Intervention de Erwann Binet

Séance en hémicycle du 29 janvier 2013 à 15h00
Projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaErwann Binet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

…et une déchirure se surajoute alors au drame. Je dois exprimer mon extrême admiration pour les couples et les familles que la commission a rencontrés, pour la maturité et la sérénité avec lesquels ils envisagent leur avenir en ayant tous intégré un paramètre essentiel et très présent dans leur vie : en cas de drame, la loi n'est pas là pour les protéger et la société les délaissera.

Les stratégies les plus élaborées permettent de combler ce vide. Ainsi, il n'est pas rare, dans ces familles, de donner comme deuxième prénom à son enfant le patronyme du conjoint non reconnu par la loi, celui qu'on appelle le parent intentionnel. De même, il est courant que le parent légal alimente, au profit de son compagnon ou de sa compagne, un dossier qui accumule tout au long des années les traces du lien qui existe avec les enfants. Imaginons-nous un instant, chers collègues, à la place de ces couples : imaginons-nous mettre soigneusement de côté telle photo pour prouver une présence, tel cadeau de fête des pères pour prouver un lien d'affection, telle facture acquittée pour démontrer un soutien alimentaire, et tout cela dans une perspective qui se rappelle à vous chaque jour à chaque instant, celle de la séparation et de ses conséquences pour les enfants.

Le PACS a sans nul doute permis une meilleure acceptation de l'homosexualité dans la société, mais le cadre législatif du PACS ne permet pas d'assurer une sécurité et une protection juridique suffisantes aux projets de vie des couples homosexuels. D'ailleurs, c'est un contrat, qui relève à ce titre dans le code civil du droit contractuel, organisant la vie commune de deux personnes physiques majeures : il accorde essentiellement des droits sociaux et fiscaux aux deux contractants. Les conditions et les effets du PACS ne sont donc pas comparables avec ceux du mariage : il n'a aucune vocation successorale. Certes, il permet une attribution préférentielle du logement en cas de décès du conjoint, accorde quelques abattements fiscaux, facilite les mutations des fonctionnaires ou la prise simultanée de congés payés par les co-contractants, et offre donc des droits qui répondent aux besoins de la vie quotidienne d'un couple, mais ne reconnaît pas le désir d'union de ce couple. Il ne protégera pas les enfants du couple homosexuel en cas de séparation ou de décès car le PACS ne reconnaît pas la famille. Dès lors, même si nous nous réjouissons tous de l'unanimité que recueille sur tous les bancs le PACS aujourd'hui – je le dis vraiment sans malice –, il est clair que la nature de ses dispositions ne permet pas d'apporter une réponse juridique à la réalité des familles homoparentales.

Il nous faut apporter à ces couples et à leurs enfants, pour aujourd'hui et pour l'avenir, la stabilité et la protection à laquelle ils ont droit comme tout le monde. Il leur faut nécessairement bénéficier de la même reconnaissance par la société. Dans notre droit, ce qui apporte à un couple et à une famille la stabilité, la protection et la reconnaissance sociale, ce n'est pas un contrat, mais une union, une institution, et celle-ci s'appelle le mariage.

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