Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président et rapporteur, mes chers collègues, c’est un étrange destin que celui de cette loi relative à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine. Promise avant sa conception comme une grande loi sur la culture, et même comme « la » grande loi attendue par les milieux culturels, elle s’avère dépourvue de cohérence d’ensemble et s’apparente à un catalogue. Certains ont même ironisé en la disant plus large que grande, parce qu’elle ne constitue pas un texte fondamental d’orientation et que, très souvent, les détails en affadissent le sens.
Annoncée comme symbolique du nouveau quinquennat, elle a beaucoup tardé à venir. Enfin présentée à notre assemblée par une deuxième ministre de la culture, elle revient en deuxième lecture avec une troisième ministre, après de profondes modifications au Sénat. Notons d’ailleurs que certaines de ces modifications, acceptées par le Gouvernement au Sénat, reprenaient les termes d’amendements de mon groupe refusés à l’Assemblée.
Je veux dire quelques mots sur l’examen en commission de ce texte largement réécrit. Beaucoup d’amendements du Gouvernement et du rapporteur, découverts tardivement, ne paraissent pas forcément aboutis. Ainsi, à l’article 11 ter, un amendement de dernière minute pose question quant à la clarté de l’évolution proposée. On a même voté des amendements indiquant qu’un travail ultérieur de mise au point serait nécessaire. Il a fallu toute l’expertise et la diplomatie de notre président et rapporteur Patrick Bloche pour contourner ces écueils.
Sur le fond, madame la ministre, nous nous réjouissons avec vous de l’affirmation de la liberté de création comme principe fondamental : vous l’avez dite consacrée, sacralisée, mais avec les limites de toute liberté.
La pratique amateur est également inscrite dans le projet de loi, sans préjudice pour les professionnels. Sont ainsi confortés 12 millions de pratiquants, acteurs de culture individuelle ou collective.
De même, la définition du patrimoine sera complétée, au sein du code du patrimoine, par la notion de « patrimoine immatériel ». De fait, les savoir-faire et les pratiques contribuent à une expression culturelle.
Deux mesures avaient suscité de longs débats et une forte opposition de notre groupe. Avec le médiateur de la musique, en premier lieu, vous entendez créer une nouvelle autorité administrative aux missions extrêmement larges et dont la place mériterait d’être plus claire ; aussi notre groupe a-t-il déposé un amendement pour mieux articuler ses missions avec celles de l’autorité de la concurrence.
Seconde mesure : la protection du patrimoine. En ce domaine, le plan de valorisation de l’architecture et du patrimoine assurera-t-il un niveau de protection suffisant ? D’autre part, des inquiétudes demeurent en raison du transfert aux intercommunalités de la compétence relative à l’urbanisme.
Vous avez dit, madame la ministre, que cette loi était de clarification et de protection. Cependant la mise en oeuvre de plusieurs de ses dispositions reste incertaine, qu’il s’agisse de la défense et du financement du patrimoine, de la diversité des titres francophones diffusés au titre des quotas radio ou de la responsabilité de l’État et des collectivités dans l’enseignement artistique.
Je terminerai par quelques points de réflexion. La juste rémunération des créateurs, à l’heure du numérique, reste difficile à assurer, s’agissant par exemple de l’exploitation des oeuvres d’art visuelles. On peut aussi craindre que les dispositions relatives à l’archéologie préventive privilégient l’INRAP au détriment des services territoriaux et des opérateurs privés, alors que notre collègue Martine Faure, dans son rapport, s’engageait pour une politique publique équilibrée – et apaisée, avais-je compris – en ce domaine.
On peut enfin relever des mesures positives sur la qualité architecturale et sur la profession d’architecte ; elles font écho au rapport de la mission d’information sur la création architecturale, mais le travail doit se poursuivre avec tous les acteurs concernés, parmi lesquels les collectivités.