Intervention de Bernard Pêcheur

Réunion du 2 mars 2016 à 16h00
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Bernard Pêcheur, président de section au Conseil d'état :

Je crois que l'on a progressé dans les processus de nominations. Le législateur a d'abord contraint l'autorité de nomination à élargir le vivier du recrutement car la loi dite ANT (agents non titulaires) du 12 mars 2012, en modifiant l'article 6 quater de la loi du 13 juillet 1983, lui a fixé un seuil de femmes comme objectif à atteindre en matière de parité, s'établissant d'abord à 30 %, puis aujourd'hui à 40 %. Cette contrainte, puisqu'elle a été vécue comme telle dans certains corps, a été vertueuse. Elle a conduit les administrations à chercher dans d'autres viviers qu'elle ne le faisait et à s'interroger sur le parcours type.

Qu'il s'agisse de la carrière militaire ou de la carrière civile, une carrière dans la haute fonction publique s'apparente à un parcours d'obstacles. Malheur à qui sort de la trajectoire, pour s'arrêter par exemple deux ans pour élever un enfant ! C'est, selon l'expression consacrée, « passer son tour ». Certes, cela vaut tant pour les hommes que pour les femmes, mais force est de constater que ces dernières sont plus nombreuses à le faire. Aussi les administrations ont-elles dû s'interroger sur la vision normative implicite qui était la leur et qui, conçue par des hommes et pour des hommes, aboutissait, en pratique, à un renouvellement homothétique de leur personnel. Tel fut l'effet vertueux de la loi du 12 mars 2012.

Elle a révélé que les viviers de femmes sont suffisamment larges et étoffés pour effectuer les nominations requises, à condition que les critères implicites et peu vertueux qui prévalaient jusqu'alors soient revus et ne servent plus de base à une quelconque exclusion.

À cela s'est ajoutée la circulaire du 3 mai 2013. À partir du moment où le secrétariat général du Gouvernement s'est doté d'un haut fonctionnaire chargé de la politique de l'encadrement supérieur, des travaux ont en effet été menés à ce niveau qui visait à objectiver certains processus de nomination, notamment les plus délicats d'entre eux, c'est-à-dire les processus de nomination aux emplois dits à la discrétion du Gouvernement, soit environ 550 dirigeants de l'État. Malgré la nature de ces emplois, la circulaire du 3 mai 2013 s'essaye – et je crois que le processus est assez vertueux et qu'elle est observée dans la plupart des cas – à assurer que le président de la République reçoive au moins trois propositions pour chaque nomination envisagée.

Ces propositions émanent des ministres ou du premier ministre, mais sont passées en revue par le secrétariat général du Gouvernement, qui s'interroge pour savoir si ces nominations s'inscrivent dans un processus plus ouvert que dans le passé, à partir d'un vivier lui-même plus ouvert, puisqu'il existe désormais un vivier interministériel de cadres à haut potentiel. Le secrétariat général du Gouvernement peut y puiser des candidatures visant à challenger les candidatures proposées par le ministre. Pour certains secrétariats généraux de ministères, l'on est ainsi allé plus loin que le vivier traditionnel,

Tant l'idée d'un vivier interministériel que celle des trois propositions au président de la République me semblent donc une bonne chose. N'allons toutefois pas trop loin non plus, en élargissant trop la procédure, par exemple en introduisant des comités de sélection ou en définissant des mandats, car il convient de ne pas étouffer le Gouvernement et de préserver son pouvoir discrétionnaire et son autorité sur les hauts fonctionnaires. Mais il faut assurément élargir le champ qui lui est offert.

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