Intervention de Patrick Bloche

Séance en hémicycle du 21 mars 2016 à 16h00
Création architecture et patrimoine — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Bloche, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, qu’il me soit permis, avant tout, de rendre hommage à deux grands parlementaires qui ont tant contribué par leur engagement, souvent militant, à la grande loi pour la culture qui nous mobilise à nouveau aujourd’hui dans cet hémicycle : Jack Ralite et Yves Dauge.

Notre Assemblée est donc saisie, en deuxième lecture, du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, qui a été adopté par le Sénat le 1ermars dernier. L’apport du Sénat à ce projet de loi s’est traduit par l’adoption de trente-sept nouveaux articles, dénotant une volonté réelle d’enrichissement du texte. Loin de s’opposer, sur chaque sujet, au travail réalisé par notre commission puis par notre Assemblée, le Sénat a adopté conformes trente articles, notamment l’article 1er relatif à la liberté de création. Il a apporté des modifications, souvent substantielles, à cinquante-cinq articles adoptés par notre Assemblée, dont certaines ont été conservées par notre commission quand d’autres ont nécessité des ajustements.

S’agissant des articles relatifs à la création artistique, la commission a, en premier lieu, simplifié la rédaction de l’article 1er bis relatif à la liberté de diffusion de la création artistique, sur le modèle de l’article 1er, et réécrit l’article 2 définissant les objectifs de la politique de service public en faveur de la création artistique, afin de retenir les apports déterminants des deux chambres. L’article 3, relatif à la politique de labellisation de structures dans les domaines du spectacle vivant et des arts plastiques, a été réécrit par un amendement du Gouvernement consistant très largement en un retour aux équilibres retenus par l’Assemblée nationale en première lecture, tout en reprenant certains apports du Sénat, notamment les précisions relatives au rôle des instances de gouvernance des structures dans le choix de leur dirigeant ou de leur dirigeante.

La commission a par ailleurs rétabli deux articles supprimés par le Sénat – l’article 3 bis et l’article 4 B –, qui prévoyaient la production de rapports, l’un relatif à l’étude du dispositif dit de « 1 % travaux publics », l’autre à la mise en oeuvre de l’ordonnance du 12 novembre 2014 sur le contrat d’édition.

En matière musicale, la commission a adopté à l’article 5 un amendement de Mme Isabelle Attard revenant à la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture qui permettait d’associer les musiciens d’accompagnement aux résultats des exploitations non prévues et non prévisibles de leurs enregistrements. L’article 6 bis A, relatif à l’Observatoire de l’économie de la musique, a été réécrit à l’initiative du Gouvernement pour tenir compte des engagements pris dans le cadre de la signature du protocole dit « Schwartz ». L’article 6 bis, supprimé par le Sénat, a été réintroduit à l’initiative conjointe du Gouvernement et de Mme Isabelle Attard : il étend, au nom de la neutralité technologique, la licence légale aux radios diffusées en ligne en flux continu – couramment appelées « webradios ». Enfin, la rédaction de l’article 7, instituant un médiateur de la musique, a été modifiée par un amendement que j’ai présenté, sous-amendé par Mme Annie Genevard, afin de revenir aux équilibres du texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture, tout en retenant l’articulation avec les compétences des autres instances de conciliation, introduite par le Sénat.

À l’article 8, relatif à l’exploitation des oeuvres cinématographiques, cinq amendements du Gouvernement ont été adoptés pour clarifier les obligations du producteur dans la transmission des comptes de production et préciser le contenu des comptes d’exploitation ; des amendements analogues ont été adoptés à l’article 9 quater s’agissant de l’exploitation des oeuvres audiovisuelles.

À l’article 16, relatif à l’observation du spectacle vivant, la commission a adopté quatre amendements du Gouvernement revenant à la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture, tout en introduisant la possibilité pour le ministère de la culture de conclure une convention avec ses établissements publics ou les sociétés de perception et de répartition des droits, SPRD, afin de mettre à leur disposition certaines des données visées par l’article.

En matière de propriété intellectuelle, la commission a adopté un amendement du Gouvernement rétablissant à l’article 7 bis, relatif à la composition de la commission de la copie privée, le « pôle public » que l’Assemblée nationale avait adopté en première lecture, tout en soumettant le président de la commission à l’obligation de communiquer une déclaration d’intérêts, comme l’avait souhaité le Sénat en première lecture. En matière d’études d’usage – article 7 ter –, j’ai souhaité revenir au texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture.

À l’article 7 bis AA, la commission a adopté un amendement de rédaction globale proposé par M. Marcel Rogemont, encadrant le versement de la rémunération pour copie privée par les services d’enregistrement numérique à distance recourant à l’« informatique dans le nuage ».

À l’article 7 quater, relatif à l’utilisation des 25 % de la rémunération pour copie privée affectés au financement d’actions artistiques et culturelles, la commission a repris le texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture, tout en retenant l’obligation, introduite par le Sénat, de rendre public le nom des bénéficiaires des aides accordées – comme c’est le cas pour la réserve parlementaire.

La commission a par ailleurs décidé de supprimer, à l’initiative du Gouvernement, de Mme Isabelle Attard et de M. Lionel Tardy, l’article 10 quater qui créait un mécanisme de rémunération des photographes et plasticiens dont les oeuvres sont référencées et utilisées, sans autorisation préalable, par les moteurs de recherche sur internet ; consciente de l’importance de légiférer sur ce point, elle n’a néanmoins pas souhaité que demeure dans le présent projet de loi une disposition sur laquelle nous avons convenu devoir retravailler.

En matière d’emploi artistique, la commission a adopté un amendement de Mme Marie-George Buffet à l’article 14, complétant la liste des artistes du spectacle par la profession de réalisateur. Elle a par ailleurs réécrit l’article 14 D afin de définir une qualité de « salariés des métiers d’art » ne remettant pas en cause le caractère indépendant de l’activité des artisans ; je vous proposerai une nouvelle rédaction répondant, je l’espère, plus parfaitement à l’objectif visé. La commission a par ailleurs supprimé, à titre conservatoire, les quatre articles introduits par la commission de la culture du Sénat en matière de production audiovisuelle – articles 10 quinquies à 10 octies – afin de ne pas perturber les négociations en cours entre les acteurs concernés.

S’agissant de l’enseignement artistique spécialisé et de l’enseignement supérieur de la création artistique et de l’architecture, la commission a supprimé le rôle de chef de file de la région sur la question des conservatoires. Son rôle est néanmoins reconnu dans l’organisation et le financement des classes préparatoires. Pour ce qui est des écoles d’architecture, la commission a rétabli plusieurs missions supprimées par le Sénat, dont leur participation aux écoles doctorales. En matière de droits d’auteur à nouveau, le Sénat avait souhaité permettre le legs du droit de suite, aujourd’hui prohibé, aux seuls musées de France et associations et fondations culturelles. Estimant qu’une réécriture était souhaitable au regard de notre Constitution, la commission a adopté un amendement permettant aux auteurs des arts graphiques et plastiques de léguer leur droit de suite à toutes les personnes qu’ils souhaitent. Je remercie également le Gouvernement d’avoir repris dans son amendement ma proposition d’introduire la possibilité que le droit de suite en déshérence puisse alimenter la prise en charge d’une fraction des cotisations dues par les auteurs des arts graphiques et plastiques au titre de la retraite complémentaire.

Dans le domaine du patrimoine culturel, force est de constater que le consensus qui a pu émerger sur d’autres sujets a été rompu à propos de l’archéologie préventive, le Sénat ayant modifié radicalement les dispositions de l’article 20. C’est donc en toute logique qu’à l’initiative de Mme Martine Faure, la commission est revenue, sur plusieurs points, à l’esprit du texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture, tout en y apportant des améliorations. Ainsi, des possibilités de dérogation à la spécialité territoriale ont été prévues pour l’habilitation dont bénéficieront les services archéologiques des collectivités territoriales. Le contrôle scientifique et technique de l’État sur la mise en oeuvre des opérations de fouilles a été rétabli, moyennant deux évolutions : le contrôle préalable des offres donnera lieu à une évaluation et non plus à une notation, et le recours à la sous-traitance sera soumis à une déclaration préalable et limité aux prestations à caractère scientifique. Enfin, les dépenses engagées au titre de fouilles archéologiques ont de nouveau été exclues du champ d’application du crédit d’impôt recherche.

En ce qui concerne les dispositions relatives au patrimoine bâti, la commission a apporté certaines modifications au texte issu du Sénat, sans en bouleverser les principaux apports. Le serment de Figeac a été respecté, madame la ministre !

En matière d’architecture, la commission a estimé nécessaire de rétablir les articles que notre Assemblée avait adoptés en première lecture, et que le Sénat n’avait pas souhaité faire siens. Elle a ainsi rétabli les articles 26 bis, relatif au dispositif dit de « 1 % artistique » et 26 quaterdecies, sur les marchés de conception-réalisation, exploitation ou maintenance – CREM. Elle a modifié, à l’initiative du Gouvernement, l’article 26 quater, afin de rétablir le recours explicite à l’architecte dans le cadre des demandes de permis d’aménager relatives à des lotissements. La commission a en outre rétabli l’article 26 sexies relatif au concours d’architecture, en y incluant les maîtres d’ouvrage privés et en indiquant explicitement que les maîtres d’ouvrage soumis à la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’oeuvre privée – dite loi MOP – devaient recourir à la procédure de concours, dans des conditions fixées par décret. La commission a souhaité rétablir l’article 26 duodecies afin de permettre aux autorités compétentes pour délivrer les permis de construire de déroger aux conditions et délais fixés par un décret en Conseil d’État lorsqu’un architecte a élaboré le projet architectural sans obligation légale.

La commission a par ailleurs rétabli les ordonnances prévues aux articles 28 et 30, dans un champ toutefois restreint pour la seconde. Elle a également jugé opportun de modifier les dispositions de l’article 33 bis A, relatif à l’installation d’éoliennes, afin de substituer à l’avis conforme de l’architecte des bâtiments de France un avis simple de la commission régionale du patrimoine et de l’architecture ; nous reviendrons sans doute à cette question dans le débat. Enfin, à l’article 40, la commission a adopté un amendement assurant une entrée en vigueur différée des dispositions de l’article 33 du projet de loi relatives à la publicité aux abords des monuments historiques.

Je souhaite remercier nos collègues de la commission pour l’esprit de consensus qui a animé nos réunions la semaine dernière, nous amenant à adopter des amendements venant de tous les groupes politiques. J’espère vivement – et je suis sûr – que le même esprit régnera également sur tous ces bancs durant les trois jours à venir.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion