Intervention de Marie-Françoise Clergeau

Séance en hémicycle du 29 janvier 2013 à 15h00
Projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis :

Chacune des réformes du mariage civil depuis le XVIIIe siècle a marqué le progrès des libertés individuelles. Citons notamment l'instauration du divorce ou l'attribution de l'autorité parentale aux deux époux.

L'idée même que le mariage, la sexualité, la procréation et la filiation formaient un tout indissociable a connu de nombreuses remises en cause. Ce fut le cas avec la contraception, l'assistance médicale à la procréation, le développement du concubinage aujourd'hui majoritaire dans la société, l'instauration de l'adoption plénière ou encore la fin des différences de traitement entre enfants légitimes et enfants naturels.

Le mariage homosexuel marque ainsi une étape de plus dans un mouvement historique qui place le couple, la liberté de choix individuel et le sentiment amoureux au coeur du mariage.

Cette conception prétendument naturelle de la famille est bien éloignée de la réalité. La famille n'a pas de définition juridique. Elle est un phénomène social et sociologique. Elle est presque toujours un point d'ancrage et de sécurité, un soutien en temps de crise. Mais elle connaît des évolutions qui l'ont fait s'écarter du modèle unique représenté par un papa, une maman et des enfants. Aujourd'hui, la famille se conjugue au pluriel.

Il existe des couples sans projet d'enfant ; il existe des mariages tardifs sans enfant ; il existe des familles d'adoption, des familles à enfant unique, des familles monoparentales, recomposées, des familles hétéroparentales. Dans toutes ces familles, on peut rencontrer des enfants qui vont bien et d'autres en souffrance.

La différence sexuelle des parents et la capacité procréatrice n'ont jamais été des garanties de stabilité et d'épanouissement de l'enfant. Ce qui compte, c'est l'affection, les conditions de vie des parents, l'accès à l'éducation, à la santé et à un logement décent. Ce qui compte, c'est que les parents offrent à la fois des liens affectifs et des figures d'autorité. Les familles homoparentales connaissent également cette diversité. Mme Dominique Bertinotti a donc raison de revendiquer le titre de ministre des familles, le pluriel a toute son importance.

Ce qui me frappe depuis quelques semaines, c'est le décalage entre la société telle qu'elle existe et les opposants au projet qui ont choisi de porter des oeillères pour ne pas voir ce qu'ils refusent d'admettre. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Mais nier l'homosexualité, nier l'homoparentalité, nier cette aspiration légitime à l'égalité des droits ne sert à rien. L'égalité est en marche !

L'impossibilité juridique pour un enfant d'avoir deux parents de même sexe est en décalage avec la réalité. Les familles homoparentales se sont constituées d'abord en élevant des enfants issus de précédentes unions hétérosexuelles, puis, de plus en plus, avec des enfants conçus ou adoptés dans le cadre de projets homoparentaux. Il y a incontestablement un effet générationnel : les homosexuels parlent désormais de leur désir d'enfant et forment des projets parentaux. L'homoparentalité est devenue non seulement possible, mais réelle. Cependant, si de nombreux enfants sont élevés par deux personnes de même sexe, une seule des deux est leur parent au sens légal. C'est pourquoi il est nécessaire de sécuriser leur situation. C'est dans l'intérêt même de l'enfant.

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