Intervention de Rémy Rioux

Réunion du 26 janvier 2016 à 17h00
Commission des affaires étrangères

Rémy Rioux, secrétaire général adjoint du ministère des affaires étrangères et du développement international, en charge des affaires économiques :

Le schéma retenu pour le rapprochement CDC-AFD n'est pas du tout négatif pour les salariés. La taille de l'Agence va augmenter de 50 % et l'heure n'est pas à la réduction des effectifs, bien au contraire : l'AFD va recruter dans les années qui viennent. Son problème va plutôt être de faire face à une augmentation très rapide de ses engagements, compte tenu de ce qu'est le cycle, souvent très long, des projets de développement. L'Agence va probablement aller chercher l'appui du groupe CDC dans certains domaines, afin de dégager plus de moyens pour ses fonctions opérationnelles. Telle est la logique que j'imagine.

J'ai bien noté vos remarques concernant Proparco. Cette filiale de l'AFD, qui a 800 millions d'euros de fonds propres pour un total de bilan de 4 milliards d'euros, est un instrument très utile. La Caisse peut y jouer un rôle très important et des liens peuvent s'établir via le tissu économique français. Le Parlement doit-il y être représenté ? Des parlementaires siègent au conseil d'administration de Bpifrance, et des modes de transparence existent dans certaines autres filiales du groupe CDC. Nous allons redéfinir un projet pour Proparco. Jusqu'où ira cette redéfinition ? Quelles conséquences aura-t-elle sur la gouvernance ? Il faut commencer à y réfléchir.

Monsieur Baumel, vous m'avez interrogé sur les dons. Il faut des dons pour l'adaptation, les pays en crise, les secteurs sociaux. Si nous voulons rester présents et être plus actifs dans ces domaines, il nous faut des enveloppes accrues. Il revient au Parlement de les définir, d'en fixer les normes, de les voter. Nous devons aussi avoir un outil bilatéral plus fort, qui puisse produire un effet d'entraînement sur l'aide multilatérale. Peut-être serait-il judicieux de dupliquer ce que nous avons fait avec le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme (FMLSTP) dans d'autres institutions multilatérales. L'idée est d'articuler très étroitement les enveloppes bilatérales aux fonds multilatéraux afin d'orienter davantage ces derniers.

Quelle serait la bonne place de l'AFD dans le groupe CDC ? À mon avis, il faudrait que l'Agence soit plus qu'une filiale et moins qu'une section. La relation ne doit pas se limiter à celle d'une maison mère à une filiale dans laquelle elle possèderait une participation minoritaire. Le rapprochement, tel que me semble l'envisager aussi Pierre-René Lemas, peut avoir des conséquences sur l'internationalisation de la CDC elle-même. Je souhaite que le législateur arrive à définir cette place singulière de l'AFD dans le groupe.

Quant au débat sur le cadre prudentiel de l'établissement public CDC, il est récurrent. Je note toutefois que la création de Bpifrance n'a eu aucune incidence sur le cadre prudentiel et je ne vois pas pourquoi l'opération en cours concernant l'AFD en aurait. Le reste est un débat qui dépasse cette seule opération.

Monsieur Vauzelle, vous avez évoqué une synthèse, qui serait difficile à faire, entre les activités bancaires et l'aide au développement. Contrairement au Department for international development (DFID) britannique, l'agence nationale qui administre l'aide publique au développement du Royaume-Uni depuis 1997, l'AFD n'a pas un statut de ministère. Et alors que le DFID ne fait que des dons, l'AFD dispose d'une panoplie d'outils financiers, ce qui est une grande force. Les conclusions de la conférence internationale sur le financement du développement, qui s'est déroulée l'an dernier à Addis-Abeba, vont d'ailleurs clairement dans ce sens : il faut bien sûr des dons mais aussi tout un ensemble d'instruments de financement pour aider les pays en développement. Après la réforme, l'AFD se situera pleinement dans cette optique et elle pourra apporter des soutiens innovantes aux ministères des finances des pays concernés.

Vous m'avez aussi interrogé sur la diplomatie économique. À mon avis, quand l'AFD se présentera en tant que membre du groupe CDC, elle sera perçue d'une autre manière dans les grands pays émergents et dans les pays pauvres. Cette étiquette change assez fondamentalement la présentation et la relation avec le pays partenaire, comme nous l'ont confirmé Allemands, se référant à la perception de la KfW. L'Agence pourra faire valoir une expérience de 200 ans dans le développement, l'industrialisation et la mise en place de services sociaux en France. Elle pourra mobiliser des compétences dans ces domaines et, en plus, apporter des financements sous forme d'aide publique au développement. Dans ce cas-là, on ne vient pas seulement pour vendre des hélicoptères, encore que ce ne soit pas une tâche ignoble, loin s'en faut. (Sourires.)

Monsieur Vauzelle, vous vous inquiétez pour CEFEB. Pour ma part, je pense qu'il y a un très beau projet à monter entre la CDC – qui n'a pas d'outil de formation interne –, l'AFD, l'Institut de recherche pour le développement (IRD) et le CEFEB. Les deux premières sont à Paris, les deux derniers sont à Marseille, mais l'IRD possède aussi à Bondy un campus qui héberge notamment Bond'innov, un incubateur de projets innovants. Bpifrance peut, quant à elle, donner un accès à la french tech et à tout ce milieu d'innovateurs. Avec toutes ces compétences réparties en deux pôles, il est possible de monter un projet qui soit dans l'intérêt commun et aussi dans l'intérêt de la ville de Marseille. Aux inventeurs de nouvelles technologies et applications, il serait possible de proposer des marchés dans les pays en développement. Uber pose des problèmes en France ; Uber, BlaBlaCar et autres n'en poseraient peut-être pas, ou moins, à Abidjan. Dans les pays en développement, le saut technologique permet souvent d'apporter aux gens des services qui n'existent pas. Les agences de développement et des structures telles que Proparco doivent se tourner vers ces innovateurs et leur demander de réfléchir – pas de façon désintéressée parce que des marchés apparaissent au sud – à l'implantation de leurs technologies dans ces pays.

M. Bui a posé la question du contrôle de Proparco. J'ai entendu le message et je vois qu'il y a un sujet sur lequel nous allons travailler. La réforme nous offre cette occasion.

L'Afrique du Nord et l'Afrique subsaharienne ne reçoivent pas que des dons, fort heureusement. On peut et on doit y faire des prêts, y apporter des garanties et des fonds propres, notamment au fur et à mesure que le secteur privé se développe. La part de dons est probablement plus élevée, mais ces zones géographiques s'ouvrent aussi aux autres instruments financiers.

M. Chauveau a insisté sur le lien avec les collectivités territoriales. Je suis convaincu qu'il y a les relations d'État à État mais qu'il y a d'autres influences sur la politique de développement. Les élus peuvent parler aux élus et se dirent des choses que les Gouvernements ne peuvent pas se dire, que ce soit dans une logique de développement, d'influence, de diplomatie économique. C'est une valeur ajoutée et un avantage comparatif de la coopération française. Quant aux dispositifs, ils sont un peu éclatés. La réforme offre l'opportunité de les repenser et de les mettre dans une institution qui va s'en trouver modifiée. L'AFD n'a pas toujours été assez proche de ces initiatives et il faut y remédier.

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