Intervention de Hervé Féron

Séance en hémicycle du 21 mars 2016 à 16h00
Création architecture et patrimoine — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Féron :

Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, « La culture », disait André Malraux en 1966 est un « enjeu de civilisation ». Il disait aussi que « La culture ne s’hérite pas, elle se conquiert ». À un moment où les obscurantistes s’attaquent à nos valeurs et saccagent les oeuvres d’art, ces mots résonnent plus que jamais dans l’actualité, rendant ce projet de loi nécessaire et essentiel.

Ce texte érige en grand principe la création artistique, qu’il s’agisse du théâtre, de la danse, de la musique, de la littérature, de l’art contemporain jusqu’à l’art floral. Or, la création est indispensable à l’acceptation de soi et des autres, à la construction d’une réflexion permettant de nous interroger sur nos certitudes et de nous bousculer dans nos conventions, à l’acquisition d’une distance critique nécessaire pour déconstruire les discours simplificateurs et caricaturaux.

C’est encore André Malraux, qui disait : « La Culture, c’est ce qui répond à l’homme quand il se demande ce qu’il fait sur la terre. »

Ce texte tend à « sanctuariser la liberté de création », mais pas seulement. De l’art plastique à l’architecture, en passant par l’archéologie ou les quotas à la radio, nous avons abordé de nombreux sujets au fil de ses quarante-six articles.

Vous savez, madame la ministre, que le groupe socialiste s’est fortement engagé pour favoriser l’accès à une offre culturelle diverse, ce qui suppose une diffusion suffisamment variée à la radio, en mettant l’accent sur la francophonie et les nouveaux talents. Nous avons bien compris votre argumentation autour des quotas, l’article 11 ter ayant été modifié en commission sur proposition du Gouvernement afin de prévoir un allégement de 5 % en contrepartie d’engagements sur la diversité. Nous avons néanmoins pensé nécessaire de préciser que la diffusion d’oeuvres francophones devra se faire à des heures de grande écoute afin d’éviter que certaines radios commerciales ne contournent leurs obligations légales en diffusant les nouveaux talents à des heures tardives, les privant ainsi de rencontrer leur public. Nous vous présenterons un amendement dans ce sens au cours de la discussion.

Un autre sujet que vous connaissez bien est celui de la gestion collective des droits des artistes-interprètes. Demande de longue date des sociétés représentant majoritairement les artistes-interprètes – SPEDIDAM et ADAMI –, la gestion collective des droits tirés du « streaming musical » apparaît comme une nécessité. À ce jour en effet, la quasi-totalité des artistes-interprètes ne reçoit aucune rémunération pour ces exploitations, contraints de céder leurs droits aux producteurs pour une rémunération forfaitaire et définitive ou, pour une petite minorité d’entre eux – les artistes les plus populaires –, en contrepartie du paiement de « royalties » reçues des producteurs sans garantie d’équité ou de transparence. J’espère que cette deuxième lecture nous permettra d’aborder ce sujet.

Permettez-moi aussi une petite digression, qui se trouve toutefois en lien avec l’objet du texte dont nous discutons aujourd’hui. Vous avez déclaré il y a deux jours à peine vouloir veiller à ce que les conditions d’emploi et de protection sociale soient garanties pour les artistes et les techniciens du spectacle. Bien que ce ne soit pas l’objet direct du présent projet de loi, je me réjouis de ces annonces concernant le régime des intermittents du spectacle. Ceux-ci sont en effet, comme vous le dites, « la clé de voûte de notre modèle de création ». Nous attendons avec grand intérêt que vous nous en disiez plus, et je puis vous assurer du soutien des députés du groupe socialiste, républicain et citoyen sur ce point essentiel.

Madame la ministre, nous sommes fiers de poursuivre le combat pour la culture après les événements terribles que nous avons connus en 2015, à l’heure où il nous faut retrouver des solidarités pour répondre à la crise multiple et internationale que nous traversons. Au-delà du buzz, la présence de l’artiste chinois Ai Weiwei et de l’acteur britannique Jude Law en soutien aux migrants à Calais en est l’une des preuves les plus récentes : art et engagement ne sont pas incompatibles. Au contraire des partisans de l’« art pour l’art » au XIXe siècle, je suis même persuadé qu’ils s’irriguent l’un l’autre. Ce projet de loi et toutes les dernières actualités sont de formidables occasions de le rappeler.

Enfin, au-delà des grands principes, l’action ne peut exister pleinement qu’avec des moyens dignes de ce nom. Si nous nous réjouissons que le budget du ministère de la culture ait été augmenté cette année encore, il faudra continuer de s’assurer qu’il soit suffisant pour permettre la mise en oeuvre réussie de nos politiques culturelles. C’est à ce prix, ainsi qu’en ravivant le lien État-collectivités qui nous permet de faire vivre la culture sur nos territoires, que nous préserverons la force de notre modèle unique dans le monde.

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