans certains domaines, afin de dégager plus de moyens pour ses fonctions opérationnelles. Telle est la logique que j'imagine.

J'ai bien noté vos remarques concernant Proparco. Cette filiale de l'AFD, qui a 800 millions d'euros de fonds propres pour un total de bilan de 4 milliards d'euros, est un instrument très utile. La Caisse peut y jouer un rôle très important et des liens peuvent s'établir via le tissu économique français. Le Parlement doit-il y être représenté ? Des parlementaires siègent au conseil d'administration de Bpifrance, et des modes de transparence existent dans certaines autres filiales du groupe CDC. Nous allons redéfinir un projet pour Proparco. Jusqu'où ira cette redéfinition ? Quelles conséquences aura-t-elle sur la gouvernance ? Il faut commencer à y réfléchir.

Monsieur Baumel, vous m'avez interrogé sur les dons. Il faut des dons pour l'adaptation, les pays en crise, les secteurs sociaux. Si nous voulons rester présents et être plus actifs dans ces domaines, il nous faut des enveloppes accrues. Il revient au Parlement de les définir, d'en fixer les normes, de les voter. Nous devons aussi avoir un outil bilatéral plus fort, qui puisse produire un effet d'entraînement sur l'aide multilatérale. Peut-être serait-il judicieux de dupliquer ce que nous avons fait avec le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme (FMLSTP) dans d'autres institutions multilatérales. L'idée est d'articuler très étroitement les enveloppes bilatérales aux fonds multilatéraux afin d'orienter davantage ces derniers.

Quelle serait la bonne place de l'AFD dans le groupe CDC ? À mon avis, il faudrait que l'Agence soit plus qu'une filiale et moins qu'une section. La relation ne doit pas se limiter à celle d'une maison mère à une filiale dans laquelle elle possèderait une participation minoritaire. Le rapprochement, tel que me semble l'envisager aussi Pierre-René Lemas, peut avoir des conséquences sur l'internationalisation de la CDC elle-même. Je souhaite que le législateur arrive à définir cette place singulière de l'AFD dans le groupe.

Quant au débat sur le cadre prudentiel de l'établissement public CDC, il est récurrent. Je note toutefois que la création de Bpifrance n'a eu aucune incidence sur le cadre prudentiel et je ne vois pas pourquoi l'opération en cours concernant l'AFD en aurait. Le reste est un débat qui dépasse cette seule opération.

Monsieur Vauzelle, vous avez évoqué une synthèse, qui serait difficile à faire, entre les activités bancaires et l'aide au développement. Contrairement au Department for international development (DFID) britannique, l'agence nationale qui administre l'aide publique au développement du Royaume-Uni depuis 1997, l'AFD n'a pas un statut de ministère. Et alors que le DFID ne fait que des dons, l'AFD dispose d'une panoplie d'outils financiers, ce qui est une grande force. Les conclusions de la conférence internationale sur le financement du développement, qui s'est déroulée l'an dernier à Addis-Abeba, vont d'ailleurs clairement dans ce sens : il faut bien sûr des dons mais aussi tout un ensemble d'instruments de financement pour aider les pays en développement. Après la réforme, l'AFD se situera pleinement dans cette optique et elle pourra apporter des soutiens innovantes aux ministères des finances des pays concernés.

Vous m'avez aussi interrogé sur la diplomatie économique. À mon avis, quand l'AFD se présentera en tant que membre du groupe CDC, elle sera perçue d'une autre manière dans les grands pays émergents et dans les pays pauvres. Cette étiquette change assez fondamentalement la présentation et la relation avec le pays partenaire, comme nous l'ont confirmé Allemands, se référant à la perception de la KfW. L'Agence pourra faire valoir une expérience de 200 ans dans le développement, l'industrialisation et la mise en place de services sociaux en France. Elle pourra mobiliser des compétences dans ces domaines et, en plus, apporter des financements sous forme d'aide publique au développement. Dans ce cas-là, on ne vient pas seulement pour vendre des hélicoptères, encore que ce ne soit pas une tâche ignoble, loin s'en faut. (Sourires.)

Monsieur Vauzelle, vous vous inquiétez pour CEFEB. Pour ma part, je pense qu'il y a un très beau projet à monter entre la CDC – qui n'a pas d'outil de formation interne –, l'AFD, l'Institut de recherche pour le développement (IRD) et le CEFEB. Les deux premières sont à Paris, les deux derniers sont à Marseille, mais l'IRD possède aussi à Bondy un campus qui héberge notamment Bond'innov, un incubateur de projets innovants. Bpifrance peut, quant à elle, donner un accès à la french tech et à tout ce milieu d'innovateurs. Avec toutes ces compétences réparties en deux pôles, il est possible de monter un projet qui soit dans l'intérêt commun et aussi dans l'intérêt de la ville de Marseille. Aux inventeurs de nouvelles technologies et applications, il serait possible de proposer des marchés dans les pays en développement. Uber pose des problèmes en France ; Uber, BlaBlaCar et autres n'en poseraient peut-être pas, ou moins, à Abidjan. Dans les pays en développement, le saut technologique permet souvent d'apporter aux gens des services qui n'existent pas. Les agences de développement et des structures telles que Proparco doivent se tourner vers ces innovateurs et leur demander de réfléchir – pas de façon désintéressée parce que des marchés apparaissent au sud – à l'implantation de leurs technologies dans ces pays.

M. Bui a posé la question du contrôle de Proparco. J'ai entendu le message et je vois qu'il y a un sujet sur lequel nous allons travailler. La réforme nous offre cette occasion.

L'Afrique du Nord et l'Afrique subsaharienne ne reçoivent pas que des dons, fort heureusement. On peut et on doit y faire des prêts, y apporter des garanties et des fonds propres, notamment au fur et à mesure que le secteur privé se développe. La part de dons est probablement plus élevée, mais ces zones géographiques s'ouvrent aussi aux autres instruments financiers.

M. Chauveau a insisté sur le lien avec les collectivités territoriales. Je suis convaincu qu'il y a les relations d'État à État mais qu'il y a d'autres influences sur la politique de développement. Les élus peuvent parler aux élus et se dirent des choses que les Gouvernements ne peuvent pas se dire, que ce soit dans une logique de développement, d'influence, de diplomatie économique. C'est une valeur ajoutée et un avantage comparatif de la coopération française. Quant aux dispositifs, ils sont un peu éclatés. La réforme offre l'opportunité de les repenser et de les mettre dans une institution qui va s'en trouver modifiée. L'AFD n'a pas toujours été assez proche de ces initiatives et il faut y remédier.

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Merci beaucoup pour vos réponses. Nous sommes tous convaincus de l'utilité et de l'intérêt d'un rapprochement. Encore faut-il, puisque le diable se niche dans les détails, que l'on regarde très précisément ce que cela veut dire, à l'occasion du projet de loi. Avez-vous des informations à nous donner sur la forme que prendra ce texte et sur le calendrier d'examen ?

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Rémy Rioux, secrétaire général adjoint du ministère des affaires étrangères et du développement international, en charge des affaires économiques

Je dépasse ma condition de préfigurateur en vous répondant sur ce point. D'après ce que j'ai compris, cette réforme pourrait s'intégrer dans le projet de loi sur la transparence de la vie économique, dit Sapin II, qui pourrait aussi reprendre certaines dispositions figurant dans le texte sur les nouvelles opportunités économiques (Noé). On me parle d'une présentation en conseil des ministres en mars, sachant qu'il n'y a pas encore de texte au Conseil d'État. Comme le Président de la République avait fixé l'échéance au premier trimestre, nous sommes encore dans le cadre de cet engagement jusqu'à la fin du mois de mars.

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Il va falloir aller vite, parce que le sujet est quand même complexe. Nous verrons quel sera le degré de précision de ce texte, mais nous aurons besoin d'éclaircissements sur tout ce qui ne sera pas de nature législative. Nous comptons beaucoup sur vous pour répondre, autant que possible, à toutes ces questions. Merci infiniment.

La séance est levée à dix-huit heures quinze.