Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, protéger, tel est le but de ce projet de loi relatif à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine, qui nous réunit pour son examen en deuxième lecture.
Si protéger est l’objectif de toute loi, celle-ci a la particularité d’embrasser des champs culturels divers dont nous pouvons être fiers et qui requièrent une attention pleine d’acuité, ouverte et garante de liberté. Nous devons, ici et maintenant, nous montrer constructifs et efficaces afin de mener à bien, dans un délai proche, l’adoption de ce projet de loi.
Henri-François d’Aguesseau dans ses Mercuriales écrivait : « L’esprit le plus pénétrant a besoin du secours du temps pour s’assurer, par ses secondes pensées, de la justice des premières ». Les travaux conduits par nos deux assemblées nous ont permis ce recul.
Les sénateurs ont, rappelons-le, voté trente articles conformes à ceux adoptés en première lecture. Parmi les dispositions qui y figurent et qui nous rassemblent, citons les précisions relatives aux conditions d’emploi des artistes du spectacle vivant par les collectivités territoriales, la consécration des fonds régionaux d’art contemporain ou encore les mesures relatives aux conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement.
Nos travaux en commission, dans le cadre de la deuxième lecture par notre assemblée, ont également permis de revenir sur certains articles, de les rétablir ou de les améliorer.
Pour aborder l’ensemble de ce texte, tel qu’il a été adopté par la commission en vue de cette séance – et après, donc, moult consécrations, rectificatifs, remaniements et réintroductions –, je souhaite m’exprimer sur plusieurs points.
En premier lieu, je me réjouis de ce que les articles 1er et 1er bis prévoient que la création artistique, de même que sa diffusion, sont libres. Dans la période troublée que nous traversons, et à l’heure où la liberté en matière culturelle est dramatiquement attaquée, cette affirmation prend tout son sens. Nous sommes un certain nombre à l’avoir dit ici, mais le répéter est nécessaire.
Ces deux principes sont, par ailleurs, renforcés par l’article 2. Celui-ci réaffirme le soutien aux acteurs de la création artistique par une politique de service public sur l’ensemble du territoire et précise, s’agissant de l’accès à la création artistique, la notion d’équité, tant pour nos territoires que pour nos concitoyens.
Il garantit, en outre, la diversité de la création et des expressions culturelles – musique, théâtre, danse, cirque, marionnettes – et affirme la volonté d’accompagner et de soutenir les créateurs et les artistes sur le plan économique. Il précise le rôle et les obligations des établissements supérieurs d’art, en mettant en avant leur engagement en matière de création artistique.
Je m’arrête un instant sur une notion très opportunément réintroduite la semaine dernière par notre commission, alors que nos collègues sénateurs l’avaient quelque peu malmenée : il s’agit de la reconnaissance des activités pratiquées par les artistes amateurs. Amateur : un bien joli mot qui signifie « qui aime ». Il s’agit là d’une reconnaissance fondamentale pour les quelque douze millions de praticiens amateurs que compte notre pays.
Enfin, l’article 2 a marqué une réelle avancée en garantissant la transparence en matière d’attribution des subventions publiques à la création artistique. Autre point positif, l’article 3 bis, rétabli en commission, qui prévoit la mise en place d’un dispositif permettant à l’État, aux collectivités territoriales et à leurs groupements de consacrer 1 % du coût des opérations de travaux publics au soutien de projets artistiques et culturels dans l’espace public.
Le médiateur de la musique, quant à lui, sera le garant des relations entre les artistes-interprètes, les producteurs de phonogrammes, les producteurs de spectacles et les éditeurs de services de musique en ligne.
Concernant l’instauration des quotas permettant une juste répartition des titres francophones diffusés sur les radios, dans le souci de soutenir les artistes émergents, nous avions déposé en commission plusieurs amendements différents, notamment sur les dérogations. Nous avons décidé d’attendre un amendement consensuel tenant compte des diverses propositions, que le Gouvernement présentera lors de nos débats.
Il convient à présent de souligner l’apport des sénateurs sur plusieurs points.
Le texte a été enrichi en particulier sur la sécurisation juridique de la situation des auteurs, la reconnaissance des salariés des métiers d’art, le subventionnement des petites salles de cinéma par les EPCI. Il en est de même de la protection du patrimoine hydraulique, à savoir les moulins, qui permet la préservation de l’environnement patrimonial pour les installations d’éoliennes. Autant de facteurs qui répondent à des besoins réels exprimés par le monde culturel.
Nos collègues du Sénat ont en outre introduit un article 10 nonies, qui prévoit qu’un auteur peut léguer le droit de suite attaché à son oeuvre.
Plusieurs amendements ont été déposés en commission pour permettre aux auteurs ou à leurs ayants droit de léguer leurs oeuvres à des fondations ou des musées, disposition qui a été étendue à toute personne pouvant en assurer une préservation attentive.
A été introduit de plus par amendement de notre rapporteur un mécanisme permettant de financer par le droit de suite vacant une partie du régime de retraite complémentaire des auteurs des arts graphiques et plastiques. Je souscris bien entendu à cette précision.
Le volet de l’archéologie préventive, lui, n’a pas suscité, semble-t-il les mêmes interrogations. Nos travaux en commission la semaine dernière ont permis de rétablir les dispositions initialement adoptées en première lecture à l’Assemblée nationale.
Je tiens à ce propos à souligner ici le rôle fondamental de l’INRAP dans l’étude pointue des données scientifiques. Vu ce rôle et eu égard sa qualité de service public, il est nécessaire de lui conserver ses prérogatives.
Dans le même temps, je souhaite saluer la compétence de nos services archéologiques de collectivités territoriales, qui remplissent un rôle pédagogique vertueux dans la diffusion des aboutissements des recherches auprès du public local, je peux en témoigner à Lyon.
Le groupe RRDP est, de manière inconditionnelle, un fervent défenseur du cadre spécifique du crédit d’impôt recherche. Celui-ci doit en effet garder sa vocation et ne pas être utilisé avec opportunité par certains opérateurs comme un subventionnement. Il doit demeurer un soutien aux efforts de recherche et de développement des entreprises.
Dès la première lecture, il nous paraissait essentiel de protéger le travail des opérateurs publics d’archéologie préventive en raison de la mission de service public dont ils sont investis et qui leur impose d’offrir des garanties en matière de qualité scientifique et de diffusion des savoirs.
Aussi, grâce aux amendements identiques du groupe RRDP et des groupes GDR et écologiste, avons-nous réintroduit lors de nos travaux en commission la semaine dernière le non-octroi du crédit d’impôt recherche pour les opérations de fouilles archéologiques, à la faveur d’un avis extrêmement favorable de notre collègue rapporteur, ce dont je me félicite évidemment.
L’article 20 bis du projet de loi rétablit un équilibre financier indispensable entre acteurs publics, qui ne pouvaient en raison de leur statut bénéficier du CIR, et opérateurs privés, à qui le CIR pouvait être attribué.
Grâce à cet équilibre, le choix de l’opérateur et des équipes de recherche archéologiques préventives pourra être fondé sur des critères strictement scientifiques. Il s’agit non pas de déstabiliser les sociétés privées ni de méjuger leurs travaux, mais de ne pas avoir, par un système inégalitaire, un impact les coûts et ainsi fausser le marché.
Dans un contexte économique où le moins-disant financier sort le plus souvent gagnant des appels d’offres, il existait un risque réel de dispersion croissante des données archéologiques récoltées.
Indéniablement, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui constitue une véritable avancée pour la création, la diffusion culturelle et le patrimoine.
Enfin, et parce que « l’essentiel est invisible pour les yeux », je voudrais, à l’instar du Petit Prince de Saint-Exupéry, me réjouir de ce qu’ait été préservée au cours de la navette parlementaire la reconnaissance du patrimoine culturel immatériel.
Le présent projet de loi contient désormais cette notion essentielle qu’est le patrimoine immatériel, c’est-à-dire la reconnaissance de savoir-faire, de traditions orales et de pratiques sociales porteuses d’identités locales ou nationales.
Ce patrimoine, bien qu’immatériel, et parfois non physiquement figuré, est vivant, intégré à notre vie quotidienne, passée, présente et à venir. Il y a par ailleurs des enjeux économiques, touristiques ou environnementaux.
Vous l’aurez compris, madame la ministre, monsieur le rapporteur, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste n’a qu’un seul objectif, oeuvrer pour enrichir un texte déjà fort, porteur d’espoir pour une culture libre, partagée, diverse, égalitaire pour nos concitoyens et protégée pour le rayonnement de notre pays.