Intervention de Isabelle Attard

Séance en hémicycle du 21 mars 2016 à 16h00
Création architecture et patrimoine — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Attard :

« Après le tournant libéral de 1983, la Culture majuscule réduite aux beaux-arts devient l’étendard d’un Parti socialiste qui, sur le plan économique, ne se distingue plus guère dès lors qu’il se résigne à faire le « sale boulot » de la droite.

« Ce type de " culture " a remplacé la politique parce que la fonction du " culturel " est précisément de tuer le politique. Dépolitisée, réduite à l’esthétique, une culture n’est ni meilleure ni pire qu’une autre culture : elle est " différente ". Le politique est l’affirmation d’un jugement de valeur. Le " culturel " est son anéantissement et la mise en équivalence généralisée sous l’empire du signe. La condamnation des violences faites aux femmes – l’excision, par exemple – est un geste politique : elle affirme qu’une société qui décrète l’égalité des hommes et des femmes est une société meilleure qu’une société qui ne la décrète pas. La tolérance de l’excision est en revanche " culturelle " : elle revendique la reconnaissance d’une culture, qu’une autre culture ne peut juger de l’" extérieur ".

« Il y a désormais en France une culture officielle, une esthétique certifiée conforme, celle des scènes nationales de théâtre, par exemple, aux mises en scène interchangeables. Elle vise paradoxalement à manifester en tous lieux la liberté d’expression, pour peu que celle-ci ne désigne aucun rapport social réel, n’entraîne aucune conséquence fâcheuse et soit littéralement sans objet.

« En même temps qu’il dépolitise, l’entretien du culte de la " culture " contribue à domestiquer les classes moyennes cultivées en réaffirmant la frontière qui les sépare des classes populaires.

« En 2002, l’association pour la taxation des transactions pour l’aide aux citoyens – Attac –, fondée quatre ans plus tôt, obtenait son agrément en tant qu’association nationale de jeunesse et d’éducation populaire. Et, soudain, un contraste apparaissait : si Attac fait de l’éducation populaire en informant sur l’économie, en expliquant les inégalités et en proposant des moyens d’y remédier, alors que font les autres ? »

Chers collègues, je ne suis pas étonnée, à la lumière de ce brillant rappel par Franck Lepage de l’histoire du ministère de la culture, qu’on en arrive à des aberrations telles que l’article relatif à l’implantation des éoliennes : on invoque un prétexte culturel pour empêcher la nécessaire transition énergétique. En l’état, ce projet de loi remet en cause 99 % des projets éoliens de France, alors même que ce Gouvernement s’auto-félicitait des résultats de la COP21, et prenait des engagements solennels en faveur des énergies renouvelables. Chers collègues, il n’est pas possible de voter une telle régression. J’espère que nous saurons ouvrir les yeux avant qu’il ne soit trop tard. À lui seul, et malgré les nombreuses et nécessaires avancées dues au travail parlementaire, ce point remet en question le vote final du groupe écologiste.

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